Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2020-11-02(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages Mme Nadia Ndi, courtier en assurance de dommages

Président Membre Membre

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. FÉLIX COMTOIS, courtier en assurance de dommages (inactif et sans mode d’exercice)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 1 er septembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2020-11-02(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Jack Kermezian et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Paul Déry-Goldberg ;

I. [3]

La plainte L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant six (6) chef(s) d’accusation, soit : DANS LE CAS DE L’ASSURÉE S.C.C.B.A. 1. Entre les ou vers les mois de février et mai 2017, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance des entreprises 373-3514 pour l’assurée S.C.C.B.A. auprès d’Intact Compagnie d’assurance pour le terme du 17 mai 2017 au 17 mai 2018, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur, en omettant notamment d’indiquer, dans la proposition « assurance des entreprises », à la case « refus ou résiliation d’un assureur au cours des cinq dernières années », que L’Unique assurances

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générales avait refusé de renouveler le contrat d’assurance antérieur, en contravention avec les articles 15, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c.D-9.2, r.5);

DANS LE CAS DES ASSURÉES R.E. A.D.P. INC. ET 9318-XXXX QUÉBEC INC. 2. Les ou vers les mois de mars et avril 2016, lors de la souscription du contrat d’assurance des entreprises 17702400 auprès de L’Unique assurances générales pour le terme du 1 er avril 2016 au 1 er avril 2017, a exercé ses activités de manière négligente et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, notamment, en assurant conjointement R.E. A.D.P. inc. et 9318-XXXX Québec inc., malgré l’absence d’instructions claires en ce sens, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c D-9.2, r.5);

3.

4.

5.

Vers le mois d’avril 2016, avant l’émission du contrat d’assurance des entreprises 17702400 par L’Unique assurances générales pour le terme du 1 er avril 2016 au 1 er avril 2017 aux noms de R.E. A.D.P. inc. et 9318-XXXX Québec inc., a exercé ses activités de manière négligente, notamment en omettant de décrire les garanties et les exclusions auxdites assurées, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c D-9.2, r.5);

Les ou vers les mois de mars et avril 2016, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance des entreprises 17702400 auprès de L’Unique assurances générales pour le terme du 1 er avril 2016 au 1 er avril 2017, pour les assurées R.E. A.D.P. inc. et 9318-XXXX Québec inc., a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque, notamment en omettant de transmettre la preuve d’assurance antérieure de R.E. A.D.P. inc., entraînant ainsi l’ajout d’un avenant excluant les travaux antérieurs, en contravention avec les articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c D-9.2, r.5);

Vers le mois d’avril 2016, lors de la souscription du contrat d’assurance des entreprises 17702400 auprès de L’Unique assurances générales pour le terme du 1 er avril 2016 au 1 er avril 2017, aux noms de R.E. A.D.P. inc. et 9318-XXXX Québec inc., a exercé ses activités de manière négligente et/ou a fait défaut de rendre compte aux assurées de l’exécution de son mandat, en omettant de les informer de l’avenant prévu à leur contrat d’assurance excluant les travaux antérieurs, en contravention avec les articles 25, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c D-9.2, r.5);

TENUE DE DOSSIERS 6. Entre les ou vers les mois de juin 2015 et août 2018, a négligé ses devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités, en n’ayant pas une tenue de dossier à laquelle on est en droit de s’attendre de la part d’un représentant en assurance de dommages, en ne notant pas au dossier, notamment les communications téléphoniques, les conseils et les explications donnés, les décisions prises et les instructions reçues, en contravention avec les articles 85 à

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88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c D-9.2.), les articles 2, 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c D-9.2, r 5) et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (D-9.2, r.2).

II. Les faits [4] La preuve est essentiellement composée du dépôt des pièces documentaires et du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ;

[5] C’est ainsi qu’il fut démontré que l’intimé a exercé ses activités de manière négligente à plusieurs reprises :

En faisant défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque (chefs 1 et 4) ;

En assurant conjointement deux (2) entreprises sans avoir reçu des instructions claires de son client (chef 2) ;

En omettant de décrire à ses clients les garanties et les exclusions de leur contrat d’assurance (chef 3) ;

En omettant d’informer ses clients de la teneur d’un avenant (chef 5) ; En ayant une tenue de dossier déficiente (chef 6) ; [6] Rappelons que l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité constitue une reconnaissance que les faits reprochés constituent une faute déontologique

1 ;

III. Recommandation commune [7] Les parties suggèrent d’un commun accord d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Une radiation de trois (3) mois ;

Chef 1 : Chefs 2 à 6 : Une radiation concurrente d’un (1) mois sur chacun desdits chefs ; [8] À cela s’ajouteront une condamnation aux frais et la publication d’un avis de radiation ;

[9] De l’avis des procureurs, il s’agit d’une sanction taillée sur mesure pour l’intimé, considérant les facteurs aggravants et les facteurs atténuants propres au dossier de l’intimé ;

[10] À cet égard, les parties ont considéré pour l’établissement de leur suggestion

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Castiglia c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 (CanLII), par. 29;

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commune les circonstances aggravantes suivantes : La gravité objective des infractions ; La mise en péril de la protection du public ; Le fait que les infractions reprochées se situent au cœur même de l’exercice de la profession ;

La grande expérience de l’intimé, lequel exerce depuis 2002 ; Le nombre d’assurés concernés ; [11] Quant aux facteurs atténuants, les parties ont établi la liste suivante : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; Le fait qu’il a cessé d’exercer depuis le 19 novembre 2020 ; La réorientation de sa carrière, l’intimé ayant choisi d’abandonner sa pratique de courtier d’assurance ;

L’absence de malveillance ; L’absence de préjudice pour les clients ; [12] De son côté, l’avocat de la défense insiste sur le fait que la sanction disciplinaire n’a pas pour objet de punir le professionnel, mais vise plutôt à assurer la protection du public ;

[13] Les parties ont de plus produit une série de jurisprudence afin d’appuyer leur demande, soit :

ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Beaulieu, 2021 CanLII 51171 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Légaré, 2011 CanLII 9776 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Chapleau, 2018 CanLII 103157 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Mousseau, 2016 CanLII 66956 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Sultanian, 2021 CanLII 41359 (QC CDCHAD) ; [14] Cela dit, les parties demandent conjointement au Comité d’entériner leur suggestion commune et d’imposer à l’intimé les sanctions recommandées ;

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IV. Analyse et décision [15] Le Tribunal des professions, dans un arrêt récent, soit l’affaire Gougeon 2 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination de sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères en gras ajoutés) [16] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 3 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ;

2 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 3 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37;

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[17] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 4 ;

[18] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 5 ;

[19] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 6 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 7 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[20] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 8 ;

[21] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[22] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[23] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ; [24] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’arrêt Gougeon 9 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1 à 6 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:

pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

Chef 2 : pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

4 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 5 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 6 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 7 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 8 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 9 Op. cit., note 2;

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Chef 3 : pour avoir contrevenu à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (R.L.R.Q., c. D-9.2) ;

Chef 4 : pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

Chef 5 : pour avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

Chef 6 : pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.2) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 6 de la plainte ;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes : Chef 1 : Une radiation de trois (3) mois ; Chef 2 : Une radiation d’un (1) mois ; Chef 3 : Une radiation d’un (1) mois ; Chef 4 : Une radiation d’un (1) mois ; Chef 5 : Une radiation d’un (1) mois ; Chef 6 : Une radiation d’un (1) mois ; DECLARE que les périodes de radiation seront purgées de façon concurrente et ne deviendront exécutoire qu’à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé ;

ORDONNE la publication d’un avis de radiation temporaire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé ;

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CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés incluant, le cas échéant, les frais de publication de l’avis de radiation temporaire.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages Membre

___________________________________ Mme Nadia Ndi, courtier en assurance de dommages Membre

Me Jack Kermezian Procureur de la partie plaignante

Me Paul Déry-Goldberg Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 1

er septembre 2022 (par visioconférence)

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