Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No : 2022-06-01(C) DATE : 10 janvier 2023

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommage des particuliers M. Antoine El-Hage, courtier en assurance de dommages

Président Membre

Membre

Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages;

Partie plaignante c. DOMINIC DUCLOS, courtier en assurance de dommages;

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DES ASSURÉS ET DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT DE LES IDENTIFIER ET CONTENUS DANS LA PLAINTE ET AUX PIÈCES PS-1 À PS-27, LE TOUT AFIN DE PROTÉGER LEUR VIE PRIVÉE CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-46)

[1] Le 24 octobre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2022-06-01(C), par visioconférence;

[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Maryse Ali et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Alexis Falanga-Duchesneau;

I. [3]

La plainte L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant plusieurs chefs d’accusation, soit :

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Assurée I.L. 1. À Laval, entre les ou vers les 11 juin et 30 septembre 2021, a exercé ses activités de manière négligente et/ou n’a pas agi en conseiller consciencieux dans le cadre du mandat que l’assurée I. L. lui avait confié, soit de retirer un véhicule du contrat d’assurance automobile n o 028068933 émis par L’Unique assurances générales inc. et d’assurer un scooter, créant ainsi un découvert d’assurance, en contravention avec les articles 9, 26, 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. À Laval, entre les ou vers les 11 juin et 25 octobre 2021, dans le cadre de la demande de l’assurée I. L. de retirer un véhicule du contrat d’assurance automobile n o 028068933 émis par L’Unique assurances générales inc. et d’assurer un scooter, a été négligent dans sa tenue de dossier, en omettant de noter adéquatement les discussions tenues avec I. L. et différents représentants de Groupe Jetté Assurances inc., leur teneur, les conseils et explications donnés, les instructions reçues et les décisions prises, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

Assurée A.B. 3. À Laval, entre les ou vers les 25 août et 26 octobre 2021, dans le cadre de la souscription d’un contrat d’assurance automobile au nom de A. B., a exercé ses activités de manière négligente et/ou n’a pas agi en conseiller consciencieux, notamment en :

a) Ne décrivant pas à A.B. le produit d’assurance en relation avec ses besoins et en ne lui expliquant pas la garantie offerte;

b) Consignant dans le compu-quote des informations qu’il savait ou devait savoir inexactes;

c) Émettant une preuve d’assurance incomplète; d) Ne s’assurant pas que le contrat d’assurance soit émis, créant ainsi un découvert d’assurance;

en contravention avec les articles 9, 26, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[4] D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des infractions reprochées dans la plainte;

[5] II. [6]

Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction; Les faits Essentiellement, la preuve présentée par les parties a permis d’établir que l’intimé

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a fait preuve de négligence : En faisant défaut de retirer un véhicule du contrat d’assurance automobile émis en faveur de l’assurée I. L. et d’assurer un scooter, créant ainsi un découvert d’assurance (chef 1);

En faisant défaut de faire émettre un contrat d’assurance automobile en faveur de sa cliente A. B. (chef 3 d)) en plus de mal la conseiller (chef 3 a)) et d’être négligent dans l’exécution de son mandat (chef 3 b) et c));

[7] De plus, suivant la preuve, l’intimé a fait preuve de négligence dans sa tenue de dossier en omettant d’y inscrire plusieurs éléments (chef 2);

[8] De son côté, l’intimé a tenu à souligner que tout en reconnaissant la véracité des faits reprochés, il considérait important de préciser que le numéro de la police d’assurance était exact mais, malheureusement, cette police ne fut jamais émise;

[9] C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité devra déterminer le bien-fondé des sanctions suggérées par les parties;

III. Recommandations communes [10] Les parties d’un commun accord, suggèrent d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 : Une amende de 6000 $; Chef 2 : Une amende de 3000 $; Chef 3 : Une amende de 6000 $; Pour un total de 15000 $ [11] De plus, tous les déboursés du dossier seront à la charge de l’intimé; [12] Dans le cadre de leur recommandation commune, les parties ont considéré les facteurs aggravants suivants :

La gravité objective des infractions; L’expérience du courtier (plus de 20 ans); Le fait qu’il est dirigeant du cabinet; La durée des infractions;

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L’avis formel du syndic reçu auparavant par l’intimé (PS-26); Le découvert d’assurance créé par la négligence de l’intimé;

[13] Ils ont aussi considéré plusieurs circonstances atténuantes, dont les suivantes : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé; L’absence d’antécédents disciplinaires; Sa collaboration à l’enquête et au processus disciplinaires; Son absence de mauvaise foi ou d’intention malveillante; La vente de son portefeuille d’assurance des particuliers prévue pour le 30 novembre 2022;

L’absence de sinistre; [14] Cela dit, Me Ali a déposé une série de décisions démontrant que les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infractions, soit :

Chefs 1 et 3 : ChAD c. Bourassa, 2021 (CanLII) 20817; ChAD c. Duval, 2015 (CanLII) 34218; ChAD c. Chapleau, 2018 (CanLII) 103157; ChAD c. Brunelle, 2021 (CanLII) 28823; ChAD c. Marchand, 2018 (CanLII) 52183; ChAD c. Rigas, 2016 (CanLII) 53907; Chef 2 : ChAD c. Bernard, 2016 (CanLII) 87221; ChAD c. Bernard, 2017 (CanLII) 47418; ChAD c. Latreille, 2016 (CanLII) 4233; [15] Le procureur de la défense, Me Falanga-Duchesneau, a également produit plusieurs décisions pour soutenir la recommandation commune, soit :

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Chefs 1 et 3 : ChAD c. Pelletier, 2021 (CanLII) 29041; ChAD c. Daoust, 2017 (CanLII) 3835; ChAD c. Duval, 2015 (CanLII) 34218; ChAD c. Plante, 2014 (CanLII) 24914; Chef 2 : ChAD c. Savard, 2022 (CanLII) 38039; ChAD c. Bonin, 2018 (CanLII) 38257; ChAD c. Latreille, 2016 (CanLII) 4233; [16] Enfin, l’intimé demande un délai de paiement de 90 jours, le syndic adjoint n’a pas d’objection à l’encontre de celle-ci;

[17] Pour l’ensemble de ces motifs, les parties demandent au Comité d’entériner les sanctions suggérées;

IV. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [18] L’intimé, en enregistrant un plaidoyer de culpabilité, s’est trouvé à reconnaître que l’ensemble des faits reprochés constitue une faute déontologique 1 , sans qu’il soit nécessaire pour le syndic de faire une preuve plus élaborée 2;

[19] Cela dit, l’intimé fut reconnu coupable, séance tenante, des infractions reprochées aux chefs 1, 2 et 3a) à 3d) de la plainte;

B) La règle interdisant les condamnations multiples [20] Suivant l’arrêt Kineapple 3 , il n’est pas permis de condamner un intimé pour des actes intimement liés qui découlent tous de la même action répréhensible4 ;

[21] Plus récemment, le Tribunal des professions soulignait qu’il faut dorénavant donner

1 Castiglia c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 (CanLII), par. 28 ; 2 Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII), par. 20; 3 Kineapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC); 4 Monty c. Anderson, 2006 QCCA 595 (CanLII);

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une application beaucoup plus souple à cette règle, de la Cour d’appel6 ;

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5 prenant appui alors sur un jugement

[22] En résumé, il s’agit avant tout d’éviter la redondance dans les condamnations et dans la détermination de la peine 7 ;

[23] En l’espèce, les différentes fautes reprochées aux chefs 3a) à 3d) de la plainte résultent de la même action, soit la négligence commise par l’intimé dans le cadre de la souscription d’un contrat d’assurance automobile au nom de A. B.;

[24] D’ailleurs, dans un cas semblable, la Cour du Québec dans l’affaire Laurin c. Chauvin 8 a conclu qu’il y avait lieu d’appliquer la règle interdisant les condamnations multiples 9 ;

[25] Pour ces motifs, un arrêt conditionnel sera prononcé à l’encontre des chefs 3a), 3b) et 3c) pour ne garder que le chef le plus grave, soit le chef 3d), lequel concerne le découvert d’assurance représentant la conséquence directe de la négligence de l’intimé dans le cadre du mandat qui lui avait été confié par sa cliente;

C) La recommandation commune [26] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 10 , le Tribunal des professions rappelait aux divers comités de discipline que leur discrétion est plutôt limitée lorsqu’ils sont confrontés à une recommandation commune en matière de sanction;

[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook [4] , le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice [5] . La question pour le Tribunal en l’espèce n’est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l’était au point il fallait la rejeter [6] .

[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de

5 Psychologues c. Vallières, 2018 QCTP 121 (CanLII), par. 61 à 66; 6 Sarrazin c. R., 2018 QCCA 1065 (CanLII)  ; 7 J. B. c. R., 2019 QCCA 761 (CanLII), par. 16; 8 2006 QCCQ 6115 (CanLII); 9 Ibid, par. 62 à 72; 10 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal [7] .

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits [8] , le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties. Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée.

(caractères gras ajoutés)

[27] En définitive, un Comité de discipline ne peut intervenir que si la suggestion commune des parties :

1. déconsidère l’administration de la justice; ou 2. est contraire à l’intérêt public; [28] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 11 , soit :

La protection du public; La dissuasion du professionnel de récidiver; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession; [29] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 12;

11 12

2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42;

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[30] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 13 ;

[31] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 14 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 15 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties;

[32] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 16 ;

[33] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune;

[34] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier;

[35] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé; [36] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 17 et Duval 18 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1 à 3 et plus particulièrement comme suit :

Chef 1 :

Chef 2 :

pour avoir contrevenu à l’article 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9,2, r. 5);

pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la Société autonome (R.L.R.Q., c. D-9,2, r. 5);

13 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21; 14 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20; 15 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18; 16 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27; 17 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 18 Op. cit., note 10;

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Chef 3 a) à 3 d) : pour avoir contrevenu à l’article 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9,2, r. 5).

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des chefs 3a), 3b) et 3c), lesquels sont moindres et inclus dans le chef 3(d) de la plainte; PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1, 2 et 3(d) de la plainte;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes : Chef 1 : Une amende de 6000 $; Chef 2 : Une amende de 3000 $; Chef 3(d) : Une amende de 6000 $. CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés; ACCORDE à l’intimé un délai de paiement de 90 jours pour acquitter le montant des amendes et déboursés, calculer à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages des particuliers Membre

___________________________________ M. Antoine El-Hage, courtier en assurance de dommages Membre

Me Maryse Ali Procureure de la partie plaignante

Me Alexis Falanga-Duchesneau Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 24 octobre 2022 (par visioconférence)

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