Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

: 2021-12-03(E)

DATE : 10 juin 2022

LE COMITÉ : M e Daniel M. Fabien, avocat M. Yvan Roy, FPAA, expert en sinistre M e Martine Carrier, FPAA, expert en sinistre

Vice-président Membre Membre

M E PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

c.

Partie plaignante

NICOLAS BOILY, expert en sinistre (5A) Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DES NOMS DES ASSURÉS VISÉS PAR LES PLAINTES ET DES RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

I.

L’audition disciplinaire

[1] Le 5 mai 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») procède par visioconférence Zoom afin de disposer de la plainte portée contre l’intimé dans le présent dossier.

[2]

L’intimé est présent lors de l’instruction et il est représenté par M e Guy Poitras.

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[3] M e Maryse Ali représente le syndic adjoint M également présent.

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e Pascal Paquette-Dorion qui est

[4] Dès le 2 mars 2022, lors d’une conférence de gestion visiophonique, nous sommes informés par M e Poitras que l’intimé plaidera coupable et qu’il ne reste qu’à négocier la recommandation commune et le résumé des faits.

II.

Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé

[5] Questionné par le vice-président du Comité sur son plaidoyer de culpabilité, l’intimé confirme qu’il plaide coupable aux deux chefs d’accusation de la plainte.

[6] Séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclare coupable des infractions reprochées.

III.

[7]

La déclaration de culpabilité

La plainte prévoit les reproches suivants :

1.

2.

À Montréal, entre les ou vers les 20 août et 22 décembre 2020, dans le cadre du traitement des dossiers de réclamation nos XXXXXX3406, XXXX6651 et XXX7172 des assurés 9207-XXXX Québec inc., S.L.R. et S.B., pour perte de bénéfice en lien avec la pandémie, a exercé ses activités de manière négligente en ne traitant pas les dossiers avec diligence, en contravention avec les articles 10, 27, 33 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre;

À Montréal, entre les ou vers les 13 août 2020 et 27 janvier 2021, a été négligent dans la tenue des dossiers de réclamation nos XXXXXX3406, XXXX6651 et XXX7172 des assurés 9207-XXXX Québec inc., S.L.R. et S.B., en faisant défaut d’y inscrire toutes ses démarches et interventions, ainsi que toutes les communications avec les divers intervenants au dossier, en contravention avec les articles 10 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

[8] Sur le chef 1, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 58(1 de déontologie des experts en sinistre, qui stipule :

o ) du Code

« Art. 58. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour l’expert en sinistre d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

1° d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente; »

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[9] Précisons sur ce dernier chef que l’intimé n’est pas déclaré coupable d’avoir agi avec malhonnêteté, mais uniquement d’avoir exercé ses activités avec négligence.

[10] Quant au chef 2, l’intimé est déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, soit :

« Art. 21. Les dossiers clients qu’un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome inscrit dans la discipline de l’assurance de dommages doit tenir sur chacun de ses clients dans l’exercice de ses activités doivent contenir les mentions suivantes:

son nom; le montant, l’objet et la nature de la couverture d’assurance; le numéro de police et les dates de l’émission du contrat et de la signature de la proposition, le cas échéant;

le mode de paiement et la date de paiement du contrat d’assurance; la liste d’évaluation des biens de l’assuré transmise par celui-ci, le cas échéant.

Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé. »

(notre soulignement)

[11] Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien de ces chefs d’accusation.

IV. Le contexte [12] Avec le consentement de la partie intimée, la partie plaignante dépose en preuve les pièces PS-1 à PS-19 et un résumé des faits sous la cote PS-20.

[13] L’intimé détient une certification depuis le mois d’avril 1999. Bref, il est un expert en sinistre d’expérience.

[14] Selon l’intimé, toute cette affaire résulte du fait qu’il a oublié d’inscrire une date ou des dates de rappel dans le système informatisé de gestion des réclamations de son cabinet.

[15] Au fond, le laps de temps qui s’est écoulé entre le mois d’août et le mois de novembre 2020 provient de l’absence de dates de rappel du dossier de réclamation pour des assurés qui exploitaient un restaurant et qui réclamaient une perte de bénéfice non couverte en lien avec la pandémie de COVID-19.

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[16] En raison de l’erreur de l’intimé, ce n’est que le 14 janvier 2021 que les assurés ont été avisés que la perte n’était pas couverte en vertu du contrat d’assurance.

[17] Depuis cet incident, l’intimé affirme qu’il s’assure maintenant que chacun de ses dossiers comporte des rappels afin d’éviter que la même erreur puisse se reproduire.

[18] Quant au chef 2 et le défaut par l’intimé d’inscrire toutes ses démarches et interventions au dossier, la preuve nous fait voir que l’intimé avait déjà reçu, en avril 2019, un avis formel de la ChAD lui rappelant ses obligations déontologiques en matière de tenue de dossier.

V. La recommandation conjointe sur sanction des parties [19] Quant aux facteurs atténuants, M e Ali est d’avis que l’intimé a plaidé coupable à la première occasion et qu’il n’a pas d’antécédent disciplinaire.

[20]

Relativement aux facteurs aggravants, la procureure du syndic adjoint plaide : la grande expérience de l’intimé; la durée de l’infraction; le fait que le dossier n’était pas complexe considérant que la réclamation ne faisait pas l’objet d’une garantie d’assurance;

qu’il s’agit d’infractions au cœur de la profession et quant au chef n o 2, l’avis formel transmis par la ChAD à l’intimé.

[21] Sans tenir compte de la globalité, M entendues sur les sanctions suivantes :

e Ali explique au Comité que les parties se sont

Chef n o 1 : une amende de 2 000 $; Chef n o 2 : une amende de 3 000 $; Pour un total de 5 000 $, plus le paiement de tous les déboursés et frais de l’instance.

[22] Au soutien de la recommandation conjointe, M e Ali nous réfère à l’arrêt phare Pigeon c. Daigneault tout en s’appuyant sur les précédents jurisprudentiels suivants du Comité, à savoir :

ChAD c. Giluni, 2018 CanLII 38262 (QC CDCHAD)

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ChAD c. Bertolotto, 2021 CanLII 69240 (QC CDCHAD) ChAD c. Bernard, 2016 CanLII 87221 (QC CDCHAD) ChAD c. Bernard, 2017 CanLII 47418 (QC CDCHAD) ChAD c. Latreille, 2016 CanLII 4233 (QC CDCHAD) VI. Analyse et décision A) Les facteurs objectifs et subjectifs [23] Quant aux facteurs atténuants et aggravants, nous partageons entièrement l’exposé de la partie plaignante à ce sujet. De plus, considérant le témoignage de l’intimé, nous sommes convaincus que le risque de récidive est faible.

[24] Par ailleurs, il convient ici de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne

1 :

[83] L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. (nos soulignements)

[25] Ainsi donc, la sanction doit être proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité du professionnel.

B) La recommandation conjointe [26] Dès 2014, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu

2 :

1 Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC); 2 Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

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[21] Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(nos soulignements)

[27] Au fond, lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décide dans l’arrêt Anthony-Cook 3 .

[28] Or, en l’espèce, nous sommes d’avis que la sanction suggérée par les procureurs en est une qui colle aux faits du présent dossier.

[29] Voilà pourquoi le Comité a accepté la recommandation conjointe des parties lors de l’audition sur culpabilité et sanction. Il y a lieu maintenant de l’entériner.

[30] Finalement, tous les déboursés et frais de l’instance seront à la charge de l’intimé. PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur les deux chefs de la plainte 2021-12-03(E);

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 1 pour avoir contrevenu à l’article 58(1 Code de déontologie des experts en sinistre;

o ) du

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 2 pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits;

IMPOSE LES SANCTIONS SUIVANTES À L’INTIMÉ : Chef n o 1 : le paiement d’une amende de 2 000 $;

3 R. c. Anthony-Cook [2016] 2 R.C.S. 204.

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Chef n o 2 : le paiement d’une amende de 3 000 $; CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés et frais de l’instance.

__________________________________ M e Daniel M. Fabien, avocat Vice-président du Comité de discipline

__________________________________ M. Yvan Roy, FPAA, expert en sinistre Membre du Comité de discipline

__________________________________ M e Martine Carrier, FPAA, expert en sinistre Membre du Comité de discipline

M e Maryse Ali Procureure de la partie plaignante

M e Guy Poitras Procureur de la partie intimée

Date d’audience : Le 5 mai 2022 par visioconférence

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