Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-12-01(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Bernard Jutras, courtier en assurance de dommages Mme Véronique Bastien, agent en assurance de dommages

Président Membre Membre

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. SOPHIE RHO, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 4 juillet 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-12-01(C), en visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Mathieu Cardinal et, de son côté, l’intimée se représentait seule ;

I. [3]

La plainte L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant un seul chef d’accusation, soit : 1. Entre les ou vers les 28 octobre 2020 et 13 juillet 2021, a exercé des activités en expertise de règlement de sinistres dans un dossier de réclamation relevant de l’assurance de dommages des entreprises, ouvert au nom de l’assurée M[…] E[…] C[…] R[…] pour un véhicule de marque 2015 Mercedes-Benz CLA250 auprès de Les Souscripteurs du Lloyd’s, une discipline pour laquelle elle ne détenait pas la certification requise, en contravention avec les articles 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c 9.2), les articles 2 et 17 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c-9.2, r.5) et l’article 7 al. 1 du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ c. D-9.2, r.7);

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[4] D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité ; [5] Les parties ont alors procédé à l’audition sur sanction ; II. Représentations sur sanction [6] Vu le plaidoyer de culpabilité de l’intimée, la preuve a principalement été constituée d’un résumé conjoint des faits dont il convient de citer certains extraits :

«5. L’intimée détient un certificat émis par l’Autorité des marchés financiers portant le numéro 1839659 depuis le 24 juillet 2009 dans la discipline de l’assurance de dommages des particuliers (4B) ;

6.

7.

8.

9.

10.

Depuis le 24 juillet 2009 l’intimée est rattachée au cabinet Services d’assurance Universel inc. ;

Entre le 28 octobre 2020 et le 13 juillet 2021, l’intimée a exercé des activités en expertise de règlement de sinistres dans un dossier de réclamation relevant de l’assurance de dommages des entreprises, une catégorie de discipline pour laquelle elle ne détenait pas la certification requise ;

Ce faisant, l’intimée a contrevenu aux articles 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2), aux articles 2 et 17 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r. 5) et à l’article 7, al. 1 du Règlement relatif au renouvellement du certificat de représentant (RLRQ, c. D-9.2, r. 7) ;

Le dossier en question a été ouvert au nom de l’assurée M[…] E[…] C[…] R[…] pour un véhicule de marque 2015 Mercedes-Benz CLA250 auprès des Souscripteurs du Lloyd’s ;

L’implication de l’intimée dans le règlement de ce dossier a débuté à la suite de la réception d’une lettre de mise en demeure de la part de l’assurée.»

[7] Cela dit, les parties recommandent conjointement d’imposer à l’intimée le paiement d’une amende de 3 000 $ ;

[8]

[9]

Cette sanction tient compte des facteurs aggravants suivants : La gravité objective de l’infraction ; L’expérience de l’intimée au moment des faits reprochés (10 ans) ; Quant aux facteurs atténuants, les parties ont considéré les éléments suivants : Le plaidoyer de culpabilité ; L’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire ;

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Il s’agit d’un acte isolé ; L’intimée n’a pas agi de mauvaise foi ; L’intimée a admis les faits et a bien collaboré à l’enquête de la partie plaignante ;

L’intimée représente un risque de récidive très faible ; [10] Cette suggestion commune est également fondée sur les précédents jurisprudentiels suivants :

ChAD c. Richard, 2022 CanLII 27106 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Kanath, 2017 CanLII 3836 (QC CDCHAD) ; ChAD c. DePretis, 2016 CanLII 23189 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Bouliane, 2014 CanLII 62659 (QC CDCHAD) ; [11] Finalement, considérant les faits et la jurisprudence pertinente, les parties demandent au Comité d’entériner leur suggestion commune ;

III. Analyse et décision [12] Le Tribunal des professions, dans un arrêt récent, soit l’affaire Gougeon 1 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination

1 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII);

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de sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères gras ajoutés)

[13] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 2 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [14] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 3 ;

[15] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 4 ;

[16] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 5 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 6 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[17] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 7 ;

[18] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

2 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 3 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 4 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 5 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 6 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 7 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ;

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[19] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[20] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ; [21] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’arrêt Gougeon 8 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera la sanction suggérée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND ACTE du plaidoyer de l’intimée ; DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction reprochée au chef 1 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef 1: pour avoir contrevenu à l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r. 5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien de la plainte ;

IMPOSE à l’intimée la sanction suivante : Chef 1 : une amende de 3 000 $ CONDAMNE l’intimée au paiement de l’ensemble des déboursés relatifs au dossier.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Bernard Jutras, courtier en assurance de dommages Membre

___________________________________ Mme Véronique Bastien, agent en assurance de dommages Membre

8 Op. cit., note 1;

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Me Mathieu Cardinal Procureur de la partie plaignante

Mme Sophie Rho, se représentant seule Partie intimée

Date d’audience : 4 juillet 2022 par visioconférence

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