Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-02-02(C) DATE : 2 8 octobre 2022

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages

Président Membre

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante en reprise d’instance c. FIDAA NAJJAR, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

1

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉES ET TOUS CLIENTS MENTIONNÉS À LA PLAINTE ET/OU DANS LES PIÈCES DOCUMENTAIRES, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

[1] Les 30 août et 9 septembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-02-02(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Valérie Déziel et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Yves Carignan ;

I. [3]

La plainte L’intimée fait l’objet d’une plainte modifiée comportant, suite aux amendements, neuf

1 La présente décision fut rendue à deux membres vu l’impossibilité pour l’un des membres de siéger durant toute la durée des deux (2) journées d’audience (art. 118.3 C. prof.);

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(9) chefs d’accusation, soit : 834xxxx Canada inc. 1. Entre les ou vers les 5 décembre 2019 et 10 février 2020, a fait défaut d’agir avec transparence envers l’assurée, en lui confirmant qu’elle serait en mesure de présenter la proposition de renouvellement du contrat d’assurance automobile n o QCA9104462 émis par La Souveraine, compagnie d’assurance générale, venant à échéance le 25 janvier 2020 au plus tard le ou vers le 19 décembre 2019 et, ultérieurement, en lui indiquant que le risque avait été refusé par d’autres assureurs, en contravention avec les articles 25 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Entre les ou vers les 13 décembre 2019 et 13 janvier 2020, a exercé ses activités de manière négligente, en omettant de faire un suivi auprès de l’assurée pour les documents requis par l’assureur aux fins de tarification du renouvellement du contrat d’assurance n o QCA9104462 émis par La Souveraine, compagnie d’assurance générale, en contravention avec les articles 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3. (Retrait) 4. Le ou vers le 15 janvier 2020, a été négligente dans sa tenue de dossier de l’assurée, notamment en omettant de noter adéquatement la rencontre tenue avec son représentant, sa teneur, les conseils et explications donnés, les instructions reçues de l’assurée et les décisions prises, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

5. Entre les ou vers les 7 et 14 février 2020, a exercé ses activités de manière négligente et/ou a fait défaut de placer les intérêts de l’assurée avant les siens et ceux de son cabinet, en refusant d’émettre des certificats d’assurance en faveur des clients de l’assurée tant que le financement de la prime n’était pas finalisé, en contravention avec les articles 19, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

6. Le ou vers le 14 février 2020, dans le cadre d’une demande de certificat d’assurance et d’ajout d’assuré additionnel d’une cliente de l’assurée, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels ou de nature confidentielle obtenus, en divulguant à ladite cliente des informations concernant la résiliation du contrat d’assurance automobile n o QCA9104462 émis par La Souveraine, compagnie d’assurance générale, sans avoir obtenu au préalable le consentement de l’assurée, en contravention avec les articles 23 et 24 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

9366-xxxx Québec inc. 7. Le ou vers le 11 octobre 2019, a été négligente dans sa tenue de dossier de l’assurée, notamment en omettant de noter l’instruction reçue de l’assurée de renouveler le contrat d’assurance automobile n o CAP052953345 et le contrat

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d’assurance cargo et responsabilité civile des entreprises n o COM052953589, tous deux émis par Royal & Sun Alliance du Canada, société d’assurances, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

8. (Retrait) 9308-xxxx Québec inc. 9. Entre les ou vers les 9 mai 2018 et 17 juillet 2020, a été négligente dans sa tenue de dossier de sa cliente, notamment en omettant de noter adéquatement l’ensemble des conversations avec cette dernière, leur teneur, les conseils et explications donnés, les instructions reçues des assurés et les décisions prises, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

10. Le ou vers le mois de mai 2020, dans le cadre d’une demande de soumission pour un contrat d’assurance automobile, a exercé ses activités de manière négligente et/ou a fait défaut de donner suite aux instructions de sa cliente, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

11. Le ou vers le mois de mai 2020, dans le cadre d’une demande de soumission pour un contrat d’assurance automobile, a omis de faire la mise à jour du dossier de sa cliente pour pouvoir transmettre à l’assureur toutes les informations utiles lui permettant d’évaluer le risque, en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[4] L’intimée ayant choisi d’enregistrer un plaidoyer de non-culpabilité, les parties ont alors procédé à la présentation de leur preuve ;

[5] Cela dit, la partie poursuivante s’est contentée de produire, de consentement avec l’intimée, une série de pièces documentaires

2

;

[6] Les parties ont également convenu que cette preuve documentaire était produite pour équivaloir au témoignage des auteurs des écrits

3

;

[7] De son côté, l’intimée a témoigné pour sa défense en plus de produire certaines pièces ;

[8]

C’est sur la base de cette preuve que le Comité devra déterminer le bien-fondé de la

2 Pièces P-1 à P-28, à l’exception de la pièce P-15, laquelle ne fut pas produite ainsi que les pièces additionnelles P-8A, P-22A et P-24A ; 3 Laurin c. Chauvin, 2006 QCCQ 6115 (CanLII), par. 47;

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plainte déposée contre l’intimée ; II. Les faits [9] Le 5 décembre 2019, Monsieur R.K., contrôleur de l’assurée (834XXX Canada inc.), accepte de transférer à l’intimée son dossier d’assurance dans la mesure celle-ci réussit à obtenir une soumission de La Souveraine 4 ;

[10] À la même date, l’intimée accepte ce nouveau mandat 5 ; [11] Le 17 décembre 2019, le client (R.K.) réitère à l’intimée l’urgence d’obtenir une soumission d’assurance pour le 19 décembre 2019, ce à quoi l’intimée lui répond que l’assureur est en attente d’un rapport d’inspection 6 ;

[12] Le 18 décembre 2019, son client (R.K.) lui mentionne que l’inspection a été effectuée par La Souveraine la journée précédente, cela dit, l’intimée s’engage à obtenir sans délai une copie du rapport d’inspection et de procéder au renouvellement de l’assurance; quant au financement de la prime, elle s’en occupera au début de l’année 2020 7 ;

[13] Le 20 décembre 2019, un des directeurs de La Souveraine écrit à l’intimée pour l’informer que vu l’absence, durant la visite d’inspection, des propriétaires de la compagnie de transport, il leur manque plusieurs informations essentielles pour compléter leur inspection 8 ;

[14] Le 10 janvier 2020, l’intimée reçoit copie des recommandations formulées par l’inspecteur à la suite de sa visite du 17 décembre 2019, plusieurs de ces recommandations sont importantes et très sérieuses 9 ;

[15] Le 7 février 2020, l’intimée demande à ses clients de signer le contrat de financement de primes d’assurances 10 ;

[16] Le 10 février 2020, l’intimée informe ses clients que l’assurance pour leur compagnie de transport a été refusée sur tous les marchés, elle leur rappelle également la teneur des recommandations et l’importance de signer le contrat de financement de la prime 11 ;

[17] Ce courriel fait suite à plusieurs autres courriels de divers intervenants rappelant au client l’importance de documenter son dossier d’assurance 12 ;

4 Pièce P-2; 5

6 7 8 9 10 11 12

Op. cit., note 4; Pièce P-3; Pièce P-4; Pièce P-5; Pièce P-6; Pièce P-18; Pièce P-7, voir également la pièce P-19; Pièces P-9 et P-10;

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[18] L’intimée avait aussi été informée par l’assureur, un mois auparavant, qu’elle devait fournir plusieurs documents et informations manquantes 13 ;

[19] D’ailleurs, l’intimée rappelait au client, quelques jours plus tard, son obligation de lui fournir les documents manquants 14 ;

[20] Finalement, après avoir reçu une soumission comprenant une prime de plus de 250 000 $, le client a fini par accepter cette cotation 15 ;

[21] Il y a lieu de noter que les clients de l’intimée ont reçu plusieurs courriels leur rappelant l’importance de signer le contrat de financement de primes d’assurances et leur obligation de verser un dépôt initial 16 ;

[22] Finalement, cette police d’assurance fut annulée par défaut de paiement 17 ; [23] Cela dit, d’autres pièces documentaires 18 furent produites à l’appui des chefs 9, 10, et 11 de la plainte, ainsi que les enregistrements de deux (2) entrevues entre l’intimée et le syndic 19 ;

[24] Le présent résumé, bien qu’incomplet, constitue la trame de fond suivant laquelle seront analysés les divers chefs d’accusation reprochés à l’intimée ;

III. Analyse et décision 3.1 Chef no. 1 A) Le contexte [25] Le chef 1 reproche à l’intimée d’avoir manqué de transparence envers une assurée (834XXX Canada inc.), premièrement, en lui confirmant qu’elle serait en mesure de présenter une proposition de renouvellement de son assurance-automobile émise par La Souveraine dans un délai imparti et, ensuite, en lui indiquant que le risque avait déjà été refusé par d’autres assureurs ;

[26] Pour plus de précisions, il y a lieu de signaler que l’assurée est une entreprise de camionnage qui compte environ 35 camions et qu’au moment du renouvellement du contrat, elle a trois (3) réclamations pour des vols de cargo qui surviennent à la même époque que le renouvellement ;

[27] De plus, au moment des faits reprochés, le client est assuré auprès d’un autre

13 14 15 16 17 18 19

Pièce P-11; Pièces P-12 et P-13; Pièce P-14; Pièces P-18, P-19 et P-20; Pièce P-21; Pièces P-23, P-24, P-25, P-26, P-27 et P-28; Pièces P-16 et P-17;

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courtier ; [28] C’est par l’entremise du contrôleur (R.K.) de l’assurée que l’intimée est sollicitée pour obtenir un renouvellement auprès de La Souveraine ;

[29] Ainsi, le 5 décembre 2019, Monsieur R.K. écrit à l’intimée pour l’informer qu’il serait prêt à lui transférer son dossier à la condition d’obtenir une soumission de La Souveraine à l’intérieur d’un délai de deux (2) semaines 20 ;

[30] L’intimée lui répond immédiatement en lui disant « we will » 21 ; [31] Il ne s’agit pas d’un dossier facile puisque ce mandat arrive au mois de décembre et qu’il y a une série de documents à fournir rapidement et, en plus, une inspection de l’entreprise est prévue pour le 17 décembre 2019, quelques jours avant le congé des fêtes de Noël 22 ;

[32] En plus, le contrôleur (R.K.) tarde à transmettre à l’intimée les documents requis par La Souveraine ;

[33] Mais il y a plus, alors que Monsieur R.K. fait défaut de se présenter à l’inspection, il écrit pourtant à l’intimée, le lendemain de l’inspection, que celle-ci, à l’exception de certaines irrégularités mineures, s’est bien déroulée 23 ;

[34] Il rappelle à l’intimée qu’il doit recevoir la soumission pour le 19 décembre et il espère qu’elle sera prête 24 ;

[35] Le 20 décembre 2019, l’intimée reçoit un courriel de La Souveraine 25 qu’elle qualifie au moment de son témoignage de « catastrophique » dans lequel on lui mentionne que :

« Suite à la visite de notre préventionniste, plusieurs interrogation sont ressortie. Premièrement l’adresse de l’assurée sur la police ne semble pas être bonne. Ni le propriétaire ni sa femme qui a pris le rendez-vous n’était présent lors de la rencontre. La personne rencontré n’avait pas l’information sur l’entretien des camions. Des camions et/ou remorque serait stationné dans la rue! Le rapport PEVL s’est détérioré grandement.

Le rapport PEVL indique seulement 15 camions, nous en avons 35 sur la police en ce moment. A qui appartient les autres camions?

Nous aurons besoin des copies des certificats d’immatriculation de tout les camions.

20 21 22 23 24 25

Pièce P-2; Pièce P-2 Pièce P-3; Pièce P-4 (page 13); Pièce P-4 (page 14); Pièce P-5;

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Notre préventionniste ne crois pas que le client va compléter les recommandations suite au manque de coopération lors de la visite. » [transcription textuelle]

(Caractères gras ajoutés)

[36] Il s’ensuit alors une partie de bras-de-fer avec le contrôleur (R.K.) pour tenter d’obtenir les documents nécessaires pour compléter la soumission ;

[37] De plus, en janvier 2020, arrivent trois (3) réclamations pour des vols de cargo, ce qui a pour effet d’aggraver une situation déjà complexe vu le manque de collaboration du client ;

[38] D’ailleurs, le 8 janvier 2020, l’intimée reçoit un courriel de La Souveraine lui rappelant qu’il manque des documents 26 ;

[39] Le 10 janvier 2020, une copie du rapport d’inspection est acheminée à l’intimée 27 ; [40] Le rapport d’inspection comprend une série de recommandations qualifiées « d’importantes » 28 ;

[41] Le 10 janvier 2020, La Souveraine envoie un courriel à la présidente de l’assurée pour lui rappeler qu’elle doit mettre son dossier à jour et compléter les recommandations mentionnées au rapport d’inspection 29 ;

[42] L’intimée est également informée de cette situation à la même date 30 ; [43] Le 13 janvier 2020, l’intimée écrit également à la présidente de l’entreprise ainsi qu’au contrôleur (R.K.) pour leur rappeler l’importance de fournir les documents requis par La Souveraine sans plus tarder 31 ;

[44] Elle réitère cette demande le lendemain, soit le 14 janvier 2020, une première fois, à 10h20 32 , et une deuxième fois à 19h00 33 ;

[45] Le lendemain, le 15 janvier 2020, une rencontre est organisée au siège social de l’entreprise avec la présidente, son mari et le contrôleur (R.K.) afin de faire le point sur l’ensemble des exigences de La Souveraine ;

[46] Le 16 janvier 2020, l’intimée rappelle à ses clients l’importance de se conformer aux

26 27 28 29 30 31 32 33

Pièce I-1; Pièce P-5 ou I-2 ; Ibid; Pièces P-10 et P-11 Pièce P-11; Pièce I-4; Pièce I-5; Pièce P-13;

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recommandations mentionnées au rapport d’inspection 34 ; [47] Cela dit, l’intimée a connu d’autres difficultés majeures avec ce client, cette fois-ci, concernant la signature du contrat de financement des primes 35 ;

[48] C’est dans ce contexte très particulier que le chef 1 devra être analysé ; B) La position des parties [49] Suivant la poursuite, l’intimée a failli à son engagement d’obtenir le renouvellement d’assurance de son client 36 ;

[50] Plus particulièrement, Me Déziel reproche à l’intimée son manque de transparence envers l’assurée puisqu’elle n’a pas pris soin de l’informer qu’elle ne serait pas en mesure de respecter les délais impartis vu le manque de collaboration du client ;

[51] Elle appuie ses prétentions en référant le Comité aux pièces P-5, P-7, P-8(A) et P-16 ;

[52] De son côté, la défense plaide qu’il ne s’agissait pas d’une obligation de résultat mais simplement d’une obligation de moyen ;

[53] À cet égard, Me Carignan mentionne qu’il faut tenir compte du contexte dans lequel se déroule les faits reprochés et, plus particulièrement, le manque de collaboration du client, ce qui rendait la tâche de l’intimée spécialement ardue et complexe vu les contraintes de temps imposées par La Souveraine et le client ;

[54] En résumé, la défense plaide l’adage « nul n’est tenu à l’impossible » ; C) Motifs et dispositif [55] Dans un premier temps, le Comité est d’opinion que l’intimée était soumise à une obligation de moyen et non de résultat ; [56] Cela dit, elle avait l’obligation de prendre tous les moyens raisonnables pour arriver au résultat escompté sans toutefois en garantir la réussite 37 ;

[57] Cela dit, quelles sont les obligations d’un courtier en assurance de dommages? [58] À cet égard, il convient de citer de larges extraits de l’affaire Hébert 38 :

34 35 36

37 38

Pièces I-7 et I-8; Cet aspect du dossier sera abordé lors de l’examen du chef 5; P-2: courriel du 5 décembre 2019 dans lequel l’intimée s’engage à obtenir un renouvellement d’assurance auprès de La Souveraine en écrivant « we will »; Nova Construction CP inc. c. Giroux, 2015 QCCS 466 (CanLII); ChAD c. Hébert, 2013 CanLII 10706 (QC CDCHAD);

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[43] Tel que le soulignait l’auteur Sylvie Poirier, l’obligation de compétence doit être nuancée;

[44] À cet égard, le Comité réfère à sa décision rendue dans l’affaire Cloutier, et plus particulièrement aux passages suivants :

[122] Sur ce point particulier, le Comité estime que l’intimé a rempli son devoir de conseil même si celui-ci n’était peut-être pas le meilleur ni le plus complet;

[123] En effet, le droit disciplinaire n’exige pas de chaque professionnel qu’il soit l’incarnation même de la perfection

[124] À cet égard, qu’il nous soit permis de référer aux enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Ayotte c. Gingras dans laquelle on peut lire :

«Il y a une distinction à faire entre une faute technique et une faute disciplinaire.» (p. 192)

«De l’avis du Tribunal, le Comité de discipline a bien disposé de ce chef de la plainte. Il y a peut-être eu, ici, une faute technique poursuivable en matière civile, mais le Tribunal n’a pas à en décider. Toutefois, il n’y a sûrement pas faute disciplinaire. Rien dans la preuve ne permet de conclure que l’intimé Gingras ne rencontre pas en effet les standards moyens requis en regard du comportement d’un avocat.» (pp. 193 et 194)

[125] De la même façon, l’auteur Sylvie Poirier, nuance les obligations imposées aux professionnels comme suit :

«Les standards de compétence que doit rencontrer un professionnel sont ceux qui seraient suivis par un professionnel raisonnablement compétent placé dans des circonstances similaires. Il est entendu du professionnel qu’il détienne et applique le degré de connaissance et d’habilité technique requis d’un professionnel adéquatement formé et entraîné.

Néanmoins, le niveau de compétence exigé d’un professionnel n’est pas la perfection. C’est habituellement une obligation d’un moyen plutôt que la garantie d’un résultat parfait. Mais cette règle n’est pas absolue et, dans certaines circonstances, c’est le résultat et non les moyens pour y parvenir qui sont pris en considération par les tribunaux pour déterminer la responsabilité d’un professionnel. »

(Nos soulignements et références omises) [59] Bref, le droit disciplinaire n’exige pas que chaque professionnel soit l’incarnation même de la perfection 39 ;

39

Prud’homme c. Gilbert, 2012 QCCA 1544 (CanLII), voir par. 33 à 41;

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[60] Il convient également de rappeler que l’assuré a une obligation de collaboration qu’il doit agir de bonne foi 41 ;

40

et

[61] Cela étant dit, le Comité considère que l’intimée doit être acquittée des faits reprochés au chef 1 ;

[62] Dans un premier temps, le Comité est d’opinion que la partie plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve ;

[63] Ainsi, la preuve du syndic doit toujours être « claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » 42 ;

[64] Or, la preuve démontre clairement que l’intimée a pris tous les moyens à sa disposition pour tenter de remplir ses engagements ;

[65] Cependant, ses démarches se sont heurtées à un manque total de collaboration de la part de l’assurée et plus particulièrement en raison du laxisme du contrôleur (R.K.) face aux demandes répétées de l’intimée ;

[66] Dans les circonstances, le Comité conclut à l’acquittement de l’intimée quant au chef 1 de la plainte ;

3.2 Chef no. 2 [67] Le chef 2 reproche à l’intimée d’avoir fait preuve de négligence en omettant de faire un suivi auprès de l’assurée pour les documents requis par l’assureur aux fins de tarification du renouvellement du contrat d’assurance ;

[68] Concernant ce chef d’accusation, il faut souligner que celui-ci est intimement lié au chef 1 et qu’il se déroule dans le même contexte que le chef 1 ;

[69] De plus, la preuve documentaire 43 et testimoniale démontre que l’intimée était en constante communication avec ses clients mais ceux-ci ne semblaient pas saisir l’importance de la situation et la nécessité de respecter les échéances fixées par l’assureur et de fournir les documents et renseignements requis ;

[70] Dans les circonstances, le Comité considère que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve ;

[71] D’autre part, l’intimée a tenté tant bien que mal d’assurer un suivi de son dossier mais, à chaque fois, elle était confrontée à l’indifférence de son client ;

[72] Pour ces motifs, l’intimée sera acquittée du chef 2 de la plainte ;

40 41 42 43

Anderson c. Intact, compagnie d’assurances, 2020 QCCA 318 (CanLII), par. 36; Roy c. L’Unique, Assurances générales inc., 2019 QCCA 1887 (CanLII), par. 100; Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078 (CanLII), par. 67; Pièces P-4, P-5 et P-6;

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3.3 Chefs nos. 4, 7 et 9 [73] Les chefs 4, 7 et 9 de la plainte reprochent à l’intimée une tenue inadéquate de ses dossiers ;

A) Chefs nos. 4 et 7 [74] A l’audition, l’intimée a reconnu que ses dossiers ne comprenaient pas de notes de ses rencontres ou des instructions reçues de son client ;

[75] Sa défense consistait à prétendre que tous les éléments essentiels de son dossier se retrouvent dans les divers courriels échangés entre les parties ;

[76] La tenue de dossier est régie par le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome 44 dont les articles 12 et 21 prescrivent ;

12. Le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome tient des dossiers clients pour chacun de ses clients ;

21. Les dossiers clients qu’un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome inscrit dans la discipline de l’assurance de dommages doit tenir sur chacun de ses clients dans l’exercice de ses activités doivent contenir les mentions suivantes:

son nom; le montant, l’objet et la nature de la couverture d’assurance; le numéro de police et les dates de l’émission du contrat et de la signature de la proposition, le cas échéant;

le mode de paiement et la date de paiement du contrat d’assurance; la liste d’évaluation des biens de l’assuré transmise par celui-ci, le cas échéant.

Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé.

(Soulignements ajoutés) [77] Cela dit, de l’aveu même de l’intimée, ses dossiers ne contiennent pas de notes de ses rencontres ou discussions avec ses clients, ni les instructions reçues et les décisions prises ;

[78] En conséquence, l’intimée sera reconnue coupable des infractions reprochées aux

44

R.L.R.Q., c. D-9.2, r.2;

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chefs 4 et 7 de la plainte ; B) Chef no. 9 [79] Concernant le chef 9, la défense de l’intimée consistait aussi à prétendre qu’il ne s’agissait pas d’un véritable client mais d’un simple « prospect » ;

[80] Le Comité tient à rappeler que cette défense a été rejetée dans le cadre d’une décision préliminaire 45 portant sur une requête en irrecevabilité présentée par l’intimée ;

[81] En l’espèce, le Comité a conclu comme suit

46

:

[37] Cela dit, la position adoptée par les procureurs de l’intimée évacue totalement le devoir de conseil imposé à tous les courtiers en assurance en les cantonnant dans un rôle de simple vendeur d’assurance ;

[39] Bref, la protection du public exige que le courtier et/ou l’agent ne limite pas son rôle à celui de « simple vendeur » d’assurance ;

[41] Mais il y a plus, le raisonnement suggéré par les procureurs de l’intimée va à l’encontre des actes reconnus par la Loi aux représentants en assurance, lesquels visent autant les gestes posés avant la conclusion d’un contrat d’assurance que ceux posés après l’obtention d’une police d’assurance, tel qu’il appert des articles 26, 27 et 28 :

26. Un représentant en assurance, qui place un risque auprès d’un assureur avec lequel il a des liens d’affaires, ou dont la société autonome ou le cabinet pour lequel il agit a de tels liens, doit les divulguer à la personne avec laquelle il transige.

Constituent des liens d’affaires, tout intérêt direct ou indirect qu’un assureur détient dans la propriété d’un cabinet ou, inversement, qu’un cabinet détient dans la propriété d’un assureur, ainsi que l’octroi par l’assureur de tout autre avantage ou de tout autre intérêt déterminés par règlement.

27. Un représentant en assurance doit s’enquérir de la situation de son client afin d’identifier ses besoins.

Il doit s’assurer de conseiller adéquatement son client, dans les matières relevant des disciplines dans lesquelles il est autorisé à agir; s’il lui est possible de le faire, il offre à son client un produit qui convient à ses besoins.

28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.

(Nos caractères gras)

45 46

ChAD c. Najjar, 2021 CanLII 143478 (QC CDCHAD); Ibid.;

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Cela dit, le Comité est d’avis qu’à compter du moment le courtier remplit une demande de soumission pour l’obtention d’un contrat d’assurance, il agit alors dans le cadre de sa profession et, en conséquence, une relation courtier-client s’établit dès cet instant ;

(Caractères gras ajoutés) [82] En conséquence, vu l’aveu de l’intimée, de même que pour les motifs déjà exprimés pour les chefs 4 et 7, l’intimée sera reconnue coupable du chef 9 de la plainte ;

3.4 Chef no. 5 [83] Le chef 5 reproche à l’intimée d’avoir refusé d’émettre des certificats d’assurance en faveur des clients de l’assurée tant que le contrat de financement des primes n’était pas finalisé ;

A) Le contexte [84] Il y a lieu de rappeler que l’intimée a exercer ses activités professionnelles dans un contexte particulièrement difficile en raison du manque de collaboration de l’assurée et de son contrôleur (R.K.), tel que souligné dans les paragraphes 26 à 49 de la présente décision ;

[85] Cela dit, c’est dans ce contexte qu’elle se fait demander par divers donneurs d’ouvrage du client de faire émettre des certifications d’assurance en leur faveur puisqu’ils se préparent à faire transporter leur marchandise par le biais des camions de l’assurée ;

[86] L’intimée hésite considérant tous les problèmes encourus avec ce client et les trois (3) réclamations survenues deux (2) mois auparavant et dont elle a appris l’existence en plein milieu de son mandat ;

[87] Mais il y a plus, l’hésitation de l’intimée est également alimentée par la négligence de l’assurée à apposer sa signature sur le contrat de financement des primes, malgré les nombreux courriels de rappel qu’elle lui a fait parvenir 47 ;

[88] À cela s’ajoute le fait que l’intimée plaide qu’elle doit également assurer la protection des tiers et non pas seulement de son client ;

[89] Qu’en est-il au juste? B) La protection du public et les tiers [90] Dans le but d’analyser les prétentions de l’intimée, il y a lieu de reproduire certaines dispositions du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages 48 ;

47 Piece P-18; 48 R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5;

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11. Le représentant en assurance de dommages doit appuyer toute mesure visant la protection du public.

15. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur;

9° de participer à la confection ou à la conservation d’une preuve ou d’un document qu’il sait être faux;

(Caractères gras ajoutés) [91] Bref, l’intimée plaide qu’elle a aussi des obligations professionnelles envers les tiers qui font affaires avec son client ;

[92] Elle se sentait mal à l’aise d’émettre des certificats d’assurance alors que le client tardait et négligeait de signer le contrat de financement des primes ;

[93] Elle souligne que même l’A.M.F. a expliqué au client, le 28 février 2020, qu’il devait signer le contrat de financement 49 ;

[94] Enfin, et plus particulièrement, l’intimée plaide qu’elle craignait de faire une fausse déclaration et d’induire en erreur des tiers vu le risque que la police d’assurance puisse être annulée pour défaut de paiement ;

[95] À cet égard, le Comité considère que les craintes de l’intimée étaient fondées sur des faits objectifs et non simplement sur des conjectures vu le comportement de l’assurée depuis le début du dossier ;

[96] De plus, l’interprétation de l’intimée de ses obligations professionnelles face aux tiers est conforme à la jurisprudence 50 et au Code de déontologie 51 ;

[97] En procédant à l’émission des certificats d’assurance dans ce cas particulier et vu l’historique du dossier et le manque de collaboration de l’assurée même pour un geste aussi simple que la signature d’un contrat de financement, l’intimée craignait de faire une fausse déclaration et d’induire en erreur les clients de l’assurée ;

[98] Par analogie, qu’il nous soit permis de référer à l’arrêt de la Cour suprême rendu

49 Pièces P-8(A) et P-8; 50 Salomon c. Matte-Thompson, 2019 CSC 14 (CanLII); Hercules Management c. Ernst & Young, 1997 CanLII 345 (CSC); 51 Art. 11, 15,37(7) et 37(9);

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dans l’affaire Grant Thornton LLP c. Nouveau - Brunswick

52

;

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[52] La décision de la province d’acquiescer à la demande d’Atcon de garantir des prêts totalisant 50 millions de dollars était conditionnelle à la réalisation d’une vérification externe par Grant Thornton des états financiers consolidés de l’exercice 2009 d’Atcon. Après avoir terminé cette vérification, Grant Thornton a déclaré à la province, dans le rapport sans réserve du vérificateur qu’il lui a remis, qu’il avait vérifié les états financiers d’Atcon conformément aux normes de vérification généralement reconnues et que, à la suite de sa vérification, il était d’avis que les états financiers d’Atcon donnaient « à tous les égards importants, une image fidèle de la situation financière, des résultats des activités et des flux de trésorerie d’[Atcon] au 31 janvier 2009 pour l’exercice terminé à cette date, conformément aux principes comptables généralement reconnus au Canada » (d.i., p. 26). La province s’est fiée à ces déclarations pour signer les garanties de prêts.

[53] À peine quatre mois après avoir reçu les garanties de prêts, Atcon avait épuisé son fonds de roulement, ce qui a incité la Banque de Nouvelle-Écosse à entamer des procédures de faillite et d’insolvabilité contre elle. L’avocat du procureur général du Nouveau-Brunswick a participé à certaines des audiences, de sorte que la province a été mise au courant de ces procédures. D’ailleurs, elle savait que, le 1er mars 2010, le tribunal avait fait droit aux demandes de la banque et ordonné la mise sous séquestre d’Atcon.

(Caractères gras ajoutés) [99] Dans les circonstances, le Comité considère que l’intimée a pris une décision raisonnable fondée sur des faits objectifs et surtout elle a mis en balance, d’une part, ses obligations déontologiques envers son client et, d’autre part, celles qu’elle avait envers les tiers pour conclure qu’il était plus prudent et plus conforme à son code de déontologie d’attendre que l’assurée ait signé le contrat de financement des primes ;

[100] D’ailleurs, l’émission d’un certificat d’assurance contenant des informations fausses et/ou trompeuses constitue une grave infraction 53 ; C) Conclusion

[101] Dans les circonstances, le Comité considère que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve ;

[102] Sur cette question, il y a lieu de souligner que la partie plaignante n’a fait entendre aucun représentant de l’assurée qui aurait pu venir expliquer devant le Comité le manque de collaboration de l’assurée et la réticence, pour ne pas dire la négligence, du contrôleur à signer le contrat de financement des primes ;

[103] Cela dit, la preuve présentée par la défense et les explications fournies par l’intimée demeurent non contredites ;

52 2021 CSC 31 (CanLII); 53 Chad c. Constantin, 2012 CanLII 63684 (QC CDCHAD);

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[104] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimée sera acquittée des infractions reprochées au chef 5 ;

3.5 Chef no. 6 [105] Le chef 6 reproche à l’intimée d’avoir dévoilé des informations confidentielles à l’un des donneurs d’ouvrages de l’assurée sans avoir le consentement de l’assurée ;

A) Les faits [106] En défense, l’intimée explique avoir obtenu le consentement verbal de la présidente de l’assurée avant l’envoi du courriel litigieux (P-21) ;

[107] De plus, elle précise n’avoir jamais reçu de sa cliente un quelconque courriel désapprouvant l’envoi du courriel du 4 février 2020 (P-21) ;

[108] Encore une fois, cette preuve demeure non contredite puisque la partie plaignante n’a pas fait témoigner la présidente de l’assurée, ni d’ailleurs aucun autre témoin ;

[109] Cela dit, l’intimée devait-elle obtenir un consentement écrit de l’assurée avant l’envoi de son courriel ?

B) Le consentement [110] Le chef 6 est fondé sur les articles 23 et 24 du Code de déontologie édictent :

54

lesquels

23. Le représentant en assurance de dommages doit respecter le secret de tous renseignements personnels qu’il obtient sur un client et les utiliser aux fins pour lesquelles il les obtient, à moins qu’une disposition d’une loi ou d’une ordonnance d’un tribunal compétent ne le relève de cette obligation.

24. Le représentant en assurance de dommages ne doit pas divulguer les renseignements personnels ou de nature confidentielle qu’il a obtenus autrement que conformément à la Loi, ni les utiliser au préjudice de son client ou en vue d’obtenir un avantage pour lui-même ou pour une autre personne.

[111] De l’avis du Comité, l’intimée pouvait, dans les circonstances décrites au chef 6, se contenter d’un consentement verbal tel que déjà décidé dans l’affaire ChAD c. Duchamps 55 ;

[26] Ainsi, l’intimé sera acquitté des infractions relatives aux articles 23 et 24 du code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.Q. c.D-9.2, R.1.03), puisque ces deux dispositions n’excluent pas la possibilité

54 55

R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5; 2009 CanLII 3623 (QC CDCHAD);

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d’obtenir un consentement verbal de la part du client avant d’utiliser ses renseignement personnels ou de nature confidentielle;

(Caractères gras ajoutés)

[112] Cependant, lorsqu’il s’agit d’autoriser des prélèvements bancaires, il est de mise d’exiger un consentement écrit afin de s’assurer que le client consent à ce mode de paiement et afin d’assurer la sécurité des transactions bancaires 56 ;

[113] De plus, le chef 6 ne reproche pas à l’intimée d’avoir fait défaut d’obtenir un consentement écrit mais d’avoir transmis des informations confidentielles « sans avoir obtenu le consentement de l’assurée » ;

[114] À cet égard, rappelons que le « libellé de la plainte est de la responsabilité du syndic » et que « celui-ci est lié par cette rédaction tout comme le Comité et le tribunal 57 » ;

C) Conclusion [115] Dans les circonstances, le Comité a l’obligation de conclure, vu la preuve non contredite présentée par l’intimée, que celle-ci avait obtenu au préalable le consentement de l’assurée avant l’envoi du courriel du 14 février 2020 ;

[116] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimée sera acquittée des infractions reprochées au chef 6 ;

3.6 Chef no.10 [117] Le chef 10 reproche à l’intimée d’avoir agi de manière négligente et d’avoir fait défaut de donner suite aux instructions de sa cliente (9308-XXXX Québec inc.) lors d’une demande de soumission pour un contrat d’assurance-automobile ; [118] En défense, l’intimée plaide qu’il ne s’agissait pas d’un véritable client mais d’un simple « prospect » ;

[119] Rappelons que cette question a déjà été réglée dans la décision préliminaire sur la requête en irrecevabilité 58 ;

[120] En l’espèce, le Comité conclut comme suit :

[41] Mais il y a plus, le raisonnement suggéré par les procureurs de l’intimée va à l’encontre des actes reconnus par la Loi aux représentants en assurance, lesquels visent autant les gestes posés avant la conclusion d’un contrat d’assurance que ceux posés après l’obtention d’une police d’assurance, tel qu’il appert des articles 26, 27 et 28 :

56 57 58

Ibid, par. 34 et 36; Nadon c. Avocats, 2008 QCTP 12 (CanLII), par. 72; 2021 CanLII 143478 (QC CDCHAD);

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26. Un représentant en assurance, qui place un risque auprès d’un assureur avec lequel il a des liens d’affaires, ou dont la société autonome ou le cabinet pour lequel il agit a de tels liens, doit les divulguer à la personne avec laquelle il transige.

Constituent des liens d’affaires, tout intérêt direct ou indirect qu’un assureur détient dans la propriété d’un cabinet ou, inversement, qu’un cabinet détient dans la propriété d’un assureur, ainsi que l’octroi par l’assureur de tout autre avantage ou de tout autre intérêt déterminés par règlement.

27. Un représentant en assurance doit s’enquérir de la situation de son client afin d’identifier ses besoins.

Il doit s’assurer de conseiller adéquatement son client, dans les matières relevant des disciplines dans lesquelles il est autorisé à agir; s’il lui est possible de le faire, il offre à son client un produit qui convient à ses besoins.

28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.

(Nos caractères gras) [121] Cela dit, le Comité est d’avis qu’à compter du moment le courtier remplit une demande de soumission pour l’obtention d’un contrat d’assurance, il agit alors dans le cadre de sa profession et, en conséquence, une relation courtier-client s’établit dès cet instant ;

[122] D’autre part, l’intimée plaide que la demande de soumission (P-26) du 6 mai 2020 était fondée sur un courriel du 3 juin 2019 envoyé de façon automatique à tous les clients ;

[123] Cela dit, le 17 juillet 2020, le client écrit à l’intimée pour lui souligner son insatisfaction quant à l’impossibilité d’obtenir de l’assurance et son manque de suivi par l’intimée 59 ;

[124] Le 20 juillet 2020, Me Soucy, une employée du cabinet de l’intimée, écrit au client pour lui décrire l’ensemble des démarches effectuées dans son dossier 60 ;

[125] Brièvement résumé, le cabinet indique au client qu’ils n’ont pas été en mesure de répondre à sa demande de soumission puisqu’il a déjà été refusé par plusieurs assureurs contactés, soit par leur entremise, soit par celui de son ancien courtier 61 ;

[126] De plus, on indique au client différentes options qui s’offrent à lui pour remédier à

59 60 61

Page 219 de P-28; Page 218 de P-28; Ibid.;

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cette situation 62 pour finalement conclure qu’ils ne sont pas en mesure de l’aider ; [127] Vu cette preuve, le Comité n’est pas en mesure de conclure que l’intimée a fait preuve de négligence ou a fait défaut de donner suite aux instructions de son client tel qu’allégué au chef 10 ;

[128] De plus, encore une fois, le Comité doit souligner que le syndic n’a fait entendre aucun témoin à l’appui de ses prétentions ;

[129] À cet égard, le Comité doit se rabattre sur la preuve non contredite de l’intimée suivant laquelle elle a mis tous les efforts nécessaires pour assurer le suivi de ce dossier ;

[130] De plus, l’intimée a souligné qu’elle devait travailler dans un contexte très difficile compte tenu de la pandémie et du manque de personnel en résultant ;

[131] Bref, elle a pris tous les moyens raisonnables à sa disposition pour compléter ce mandat mais le client ayant déjà été refusé par plusieurs assureurs, elle fut tout simplement incapable de répondre à sa demande ;

[132] Dans les circonstances, le Comité conclut que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve ;

[133] Pour ces motifs, l’intimée sera acquittée des infractions reprochées au chef 10 ; 3.7 Chef no.11 [134] Le chef 11 concerne la même demande de soumission mais reproche cette fois-ci à l’intimée d’avoir omis de faire la mise à jour du dossier du client pour pouvoir transmettre à l’assureur toutes les informations utiles pour évaluer le risque ;

[135] Pour les mêmes motifs que ceux exprimés aux paragraphes 123 à 129 de la présente décision, l’intimée sera acquittée des infractions reprochées au chef 11 ;

[136] Finalement, il ne sera pas nécessaire d’examiner les arguments des parties concernant l’application de la règle interdisant les condamnations multiples 63 vu l’acquittement 64 de l’intimée tant sur le chef 10 que sur le chef 11 ;

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : AUTORISE le retrait des chefs 3 et 8 ; ACQUITTE l’intimée de toutes et chacune des infractions reprochées aux chefs 1, 2, 5, 6, 10 et 11 ;

62 63 64

Ibid.; Psychologues c. Vallières, 2018 QCTP 121 (CanLII); Notaires c. Leclerc, 2010 QCTP 76 (CanLII);

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DÉCLARE l’intimée coupable des infractions reprochées aux chefs 4, 7 et 9 et plus particulièrement comme suit :

Chefs 4, 7 et 9 : pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.2)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 4, 7 et 9 ;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour les représentations sur sanction pour les chefs 4, 7 et 9 ;

LE TOUT frais à suivre.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

Me Valérie Déziel Procureure de la partie plaignante

___________________________________ Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages Membre

Me Yves Carignan Procureur de la partie intimée

Dates d’audience : 30 août 2022 et 9 septembre 2022 (par visioconférence)

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