Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-07-03(C) DATE : 6 juin 2022

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Antoine El-Hage, courtier en assurance de dommages M. François Vallerand, courtier en assurance de dommages

Président Membre Membre

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. MYRIAM MUERMANS, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS À LA PLAINTE ET AUX PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

[1] Le 13 avril 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-07-03(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Karoline Khelfa et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Sonia Paradis ;

I. La plainte [3] L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant deux (2) chefs d’accusation décrits comme suit :

1. À Joliette ou dans les environs, à l’occasion du renouvellement du contrat d’assurance habitation n o 8306126 aux noms des assurés J.S.-L. et M.P., émis par La compagnie mutuelle d’assurance Wawanesa, qui venait à

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échéance le 9 mars 2020, a exercé ses activités de manière négligeante (sic) et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, en ce que : a. Entre les ou vers les 20 janvier et 6 février 2020, à la suite de la réception d’un avis l’informant qu’une mise à jour du dossier était exigée par l’assureur, n’a laissé qu’un seul message téléphonique aux assurés J.S.-L. et M.P. et n’a fait aucun autre suivi auprès de ces derniers;

b. Entre les ou vers les 6 février et 9 mars 2020, après avoir été informée par l’assureur de son intention de ne pas renouveler le contrat d’assurance habitation n o 8306126 étant donné l’absence de mise à jour du dossier dans le délai imparti, n’a laissé qu’un seul message téléphonique aux assurés J.S.-L. et M.P. et n’a fait aucun autre suivi auprès de ces derniers;

agissant ainsi, à chacune de ces occasions, en contravention avec l’article 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[4] L’intimée ayant choisi de contester la plainte, les parties ont alors procédé à l’enquête et audition ;

[5] Cela dit, les pièces P-1 à P-23 furent déposées de consentement, sous réserve du droit de l’intimée de contre-interroger les divers témoins du syndic ;

II. [6] [7]

Les faits Les faits à l’origine de la présente plainte sont relativement simples ; Sommairement résumée, la preuve a permis d’établir les faits suivants : Alors que la police d’assurance-habitation des assurés arrive à échéance, en 2020, ceux-ci reçoivent de l’assureur Wawanesa une demande de mise à jour (P-3) ;

Devant l’inaction des assurés, l’intimée, le 20 janvier 2020, laisse un premier message sur la boîte vocale de leur téléphone domiciliaire en leur signalant l’importance de retourner son appel vu la possibilité d’un avis de non-renouvellement ;

Le 3 février 2020, l’assureur expédie aux assurés un avis de non-renouvellement (P-8) ;

Le 6 février 2020, l’intimée laisse un deuxième message vocal sur le téléphone de la résidence des clients en leur signalant la gravité de la situation et en leur demandant de la rappeler sans faute ;

[8]

En l’espèce, il s’agit du seul suivi assuré par l’intimée auprès de ses clients, d’où

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les accusations d’avoir fait preuve de négligence et d’avoir fait défaut d’agir en conseiller consciencieux ;

[9] Pour sa défense, l’intimée plaide qu’elle a rempli ses obligations déontologiques en laissant deux (2) messages téléphoniques et elle ajoute qu’en considérant l’envoi de l’avis de non-renouvellement, elle pouvait raisonnablement en déduire que ses clients avaient choisi de s’assurer auprès d’un autre courtier ;

[10] De son côté, l’assurée J.S-L prétend ne jamais avoir reçu aucun appel téléphonique de la part de l’intimée ;

[11] Elle ajoute également ne pas avoir reçu l’avis de renouvellement (P-8 et P-15) ; [12] À vrai dire, elle affirme que c’est au moment de faire une réclamation pour sa toiture, en avril 2020, qu’elle apprend qu’elle n’a plus de couverture d’assurance ;

[13] C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra décider du bien-fondé de la plainte et des arguments présentés par les parties ;

III. Argumentation A) Par le syndic [14] Essentiellement, le syndic plaide que l’intimée a fait preuve de négligence et n’a pas assuré un suivi adéquat de son dossier, commettant ainsi des infractions aux articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages 1 ;

[15] Il insiste sur le fait que l’intimée aurait tenter de contacter les assurés par le biais de leur téléphone cellulaire, vu l’absence de retour d’appel à partir du téléphone de résidence ;

[16] D’ailleurs, la fiche-client (P-21) indiquait très clairement le numéro du téléphone cellulaire des assurés ;

[17] Qui plus est, même la représentante de Wawanesa aurait recommandé à l’intimée, le 24 janvier 2020, d’utiliser le numéro de téléphone cellulaire (P-5) ;

[18] Cela étant établi, le syndic demande au Comité de condamner l’intimée sur les deux (2) chefs d’accusation de la plainte ;

B) Par l’intimée [19] De son côté, Me Paradis plaide plusieurs moyens de défense visant à obtenir le

1 R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5;

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rejet de la plainte ; [20] Premièrement, elle insiste sur le fait que l’intimée a laissé deux (2) messages téléphoniques (P-4 et P-10) aux assurés et qu’en ajoutant de plus l’envoi d’un avis de non-renouvellement (P-8), elle pouvait raisonnablement conclure que les assurés avaient décidé de s’assurer ailleurs ;

[21] À son avis, cela démontre que l’intimée a fait preuve de diligence raisonnable 2 ; [22] De plus, elle prend appui sur un article paru dans la ChADPresse de novembre-décembre 2012 (pièce I-1) qui recommande d’utiliser deux (2) moyens de communication afin de s’assurer d’un suivi adéquat auprès du client ;

[23] Deuxièmement, Me Paradis plaide que le libellé des chefs d’accusation est déficient 3 ;

[24] Selon la défense, il est inexact de prétendre qu’à chaque fois, il n’y a eu qu’un seul appel (chefs 1a et 1b), alors qu’à chaque occasion, l’intimée a pris soin de mentionner aux assurés la demande de mise à jour et le danger d’un avis de non-renouvellement ;

[25] Troisièmement, Me Paradis plaide qu’il n’appartient pas au courtier de « prendre par la main » l’assuré 4 ;

[26] À cet égard, l’assuré a le devoir de collaborer avec son assureur ; [27] Concernant l’assurée J.S-L, elle n’accorde aucune crédibilité à son témoignage en mentionnant que cette personne fait preuve d’une mémoire sélective alors que la preuve démontre clairement que les deux (2) messages téléphoniques lui ont été laissés sur son répondeur de résidence ;

[28] L’assurée a fait preuve de négligence et elle tente maintenant d’en rejeter le blâme sur l’intimée et va même jusqu’à nier la réception de l’avis de non-renouvellement ;

[29] Quatrièmement et pour conclure, l’avocate de la défense insiste sur le fait qu’il revenait au syndic de faire la preuve de norme applicable, soit le comportement souhaitable pour un courtier placé dans une situation semblable 5 ;

[30] Pour l’ensemble de ces motifs, elle demande au Comité de rejeter la plainte ; IV. Analyse et décision [31] Dans le cadre de l’analyse de la plainte, il y a lieu d’examiner les divers moyens de

2 Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII); 3 Nadon c. Avocats, 2008 QCTP 12 (CanLII); 4 Caisse populaire Mistral c. Boisvert, 1997 CanLII 10782 (QC CA), à la p. 11; 5 Malo c. Infirmières et infirmiers, 2003 QCTP 132 (CanLII);

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défense soulevés par l’intimée ; A) La défense de diligence raisonnable [32] L’intimée, prenant appui sur diverses jurisprudences 6 , plaide qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable en plaçant auprès de l’assurée J.S-L deux (2) appels téléphoniques auxquels est venu s’ajouter l’envoi d’un avis de non-renouvellement (P-8) ;

[33] À cet égard, elle se réfère également à un article publié dans la ChADPresse (novembre-décembre 2012) selon lequel il est préférable d’utiliser deux (2) moyens de communication dans un tel cas ;

[34] Qu’en est-il au juste? [35] Dans un premier temps, contrairement aux prétentions de l’intimée, l’article de la ChADPresse suggère et précise que l’envoi de cette lettre doit se faire par poste recommandée, tel qu’il appert de l’extrait suivant :

Il estime donc que le courtier aurait pu envoyer à l’assurée une lettre par poste recommandée dès le 14 octobre, stipulant que le contrat actuel n’est pas renouvelé et offrant de faire une recherche pour trouver un autre assureur. « Cette lettre aurait aussi précisé que, si la date d’inspection avait été arrêtée, j’aurais aimé en être informé. Finalement, je recommanderais à la cliente de commencer à cherche un assureur de son côté. »

(Nos caractères gras ajoutés)

[36] D’autre part, la défense de diligence raisonnable invoquée par l’intimée n’est pas recevable puisqu’elle n’a pas pris tous les moyens pour éviter l’accomplissement de l’infraction, tel qu’exigé par la Cour suprême dans l’affaire de La Souveraine Compagnie d’assurance c. A.M.F. 7 :

[56] La défense de diligence raisonnable est recevable si le défendeur croyait pour des motifs raisonnables à un état de faits inexistant (sic) qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission innocent. De plus, le défendeur qui démontre qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question ne se produise pourra échapper à la responsabilité (Sault Ste-Marie, p. 1326). La défense de diligence raisonnable est assujettie à une norme objective et elle suppose l’examen de l’attitude d’une personne raisonnable placée en pareilles circonstances.

(Notre caractère gras ajouté)

6 Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII); CHAD c. Gosselin, 2013 CanLII 23442 (QC CDCHAD); 7 2013 CSC 63 (CanLII);

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[37] D’ailleurs, la propre jurisprudence soumise par l’intimée, soit l’arrêt Chauvin c. Beaucage 8 , est au même effet :

[88] En matière de responsabilité stricte, comme en l'espèce, la défense de diligence raisonnable est admissible. Elle repose sur les épaules du contrevenant qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l'événement en cause.

[89] Il n'appartenait pas au syndic d'établir la preuve que les contrevenants avaient été négligents dans la surveillance de ces employés. À cet égard, il faut éviter, le cas échéant, la confusion entre les éléments essentiels de certaines infractions disciplinaires et la défense de diligence raisonnable. J'ai déjà conclu que la faute déontologique de l'employé « 547 » est la faute personnelle du représentant, sous réserve de son droit d'établir qu'il a fait preuve de diligence raisonnable.

[90] Le fardeau d'établir que l'on a agi avec diligence raisonnable requiert une preuve sérieuse qui ne peut pas reposer sur des commentaires généraux quant à la conduite des affaires du cabinet d'assurance. Dans l'arrêt Sault Ste-Marie, le juge Dickson traite de la nature et des composantes de cette défense. Pour l'établir, il faut démontrer, d'une part, que toutes les dispositions furent prises pour éviter l'infraction et, d'autre part, que tout le nécessaire fut fait pour s'assurer du bon fonctionnement des mesures préventives mises en place pour se conformer à la loi. En conséquence, il faut faire la preuve non seulement de la mise en place des mesures adéquates pour éviter l'infraction, mais également d'un mécanisme de surveillance pour en assurer l'efficacité.

(Notre caractère gras ajouté)

[38] Cela dit, le Comité estime que l’intimée n’a pas pris « toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question ne se produise » ;

[39] En effet, il aurait été si simple de loger un appel sur le téléphone cellulaire de l’assurée pour éviter le non-renouvellement de la police d’assurance ;

[40] D’ailleurs, la fiche-client (P-21) indiquait clairement deux (2) numéros de téléphone, soit le « téléphone résidentiel » et le « cellulaire » ;

[41] Qui plus est, lors d’une conversation téléphonique (P-5) entre Wawanesa et le cabinet de l’intimée, il fut suggéré de laisser un message sur le téléphone cellulaire de l’assurée ;

[42] Dans les circonstances, le Comité considère que l’intimée n’a pas fait preuve de diligence raisonnable alors qu’un simple appel sur le téléphone cellulaire de l’assurée aurait pu éviter cette situation et cela sans même qu’il soit nécessaire d’envoyer une lettre par poste recommandée ;

8 Op. cit., notes 2 et 6;

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B) La preuve de la norme professionnelle [43] Comme autre moyen de défense, l’intimée plaide qu’il appartenait au syndic de faire la preuve de la norme applicable en semblables matières 9 ;

[44] Or, de l’avis du Comité, certaines choses n’ont pas besoin de faire l’objet d’une preuve par expert car elles relèvent de l’évidence même, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’arrêt Courchesne c. Castiglia 10 :

[24] Les articles 1 et 13 des Règles de déontologie sont rédigés en termes généraux; ils s'inscrivent dans un encadrement déontologique visant à sanctionner tout acte ou pratique de nature à porter préjudice au public ou à miner la confiance de celui-ci envers la profession de courtier ou d'agent immobilier.

[25] Il ne serait ni raisonnable ni réaliste d'exiger que le règlement décrive avec précision toutes les situations, toutes les pratiques et tous les actes que l'utilisation des mots prudence, diligence, compétence, probité, courtoisie, esprit de collaboration, honneur et dignité de la profession vise à circonscrire.

[26] À l'évidence, le fait d'attester faussement une signature et celui de dissimuler la véritable nature de l'opération achat-revente en cours constituent des actes ou des pratiques de nature à miner la confiance du public envers la profession de courtier ou d'agent immobilier. C'est ce que le comité de discipline a décidé et, ce faisant, il n'a certes pas créé une infraction que la LCI et la réglementation pertinente ne prévoyaient pas déjà.

[27] Contrairement à ce que plaide l'appelant, le comité de discipline pouvait aisément arriver à cette conclusion sans la nécessité d'une preuve d'expert.

[28] Je reconnais qu'il sera parfois nécessaire d'établir la norme que le professionnel est tenu de respecter sous peine de se le faire reprocher. Ce sera le cas, notamment, lorsque l'on fera reproche au professionnel d'avoir posé un geste qui va à l'encontre d'un principe scientifique généralement reconnu ou d'avoir eu une conduite contraire à une norme professionnelle généralement reconnue.

[29] Je reconnais également que le fardeau d'établir la norme est celui du plaignant et qu'il n'appartient pas au comité de discipline de combler une carence dans la preuve en mettant à profit les connaissances personnelles de ses membres, et particulièrement de ceux qui sont les pairs du professionnel visé par la plainte.

[30] Mais, selon moi, il ne saurait être question d'exiger une telle preuve lorsque, comme en l'espèce, la norme s'impose d'elle-même. Est-il vraiment nécessaire de faire entendre des experts en courtage immobilier pour établir qu'il est contraire aux bonnes pratiques de la profession d'attester la signature d'une

9 Malo c. Infirmières et infirmiers, op. cit., note 5; 10 2009 QCCA 2303 (CanLII);

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personne que l'on sait pertinemment ne pas être celle qui signe le document? Est-il vraiment nécessaire de faire entendre des experts pour établir qu'il est contraire aux bonnes pratiques de la profession de cacher au client et à un collègue ou agent la véritable nature de l'opération immobilière et commerciale en cours? Est-il vraiment nécessaire de faire entendre des experts pour comprendre que ces comportements sont totalement étrangers au devoir qu'ont les membres de l'ACAIQ d'exercer leur profession avec probité? Je ne le crois pas. La réponse à ces questions s'impose à tous, sans qu'il soit nécessaire d'avoir l'opinion d'un expert en courtage immobilier.

(Nos caractères gras ajoutés)

[45] Cela dit, un courtier le moindrement prudent aurait placé un appel au numéro de téléphone cellulaire de l’assurée, vu son défaut de réagir aux deux (2) messages laissés sur son téléphone domiciliaire ;

[46] D’ailleurs, cette solution lui avait été clairement suggérée par Wawanesa lors d’une conversation téléphonique (P-5) du 24 janvier 2020 ;

[47] Enfin, une lettre par poste recommandée aurait aussi permis de clore ce dossier en toute connaissance de cause ;

[48] Pour ces motifs, ce moyen de défense ne sera pas retenu par le Comité de discipline ;

C) Les limites de devoir de conseil d’un courtier [49] Comme autre moyen de défense, l’intimée plaide qu’il n’appartient pas au courtier de « tenir par la main » l’assuré et ce, à toutes les étapes du dossier ;

[50] À ce sujet, elle prend appui sur l’arrêt Caisse populaire Mistral c. Boisvert particulièrement sur les passages suivants :

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et plus

Comme le juge l'a conclu, Claire Blackburn a lu ce texte. En tout état de cause, si elle ne l'a pas lu, elle devait le faire et l'intimé ne saurait aujourd'hui blâmer Mistral de l'erreur dont Claire Blackburn est responsable. Autrement le texte de la demande d'assurance ne veut rien dire.

Il n'imcombe (sic) pas au preneur d'une assurance collective de prendre l'adhérent par la main, de lui expliquer chaque paragraphe de la demande d'adhésion et, surtout, de vérifier que, dans les faits, les déclarations de l'adhérent sont vraies ou que, malgré l'affirmation de l'adhérent qu'il est admissible, du fait que celui-ci l'est réellement.

(Nos caractères gras ajoutés)

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Op. cit., note 4;

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[51] L’intimée a raison de prétendre qu’un assuré est une « personne majeure et vaccinée » et qu’il a un devoir de collaboration envers sa compagnie d’assurance 12 ;

[52] En revanche, le Comité estime que le comportement de l’intimée se situe en bas du minimum requis de tout courtier puisqu’il aurait suffi de loger un appel sur le téléphone cellulaire de l’assurée J.S-L pour démêler cet imbroglio ;

[53] La position adoptée par l’intimée va à l’encontre de son obligation d’assurer un suivi adéquat de son dossier 13 ;

[54] Cela dit, il y a lieu de rappeler l’importance du devoir de conseil imposé aux courtiers d’assurance ;

[55] Ce devoir de conseil est intimement lié à l’obligation d’informer, tel que l’écrit la Cour suprême dans l’affaire Laflamme 14 :

30 Le mandat fait aussi naître pour le gestionnaire l’obligation d’informer son client ainsi que, dans certaines circonstances, le devoir de le conseiller. L’obligation d’informer, maintenant codifiée à l’art. 2139 C.c.Q., exige du gestionnaire, en sa qualité de mandataire, qu’il renseigne le mandant des faits et du déroulement de sa gestion. Le professeur Claude Fabien résume ainsi l’objet de cette obligation («Les règles du mandat», dans Chambre des notaires du Québec, Extraits du Répertoire de droit Mandat Doctrine Document 1 (1986), n o 127):

Cette obligation a pour finalité d’empêcher que le mandant ne fasse des actes contradictoires ou de lui permettre de modifier ses instructions ou de réagir selon les circonstances. Cette obligation implique aussi que le mandataire demeure en contact avec le mandant de manière à permettre la communication dans les deux sens. On pourrait aussi y associer l’obligation pour le mandataire de s’informer auprès du mandant en cas de doute sur ses instructions ou ses pouvoirs. [Notes omises.]

31 S’impose aussi au mandataire professionnel le devoir de conseil (J.-L. Baudouin et P. Deslauriers, La responsabilité civile (5 e éd. 1998), n o 1570). Ce devoir découle notamment de la nature même du contrat de gestion de portefeuille (art. 1024 C.c.B.C.; art. 1434 C.c.Q.). Comme le note L’Heureux,loc. cit., à la p. 419, ce devoir de conseil du courtier est «d’ailleurs ce qui incite souvent un client à avoir recours à ses services». Et, de dire Philippe Pétel (Les obligations du mandataire (1988), aux pp. 151 et 152):

Il est de fait que le mandant faisant appel aux services d’un professionnel pour s’entremettre dans ses relations avec les tiers attend beaucoup de cet

12 13

14

Les marbres Waterloo Ltée c. Gérard Parizeau Ltée, 1987 CanLII 772 (QC CA), p. 5; Art. 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ; Laflamme c. Prudentiel-Bache Commodities Canada Ltd., 2000 CSC 26 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 638;

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intermédiaire. Il ne s’agit pas seulement d’accomplir un acte juridique en dehors de sa présence car ce résultat pourrait la plupart du temps être atteint en ayant recours aux moyens de télécommunications modernes. Le mandant veut en outre que ses intérêts soient mieux soignés qu’ils ne l’auraient été s’il avait agi directement. C’est la raison d’être de certains mandataires professionnels tels que le courtier en assurances ou le commissionnaire de transport. [En italique dans l’original; notes omises.]

(Nos caractères gras ajoutés) [56] Cette obligation de rendre compte signifie, plus particulièrement, que l’on doit informer son client du suivi de son dossier ;

[57] Tel que le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Fletcher d’assurances « sont plus que de simples vendeurs » :

15

, les courtiers

« (57) Il est évident, tant dans le milieu des assurances que devant les tribunaux, que l'on considère que les agents et courtiers d'assurances sont plus que de simples vendeurs. Les actes du colloque de 1985 sur le droit des assurances tenu par la Continuing Legal Education Society de la Colombie-Britannique mettent l'accent sur les services qu'ils fournissent la p. 6.1.03):

[TRADUCTION] Les services d'un agent ou d'un courtier compétent incluent, outre les conseils sur les assurances et le courtage ou la négociation de polices pour le compte du client, un intérêt et une participation concrets dans la prévention des sinistres, ainsi qu'un contrôle des demandes de règlement destiné à aider le client à obtenir un règlement satisfaisant.

(58) Il est tout à fait légitime, à mon sens, d'imposer aux agents et aux courtiers d'assurances privés une obligation stricte de fournir à leurs clients des renseignements et des conseils. Ils sont, après tout, des professionnels agréés qui se sont spécialisés dans l'évaluation des risques au profit des clients et dans la négociation de polices personnalisées. Ils offrent un service très personnalisé, axé sur les besoins de chaque client. La personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes. Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à fournir des conseils adaptés à la situation de chaque individu. Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l'obligation non seulement de fournir des renseignements mais encore de conseiller les clients.

(Nos caractères gras ajoutés)

[58] Cela étant dit, le Comité estime que ce moyen de défense présenté par l’intimée est irrecevable ;

15 Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, 1990 CanLII 59 (CSC), par. 57 et 58 ou 1990 CanLII 59 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 191;

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D) Le libellé des chefs d’accusation [59] L’intimée reproche à la partie plaignante le choix des mots utilisés dans la rédaction des chefs 1a) et 1b) de la plainte ;

[60] Ainsi, elle prétend que le syndic est lié par le texte du chef d’accusation 16 ; [61] À son avis, puisque le chef 1a) vise la période se situant entre le 20 janvier 2020 et le 6 février 2020, il est faux de prétendre que l’intimée « a laissé un seul message téléphonique » puisqu’un premier appel téléphonique fut placé le 20 janvier 2020 et un deuxième fut logé le 6 février 2020 ;

[62] Le même raisonnement s’applique au chef 1b) puisque l’intimée aurait, lors de chaque appel téléphonique, fait référence à la demande de mise à jour et au danger d’un avis de non-renouvellement ;

[63] Le Comité considère que les prétentions de l’intimée font abstraction du libellé complet des chefs d’accusation 1a) et 1b) de la plainte ;

[64] Dans les deux (2) cas, les chefs d’accusation 1a) et 1b) réfèrent au manque de suivi auprès des assurés dans les termes suivants :

« (…) et n’a fait aucun autre suivi auprès de ces derniers » [65] Cela dit, tel que le déclarait la Cour d’appel dans l’arrêt Tremblay c. Dionne 17 , les éléments essentiels d’un chef de plainte ne sont pas constitués par son libellé mais par les dispositions du code de déontologie qu’on lui reproche d’avoir violées 18 ;

[66] Or, la plainte réfère aux articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

[67] De l’avis du Comité, le syndic s’est déchargé de son fardeau de preuve conformément aux enseignements du Tribunal des professions ;

[68] À ce sujet, il y a lieu de rappeler certains principes émis par le Tribunal des professions dans l’affaire Parizeau c. Barreau du Québec 19 :

[98] Quant à la deuxième prétention de l’appelante selon laquelle toutes les allégations contenues dans chaque chef doivent être prouvées pour qu’elle soit déclarée coupable, elle est erronée.

16 Nadon c. Avocats, op. cit., note 3; Blanchet c. Avocats, 2005 QCTP 60 (CanLII), par. 95; 17 2006 QCCA 1441 (CanLII); 18 Ibid., par. 84; 19 2001 QCTP 43 (CanLII);

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[99] Tout comme dans l’affaire Latulippe c. Médecins, 1998 QCTP 1687, l’appelante semble ici confondre entre la preuve des différents éléments constitutifs d’une infraction et le fait qu’un chef contienne plusieurs éléments générateurs d’infraction. Il suffit pour le plaignant d’établir de manière prépondérante, l’un des éléments essentiels et déterminants du geste reproché pour que le professionnel soit trouvé coupable de cette partie prouvée de l’infraction.

(Nos caractères gras ajoutés)

[69] Bref, le syndic n’a pas l’obligation de prouver toutes les allégations contenues dans un chef d’accusation pour que l’intimé soit trouvé coupable du chef en question ;

[70] D’ailleurs, ce principe est fondé sur l’arrêt de la Cour suprême rendu dans l’affaire Giguère 20 et fut appliqué à plusieurs reprises par le Tribunal des professions, notamment dans les décisions suivantes :

Laprise c. Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des), 2019 QCTP 96 (CanLII) ;

Médecins c. Fanous, 2019 QCTP 69 (CanLII) ; Latulippe c. Médecins, 1998 QCTP 1687 (CanLII) ; [71] Cela dit, ce moyen de défense ne sera pas retenu par le Comité de discipline ; E) Fardeau de preuve du syndic [72] De l’avis du Comité, le syndic s’est déchargé de son fardeau de preuve 21 en démontrant que l’intimée n’avait pas assuré un suivi adéquat de son dossier ;

[73] De toute évidence, le fait de laisser deux (2) messages sur le répondeur de la résidence et de se fier à l’envoi d’un avis de non-renouvellement n’a pas été suffisant pour éviter la situation dans laquelle se sont retrouvés les assurés ;

[74] À cet égard, le Comité n’accorde aucune crédibilité à l’assurée J.S-L lorsque celle-ci prétend ne pas avoir reçu les deux (2) messages téléphoniques (P-4 et P-10), ni l’avis de non-renouvellement (P-8) ;

[75] Les enregistrements P-4 et P-10 démontrent clairement que deux (2) messages téléphoniques furent laissés à la maison des assurés ;

[76] Quant à l’avis de non-renouvellement (P-8), même si celui-ci n’a pas été expédié par poste recommandée, il demeure néanmoins que suivant l’article 2(2) de la Loi sur la

20 R. c. Giguère, 1983 CanLII 61 (CSC); 21 Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078 (CanLII);

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société canadienne des poste 22 , il est présumé (comme toute autre lettre) avoir été reçu par son destinataire, soit les deux assurés ;

[77] Au-delà de ces questions de crédibilité, la véritable question consiste à déterminer si l’intimée s’est acquittée de ses devoirs déontologiques en se contentant de deux (2) appels à la résidence des assurés et sur l’envoi, par l’assureur, d’un avis de non-renouvellement ;

[78] À cette question, le Comité répond par la négative ; [79] En effet, considérant que la fiche-client (P-21) indiquait, en toutes lettres, l’existence d’un deuxième numéro de téléphone (cellulaire) et considérant la gravité de la situation, l’intimée a fait preuve de négligence et n’a pas assuré un suivi adéquat de son dossier en faisant défaut d’utiliser ce moyen de communication pour dissiper tout doute quant aux intentions de ses clients de renouveler ou non leur police d’assurance-habitation ;

[80] À cela s’ajoute le fait non négligeable qu’un représentant de Wawanesa avait suggéré au cabinet de l’intimée d’utiliser le numéro de téléphone cellulaire de l’assurée pour tenter de la rejoindre (P-5) ;

[81] À l’évidence, l’intimée a fait preuve de négligence 23 et d’un manque de vigilance, de soin et même d’insouciance au moment du renouvellement de la police d’assurance-habitation des assurés ;

[82] Tel que déjà décidé par le Comité de discipline dans l’affaire Charles d’un devoir d’une importance capitale :

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, il s’agit

[42] À notre avis, un professionnel de l’assurance, dans le cadre de ses activités, a le devoir de répondre avec diligence à toute demande d’instructions relative à un renouvellement.

[43] Il s’agit d’un devoir qui se situe au cœur de la profession et qui vise à protéger le public à l’encontre d’un découvert d’assurance.

(Nos caractères gras ajoutés)

[83] L’affaire Sévigny 25 abonde dans le même sens en rappelant les principaux devoirs qui incombent au courtier d’assurance :

22 L.R.C., 1985, c. C-10; 23 Art. 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; 24 ChAD c. Charles, 2019 CanLII 10461 (QC CDCHAD); 25 ChAD c. Sévigny, 2019 CanLII 112815 (QC CDCHAD);

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[20] Le Comité considère que le présent dossier justifie de rappeler les principaux devoirs qui incombent au courtier d’assurance ;

Avant toute chose, le courtier doit faire preuve de disponibilité et il ne doit pas négliger ses devoirs professionnels ;

De plus, il doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ne pas hésiter à obtenir l’aide appropriée, si nécessaire ;

Il doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer ;

Enfin, il doit exercer de façon honnête et ne pas faire preuve de négligence ;

De plus, il doit rendre compte de l’exécution de son mandat et toujours agir en conseiller consciencieux ;

[21] Dans le présent cas, si l’intimé avait retourné ses appels et assuré un suivi adéquat de son dossier, il aurait évité un drame humain et une plainte disciplinaire ;

(Nos caractères gras ajoutés)

[84] Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité juge que le syndic s’est déchargé de son fardeau de preuve ;

F) Conclusion [85] Dans les circonstances, vu la preuve et vu la jurisprudence, le Comité déclare l’intimée coupable sur les chefs 1a) et 1b) de la plainte.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : DÉCLARE l’intimée coupable des infractions reprochées aux chefs 1a) et 1b) et plus particulièrement comme suit :

Chefs 1a) et 1b) :

pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1a) et 1b) de la plainte ;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction ;

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LE TOUT, frais à suivre.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Antoine El-Hage, courtier en assurance de dommages Membre

Me Karoline Khelfa Procureure de la partie plaignante

___________________________________ M. François Vallerand, courtier en assurance de dommages Membre

Me Sonia Paradis Procureure de la partie intimée

Date d’audience : 13 avril 2022

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