Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-05-02(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Bernard Jutras, courtier en assurance de dommages M. Michael Léveillée, courtier en assurance de dommages

Président Membre Membre

Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. FRANCE LAVALLÉE, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON- DIVULGATION DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT D’IDENTIFIER L’ASSURÉE MENTIONNÉE DANS LA PLAINTE ET/OU LES PIÈCES DOCUMENTAIRES, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-46)

[1] Le 21 septembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2022-05-02(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Valérie Déziel et, de son côté, l’intimée assurait seule sa défense ;

I. [3]

La plainte L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant trois (3) chefs d’accusation, soit : 1. Le ou vers le 10 mai 2021, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance automobile n o 500871200 auprès de Assurance Economical, a exercé ses activités de façon négligente en transmettant à l’assurée T.F. une confirmation provisoire

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d’assurance automobile comportant des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles de l’induire en erreur indiquant une période d’assurance du 10 mai 2020 au 10 mai 2021 alors que la période d’assurance était du 10 mai 2021 au 10 mai 2022, en contravention avec les articles 15, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Entre le ou vers le 11 mai 2021et le 14 juin 2021, a fait défaut d’exécuter le mandat que lui avait confié l’assurée T.F., soit obtenir la résiliation du contrat d’assurance automobile no 500871200 auprès de Assurance Economical, en contravention avec les articles 26, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3.

Le ou vers le 17 mai 2021, a fait défaut d’agir avec transparence envers l’assurée T.F. quant aux démarches effectuées en lien avec la transaction de résiliation du contrat d’assurance automobile n o 500871200 auprès de Assurance Economical, en contravention avec les articles 25 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[4] D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre du chef 1 de la plainte ;

[5] Celle-ci fut donc déclarée coupable, séance tenante, des infractions reprochées au chef 1 et les parties ont alors procédé à l’audition sur culpabilité sur les deux (2) chefs restants ;

II. Les faits [6] Essentiellement, la preuve documentaire a démontré que l‘assurée T.F. aurait demandé à l’intimée de procéder à l’annulation de sa police d’assurance-automobile en raison du fait qu’elle avait trouvé un autre assureur dont les primes étaient moins élevées (chef 2) ;

[7] Suivant l’intimée, celle-ci a pris les moyens pour répondre à la demande de sa cliente en inscrivant cette demande d’annulation dans le système de l’assureur Economical ;

[8] Par contre, la cliente fut facturée à deux (2) reprises pour ses primes mensuelles alors qu’elle avait formulé sa demande dans le délai de 30 jours ;

[9] L’intimée, ainsi que l’un des directeurs du cabinet, ont témoigné et il semblerait que la demande aurait être faite en deux (2) étapes ;

[10] L’intimée n’étant pas familière avec le système de l’assureur Economical, elle ne connaissait pas cette particularité du système et personne ne l’a informée qu’elle devait compléter une deuxième étape pour formaliser la demande d’annulation ;

[11] Cela dit, la demande d’annulation n’a pu être complétée en bonne et due forme, d’où la plainte de la cliente ;

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[12] C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité examinera le bien-fondé de la plainte ;

III. Analyse et décision 3.1 Chef no. 1 [13] Suivant la jurisprudence 1 , un plaidoyer de culpabilité équivaut à une reconnaissance que les faits reprochés constituent une faute déontologique;

[14] D’ailleurs, dans l’affaire Castiglia c. Frégeau 2 , la Cour du Québec écrivait : [28] Le Syndic a raison de soutenir que Frégeau, ayant plaidé coupable à l’audition sur culpabilité, il ne peut remettre en question ce plaidoyer qui constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte. À cet égard, le Syndic réfère le Tribunal à l’arrêt de principe de la Cour d’appel de Lefebvre c. La Reine, la Cour d’appel conclut qu’un plaidoyer de culpabilité consiste à admettre l’ensemble des éléments de l’infraction et que sa peine doit être évaluée à partir de ce fondement.

[29] Ce même principe a été reconnu par le Tribunal des professions dans Pivin c. Inhalothérapeutes, le Tribunal confirme qu’un plaidoyer en droit disciplinaire, est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique.

(Caractères gras ajoutés)

[15] Dans l’arrêt Duquette c. Gauthier que :

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, la Cour d’appel va même plus loin en déclarant

[20] Le Tribunal est conscient que la décision sur une demande de retrait de plaidoyer procède du pouvoir discrétionnaire du Comité et qu'il s'agit d'une question de droit. Le plaidoyer de culpabilité emporte en soi un aveu que l'accusé a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans autre forme de procès.

(Caractères gras ajoutés)

[16] Cela étant établi, l’intimée sera reconnue coupable du chef 1 de la plainte, vu son plaidoyer de culpabilité ;

3.2 Chefs nos. 2 et 3 A) La règle interdisant les condamnations multiples

1 Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII); Lemire c. Médecins, 2004 QCTP 59 (CanLII); Mercier c. Médecins, 2014 QCTP 12 (CanLII); 2 2014 QCCQ 849 (CanLII); 3 2007 QCCA 863 (CanLII);

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[17] De l’avis du Comité, les chefs 2 et 3 sont intimement liés puisque les deux (2) chefs reprochent à l’intimée d’avoir commis des fautes déontologiques lors de l’exécution du mandat qui lui avait été confié par l’assurée (T.F.) ;

[18] En l’espèce, il y a plusieurs éléments communs entre les deux (2) chefs d’accusation :

Il s’agit de la même assurée (T.F.) ; Les deux (2) chefs concernent la même période, soit du 11 mai 2021 au 14 juin 2021 ;

Il s’agit du même mandat consistant à obtenir la résiliation du même contrat d’assurance-auto (No. 500871200) ;

Dans le chef 3, on vise une date précise, soit le 17 mai 2021, en mentionnant que l’intimée avait manqué de transparence envers sa cliente quant aux démarches effectuées en lien avec la demande de résiliation visée par le chef 2 ;

Cette infraction aurait été commise à une date (17 mai 2021) comprise dans la même période de temps que celle visée par le chef 2 et elle concerne le même mandat, la même cliente et le même contrat d’assurance ;

[19] Cela dit, la partie poursuivante insiste pour dire qu’il y a suffisamment d’éléments distincts entre les deux (2) chefs d’accusation pour écarter l’application de l’arrêt Kienapple 4 ;

[20] Qu’en est-il au juste ? [21] Le Comité estime que l’intimée doit bénéficier de l’application de la règle interdisant les condamnations multiples 5 pour les motifs ci-après exposés ;

[22] Dans un premier temps, il y a lieu de citer l’affaire Laurin c. Chauvin sur un cas semblable :

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, laquelle porte

[67] On constate que le chef no 1 est rédigé largement. Il est reproché à l'appelant d'avoir fait défaut d'exécuter le mandat que lui avait confié Raphaël et ce, en ne lui procurant pas un contrat d'assurance dès la date d'acquisition du véhicule, ce qui a eu comme conséquence de le laisser sans couverture d'assurance automobile jusqu'au 30 août 2000.

[68] Quant au chef no 6, il vise un élément beaucoup plus spécifique, soit d'avoir exercé ses activités de courtier de façon négligente en ne remettant

4 Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC); 5 Ibid; 6 2006 QCCQ 6115 (CanLII);

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pas au courtier Houde la proposition remplie et signée par Raphaël le 27 juillet 2000 ainsi que les avances reçues.

[69] Compte tenu du libellé beaucoup plus spécifique du chef no 6, la véritable question est donc de savoir si les éléments factuels précisément couverts par ce chef, soit l'omission de remettre au courtier Houde la proposition remplie et signée ainsi que les avances reçues, doivent être considérés comme faisant partie du mandat que lui avait confié Raphaël. Autrement dit, sont-ce des éléments indissociables de ce mandat?

[70] Le tribunal est d'avis que la règle interdisant les condamnations multiples doit trouver application puisque les deux chefs visent de facto le même comportement. Le fait que le premier chef ne vise pas que ce comportement ne change rien en l'espèce, puisque le comportement reproché au chef no 6 fait partie intégrante du mandat visé au chef no 1.

[71] Considérant que le chef no 6 est inclus dans le chef no 1, le tribunal retiendra uniquement le chef no 1. Il est toutefois important de préciser que le chef no 6 ne résultera pas en un acquittement. En effet, bien que l'appelant ne puisse pas être reconnu coupable du chef no 6 compte tenu de l'application de la règle interdisant les condamnations multiples, il n'en demeure pas moins que les motifs d'appel concernant le chef 1 ont échoués. Nécessairement, il ne peut être question d'un acquittement quant au chef no 6 puisque les éléments constitutifs de l'infraction ont néanmoins été prouvés. La Cour suprême faisait cette importante distinction dans l'arrêt R. c. Provo:

"22 L'accusé qui, n'eût été de l'application de la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples, serait reconnu coupable d'une infraction, ne mérite pas, à mon avis, un véritable acquittement en ce sens que le ministère public ne se serait acquitté de son obligation de prouver les éléments de l'infraction. Si, comme en l'espèce, le tribunal de première instance décide de rendre une décision à l'égard de tous les chefs d'accusation, ce qui est préférable et prudent, il est clair que tous les éléments de l'infraction auront été établis à l'encontre de l'accusé, même s'il est impossible d'inscrire une déclaration de culpabilité pour les raisons de politique générale qui sous-tendent le principe de l'arrêt Kienapple…"

[72] Le tribunal impose donc un arrêt des procédures à l'égard du chef no 6 et annule l'amende imposée.

(Caractères gras ajoutés)

[23] Mais il y a plus, le Tribunal des professions, dans l’affaire Vallières 7 , suggérait une application plus souple de la règle interdisant les condamnations multiples ;

[24] Plus précisément, le Tribunal rejetait les prétentions du syndic visant à compartimenter les différents chefs d’accusation afin d’obtenir un plus grand nombre de condamnations et donc, de sanctions, dans les termes suivants :

7 Psychologues c. Vallières, 2018 QCTP 121 (CanLII);

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[162] La logique de l’appelant relativement au chef 20 est que celui-ci vise le comportement antérieur de l’intimée, eu égard aux chefs pour lesquels elle a plaidé coupable, le comportement ciblé par le chef 20 se situant en amont des autres chefs. Selon cette approche, l’intimée commet une première faute en acceptant les mandats et une deuxième en les exécutant, il s’agit donc de deux comportements distincts entraînant des fautes déontologiques distinctes.

[163] Cette vision très compartimentée des faits et des chefs n’est pas sans entraîner une multiplication des fautes déontologiques qu’on peut y accoler. Si l’intimée n’a pas exécuté les tests selon les règles de l’art, c’est parce qu’elle n’avait pas les compétences. Ainsi, puisqu’elle n’avait pas les compétences, elle n’a pas administré les tests selon les règles de l’art. Il s’agit d’un enchaînement de faits qui peut entraîner un certain raisonnement circulaire.

[164] La Cour d’appel du Québec dans un arrêt récent propose une approche plus souple des règles de l’arrêt Kienapple. Dans l’arrêt Sarazin c. R., les juges majoritaires de la Cour énoncent ce qui suit au sujet des principes de l’arrêt Kienapple :

[28] (…) La jurisprudence récente de la Cour fait une application souple de ce principe quand les éléments constitutifs sont distincts, mais que le même évènement fonde les différentes accusations. Le principe fondamental dans Kienapple est de ne pas doubler ou multiplier les condamnations et les peines pour le même tort. C’est d’éviter la redondance juridique. (…).

(Référence omise) [165] Le Tribunal considère que ces récents propos de la Cour d’appel sont tout à fait appropriés en ce qui concerne les infractions en matière disciplinaire, compte tenu de la nature même de la faute déontologique. Il est fréquent de voir des plaintes déontologiques à l’égard d’un seul événement comportant de multiples chefs d’infraction avec de multiples liens de rattachement.

[166] La présente affaire en est une illustration parfaite. Pour un même enfant à qui l’intimée a fait passer 1 ou 2 tests, l’appelant a porté une plainte comportant 2 ou 3 chefs en lien avec cet enfant et 9 liens juridiques distincts.

[167] Cette façon très répandue de rédiger les plaintes déontologiques est souvent de nature à alourdir les débats et à étirer indûment le processus pour parfois en arriver à un résultat qui, concrètement, fait peu de différence relativement à la déclaration de culpabilité.

[168] Cependant, cette multiplication des chefs et des condamnations potentielles peut entraîner des conséquences importantes pour le professionnel à l’égard des sanctions, obligeant parfois les conseils de discipline à de sérieux ajustements au moment d’imposer les sanctions pour maintenir celles-ci à l’intérieur d’une globalité raisonnable.

(Caractères gras ajoutés)

[25] Cela dit, cette interprétation beaucoup plus souple des règles d’application de l’arrêt Kienapple fut suivie par de nombreux Conseils de discipline, dont les suivants :

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Barreau du Québec c. Diomande, 2019 QCCDBQ 54 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Marcoux, 2019 QCCDCSF 54 (CanLII); Podiatres c. Tranchemontagne, 2019 CanLII 28668 (QC OPODQ); Pharmaciens c. Escobar, 2019 CanLII 20204 (QC CDOPQ); [26] L’origine de cette nouvelle approche est bien expliquée par le juge Vanchestein dans l’affaire Collège des médecins du Québec c. Labrie 8 :

[331] Notre Cour d’appel dans une affaire de Dubourg présente les deux approches des principes de l’arrêt Kienapple :

[31] En conclusion, sur le principe dans l’arrêt Kienapple, la jurisprudence a toujours été divisée en deux courants dans son application. Selon un courant, les tribunaux semblent insister plutôt sur un critère d’identité formel entre les éléments de deux infractions. Selon l’autre, ils semblent insister sur une proximité fonctionnelle entre les éléments. Dans le premier, la jurisprudence souligne l’importance de faire preuve de déférence envers le législateur en ce qui a trait à la définition des éléments de culpabilité et des contours de la responsabilité criminelle. Cette approche est plus stricte et technique. Elle souligne également la déférence dont doivent faire montre les tribunaux face à la discrétion de la poursuite dans la sélection de chefs d’accusation. Dans le second courant, la jurisprudence souligne une finalité téléologique qui est d’éviter la redondance inutile dans les condamnations et l’administration de la peine. Cette approche est entièrement compatible avec la démonstration d’une déférence envers le législateur et envers la poursuite parce que dans son application le principe de l’arrêt Kienapple n’empêche pas une détermination de culpabilité sur plus d’un chef, mais plutôt l’imposition d’une peine sur un chef redondant et moins grave. Elle a également l’avantage d’être plus flexible. À mon avis, la jurisprudence actuelle au Québec et en Ontario s’inscrit de manière générale dans le second courant et donc suit le principe téléologique qui a pour finalité d’éviter la redondance dans l’imposition de la peine.

(Soulignements du Tribunal) [332] Cette approche souple a été confirmée à nouveau par notre Cour d’appel dans l’affaire J.B. c. R. :

[16] Quant à la règle interdisant les condamnations multiples, l’appelant a raison de dire qu’elle s’applique entre certains chefs d’accusation. Notre Cour adopte une approche souple, fondée sur une analyse des faits qui sous-tendent les infractions et qui cherche avant tout à éviter la redondance dans les condamnations et dans la détermination de la peine : voir récemment Sarazin c. R., 2018 QCCA 1065 (CanLII), par. 27-

8 2019 QCCQ 5048 (CanLII);

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31; Touchette c. R., 2016 QCCA 460 (CanLII), par. 49; Brais c. R., 2016 QCCA 355 (CanLII), par. 33-36.

(Soulignements du Tribunal) [333] Ainsi, pour déterminer s’il y a multiplicité des condamnations dans le présent dossier, le Tribunal adoptera l’approche prônée par la Cour d’appel du Québec.

(Caractères gras ajoutés) [27] Cela dit, avant d’appliquer cette règle, le Comité devra décider, en premier lieu, de la culpabilité ou de l’innocence de l’intimée à l’égard des chefs 2 et 3 ;

[28] En effet, cette règle ne s’applique qu’en présence d’une condamnation 9 sur les deux (2) chefs d’accusation, si l’intimée est acquittée sur l’un ou l’autre des chefs alors il n’y a pas de condamnations « multiples » et la règle ne s’applique pas ;

[29] En conséquence, il y a lieu de procéder à l’examen et à l’étude des chefs 2 et 3 ; B) Chef no.2 [30] Le chef 2 reproche à l’intimée d’avoir fait défaut d’exécuter le mandat que lui avait confié l’assurée (T.F.) visant à obtenir l’annulation de sa police d’assurance-automobile ;

[31] Du côté de la partie plaignante, la preuve 10 démontre clairement que l’intimée avait reçu le mandat de procéder à l’annulation de l’assurance-automobile de l’assurée (T.F.) ;

[32] D’ailleurs, l’intimée reconnaît les faits mis en preuve par le syndic adjoint ; [33] Sa défense consiste plutôt à prétendre qu’en raison d’une méconnaissance du système de l’assureur Economical, elle n’a pas complété la deuxième étape nécessaire pour annuler la police d’assurance ;

[34] Elle croyait sincèrement et de bonne foi qu’il suffisait d’inscrire dans le système d’Economical la demande d’annulation ;

[35] Or, le système d’Economical prévoit une procédure en deux (2) étapes ; [36] D’après le témoignage de l’un des directeurs de l’ancien cabinet de l’intimée, la demande d’annulation a été « démarrée » mais n’a pas été « planifiée », d’où le fait que celle-ci ne fut pas dûment inscrite dans le système d’Economical ;

[37] L’intimée, à cet égard, insiste sur le fait qu’elle a commis une erreur de bonne foi et qu’elle croyait sincèrement qu’elle avait inscrit la demande d’annulation en bonne et due forme puisque personne ne lui avait signalé cette particularité du système en vigueur

9 Notaires c. Leclerc, 2010 QCTP 76, (CanLII) par.46; 10 Pièces P-6, P-7, P-8 et P-11;

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chez Economical ; [38] Cela dit, le Comité estime que l’intimée doit être acquittée des infractions reprochées au chef 2 pour les motifs ci-après exposés ;

[39] Premièrement, le Comité considère que l’erreur commise de bonne foi par l’intimée n’a pas une gravité suffisante pour constituer une faute déontologique ;

[40] A cet égard, il convient de se référer à l’arrêt de la Cour d’appel rendu dans l’affaire Prud’homme c. Gilbert 11 ;

[33] Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n'est pas respectée, même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d'autres termes, je ne peux admettre qu'au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

[34] Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132, le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

[28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35] Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 :

[72] La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel. De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité.

[36] Comme dans bien des cas, les circonstances factuelles du dossier importent.

[37] En l'espèce, le dossier technique a été constitué, nul ne le conteste, et, selon les conclusions factuelles du Comité, le professionnel a procédé avec compétence aux calculs requis. Il les a toutefois égarés. Y a-t-il une forme de négligence? Je le crois. Y a-t-il pour autant faute déontologique requérant une sanction? Je ne le crois pas.

[38] Pour conclure autrement, il ne faudrait pas tenir compte de la preuve et des circonstances très particulières de cette affaire.

11 2012 QCCA 1544 (CanLII);

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[39] Affirmer qu'un tel manquement constitue en tout temps une faute serait contraire aux objectifs du droit disciplinaire.

(Caractères gras ajoutés)

[41] Cela dit, l’intimée doit également bénéficier de la défense dite de l’erreur de fait raisonnable basée sur sa croyance sincère et honnête que l’inscription de la demande d’annulation dans le système de l’assureur Economical était suffisante sans qu’il soit nécessaire de procéder à une deuxième étape 12 ;

[42] À cet égard, qu’il nous soit permis de citer Monsieur le juge Vanasse dans l’affaire Galarneau 13 :

[17] L'erreur de fait raisonnable est basée sur l'état d'esprit de l'accusé au moment de l'infraction. Elle comporte un élément subjectif, c'est-à-dire la méprise de l'accusé à l'égard de l'un des éléments essentiels de l'infraction, et un élément objectif, savoir : une personne raisonnable placée dans la même situation aurait-elle commis la même méprise.

[18] Il ne suffit pas que l'erreur de fait soit honnête ou sincère. Il faut qu'elle soit également raisonnable. Il faut que cette croyance soit relative à un état de fait qui, s'il avait existé, aurait rendu l'accusé innocent.

(Caractères gras ajoutés)

[43] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimée sera acquittée des infractions reprochées au chef 2 ;

C) Chef no. 3 [44] Le chef 3 reproche à l’intimée d’avoir fait preuve d’un manque de transparence lors de ses démarches reliées à la résiliation de la police d’assurance-automobile ;

[45] Suivant la partie poursuivante, la preuve au soutien du chef 3 est fondée sur l’appel téléphonique du 17 mai 2021 placée par la cliente et visant à informer l’intimée qu’un prélèvement bancaire avait été effectuée dans son compte en paiement de la prime d’assurance 14 ;

[46] Selon le syndic adjoint, l’intimée avait manqué de transparence envers sa cliente et même carrément menti à cette dernière, en lui répondant : « c’est en suspens, mais c’est fait » 15 ;

[47] En défense, l’intimée plaide qu’elle n’a pas menti, ni manqué de transparence

12 Martel c. Québec (Tribunal des professions), 1944 CanLII 5310 (QC CA); Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII); 13 2007 QCCQ 1145 (CanLII); 14 Pièce P-11; 15 Pièce P-11;

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puisqu’elle avait vraiment fait la demande d’annulation ne sachant pas qu’une deuxième étape devait être complétée ;

[48] Encore une fois, le Comité considère que l’intimée doit bénéficier de la défense fondée sur l’erreur de fait raisonnable puisqu’elle croyait sincèrement et de façon raisonnable à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent 16 ;

[49] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimée sera acquittée des infractions reprochées au chef 3 ;

D) Conclusion [50] Vu l’acquittement de l’intimée sur les chefs 2 et 3, il ne sera pas nécessaire d’appliquer la règle interdisant les condamnations multiples 17 ;

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée à l’égard du chef 1 de la plainte ;

DÉCLARE l’intimée coupable du chef 1 de la plainte, plus particulièrement comme suit :

Chef 1:

pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1 de la plainte ;

ACQUITTE l’intimée de toutes et chacune des infractions reprochées aux chefs 2 et 3 de la plainte ;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour les représentations sur sanction sur le chef 1 de la plainte ;

LE TOUT, frais à suivre.

16 Sauvé c. St-Jérôme (Ville de), 2015, QCCS 6476 (CanLII), confirmé en appel par 2018 QCCA 234 (CanLII); 17 Notaires c. Leclerc, 2010 QCTP 76 (CanLII), par. 46;

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___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Bernard Jutras, courtier en assurance de dommages Membre

Me Valérie Déziel Procureure de la partie plaignante

___________________________________ M. Michaël Léveillée, courtier en assurance de dommages Membre

Mme France Lavallée (personnellement) Partie intimée

Date d’audience : 21 septembre 2022

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