Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2020-07-04(C) DATE : 23 février 2022

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président Mme Nathalie Boyer, courtier en assurance de dommages Membre M. Benoît Latour, courtier en assurance de dommages des Membre entreprises

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. KATHY LALONDE, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 14 janvier 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2020-07-04(C) ;

[2] À cette occasion, le syndic était représenté par Me Claude G. Leduc, lequel était assisté de Me Éric-Alexandre Guimont ;

[3] Du côté de l’intimée, la défense était assurée par Me Jean-Pierre Perron ; I. La plainte [4] D’entrée de jeu, les parties ont soumis au Comité une plainte modifiée qui se lit comme suit :

1. Le ou vers le 12 juin 2018, dans le cas des assurés V.G. et J.M.-L., lors de la souscription du contrat d’assurance habitation R33992308301 auprès de l’assureur Ledor Assurances inc. pour la période du 12 mars 2018 au 12 mars 2019, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré, en ce qu’elle a, notamment :

a) indiqué que l’habitation était fumeur, alors que la question ne fut pas posée à l’assurée V.G.;

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b) indiqué que l’assurée n’avait pas fait faillite, alors que la question ne fut pas posée à l’assurée V.G.;

c) (…); d) indiqué que la charpente de l’habitation était en bois, alors qu’elle n’a obtenu aucune réponse de l’assurée V.G. à cet effet;

e) indiqué que le filage électrique de l’habitation était en cuivre, alors que l’assurée V.G. l’a informée qu’il était en aluminium;

f) (…); g) indiqué que l’habitation ne contenait pas de fosse de pompe de puisard, alors que la question ne fut pas posée à l’assurée V.G.;

h) (…); i) (…); j) omis d’indiquer que l’habitation présentait un sous-sol fini, alors que l’assurée V.G. lui a indiqué que tel était le cas;

k) omis d’indiquer la profession de l’assurée V.G. et de lui poser la question; l) (…); m) (…); n) (…); o) (…); p) (…); q) (…); r) indiqué que l’habitation ne disposait pas de chien de garde, alors que la question ne fut pas posée à l’assurée V.G.;

s) indiqué qu’il n’y avait pas d’animaux dans l’habitation, alors que la question ne fut pas posée à l’assurée V.G.;

commettant, à chacune des occasions, une infraction à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (…);

2. (…)

[5] Essentiellement, la plainte modifiée fait suite à l’obtention de nouvelles preuves, lesquelles ont permis à la poursuite de préciser de façon plus pointue les reproches formulés contre l’intimée ;

[6] Cela dit, le Comité a accepté le dépôt de la plainte modifiée et a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

[7] Les parties ont alors présenté une recommandation commune quant aux sanctions à être imposées à l’intimée ;

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II. Recommandations communes [8] Me Leduc présente, au nom des deux procureurs, leur recommandation commune, laquelle consiste à imposer à l’intimée la sanction suivante :

Chef 1 : une amende de 2 000 $ [9] À cette amende s’ajoutera une condamnation aux frais du dossier ; [10] Suivant Me Leduc, les parties ont considéré, évidemment, en premier lieu, la gravité objective des infractions reprochées à l’intimée mais aussi les facteurs atténuants suivants :

Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; La bonne collaboration de l’intimée à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ;

L’absence d’intention malveillante de l’intimée ; Le peu d’expérience de l’intimée au moment de la commission des infractions ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; [11] À ces différents éléments s’ajoute le fait que l’intimée n’exerce plus dans le domaine de l’assurance ;

[12] Enfin, les parties ont produit diverses jurisprudences démontrant que les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infraction, soit :

ChAD c. Dion, 2017 CanLII 78644 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Rodriguez, 2019 CanLII 104541 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 (QC CDCHAD) ; [13] Pour ces motifs, les parties demandent au Comité d’entériner leur suggestion commune ;

[14] De plus, Me Perron demande au Comité d’accorder à sa cliente un délai de paiement de 90 jours ;

[15] Le syndic ne s’oppose pas à cette demande ; [16] Cela étant établi, il convient maintenant d’analyser la proposition suggérée par les parties ;

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III. Analyse et décision [17] Avant de décider du bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties, le Comité considère qu’il doit aborder deux points de droit particuliers en regard des différents paragraphes du chef 1 ;

A) Une infraction, une sanction [18] Dans un premier temps, il convient d’insister sur le fait que chaque paragraphe du chef 1 de la plainte constitue une infraction distincte qui doit être sanctionnée de manière individuelle, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Pigeon c. Proprio Direct inc. 1 , ainsi que dans l’affaire Gilbert c. Castiglia 2 ;

[19] D’autre part, cette exigence entraîne l’application du principe de la globalité des sanctions ;

B) Globalité des sanctions [20] À cet égard, le juge Choquette, dans une décision récente 3 , rappelait la marche à suivre lorsqu’il s’agit d’appliquer le principe de la globalité en présence de plusieurs infractions de même nature ;

[21] Selon M. le juge Choquette, l’application du principe de la globalité est atteinte en modulant l’imposition d’amendes et de réprimandes 4 ;

[22] Cela dit, le Comité imposera l’amende de 2 000 $ suggérée par les parties sur le chef 1e), lequel est plus grave vu les risques d’incendie plus élevés en présence d’un filage électrique en aluminium plutôt qu’en cuivre, et pour les autres chefs, une simple réprimande afin de respecter la volonté des parties ;

C) Recommandation commune [23] Le Tribunal des professions, dans un arrêt récent, soit l’affaire Gougeon 5 , réitérait le principe suivant lequel un comité de discipline possède une discrétion pour le moins limitée lorsque les sanctions suggérées sont issues d’une recommandation commune :

[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes

1 2003 CanLII 45825 (QC CA), par. 38; 2 2011 QCCA 2277 (CanLII); 3 Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII); 4 Ibid., par. 91; 5 Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII);

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dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.

[12] L’erreur du Conseil en l’espèce est de s’être livré à un exercice de pondération des facteurs pertinents pour identifier la sanction qu’il trouvait appropriée. Bien qu’il s’agisse de son rôle habituel en matière de détermination de sanctions, en l’espèce, il a dépassé ses pouvoirs en se prêtant à ce même exercice alors que les parties avaient déjà négocié une suggestion commune entre elles. Dès lors, le Conseil ne devait plus examiner la justesse de la sanction globale proposée, mais uniquement la question de savoir si elle déconsidérait la justice ou était contraire à l’intérêt public. Dans R. c. Gallien, la Cour d’appel du Québec rappelle que l’omission de se concentrer sur cette seule question est une erreur de droit.

(Caractères en gras ajoutés)

[24] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 6 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [25] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 7 ;

[26] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 8 ;

[27] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 9 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 10 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle

6 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 7 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 8 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 9 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 10 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ;

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proposée par les parties ; [28] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 11 ;

[29] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[30] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[31] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ; [32] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans l’arrêt Gougeon 12 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : AUTORISE le dépôt d’une plainte amendée ; PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1a), 1b), 1d), 1e), 1g), 1j), 1k), 1r) et 1s) de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (R.L.R.Q., c. D-9.2) ;

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1a) : Chef 1b) : Chef 1d) : Chef 1e) : Chef 1g) : Chef 1j) : Chef 1k) :

une réprimande une réprimande une réprimande une amende de 2 000 $ une réprimande une réprimande une réprimande

11 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 12 Op. cit., note 1;

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Chef 1r) : une réprimande Chef 1s) : une réprimande CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés ; ACCORDE à l’intimée un délai de 90 jours pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés calculé à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ Mme Nathalie Boyer, courtier en assurance de dommages Membre

____________________________________ M. Benoît Latour, courtier en assurance de dommages des entreprises Membre

Me Claude G. Leduc Me Éric-Alexandre Guimond Procureurs de la partie plaignante

Me Jean-Paul Perron Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 14 janvier 2022

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