Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

: 2021-04-01(C)

DATE : 17 mars 2022

LE COMITÉ : M e Daniel M. Fabien, avocat M me Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM courtier en assurance de dommages M me Martyne Lavoie, PAA, agent en assurance de dommages des particuliers

Vice-président Membre

Membre

M E MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

c.

Partie plaignante

MAHER MADI, courtier en assurance de dommages (4A) Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DES NOMS DES ASSURÉS VISÉS PAR LES PLAINTES ET DES RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

I.

L’audition disciplinaire

[1] Le 11 février 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») procède par visioconférence Zoom à l’instruction de la plainte portée contre l’intimé dans le présent dossier.

[2] [3]

L’intimé est présent lors de l’instruction et il est représenté par M e Martin Courville. M e Valérie Déziel représente le syndic M e Marie-Josée Belhumeur.

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[4] D’entrée de jeu, M e Déziel informe le Comité que l’intimé plaide coupable à l’ensemble des chefs de la plainte et qu’il y aura une recommandation conjointe sur sanction.

[5] Questionné par le vice-président du Comité sur son plaidoyer de culpabilité, l’intimé confirme qu’il plaide coupable à chacun des chefs d’accusation de la plainte.

[6] Séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclare coupable des infractions reprochées.

II.

[7]

La déclaration de culpabilité de l’intimé

Le syndic reproche ce qui suit à l’intimé, soit :

1.

2.

3.

4.

Entre les mois de décembre 2017 et janvier 2018, a exercé ses activités de manière négligente, en procédant à la collecte d’informations pour la souscription du contrat d’assurance des entreprises no IGS2422 auprès d’Intergroupe Solutions au nom de l’assurée 93xx-93xx Québec inc., auprès d’un tiers et sans communiquer avec l’assurée, en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(3) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

Entre les mois de décembre 2017 et janvier 2018, a exercé ses activités de manière négligente, en omettant de décrire à l’assurée 93xx-93xx Québec inc. le produit d’assurance proposé et de préciser la nature de la garantie offerte en relation avec les besoins identifiés avant l’émission du contrat d’assurance des entreprises no IGS2422 par Intergroupe Solutions, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

En septembre 2019, lors d’une conversation téléphonique avec son client C.R., n’a pas agi avec loyauté envers l’assurée 93xx-93xx Québec inc. et/ou n’a pas eu une conduite empreinte de discrétion et de modération, en divulguant les propos désobligeants que le représentant de l’assurée 93xx-93xx Québec inc. aurait tenus à son égard, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

Entre les ou vers les 26 septembre et 8 octobre 2019, a exercé ses activités de manière négligente et/ou a fait défaut de placer les intérêts de l’assurée 93xx-93xx Québec inc. avant les siens, en omettant de répondre et d’informer l’assurée quant à la procédure à suivre au sein de son cabinet pour porter plainte, en contravention avec les articles 19, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

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5.

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Entre les ou vers les 9 novembre 2017 et 10 octobre 2019, a été négligent dans la tenue de dossier de ses clients C.R. et 93xx-93xx Québec inc., notamment en omettant de noter adéquatement les conversations téléphoniques, leur teneur, les conseils et explications donnés, les instructions reçues et les décisions prises, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

[8] Sur le chef 1, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 37(3 de déontologie des représentants en assurance de dommages, qui stipule :

o ) du Code

Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

de tenir compte de toute intervention d’un tiers qui pourrait avoir une influence sur l’exécution de ses devoirs professionnels au préjudice de son client ou de l’assuré;

[9] Quant au chef 2, l’intimé est déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 37(6 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui prévoit :

o )

Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles;

[10] Sur le chef 3, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, lequel stipule :

Art. 14. La conduite d’un représentant en assurance de dommages doit être empreinte d’objectivité, de discrétion, de modération et de dignité.

[11] Relativement au chef 4, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 19 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, qui stipule : Art. 19. Le représentant en assurance de dommages doit en tout temps placer les intérêts des assurés et ceux de tout client éventuel avant les siens ou ceux de toute autre personne ou institution.

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[12] Finalement, à l’égard du chef 5, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, soit :

Art. 21. Les dossiers clients qu’un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome inscrit dans la discipline de l’assurance de dommages doit tenir sur chacun de ses clients dans l’exercice de ses activités doivent contenir les mentions suivantes:

son nom; le montant, l’objet et la nature de la couverture d’assurance; le numéro de police et les dates de l’émission du contrat et de la signature de la proposition, le cas échéant;

le mode de paiement et la date de paiement du contrat d’assurance; la liste d’évaluation des biens de l’assuré transmise par celui-ci, le cas échéant.

Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé.

[13] Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien de ces chefs d’accusation.

III. Le contexte [14] Avec le consentement de la partie intimée, la partie plaignante dépose en preuve les pièces P-1 à P-10.

[15] L’intimé détient une certification depuis le 3 août 2006. À partir de l’année 2008, l’intimé détient le statut de courtier en assurance de dommages (4A).

[16] Dans la présente affaire, l’intimé agit comme courtier d’assurance pour un franchiseur qui exploite des restaurants. Or, vers le mois de décembre 2017, le président du franchiseur communique avec l’intimé afin d’obtenir de l’assurance de dommages pour son franchisé. [17] Ainsi, l’intimé fait la cueillette d’information auprès du franchiseur afin de souscrire, auprès d’Intergroupe Solutions, une police d’assurance des entreprises pour le franchisé. Ce faisant, il n’a pas décrit l’assurance proposée au franchisé ou précisé la garantie offerte, ni identifié les besoins du franchisé à ce dernier.

[18] De plus, en 2019, l’intimé rapporte des propos désobligeants qui proviennent du franchisé à son franchiseur.

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[19] Finalement, puisque l’intimé travaille beaucoup avec un téléphone cellulaire, il a négligé de noter adéquatement dans les dossiers du franchiseur et du franchisé la teneur de ses conversations téléphoniques avec ceux-ci.

IV. La recommandation conjointe sur sanction des parties [20] Quant aux facteurs atténuants, M e Déziel est d’avis que l’intimé a plaidé coupable à la première occasion, il n’a pas d’antécédent disciplinaire et les infractions ne visent que deux assurées avec une seule trame factuelle. Il n’y a pas de malveillance et l’intimé n’a pas bénéficié des infractions. De plus, selon l’avocate du syndic, le risque de récidive est faible.

[21]

Relativement aux facteurs aggravants, l’avocate du syndic plaide : la gravité objective importante des fautes commises qui sont au cœur de la profession;

les manquements se sont échelonnés sur une période de 2 ans; le préjudice causé dans les relations entre le franchisé et son franchiseur;

la grande expérience de l’intimé au moment des faits.

[22] Sans tenir compte de la globalité, M e Déziel explique au Comité que les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes :

Chef n o 1 : une amende de 3 500 $; Chef n o 2 : une amende de 2 500 $; Chef n o 3 : une amende de 2 000 $; Chef n o 4 : une amende de 2 500 $; Chef n o 5 : une amende de 2 000 $; Pour un total de 12 500 $, plus le paiement de tous les déboursés et frais de l’instance.

[23] Cependant, en appliquant le principe de la globalité, M e Déziel nous demande de moduler les sanctions en imposant l’amende minimale sur chacun des chefs pour une amende globale de 10 000 $ plus les déboursés et frais de l’instance.

e Déziel s’appuie sur les précédents

[24] Au soutien de la recommandation conjointe, M jurisprudentiels suivants du Comité, à savoir :

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ChAD c. Filion, 2021 CanLII 15950 (QC CDCHAD) ChAD c. Dupuis, 2021 CanLII 140384 (QC CDCHAD) ChAD c. Gingras, 2018 CanLII 110961 (QC CDCHAD) ChAD c. Girard, 2018 CanLII 2136 (QC CDCHAD) ChAD c. Vaval, 2019 CanLII 41638 (QC CDCHAD) ChAD c. Beaulieu, 2021 CanLII 51171 (QC CDCHAD) ChAD c. Dupuis-Richard, 2018 CanLII 78589 (QC CDCHAD) ChAD c. Bisaillon, 2009 CanLII 20047 (QC CDCHAD) ChAD c. Sultanian, 2020 CanLII 141359 (QC CDCHAD) ChAD c. Bouhayat, 2022 CanLII 6231 (QC CDCHAD)

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V. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [25] Dans l’affaire Pivin c. Inhalothérapeutes 1 , il a été établi qu’« un plaidoyer en droit disciplinaire est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’il constitue une faute déontologique ».

[26] Au surplus, la jurisprudence 2 nous indique que lorsqu’un comité de discipline est saisi d’un plaidoyer de culpabilité, aucune preuve relative à la culpabilité de l’intimé n’est nécessaire.

B) Les facteurs objectifs et subjectifs [27] Quant aux facteurs atténuants et aggravants, nous partageons intégralement l’exposé de la partie plaignante à ce sujet. De plus, nous sommes convaincus que le risque de récidive est faible.

1 Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII); 2 OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ) et OACIQ c. Lizotte, 2014 CanLII 3118 (QC OACIQ);

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[28] De plus, il convient ici de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne

3 :

[83] L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement.

(notre soulignement)

[29] Bref, la sanction doit être proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité du professionnel.

C) La recommandation conjointe [30] Dès 2014, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu

4 :

[21] Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(notre soulignement)

[31] En fait, lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si elles sont de

3 Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC); 4 Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

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nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décide dans l’arrêt Anthony-Cook 5 .

[32] Considérant que les procureurs des parties sont d’avis qu’il y a lieu d’appliquer le principe de la globalité dans le présent dossier et de moduler les sanctions en les réduisant à l’amende minimale sur chacun des chefs, pour une amende totale et globale de 10 000 $, le Comité doit y donner suite.

[33] Cela étant dit, le Comité est d’opinion que la décision de la Cour du Québec dans l’affaire Pluviose 6 permet de procéder de la manière suggérée par les parties et ainsi réduire les amendes imposées à une somme globale de 10 000 $ puisque l’amende minimale est imposée sur chacun des chefs d’accusation 7 .

[34] Voilà pourquoi le Comité a accepté la recommandation conjointe des parties lors de l’audition sur culpabilité et sanction. Il y a lieu maintenant de l’entériner.

[35] Finalement, tous les déboursés et frais de l’instance seront à la charge de l’intimé. PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur l’ensemble des chefs de la plainte 2021-04-01(C);

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 1 pour avoir contrevenu à l’article 37(3 Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(6 Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

o ) du

o ) du

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 3 pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 4 pour avoir contrevenu à l’article 19 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 5 pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits;

5 R. c. Anthony-Cook [2016] 2 R.C.S. 204. 6 Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII); 7 Ibid., au paragraphe 91;

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IMPOSE LES SANCTIONS SUIVANTES À L’INTIMÉ : Chef n o 1 : le paiement d’une amende de 2 000 $; Chef n o 2 : le paiement d’une amende de 2 000 $; Chef n o 3 : le paiement d’une amende de 2 000 $; Chef n o 4 : le paiement d’une amende de 2 000 $; Chef n o 5 : le paiement d’une amende de 2 000 $; CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés et frais de l’instance.

__________________________________ M e Daniel M. Fabien, avocat Vice-président du Comité de discipline

__________________________________ M me Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages Membre du Comité de discipline

M e Valérie Déziel Procureure de la partie plaignante

__________________________________ M me Martyne Lavoie, PAA, agent en assurance de dommages des particuliers Membre du Comité de discipline

M e Martin Courville Procureur de la partie intimée

Date d’audience :

Le 11 février 2022 par visioconférence

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