Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-12-02(E) DATE : 8 septembre 2022

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Me Benoit Loyer, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers M. Mario Joannette, expert en sinistre

Président Membre

Membre

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. BELLA GALARNEAU, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 8 juillet 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-12-02(E), en visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Mathieu Cardinal et, de son côté, l’intimée se représentait seule ;

I. [3]

La plainte L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant un chef d’accusation, soit : 1. Entre les ou vers les 4 juillet 2012 et 20 mai 2021, a agi comme expert en sinistre dans environ 50 dossiers de réclamation relevant de l’assurance de dommages des entreprises, une catégorie de discipline pour laquelle elle ne détenait pas la certification requise, en contravention avec les articles 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c. 9.2), les articles 2 et 26 du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c-9.2, r.4) et l’article 10 al. 1 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ c. D-9.2, r.7) ;

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[4] D’entrée de jeu, les parties ont informé le Comité qu’une entente était intervenue et que la sanction ferait l’objet d’une recommandation commune ;

[5] Cela dit, l’intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité et les parties procédèrent alors à l’audition sur sanction ;

II. Preuve sur sanction [6] Essentiellement, la preuve fut constituée du dépôt de certaines pièces et plus particulièrement d’un résumé des faits (P-15) dont il convient de citer certains extraits :

5.

6.

7.

8.

9.

L’Intimée détient un certificat émis par l’Autorité des marchés financiers portant le numéro 113598 depuis le 1 er octobre 1999 ;

Du 1 er octobre 1999 au 19 août 2003 et depuis le 27 juin 2008, l’Intimée a été certifiée en expertise en règlement de sinistres en assurance de dommage des particuliers (5B) ;

Du 27 avril 2004 au 27 juin 2008, l’Intimée a été certifiée en expertise en règlement de sinistres à l’emploi d’un assureur en assurance de dommages des particuliers ;

Depuis le 4 juillet 2012, l’Intimée est rattachée au cabinet Service d’assurance Universel inc. ;

Entre le 4 juillet 2012 et le 20 mai 2021, l’Intimée a agi comme expert en sinistre dans environ 50 dossiers de réclamation relevant de l’assurance de dommages des entreprises, une catégorie de discipline pour laquelle elle ne détenait pas la certification requise ;

10. Ce faisant, l’Intimée a contrevenu aux articles 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), aux articles 2 et 26 du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c. D-9.2), r.4) et à l’article 10 al. 1 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ, c. D-9.2, r.7) ;

11. Pendant ladite période, l’Intimée a traité lesdits dossiers de réclamations parce que ceux-ci lui ont été assignés par sa directrice et qu’ils mettaient en cause des contrats d’assurance automobile de particulier ;

12. En raison de ce qui précède, l’Intimée croyait agir à l’intérieur des limites de sa certification ;

[7] Les infractions reprochées à l’intimée s’étendent sur une période assez longue (2012 à 2021) et concernent une cinquantaine de dossiers ;

[8] Il appert que ces dossiers lui étaient confiés par la direction de son cabinet ; [9] L’intimée n’a pas agi de mauvaise foi, elle a plutôt cru sincèrement qu’elle était autorisée à traiter ces dossiers qui, à son avis, concernaient des particuliers ;

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[10] À vrai dire, il s’agissait de diverses entreprises appartenant à des particuliers et dont la police d’assurance avait été émise au nom de leur compagnie mais dont la raison sociale portait à confusion avec le nom du propriétaire ;

[11] Bref, l’intimée n’a pas agi de mauvaise foi et elle se croyait sincèrement autorisée à traiter ces dossiers ;

III. Recommandations communes [12] Cela dit, les parties recommandent conjointement au Comité d’imposer à l’intimée une amende de 3 000 $, plus les frais inhérents au dossier ;

[13] À ce sujet, les parties ont considéré les facteurs aggravants suivants : La gravité objective des infractions ; Le caractère répétitif des infractions, lesquelles se sont étalées sur une très longue période (2012 à 2021) ;

[14] Quant aux facteurs atténuants, les parties ont tenu compte des éléments suivants : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; L’absence d’antécédents disciplinaires ; L’intimée n’a pas agi de mauvaise foi ; Le fait que ces dossiers lui étaient assignés par sa directrice, elle a cru sincèrement qu’elle pouvait s’en occuper ;

Il s’agit d’une erreur de bonne foi ; Le faible risque de récidive ; Sa bonne collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ; [15] D’autre part, la sanction suggérée est conforme à la jurisprudence en semblables matières, soit :

ChAD c. Richard, 2022 CanLII 217106 (QC CDCHAD) (chef 1) ; ChAD c. Kanath, 2017 CanLII 3836 (QC CDCHAD) (chefs 1 à 5) ; ChAD c. Boulianne, 2014 CanLII 62659 (QC CDCHAD) (chef 1 dossier de Claude Bergeron) ;

ChAD c. Maheu, 2014 CanLII 62653 (QC CDCHAD) (chef 1) ;

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ChAD c. Arel, 2014 CanLII 24913 (QC CDCHAD) (chef 1) ; [16] Finalement, la sanction proposée permettra d’assurer la protection du public et reflètera la gravité objective de l’infraction mais, surtout, elle sera individualisée au cas particulier de l’intimée ;

[17] En conséquence, les parties demandent au Comité d’entériner leur proposition ; IV. Analyse et décision [18] Le Tribunal des professions, dans un arrêt récent, soit l’affaire Gougeon 1 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination de sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères en gras ajoutés)

[19] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 2 , soit :

La protection du public ;

1 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 2 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37;

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La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [20] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 3 ;

[21] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 4 ;

[22] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 5 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 6 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[23] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 7 ;

[24] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[25] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[26] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ;

[27] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’arrêt Gougeon 8 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

3 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 4 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 5 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 6 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 7 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 8 Op. cit., note 1;

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DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction reprochée au chef 1 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:

pour avoir contrevenu à l’article 10(1) du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.7) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1 de la plainte ;

IMPOSE à l’intimée la sanction suivante : Chef 1 : une amende de 3 000 $

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés relatifs au dossier.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ Me Benoit Loyer, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers Membre

Me Mathieu Cardinal Procureur de la partie plaignante

___________________________________ M. Mario Joannette, expert en sinistre Membre

Mme Bella Galarneau (personnellement) Partie intimée

Date d’audience : 8 juillet 2022 (par visioconférence)

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