Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-07-03(C) DATE :

LE COMITÉ : M e Patrick de Niverville, avocat Président M. Antoine El-Hage, M. Sc, BAA, courtier en assurance de Membre dommages M. François Vallerand, C. d’A. Ass, courtier en assurance de Membre dommages

M e YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. MYRIAM MUERMANS, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR SANCTION

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS À LA PLAINTE ET AUX PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-26)

[1] Le 28 septembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte numéro 2021-07-03(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Karoline Khelfa et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Sonia Paradis ;

[3]

Le 6 juin 2022, l’intimée a été reconnue coupable 1 des infractions suivantes : D’avoir exercé ses activités professionnelles de manière négligente à deux (2) reprises (chef 1a) et 1b)) ;

1 ChAD c. Muermans, 2022 CanLII 49677 (QC CDCHAD);

2021-07-03(C) PAGE : 2 [4] Il s’agit donc de déterminer la sanction juste et appropriée au cas de l’intimée ; I. Preuve sur sanction [5] L’intimée a témoigné afin de souligner certains facteurs atténuants, soit : Son absence d’antécédents disciplinaires en 22 ans de pratique ; Sa prise de conscience à la suite de la lecture de la décision sur culpabilité ; Ses regrets et remords ; Sa volonté d’améliorer sa pratique professionnelle ; Ses nouvelles méthodes de travail en matière de renouvellement ; [6] C’est en considérant cette preuve et les représentations des parties que le Comité déterminera la sanction appropriée au cas de l’intimée ;

II. Recommandations communes [7] Me Khelfa, de consentement avec l’avocate de la défense, suggère d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1a) : une réprimande ; Chef 1b) : une amende de 2 000 $ [8] Évidemment, les déboursés du dossier seront à la charge de l’intimée ; [9] Cela dit, Me Khelfa, après avoir rappelé les grands principes en matière de sanction insiste sur les facteurs suivants :

2

,

Facteurs aggravants : o La gravité objective élevée des infractions ; o Le caractère répétitif des infractions ; o Le découvert d’assurance d’une durée d’un mois et demi ; o Le préjudice financier subi par les assurés ; Facteurs atténuants : o L’absence d’antécédents disciplinaires ; o Le caractère limité des infractions, lesquelles ne concernent qu’un seul client ;

2 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

2021-07-03(C) PAGE : 3 o L’absence d’intention malveillante ; o Le faible risque de récidive ; o La modification de ses méthodes de travail par l’intimée ; [10] De plus, Me Khelfa insiste sur le fait que les sanctions suggérées s’inscrivent parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infraction ;

[11] Elle dépose, de plus, une série de jurisprudence démontrant le bien-fondé de la recommandation commune, soit les affaires :

ChAD c. Sévigny, 2020 CanLII 28855 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Charles, 2019 CanLII 120596 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Lachapelle–Couturier 2019 CanLII, 126386 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Pelletier, 2021 CanLII 29041 (QC CDCHAD) ; [12] De son côté, Me Paradis insiste sur le fait que l’intimée a posé des gestes concrets pour modifier ses méthodes de travail ;

[13] Cela dit, les parties demandent conjointement au Comité d’entériner leur recommandation ;

II. Analyse et décision A) Remarques préliminaires [14] Le Comité considère qu’il est important de rappeler les obligations déontologiques imposées aux représentants en assurance de dommages au moment du renouvellement d’un contrat d’assurance, notamment, tel que souligné par Me Fabien, dans l’affaire Charles 3 ;

[41] La preuve documentaire, et particulièrement les courriels P-9, démontrent sans l’ombre d’un doute que l’intimé a exercé ses activités de façon négligente.

[42] À notre avis, un professionnel de l’assurance, dans le cadre de ses activités, a le devoir de répondre avec diligence à toute demande d’instructions relative à un renouvellement.

[43] Il s’agit d’un devoir qui se situe au cœur de la profession et qui vise à protéger le public à l’encontre d’un découvert d’assurance.

[44] En effet, nous sommes d’avis qu’un professionnel raisonnablement compétent placé dans des circonstances similaires n’aurait pas tardé à répondre à GroupAssur inc. afin de procéder au renouvellement de la police comme l’intimé l’a fait en l’espèce.

3 ChAD c. Charles, 2019 CanLII 104161 (QC CDCHD);

2021-07-03(C) (Caractères gras ajoutés) [15] De la même façon, on consultera avec intérêt la décision Sévigny

4

PAGE : 4

:

[20] Le Comité considère que le présent dossier justifie de rappeler les principaux devoirs qui incombent au courtier d’assurance ;

Avant toute chose, le courtier doit faire preuve de disponibilité et il ne doit pas négliger ses devoirs professionnels ;

De plus, il doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ne pas hésiter à obtenir l’aide appropriée, si nécessaire ;

Il doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer;

Enfin, il doit exercer de façon honnête et ne pas faire preuve de négligence ;

De plus, il doit rendre compte de l’exécution de son mandat et toujours agir en conseiller consciencieux ; (Caractères gras ajoutés)

[16] Cela dit, pour les motifs ci-après exprimés, la recommandation commune formulée par les parties sera entérinée par le Comité ;

B) Recommandation commune [17] Le Tribunal des professions, dans l’affaire Gougeon 5 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination de

4 ChAD c. Sévigny, 2019 CanLII 112815 (QC CDCHD); 5 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII);

2021-07-03(C) PAGE : 5 sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères gras ajoutés) [18] Ce principe fut également réitéré dans l’arrêt Duval 6 [19] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 7 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [20] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 8 ;

[21] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 9 ;

[22] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 10 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 11 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[23] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 12 ;

[24] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

6 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII); 7 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 8 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 9 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 10 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 11 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 12 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ;

2021-07-03(C) PAGE : 6 [25] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[26] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ; [27] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 13 et Duval 14 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes: Chef 1a): une réprimande ; Chef 1b): une amende de 2 000 $ ;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés.

Me Karoline Khelfa Procureure de la partie plaignante

____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ M. Antoine El-Hage, M. Sc, BAA, courtier en assurance de dommages Membre

____________________________________ M. François Vallerand, C. d’A. Ass, courtier en assurance de dommages Membre

Me Sonia Paradis Procureure de la partie intimée

Date d’audience : 28 septembre 2022 (par visioconférence)

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Op. cit. note 5; Op. cit. note 6;

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