Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2020-07-03(C) DATE : 23 février 2022

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président Mme Nathalie Boyer, courtier en assurance de dommages Membre M. Benoît Latour, courtier en assurance de dommages des Membre entreprises

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. SHAWN JEFFREY, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 14 janvier 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2020-07-03(C) ;

[2] À cette occasion, le syndic était représenté par Me Claude G. Leduc, lequel était assisté de Me Éric-Alexandre Guimont ;

[3] Du côté de l’intimé, la défense était assurée par Me Jean-Pierre Perron ; I. La plainte [4] D’entrée de jeu, les parties ont soumis au Comité une plainte modifiée qui se lit comme suit :

1. Le ou vers le 2 août 2017, dans le cas de l’assuré A.P., lors de la souscription d’un contrat d’assurance automobile auprès de l’assureur Intact Compagnie d’assurance pour la période du 2 août 2017 au 2 août 2018, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite toutes les instructions reçues de l’assuré, en ce qu’il a, notamment :

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a. indiqué que l’assuré n’avait commis que des excès de vitesse mineurs de 20km/h au-dessus de la limite permise alors que la question ne fut pas posée de façon suffisamment précise pour s’assurer de la justesse de cette information ;

b. (…) ; c. (…) ; d. (…) ; e. indiqué que l’assuré faisait affaire avec le courtier depuis le 2 août 2012, alors qu’il s’agissait du premier contact entre eux ;

f. indiqué que le véhicule assuré ne servirait pas à effectuer des livraisons, alors que la question ne fut pas posée à l’assuré ;

g. omis de demander à l’assuré son consentement pour la consultation de son dossier de crédit, et a tout de même inscrit que celui-ci avait été donné ;

h. indiqué que l’assuré ou, à sa connaissance, son conjoint, ne se sont pas vu refuser ou résilier un contrat ou un renouvellement d’assurance automobile, alors que la question ne fut pas posée à l’assuré ;

i. indiqué que l’assuré n’avait pas de dossier criminel alors que la question ne fut pas posée de façon suffisamment précise pour s’assurer de la justesse de l’affirmation ;

j. (…) ; k. souscrit pour l’assuré à une protection supplémentaire pour décès, de mutilation et frais médicaux à la suite d’un accident automobile (FAQ n o 34) sans obtenir son consentement à cet effet ;

l. (…) ; commettant, à chacune des occasions, une infraction à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles ;

2. Le ou vers le 2 août 2017, dans le cas de l’assuré A.P., lors de la souscription du contrat d’assurance automobile auprès de l’assureur Intact Compagnie d’assurance pour la période du 2 août 2017 au 2 août 2018, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque (…) en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés (…) ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec les articles 29 (…) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

[5] Essentiellement, la plainte modifiée fait suite à l’obtention de nouvelles preuves, lesquelles ont permis à la poursuite de préciser de façon plus pointue les reproches formulés contre l’intimé ;

[6]

Cela dit, le Comité a accepté le dépôt de la plainte modifiée et a pris acte du

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plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; [7] Les parties ont alors présenté une recommandation commune quant aux sanctions à être imposées à l’intimé ;

II. Recommandations communes [8] Me Leduc présente, au nom des deux procureurs, leur recommandation commune, laquelle consiste à imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 : une amende de 2 000 $ Chef 2 : une amende de 2 000 $ [9] À ces amendes s’ajoutera une condamnation aux frais du dossier ; [10] Suivant Me Leduc, les parties ont considéré, évidemment, en premier lieu, la gravité objective des infractions reprochées mais aussi également les facteurs atténuants suivants :

Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; La bonne collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ;

Son absence d’antécédents disciplinaires ; Le peu d’expérience de l’intimé au moment de la commission des infractions ; L’absence d’intention malveillante de l’intimé ; [11] À ces différents éléments s’ajoute le fait que l’intimé n’exerce plus dans le domaine de l’assurance ;

[12] Enfin, les parties ont produit diverses jurisprudences démontrant que les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infraction, soit :

ChAD c. Dion, 2017 CanLII 78644 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Rodriguez, 2019 CanLII 104541 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 (QC CDCHAD) ; [13] Pour ces motifs, les parties demandent au Comité d’entériner leur suggestion commune ;

[14] Par ailleurs, Me Perron demande au Comité de permettre à son client d’acquitter le

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montant des amendes et déboursés en douze (12) versements mensuels ; [15] La poursuite n’a pas d’objection à un délai de paiement de douze (12) mois dans la mesure l’intimé respecte ses engagements ;

[16] Cela étant établi, il convient maintenant d’analyser la proposition suggérée par les parties ;

III. Analyse et décision [17] Avant de décider du bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties, le Comité considère qu’il doit aborder deux points de droit particuliers en regard des différents paragraphes du chef 1 ;

A) Une infraction, une sanction [18] Dans un premier temps, il convient d’insister sur le fait que chaque paragraphe du chef 1 de la plainte constitue une infraction distincte qui doit être sanctionnée de manière individuelle, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Pigeon c. Proprio Direct inc. 1 , ainsi que dans l’affaire Gilbert c. Castiglia 2 ;

[19] D’autre part, cette exigence entraîne l’application du principe de la globalité des sanctions ;

B) Globalité des sanctions [20] À cet égard, le juge Choquette, dans une décision récente 3 , rappelait la marche à suivre lorsqu’il s’agit d’appliquer le principe de la globalité en présence de plusieurs infractions de même nature ;

[21] Selon M. le juge Choquette, l’application du principe de la globalité est atteinte en modulant l’imposition d’amendes et de réprimandes 4 ;

[22] Cela dit, le Comité imposera l’amende de 2 000 $ suggérée par les parties sur le chef 1(g), lequel constitue, à ses yeux, l’infraction la plus grave puisqu’elle concerne le défaut de l’intimé d’obtenir le consentement de l’assuré avant de consulter son dossier de crédit 5 et, pour les autres chefs, une simple réprimande afin de ne pas dénaturer la recommandation commune formulée par les parties ;

1 2003 CanLII 45825 (QC CA), par. 38; 2 2011 QCCA 2277 (CanLII); 3 Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII); 4 Ibid., par. 91; 5 Voir sur cette question l’affaire ChAD c. César-Mathieu, 2017 CanLII 45019 (QC CDCHAD), par. 17 à 20 ;

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C) Recommandation commune [23] Le Tribunal des professions, dans un arrêt récent, soit l’affaire Gougeon 6 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination de sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères en gras ajoutés)

[24] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 7 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ;

6 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 7 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37;

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[25] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 8 ;

[26] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 9 ;

[27] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 10 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 11 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[28] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 12 ;

[29] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[30] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[31] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ; [32] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’arrêt Gougeon 13 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : AUTORISE le dépôt d’une plainte amendée ; PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1a), 1e), 1f), 1g), 1h), 1j) et 1k) de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (R.L.R.Q., c. D-9.2) ;

8 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 9 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 10 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 11 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 12 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 13 Op. cit., note 1;

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DÉCLARE l’intimé coupable du chef 2 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1a) : une réprimande Chef 1e) : une réprimande Chef 1f) : une réprimande Chef 1g) : une amende de 2 000 $ Chef 1h) : une réprimande Chef 1i) : une réprimande Chef 1k) : une réprimande Chef 2 : une amende de 2 000 $ CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés ; PERMET à l’intimé d’acquitter le montant des amendes et des déboursés en douze (12) versements mensuels, égaux et consécutifs débutant le 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ Mme Nathalie Boyer, courtier en assurance de dommages Membre

____________________________________ M. Benoît Latour, courtier en assurance de dommages des entreprises Membre

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Me Claude G. Leduc Me Éric-Alexandre Guimond Procureurs de la partie plaignante

Me Jean-Paul Perron Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 14 janvier 2022

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