Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

 

 

 

 

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

No:

2021-02-03(C)

 

DATE :

29 septembre 2021

 

 

LE COMITÉ :

 

Me Patrick de Niverville, avocat

 

Président

 

 

 

Mme Nadia Ndi, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Mme Maryse Pelletier, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

 

 

 

 

CAMILLE POIRIER-PROVOST, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-DIFFUSION DE TOUS RENSEIGNEMENTS PERSONNELS CONCERNANT

LES ASSURÉS MENTIONNÉS À LA PLAINTE ET DANS LES PIÈCES DOCUMENTAIRES, LE TOUT SUIVANT L’ART. 142 DU CODE DES PROFESIONS

 

[1]       Le 19 août 2021, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait par visioconférence pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-02-03(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Mathieu Cardinal et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Marie-Sophie Marceau ;

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant un chef d’accusation, soit :

 

1.    Le ou vers le 14 janvier 2019, dans le cadre d’une modification au contrat d’assurance no EST10984 émis par Assurance Economical, ayant pour objet l’ajout de l’immeuble des assurés

S.T. et G.G. audit contrat, a exercé ses activités de façon négligente ou malhonnête et/ou a fait défaut de donner à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir et/ou a fait des déclarations fausses, trompeuses ou susceptibles d‘induire en erreur;


 

 

a.    en omettant de déclarer à Novapro Assurance inc. que l’assureur antérieur Optimum société d’assurance inc. s’était retiré du risque;

 

b.    en omettant de déclarer à Novapro Assurance inc. que l’assureur Intact Compagnie d’assurance avait refusé le risque;

 

c.     en déclarant à Novapro Assurance inc. que la demande d’ajout de l’emplacement devait être traitée en priorité car le renouvellement arrivait bientôt, alors que ce n’était pas le cas;

 

en contravention avec les articles 15, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5).

 

[4]       D’entrée de jeu, les parties ont informé le Comité qu’il y aurait retrait du chef 1b) et que l’intimée enregistrait un plaidoyer de culpabilité sur les chefs 1a) et 1c) de la plainte;

 

[5]       Le Comité a, par conséquence, autoriser le retrait du chef 1b) et a pris acte du plaidoyer de culpabilité pour les chefs 1a) et 1c) ;

 

[6]       Cela dit, les parties ont alors présenté au Comité une recommandation commune quant aux sanctions devant être imposées à l’intimée ;

 

II.        Les faits

 

[7]       Essentiellement, la preuve documentaire (P-1 à P-14), ainsi que le résumé conjoint des faits (P-15), a permis d’établir la trame factuelle suivante :

 

      L’une des clientes de l’intimée opérait une clinique d’esthétique dans sa résidence privée ;

 

      Il y avait même plusieurs employés sur place, dont une infirmière ;

      Lorsque son assureur (Optimum) a découvert le pot aux roses, il a procédé à l’annulation ab initio de la police d’assurance-habitation ;

 

      L’intimée, dans le but d’aider sa cliente (S.T.) et devant l’urgence de la situation, réussit à convaincre Novapro d’accepter le risque :

 

o    En omettant de déclarer que l’assureur précédent s’était retiré du risque (chef 1a) ;

 

o    En déclarant que cette demande devait être traitée en priorité car le renouvellement arrivait bientôt, alors que c’était faux (chef 1c) ;

 

[8]       Cela dit, le Comité a également bénéficié du témoignage de l’intimée ;

 

[9]       L’intimée considère que depuis la date des faits reprochés, elle possède aujourd’hui plus d’expérience et de formation, ce qui lui évitera de commettre les mêmes erreurs ;


 

 

[10]    Elle mentionne au Comité qu’elle pose plus de questions maintenant à ses clients ;

 

[11]    Elle regrette ses faits et gestes et reconnait qu’il ne s’agit pas d’une pratique conforme ;

 

[12]    C’est à la lumière de ces faits que le Comité décidera du bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

 

III.       Recommandations communes

 

[13]    Me Cardinal informe le Comité que les parties suggèrent conjointement d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

 

Chef 1a) :       une réprimande

 

Chef 1c) :       une amende de 4 000 $

 

[14]    Cette recommandation commune tient compte des facteurs aggravants suivants :

 

         La gravité objective des instructions ;

         Le fait que celles-ci touchent au cœur même de l’exercice de la profession ;

         Le manque de probité à la base de la commission des instructions ;

[15]    Quant aux facteurs atténuants, les parties ont tenu compte des circonstances suivantes :

 

         Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

      L’absence d’antécédents disciplinaires ;

      Le caractère isolé des infractions ;

      Le manque d’expérience de l’intimée ;

      L’absence de préjudice pour le client ;

      L’absence de gain personnel pour l’intimée ;

      Le repentir exprimé par l’intimée et le faible risque de récidive ;

[16]    Enfin, cette suggestion commune s’appuie sur les précédents jurisprudentiels suivants :

 

      Chambre de l’assurance de dommages c. Trépanier, 2017 CanLII 38255


 

 

      Chambre de l’assurance de dommages c. Chapleau, 2018 CanLII 103157

      Chambre de l’assurance de dommages c. Poupart, 2019 CanLII 77818

      Chambre de l’assurance de dommages c. Rodriguez, 2019 CanLII 104541

      Chambre de l’assurance de dommages c. Sultanian, 2021 CanLII 41359

[17]    Suivant cette jurisprudence, ce type d’infraction est habituellement sanctionné par l’imposition d’une amende variant entre 2 000 $ et 3 000 $ ;

 

[18]    Cela dit, les parties suggèrent d’imposer une amende de 4 000 $ sur le chef 1c) et une réprimande sur le chef 1a) afin de tenir compte du principe de la globalité des sanctions ;

 

[19]    Finalement, du côté de l’intimée, Me Marceau insiste sur l’absence d’intention malveillante de sa cliente et sur sa volonté de s’amender ;

 

[20]    En conséquence, les parties demandent au Comité d’entériner leur recommandation commune ;

 

IV.      Analyse et décision

 

[21]    Suivant une jurisprudence bien établie, lorsque les parties présentent une recommandation commune sur sanction, le Comité est tenu de l’accepter, à moins que celle-ci soit contraire à l’intérêt public ou qu’elle soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice1 ;

 

[22]    De plus, selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 2 ;

 

[23]    Bref, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 3 ;

 

[24]    Cela dit, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet4, reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz5, précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

 

 

 

 

 


1     R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII), par. 5 et 32 ;

2     Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ;

3     Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ;

4     R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ;

5     R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ;


 

 

[25]    Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties6 ;

 

[26]    Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

 

[27]    Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

 

[28]    Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ;

 

[29]    Par contre, concernant l’application du principe de la globalité des sanctions, le Comité ne peut passer sous silence un jugement récent de la Cour du Québec, soit l’affaire Pluviose7 ;

 

[30]    En l’espèce, le juge Choquette suggère, au moment de la pondération des amendes, en raison du principe de la globalité, de débuter par l’imposition d’une amende sur le premier chef suivi d’une réprimande sur les autres chefs8 ;

 

[31]    En conséquence et en conformité avec les enseignements du juge Choquette, le Comité imposera l’amende de 4 000 $ sur le premier chef (1a) et la réprimande sur le deuxième chef (1c).

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

AUTORISE le retrait du chef 1b) de la plainte ;

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur les chefs 1a) et 1c) ;

 

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1a) et 1c) de la plainte et plus particulièrement comme suit :

 

Chef 1a) :   pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

 

Chef 1c) : pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

 


6     Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ;

7     Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII);

8     Ibid., par. 85;


 

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs 1a) et 1c) ;

 

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes : Chef 1a) : une amende de 4 000 $ Chef 1c) : une réprimande

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés inhérents au dossier.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Patrick de Niverville, avocat Président

 

 

Mme Nadia Ndi, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Mme Maryse Pelletier, courtier en assurance de dommages

Membre

Me Mathieu Cardinal

Procureur de la partie plaignante

Me Marie-Sophie Marceau

Procureure de la partie intimée

Date d’audience : 19 août 2021 (par visioconférence)

 

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