Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2020-10-01(C) DATE : Le 24 mars 2021

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Jacques D’Aragon, courtier en assurance de dommages Mme Anne-Marie Hurteau, courtier en assurance de dommages

Président Membre Membre

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. ANNDRIS PELLETIER, courtier en assurance de dommages (4A)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 23 février 2021, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait par visioconférence pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2020-10-01(C) ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Sylvie Poirier et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Éric Lemay, assisté de Me Marie-Sandrine Bélanger ;

I. La plainte [3] L’intimé fait l’objet d’une plainte amendée comportant cinq (5) chefs d’accusation, soit :

1. […] retiré 2. À Rimouski, entre les et vers les 21 août et 18 septembre 2019, à l’approche du renouvellement pour la période du 25 septembre 2019 au 25 septembre 2020 du contrat d’assurance automobile-PME no ACF9867238 émis par Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances au nom des assurés S.B.S.L. inc. et C.C., a exercé ses activités de manière négligente, en omettant d’aviser C.C. d’une demande d’information de l’assureur quant à la présence d’atténuateurs d’impact sur les véhicules assurés, en contravention avec

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les articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

3. À Rimouski, entre les et vers les 12 juillet 13 et 18 septembre 2019, à l’approche du renouvellement pour la période du 25 septembre 2019 au 25 septembre 2020 du contrat d’assurance automobile-PME no ACF9867238 émis par Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances au nom des assurés S.B.S.L. inc. et C.C., a exercé ses activités de manière négligente, en informant l’assureur que le renouvellement dudit contrat d’assurance était non requis sans avoir effectué un suivi auprès de C.C. relativement à la vente projetée de son entreprise, en contravention avec l’article 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

4. À Rimouski, le ou vers le 30 août 2019, a exercé ses activités de manière négligente, en souscrivant un contrat d’assurance automobile des particuliers AP 1234399 auprès de Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances pour le compte de C.C., pour assurer les véhicules automobiles 2004 Chevrolet Express et 2006 Honda Odyssey alors qu’il avait demandé le retrait desdits véhicules automobiles du contrat d’assurance automobile-PME des assurés S.B.S.L. inc. et C.C. no ACF9867238 émis par Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances le 24 juillet 2019, causant ainsi un découvert d’assurance, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

5. À Rimouski, le ou vers le 30 août 2019, a exercé ses activités de manière négligente, en demandant que soit ajouté au contrat d’assurance automobile des particuliers AP 1234399 émis par Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances au nom de C.C. le véhicule automobile 2013 Cadillac sans requérir le retrait dudit véhicule du contrat d’assurance automobile-PME des assurés S.B.S.L. inc. et C.C. no ACF9867238 émis par Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances, permettant ainsi que ledit véhicule soit assuré aux termes de deux (2) contrats d’assurance distincts, du 30 août au 25 septembre 2019, en contravention avec les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

6. À Rimouski, le ou vers le 30 août 2019, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile des particuliers no AP 1234399 auprès de Royal & Sun Alliance du Canada, Société d’assurances, pour le compte de l’assuré C.C., pour la période du 30 août 2019 au 30 août 2020, a fourni des renseignements inexacts et/ou non vérifiés à l’assureur :

a. en déclarant que le véhicule 2006 Honda Odyssey n’était pas utilisé pour aller au travail ni pour les affaires alors qu’il était utilisé pour aller reconduire des employés sur des chantiers opérés par S.B.S.L. inc.;

b. en déclarant que le véhicule 2013 Cadillac ATS n’était pas utilisé pour affaires alors que C.C. utilisait ce véhicule pour ses déplacements notamment dans d’autres régions pour aller négocier des contrats pour S.B.S.L. inc.;

en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-2) et les articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5).

[4] D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de la plainte amendée ;

[5] En conséquence, celui-ci fut déclaré coupable, séance tenante, et alors les parties ont procédé aux représentations sur sanction ;

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II. Preuve sur sanction A) Par le syndic [6] Très sommairement résumés, les faits à l’origine de la présente plainte sont le résultat d’un imbroglio et d’un malentendu entre le client et son courtier ;

[7] C’est ainsi que l’intimé fut informé, dans un premier temps, par son client, que celui-ci allait procéder à la vente de son entreprise par le biais d’un transfert de son capital-actions ;

[8] En conséquence, le client demanda à l’intimé d’obtenir de l’assurance-automobile pour deux (2) voitures qu’il retirait de sa flotte d’automobiles ;

[9] Un peu plus tard, le client l’informe qu’une troisième voiture devra également être retirée de l’assurance de l’entreprise (flotte automobile) puisqu’il en conservera l’usage personnel ;

[10] Dans le même ordre d’idée, vu la vente de l’entreprise, des modifications devront être apportées à l’assurance-bâtiment ;

[11] Ce faisant, l’intimé entreprend certaines démarches pour répondre aux besoins de son client ;

[12] À cet égard, il s’adresse à l’Unique Assurance qu’il informe qu’à défaut de renouveler les deux (2) polices d’assurance, il ne pourra obtenir une couverture d’assurance pour les trois (3) véhicules du client ;

[13] Malheureusement, l’intimé n’a pas fait un suivi adéquat de son dossier et le client s’est retrouvé sans couverture d’assurance pour ses voitures personnelles ;

[14] Mais il y a plus, l’intimé fait parvenir à son client un formulaire de résiliation de l’assurance pour la flotte automobile ;

[15] Par contre, il y a confusion puisque la vente d’entreprise n’aura pas lieu et son client ne l’a pas informé de ce point fondamental en temps opportun ;

[16] Cela dit, le client se retrouve à découvert d’assurance durant une période d’un mois et, évidemment, un malheur n’attend pas l’autre, il fait un accident durant cette période ;

[17] Ce faisant, plusieurs infractions furent commises par l’intimé, soit : L’omission d’aviser son client d’une demande d’information de l’assureur (chef 2) ;

En informant l’assureur que le renouvellement du contrat d’assurance n’était

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pas nécessaire (chef 3) ; A fait preuve de négligence en occasionnant à son client un découvert d’assurance (chef 4) ;

Par sa négligence, a permis qu’un véhicule soit assuré aux termes de deux (2) contrats d’assurance distincts (chef 5) ;

En fournissant des renseignements faux et inexacts et non vérifiés à l’assureur concernant deux (2) véhicules (chefs 6a) et 6b)) ;

B) Preuve en défense [18] De son côté, l’intimé reconnaît les faits mis en preuve et dit regretter amèrement la situation occasionnée par sa négligence ;

[19] Pour sa défense, il plaide qu’à l’époque des faits reprochés, il était débordé, mais qu’aujourd’hui, il a pris les moyens nécessaires pour éviter la répétition de tels gestes ;

[20] Il reconnaît qu’il aurait poser plus de questions et, surtout, assurer un suivi plus serré de son dossier ;

[21] Dorénavant, il compte limiter ses activités à l’assurance commerciale et concentrer sa pratique afin d’éviter d’essayer de « tout faire » ;

[22] Cela dit, il tire une leçon du présent dossier et, maintenant, il est plus conscient de ses obligations déontologiques ;

[23] C’est à la lumière de ces faits que sera examiné le bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

III. Recommandations communes [24] Les parties, d’un commun accord, demandent au Comité d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 2 : Chef 3 : Chef 4 : Chef 5 : Chef 6 : Total :

une réprimande une amende de 4 000 $ une amende de 3 500 $ une amende de 3 000 $ une amende de 3 000 $ 12 500$

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[25] À cela s’ajoutent les frais inhérents au dossier ; [26] Afin d’établir ces sanctions, les parties ont tenu compte des circonstances aggravantes suivantes :

La gravité objective des infractions ; Le fait que les infractions se situent au cœur de la profession; L’expérience de l’intimé ; Le préjudice subi par le client ; La négligence et l’insouciance de l’intimé ; [27] Quant aux facteurs atténuants, les parties ont considéré les suivants : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; Sa volonté de corriger sa pratique ; Sa prise de conscience ; Sa collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ; Ses regrets et remords ; L’absence d’intention malveillante ; Le nombre limité d’assurés impliqués dans le dossier ; L’absence de gain personnel ; L’absence d’antécédent disciplinaire au cours des 20 dernières années ; [28] Finalement, la procureure de la partie plaignante a produit un tableau établissant que les sanctions suggérées s’inscrivent parfaitement dans la fourchette de sanctions habituellement imposées par ce type d’infraction ;

[29] De son côté, Me Lemay, en défense, souligne que l’antécédent disciplinaire de l’intimé remonte au 17 novembre 1999 et qu’en conséquence, ceci démontre que l’intimé a pratiqué durant 20 ans sans faire l’objet d’aucune autre plainte, exception faite de la présente ;

[30] En conséquence, il demande au Comité d’entériner la suggestion commune ;

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IV. Analyse et décision A) L’antécédent disciplinaire [31] Dans un premier temps, le Comité tient à souligner qu’un antécédent disciplinaire qui remonte à plus de 20 ans ne peut constituer un véritable facteur aggravant, dans la meilleure des hypothèses, il ne s’agit que d’un élément parmi tant d’autres dont le Comité devra tenir compte 1 ;

[32] D’ailleurs, le rôle du Comité ne se limite pas à appliquer bêtement une formule mathématique, sans égard aux faits du dossier 2 ;

B) L’obligation de collaboration de l’assuré [33] Dans le présent dossier, la preuve a démontré qu’il existait un sérieux problème de communication entre l’assuré et l’intimé ;

[34] D’une part, l’intimé aurait être beaucoup plus proactif afin d’obtenir de la part de son client les renseignements et informations reflétant la situation réelle de l’assuré ;

[35] D’autre part, il y a lieu de rappeler « qu’un assuré a une obligation de collaboration avec son assureur » 3 ;

[36] Cela dit, il convient d’examiner maintenant la recommandation commune formulée par les parties ;

C) Recommandation commune [37] Suivant une jurisprudence bien établie, lorsque les parties présentent une recommandation commune sur sanction, le Comité est tenu de l’accepter, à moins que celle-ci soit contraire à l’intérêt public ou qu’elle soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice 4 ;

[38] De plus, selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 5 ;

[39] Bref, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 6 ;

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4 5 6

Moisescu c. Psychologues, 1999 QCTP 55 (CanLII) ; Deschamps c. Choeb Jimenez, 2019 QCCQ 7011 (CanLII), par. 59 ; Anderson c. Intact, compagnie d’assurance, 2020 QCCA 318 (CanLII), par. 36 et suivants ; Roy c. L’Unique, Assurances générales inc., 2019 QCCA 1887 (CanLII), par. 100 ; R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII), par. 5 et 32 ; Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ;

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[40] Cela dit, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 7 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 8 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[41] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 9 ;

[42] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[43] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[44] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de l’intimé à l’encontre de la plainte amendée ; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 2 à 6 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chefs 2 à 6 :

pour avoir contrevenu, à chaque occasion, à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 2 à 6 de la plainte amendée ;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes : Chef 2 : une réprimande Chef 3 : une amende de 4 000 $ Chef 4 : une amende de 3 500 $ Chef 5 : une amende de 2 000 $

7 8 9

R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), pra. 27 ;

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Chef 6a) : une amende de 3 000 $ Chef 6b) : une réprimande CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés relatifs à la plainte ; ACCORDE à l’intimé un délai de 60 jours, calculé à compter de l’expiration des délais d’appel, pour acquitter le montant des amendes et des déboursés.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Jacques D’Aragon, courtier en assurance de dommages Membre

___________________________________ Mme Anne-Marie Hurteau, courtier en assurance de dommages Membre

Me Sylvie Poirier Procureure de la partie plaignante

Me Éric Lemay, assisté de Me Marie-Sandrine Bélanger Procureurs de la partie intimée

Date d’audience : 23 février 2021 (par visioconférence)

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