Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-05-01(E) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Yvan Roy, FPAA, expert en sinistre Mme Lise Martin, PAA, expert en sinistre

Président Membre Membre

Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. FRANCIS ALLAIRE, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers (inactif)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DES ASSURÉS ET DE TOUT RENSEIGNEMENT ET INFORMATION PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-26)

[1] Le 6 octobre 2022 le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2022-05-01(E), par visioconférence ;

[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Maryse Ali et, de son côté, l’intimé assurait seul sa défense ;

I. [3]

La plainte L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant les chefs d’accusation suivants: 1. À Laval, entre les ou vers les 5 mars 2020 et 10 janvier 2022, dans le cadre du dossier de réclamation n o 001761332 des assurés N.M. et Z.M. ouvert auprès de La compagnie

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d'assurance générale Co-Operators, à la suite d’un dégât d’eau, a fait preuve de négligence et/ou d’un manque de contrôle de la réclamation, notamment :

a. En déléguant ses responsabilités à l’entrepreneur mandaté dans le dossier; b. En faisant défaut de faire des suivis auprès des assurés et de l’entrepreneur mandaté dans le dossier quant aux travaux à effectuer;

c.

En omettant de faire, en temps utile, le suivi du remboursement de la franchise versée par les assurés à l’entrepreneur;

agissant ainsi en contravention avec les articles 10, 27 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre.

[4] D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs 1a), 1b) et 1c) de la plainte ;

[5] Ce faisant, il fut déclaré coupable, séance tenante, des infractions reprochées et les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

II. [6] [7]

Les faits Les faits reprochés à l’intimé sont relativement simples ; La preuve documentaire 1 ainsi que le témoignage de l’intimé démontrent que celui-ci : À fait défaut, durant une période de 22 mois, de s’occuper adéquatement d’une réclamation concernant un dégât d’eau (chef 1b) ;

[8] Le manque de suivi et la négligence de l’intimé fut à ce point grave qu’un deuxième dégât d’eau eut le temps de survenir avant même que le premier sinistre puisse être réglé par l’intimé ;

[9] En effet, alors qu’un premier sinistre est survenu en mars 2020, les assurés ont subi un deuxième dégât d’eau en mars 2021, en raison du fait que l’intimé n’avait toujours pas réglé le premier dégât d’eau ;

[10] Cette situation s’explique par le fait que l’intimé avait, à toutes fins pratiques, délégué ses responsabilités à l’entrepreneur mandaté au début du dossier (chef 1a) ;

[11] D’ailleurs, même cette entreprise (FOS) s’est désistée du dossier en novembre 2021, en raison du manque de suivi de l’intimé 2 ;

[12] Finalement, vu l’abandon du contrat par la compagnie FOS, les assurés ont reçu le

1 Pièces PS-1 à PS-25; 2 Pièce PS-20;

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remboursement de leur franchise 3 ; [13] Cependant, vu le manque de suivi de l’intimé, même ce simple geste sera retardé (chef 1c) ;

[14] C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité devra déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimé ;

III. Argumentation A) Par le syndic adjoint [15] Me Ali, au nom de la poursuite, suggère d’imposer à l’intimé une amende de 4 000 $ pour l’ensemble de son œuvre ;

[16] En effet, suivant le syndic adjoint, les chefs 1a), 1b) et 1c) doivent être considérés comme un seul chef d’accusation, d’où la suggestion d’imposer une seule amende de 4 000 $, sans distinction quant aux divers sous-paragraphes de la plainte ;

[17] Le Comité reviendra sur cette question au moment de son analyse portant sur le libellé des chefs d’accusation ;

[18] Cela dit, l’avocate du syndic adjoint rappelle les quatre (4) critères en matière de sanction disciplinaire, tel qu’élaboré par la Cour d’appel 4 , soit :

La protection du public ; La dissuasion ; L’exemplarité ; Le droit de l’intimé de gagner sa vie ; [19] De plus, elle insiste sur les facteurs aggravants suivants : La mise en péril de la protection du public ; Le fait que les infractions se situent au cœur même de l’exercice de la profession d’expert en sinistre ;

Le préjudice subi par les assurés ; La durée des infractions (22 mois) ;

3 Pièce PS-8; 4 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

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La négligence de l’intimé qui a repoussé les échéances pour l’exécution des travaux durant 22 mois ;

L’abandon, à toutes fins pratiques, de la réclamation des assurés ; Le fait de s’être placé à la remorque de l’entrepreneur et d’avoir perdu le contrôle du dossier ;

[20] Parmi les facteurs atténuants, Me Ali reconnait que l’intimé doit profiter des facteurs suivants :

Son plaidoyer de culpabilité ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; Son peu d’expérience en tant qu’expert en sinistre au moment des faits reprochés ;

Son absence d’intention malhonnête ; [21] Enfin, elle cite plusieurs décisions démontrant que dans des cas semblables, le Comité de discipline a imposé des amendes allant de 2 000 $, à 4 000 $, soit les affaires :

ChAD c. Vaudeville, 2021 CanLII 140156 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Boily, 2022 CanLII 54740 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Plourde et Bilinski, 2016 CanLII 87759 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Giluni, 2018 CanLII 38262 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Barcelo, 2018 CanLII 88849 (QC CDCHAD) ; [22] En réponse à une question du président, Me Ali précise que l’imposition d’une période de radiation est exceptionnelle ;

[23] D’ailleurs, le syndic adjoint précise que le peu d’expérience de l’intimé jumelé à son absence d’intention malhonnête a motivé son choix de suggérer une amende plutôt qu’une période de radiation ;

[24] En conclusion, l’avocate de la partie plaignante demande au Comité d’imposer l’amende de 4 000 $, tel que suggéré ;

B) Par l’intimé [25] De son côté, l’intimé reconnaît qu’il ne s’agit pas d’un cas l’on peut simplement imposer une amende minimale ;

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[26] Cela dit, considérant son peu d’expérience au moment des faits reprochés, il propose une amende de 3 000 $ ;

[27] Il rappelle qu’il a plaidé coupable dès la première occasion et qu’il n’a jamais nié sa responsabilité ;

[28] Au contraire, il reconnait la gravité des faits et regrette amèrement les inconvénients que son comportement a pu occasionner ;

[29] Il précise qu’en raison de la pandémie, il s’était vu confier un très grand nombre de dossiers et qu’il n’a pas su gérer la situation ;

[30] Finalement, il souligne que le risque de récidive est nul puisqu’il n’a pas l’intention de revenir à la pratique ;

[31] Il demande donc au Comité de s’en tenir à l’imposition d’une amende de 3 000 $ ; IV. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [32] L’intimé, en plaidant coupable, s’est trouvé à reconnaître que les faits reprochés constituent une faute déontologique 5 ;

[33] Cela suffit pour entraîner une déclaration de culpabilité sans autre forme de procès 6 ; [34] En conséquence, l’intimé fut reconnu coupable, séance tenante, des infractions reprochées ;

B) Le libellé du chef d’accusation [35] Avec égard pour l’opinion contraire, le Comité considère que chaque sous-paragraphe du chef 1 de la plainte constitue un chef distinct et doit donc faire l’objet d’une sanction particulière 7 ;

[36] De façon plus précise, la Cour d’appel dans l’arrêt Gilbert c. Castiglia

8

déclare :

[22] Or, comme l'explique notre Cour dans Pigeon c. Proprio-Direct, l'omission par le Comité de discipline de lier une sanction à un chef d'infraction contrevient bien à l'article 156 C.d.p. Ce n'est pas une erreur de pure forme, mais bien une erreur de principe, puisqu'en agissant de la sorte le Comité sanctionne le comportement du

5 Castiglia c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 (CanLII); 6 Duguette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII); 7 Pigeon c. Proprio Direct inc, 2003 CanLII 45825 (QC CA); 8 2011 QCCA 2277 (CanLII);

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professionnel évalué globalement plutôt que de rattacher la sanction de deux ans à une infraction précise.

[23] Le fait de ne pas rattacher la limitation des activités professionnelles de deux ans à l'un ou l'autre des chefs dans les motifs du Comité empêche l'évaluation de la proportionnalité de cette sanction par rapport aux gestes reprochés. Par conséquent, il n'est pas possible de jauger le caractère raisonnable de la décision du Comité sur ce point. Le juge Dalphond retient dans cette affaire qu'une « amende "globale" » ne respecte pas le premier alinéa de l'article 156 C.d.p.. En l'espèce, le professionnel subit une limitation de son activité professionnelle de deux ans outre les sanctions précisées par ailleurs en regard des chefs 1 à 5 et 6 et 7 qui ne se rattache à aucun chef précis. Cette erreur de principe suffit à rendre cette sanction déraisonnable.

[24] L'illégalité de la sanction amène la Cour à intervenir afin de modifier la sanction imposée. (caractères gras ajoutés)

[37] Ce principe fut réitéré par la Cour d’appel en 2019 dans l’affaire Terjanian c. Lafleur 9 ; [38] Par contre, de l’avis de la partie plaignante, l’utilisation de l’adverbe « notamment » que l’on retrouve au premier paragraphe du chef 1, démontre que les sous-paragraphes a), b) et c) ne sont que des précisions et non des infractions distinctes ;

[39] Il est vrai que l’ajout de l’adverbe « notamment » a pour effet d’apporter des précisions à la plainte 10 , cependant, il demeure néanmoins que chaque sous-paragraphe constitue une infraction distincte ;

[40] De plus, Me Ali cite l’affaire CPA c. Dubois 11 au soutien de sa position dans laquelle le Conseil de discipline écrit que la plainte comporte un seul chef d’accusation mais composé de plusieurs sous-paragraphes 12 ;

[41] Or cette décision ne traite aucunement de la présente question et, en conséquence, elle ne comporte aucune analyse, ni décision déterminante pouvant être d’une quelconque aide à la position adoptée par le syndic adjoint ;

[42] Dans la meilleure des hypothèses, elle constitue un exemple démontrant qu’un Conseil de discipline a considéré qu’il s’agissait d’un seul chef d’accusation, sans toutefois avoir procédé à une analyse approfondie de la question ;

[43] Comme autre exemple au soutien de ses prétentions, Me Ali a référé le Comité à l’affaire ChAD c. Côté 13 , cependant, encore une fois, cette décision n’a pas abordé véritablement cette question et n’a pas procédé à une analyse du libellé du chef

9 2019 QCCA 230 (CanLII) par.38; 10 Goffredo c. ChAD, 2021 CanLII 143187 (QC CDCHAD) par. 23 et 24; 11 2019 CanLII 66757 (QC CPA); 12 Ibid., par. 2 et 6; 13 2022 CanLII 28576 (QC CDCHAD);

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d’accusation ; [44] Cela dit, le présent Comité préfère s’en tenir aux enseignements de la Cour d’appel tel qu’établi dans les arrêts Proprio Direct 14 et Gilbert 15 suivant lesquels chaque chef doit être sanctionné de façon distincte ;

[45] Finalement, dans le cadre de l’envoi de notes supplémentaires, la procureure du syndic adjoint réfère à l’affaire Lévesque 16 dans laquelle le Tribunal des professions a conclu que le Conseil de discipline ne pouvait légalement scinder le chef d’accusation no. 10, en deux (2) infractions distinctes 17 ;

[46] Or, ledit chef d’accusation (no. 10) ne comporte aucun sous-paragraphe et il ne réfère qu’à une seule disposition de rattachement, contrairement au présent cas ;

[47] Pour une meilleure compréhension, il convient de reproduire le chef no. 10 que l’on retrouve dans la décision Lévesque 18 ;

III. Décompte des aiguilles 10. Entre le 15 juillet 2010 et le 27 janvier 2011, à huit (8) reprises, à Montréal, l’intimé a fait défaut d’exercer sa profession selon les normes de pratique généralement reconnues en acupuncture en omettant de procéder au décompte des aiguilles et d’inscrire le décompte au dossier patient dans le cas de deux patientes (V.D. et S.B.) commettant ainsi une infraction à l’article 4 du Code de déontologie des acupuncteurs (R.R.Q. c. A-5.1, R.3);

(caractères gras ajoutés)

[48] À sa simple lecture, on voit bien que l’infraction reprochée est indivisible et qu’elle ne réfère qu’à une seule disposition du Code de déontologie des acupuncteurs ;

[49] Dans le présent cas, le chef 1 de la plainte reproche à l’intimé trois (3) gestes distincts et réfère à trois (3) dispositions de rattachement distinctes ;

[50] Chacun des gestes commis par l’intimé et décrit aux sous-paragraphes a), b) et c) du chef 1 pouvaient être commis indépendamment des autres même s’ils participent tous de la même trame factuelle ;

[51] D’ailleurs, dans le cas Lévesque 19 , le Tribunal des professions a conclu à l’impossibilité de scinder le chef 10 au motif que les infractions reprochées étaient indissociables les unes des autres, tel qu’il appert des extraits suivants :

14 Pigeon c. Proprio Direct inc, 2003 CanLII 45825 (QC CA); 15 Gilbert c. Castiglia, 2011 QCCA 2277 (CanLII); 16 Lévesque c. Acupuncteurs, 2015 QCTP 10 (CanLII); 17 Ibid., par.15 et 65; 18 Op.cit., note 16; 19 Op.cit. note 16;

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[30] Le Conseil a-t-il erré en amendant le chef 10 pour en scinder le libellé en deux infractions disciplinaires distinctes et en appliquant la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples à l'une de ces deux infractions?

[44] Le comptage des aiguilles et son annotation au dossier patient sont-ils ou non des éléments indissociables de la commission de l’infraction? En d’autres termes, quels sont les faits générateurs de l’infraction reprochée à l’appelant?

[53] En toute logique, il faut constater que le décompte des aiguilles est une procédure qui s’exécute en trois temps : 1) le comptage des aiguilles à la puncture et l’inscription du nombre au dossier; 2) le comptage des aiguilles au retrait et l’inscription du nombre au dossier; 3) la validation des deux nombres à la fin du traitement.

[54] Chacune de ces opérations est indissociable des deux autres. Aucune ne peut être considérée isolément pour constituer une infraction distincte. On ne peut compter sans inscrire, tout comme on ne peut inscrire sans avoir compté. On ne peut non plus ne compter qu’à la puncture ou qu’au retrait. Dans l’un ou l’autre cas, on ne respecte pas la procédure intégralement.

[65] Il ne s’agit donc pas ici d’une situation il est possible d’établir la preuve de différents éléments constitutifs d’autant d'infractions. Le Conseil était plutôt en présence d’une situation le chef comporte plusieurs éléments générateurs d’une même infraction. Les trois éléments sont conjonctifs et ne peuvent être dissociés. Légalement, le chef 10 ne pouvait être scindé en deux infractions distinctes.

(caractères gras ajoutés)

[52] Ces extraits démontrent que le jugement Lévesque thèse soutenue par le syndic adjoint ;

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n’est d’aucune utilité pour la

[53] Par contre, de manière plus pertinente, on peut se référer à l’affaire Pigeon c. Paiement 21 , dans laquelle Mme la juge Comeau s’est précisément penchée sur cette question dans les termes suivants :

[7] En cours de délibéré, le Tribunal s'est interrogé quant au libellé de la plainte disciplinaire, étant d'avis que cette question était susceptible d'avoir une influence sur la décision à être rendue. La plainte disciplinaire ne compte que deux (2) chefs comportant toutefois plusieurs alinéas. Le Comité de discipline a considéré chacun d'entre eux comme une infraction distincte. Il n'a toutefois imposé qu'une sanction globale sur le chef 1, comme s'il ne s'agissait que d'une seule infraction, et une réprimande à l'égard des alinéas a) et b) du chef 2.

[8] Le Tribunal a donc réouvert l'enquête et sur cette question qui n'avait jamais été abordée par les parties, ni devant le Comité de discipline, ni dans les mémoires en appel ou à l'occasion des plaidoiries, demandé aux parties de soumettre des notes et autorités. L'appelant a effectivement produit des notes et autorités additionnelles, l'intimé s'étant toutefois abstenu de le faire.

20 Op-cit. note 16; 21 2008 QCCQ 7494 (CanLII), confirmé en appel, 2010 QCCQ 961 (CanLII);

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[9] Bien que la rédaction de la plainte puisse prêter à confusion, les parties de même que le Comité de discipline ont considéré chacun des alinéas des chefs 1 et 2 de la plainte comme constituant une infraction distincte. L'intimé ne s'en est jamais plaint et n'en a pas non plus appelé des condamnations prononcées contre lui.

[10] Le législateur n'a imposé aucune règle stricte quant à la rédaction de la plainte en matière disciplinaire. Les tribunaux ont maintes fois reconnu qu'il suffit que les plaintes soient rédigées de telle sorte qu'elles permettent à l'intimé de savoir ce qui lui est reproché peu importe la forme utilisée par le plaignant. Dans les circonstances, chacun des alinéas 1 et 2 de la plainte pouvait être considéré comme constituant une infraction distincte, faisant appel à des obligations différentes trouvant leur fondement juridique dans diverses dispositions de la loi ou des règlements.

[49] Le Tribunal se doit toutefois d'intervenir puisque le Comité n'a pas respecté les exigences du Code des professions, n'ayant pas imposé pour chacune des infractions reprochées, une sanction distincte.

(caractères gras ajoutés)

[54] En définitive, le Comité de discipline doit appliquer la règle générale telle qu’exprimée par la Cour d’appel, à plusieurs reprises, dans les arrêts Proprio Direct 22 , Gilbert 23 , Landry 24 , et Terjanian 25 , suivant laquelle chaque infraction doit faire l’objet d’une sanction distincte ;

C) La règle interdisant les condamnations multiples [55] Au-delà de ces considérations, puisque chaque sous-paragraphe du chef 1 constitue une infraction distincte, il y a lieu de considérer l’application de la règle interdisant les condamnations multiples 26 ;

[56] Suivant le Tribunal des professions, cette règle doit dorénavant recevoir une application souple 27 ;

[57] Ainsi, lorsque le fondement de chacune des infractions repose sur le même acte, il s‘agit alors d’appliquer avec souplesse la règle interdisant les condamnations multiples, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’arrêt J.B. c. R. 28 ;

[58] En l’espèce, la véritable infraction commise par l’intimé est le manque de suivi de son dossier suite à la présentation d’une réclamation par les assurés (chef 1b) ;

[59] N’eut-été de ce manque de suivi, il n’aurait pas délégué ses responsabilités (chef 1a)

22 Pigeon c. Proprio Direct inc, 2003 CanLII 45825 (QC CA), par. 38; 23 Gilbert c. Castiglia, 2011 QCCA 2277 (CanLII), par. 22; 24 Landry c. Guimond, 2017 QCCA 238 (CanLII), par. 50; 25 Terjanian c. Lafleur, 2019 QCCA 230 (CanLII), par. 38 à 42; 26 R. c. Kineapple, 1974 CanLII 14 (CSC); 27 Psychologues c. Vallières, 2018 QCTP 121 (CanLII); 28 2019 QCCA 761 (CanLII), par. 16 et 17;

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et n’aurait pas tardé à faire le suivi du remboursement de la franchise (chef 1c) ; [60] Ainsi, les infractions mentionnées aux sous-paragraphes a) et c) sont moindres et incluses dans celle prévue au chef 1b) de la plainte ;

[61] D’ailleurs, elles découlent toutes du même mandat, soit celui consistant à faire le suivi de la réclamation des assurés ;

[62] À cet égard, le Comité prend appui sur l’affaire Laurin c. Chauvin Cour du Québec conclut comme suit :

29

dans laquelle la

[67] On constate que le chef no 1 est rédigé largement. Il est reproché à l'appelant d'avoir fait défaut d'exécuter le mandat que lui avait confié Raphaël et ce, en ne lui procurant pas un contrat d'assurance dès la date d'acquisition du véhicule, ce qui a eu comme conséquence de le laisser sans couverture d'assurance automobile jusqu'au 30 août 2000.

[68] Quant au chef no 6, il vise un élément beaucoup plus spécifique, soit d'avoir exercé ses activités de courtier de façon négligente en ne remettant pas au courtier Houde la proposition remplie et signée par Raphaël le 27 juillet 2000 ainsi que les avances reçues.

[69] Compte tenu du libellé beaucoup plus spécifique du chef no 6, la véritable question est donc de savoir si les éléments factuels précisément couverts par ce chef, soit l'omission de remettre au courtier Houde la proposition remplie et signée ainsi que les avances reçues, doivent être considérés comme faisant partie du mandat que lui avait confié Raphaël. Autrement dit, sont-ce des éléments indissociables de ce mandat?

[70] Le tribunal est d'avis que la règle interdisant les condamnations multiples doit trouver application puisque les deux chefs visent de facto le même comportement. Le fait que le premier chef ne vise pas que ce comportement ne change rien en l'espèce, puisque le comportement reproché au chef no 6 fait partie intégrante du mandat visé au chef no 1. (Caractères gras ajoutés)

[63] Dans les circonstances et pour ces motifs, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’encontre des chefs 1a) et 1c), lesquels sont moindres et inclus dans le chef 1b) de la plainte ;

D) La sanction (chef 1b) [64] Cela étant établi, le Comité imposera une amende de 4 000 $ tel que suggéré par la partie plaignante ;

[65] D’une part, cette sanction s’inscrit parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infractions tel que démontré par la

29 2006 QCCQ 6115 (CanLII);

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jurisprudence produite sur cette question par le syndic adjoint 30 ; [66] D’autre part, la sanction suggérée tient compte de façon adéquate des facteurs aggravants suivants :

Le fait que cette infraction se situe au cœur même de l’exercice de la profession d’expert en sinistre ;

Le préjudice et les inconvénients subis par les assurés ; La négligence grave de l’intimé ; La durée des infractions (22 mois) ; [67] Enfin, la sanction suggérée apprécie à leur juste valeur les circonstances atténuantes propres au dossier de l’intimé, soit :

Son plaidoyer de culpabilité ; Ses regrets et remords ; Son manque d’expérience à l’époque des infractions ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; Son absence d’intention malhonnête ; [68] De plus, cette sanction tient compte du risque nul que représente l’intimé, lequel n’a pas l’intention de revenir à la pratique de la profession d’expert en sinistre ;

[69] Cela dit, le Comité ne pouvait retenir la suggestion de l’intimé de lui imposer une amende de 3 000 $ puisqu’à son avis, cette suggestion avait pour effet de minimiser les facteurs aggravants tels que :

La durée de l’infraction (22 mois) ; Le préjudice et les inconvénients subis par les assurés ; Le fait que l’infraction se situe au cœur de l’exercice de la profession ; [70] D’ailleurs, n’eut-été du fait que l’intimé n’a pas l’intention de revenir à l’exercice de la profession, le Comité aurait été porté à imposer une période de radiation temporaire vu la gravité et la durée des infractions ;

[71] De plus, en cas de remise en vigueur du certificat de l’intimé, le Comité aurait recommandé au C.A. de la Chambre d’imposer à l’intimé une ou plusieurs formations

30 Voir le paragraphe 21 de la présente décision;

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d’appoint ; [72] En conclusion et pour ces motifs, l’intimé se verra imposer une amende de 4 000 $, sur le chef 1b) à laquelle s’ajoutera le paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1a), 1b) et 1c) et plus particulièrement comme suit :

Chef 1a), 1b) et 1c) : pour avoir contrevenu à l’article 58 (1) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.4) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des chefs 1a) et 1c), lesquels sont moindres et inclus dans le chef 1b) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1b) ;

IMPOSE à l’intimé la sanction suivante : Chef 1b) : une amende de 4 000 $ ; CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés afférents au dossier.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Yvan Roy, FPAA, expert en sinistre Membre

Me Maryse Ali Procureure de la partie plaignante

___________________________________ Mme Lise Martin, PAA, expert en sinistre Membre

M. Francis Allaire (personnellement) Partie intimée

Date d’audience : 6 octobre 2022 (par visioconférence)

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