Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-01-01(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Mme Anne-Marie Hurteau, agent en assurance de dommages Mme Martyne Lavoie, agent en assurance de dommages

Président Membre

Membre

Me YANNICK CHARTAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante en reprise d’instance c. ISABELLE MONGEAU, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DE L’ASSURÉ ET DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT DE L’IDENTIFIER AINSI QUE DANS LES PIÈCES PS-2 À PS-7, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-26)

[1] Le 16 septembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2022-01-01(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Karoline Khelfa et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Sonia Paradis ;

I. La plainte [3] L’intimée fait l’objet d’une plainte modifiée comportant un (1) seul chef d’accusation, à la suite d’une demande de retrait présentée par le syndic, soit :

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1. À Laval, le ou vers le 7 mai 2021, a exercé ses activités de manière négligente et/ou n’a pas agi en conseiller consciencieux, en requérant la résiliation du contrat d’assurance automobile no. AP 126759 émis par Royal & Sun Alliance du Canada, société d’assurance (RSA) au nom de l’assuré M.M.N. (sic) sans avoir reçu d’instructions claires de l’assuré en ce sens, créant ainsi un découvert d’assurance, en contravention avec les articles 9, 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

2. (Retrait) ; 3. (Retrait) ; 4. (Retrait) ; [4] D’entrée de jeu, le syndic a présenté une demande de retrait pour les chefs 2, 3 et 4 de la plainte, laquelle fut accordée, séance tenante, par le Comité ;

[5] Cela fait, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre du chef 1 de la plainte modifiée ;

[6] L’intimée fut donc reconnue coupable du chef 1 sans autre formalité ; II. Les faits [7] Suivant la preuve documentaire 1 et plus particulièrement de « l’exposé conjoint des faits » 2 déposés de consentement, l’intimée aurait exercé ses activités professionnelles de manière négligente ;

[8] De façon plus précise, elle aurait connu un problème de communication avec son client ;

[9] Ce dernier voulait résilier sa police d’assurance-automobile en raison du coût élevé des primes ;

[10] Cependant, son client était sous l’impression que son assurance ne serait résiliée qu’à la fin du mois afin de lui permettre de trouver un nouvel assureur à un coût moindre ;

[11] De son côté, l’intimée a procédé à la résiliation de la police d’assurance avant même d’avoir reçu des instructions claires de son client ;

[12] Dans les circonstances, l’assuré s’est retrouvé avec un découvert d’assurance sans avoir eu le temps de replacer le risque chez un autre assureur ;

[13] L’intimée reconnaît, lors de son témoignage, qu’elle a fait défaut d’expliquer à son

1 Pièces PS-1- à PS-7; 2 Pièce PS-8;

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client les inconvénients de sa décision et qu’elle ne l’a pas conseillé adéquatement ; [14] Cela dit, elle regrette ses gestes et les problèmes causés à l’assuré ; [15] Depuis ces événements, elle a modifié ses méthodes de travail pour éviter la répétition de ce type d’erreur ;

[16] C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra examiner le bien-fondé de la sanction suggérée de manière conjointe par les parties ;

III. Recommandations communes [17] Me Khelfa, après avoir exposé les grands principes en matière de sanction 3 suggère au Comité, de façon conjointe avec Me Paradis, d’imposer à l’intimée la sanction suivante :

Chef 1 : Une amende de 4 500 $ ; [18] À cette amende s’ajouteront les déboursés du dossier à l’exception des frais d’assignation des témoins, vu le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

[19] Cette recommandation est fondée sur les considérations suivantes : Facteurs aggravants : o La gravité objective de l’infraction ; o Les gestes posés sont au cœur même de l’exercice de la profession ; o Les conséquences pour l’assuré en raison du découvert d’assurance ; o La mise en péril de la protection du public ; o L’expérience de l’intimée laquelle exerce depuis 1994 ; Facteurs atténuants : o Le plaidoyer de l’intimée ; o Son absence d’antécédents disciplinaires ; o Ses regrets et ses remords ; o Le fait que l’intimée a pris soin de modifier sa pratique ;

3 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

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o Le faible risque de récidive ; o L’absence d’intention malveillante ; [20] Concernant le montant de l’amende suggérée, Me Khelfa a produit une série de décisions démontrant que cette catégorie d’infraction est habituellement sanctionnée par l’imposition d’une amende dont le montant varie suivant la gravité de celle-ci ;

[21] Il s’agit des décisions suivantes : ChAD c. Bouhayat, 2022 CanLII 6231 (QC CDCHAD) ChAD c. Dupuis, 2021 CanLII 140384 (QC CDCHAD) ChAD c. Filion, 2021 CanLII 15950 (QC CDCHAD) ChAD c. Gamache, 2021 CanLII 130550 (QC CDCHAD) [22] Cela étant établi, les parties demandent conjointement au Comité d’entériner leur suggestion commune ;

IV. Analyse et décision [23] Le Tribunal des professions, dans un arrêt récent, soit l’affaire Gougeon 4 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination de sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se

4 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII);

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prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères gras ajoutés) [24] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 5 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [25] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 6 ;

[26] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 7 ;

[27] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 8 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 9 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[28] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 10 ;

[29] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

5 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 6 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 7 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 8 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 9 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 10 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ;

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[30] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[31] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ; [32] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’arrêt Gougeon 11 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera la sanction suggérée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : ACCORDE la demande de retrait des chefs 2, 3 et 4 de la plainte ; PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; DÉCLARE l’intimée coupable du chef 1 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef 1: pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1 de la plainte modifiée ;

IMPOSE à l’intimée la sanction suivante : Chef 1: une amende de 4 500 $ ;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés à l’exception des frais d’assignations ;

ACCORDE à l’intimée un délai de six (6) mois pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés payable en six (6) versements mensuels, égaux et consécutifs, le délai débutant le 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

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Op. cit., note 4;

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___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ Mme Anne-Marie Hurteau, agent en assurance de dommages Membre

___________________________________ Mme Martyne Lavoie, agent en assurance de dommages Membre

Me Karoline Khelfa Procureur(e) de la partie plaignante

Me Sonia Paradis Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 16 septembre 2022 (par visioconférence)

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