Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2020-12-01(C)

 

 

 

DATE :

   15 juillet 2021

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Sonia Jacques, courtier en assurance

de dommages

Membre

Mme Nathalie Boyer, courtier en assurance

de dommages

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

STÉPHANIE BERTOLOTTO, courtier en assurance de dommages des particuliers (4B)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET

NON-DIFFUSION DES NOMS DES ASSURÉS VISÉS PAR LES PLAINTES

ET DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT

DE LES IDENTIFIER AUX PIÈCES P-1 À P-17,

EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

 

 

 

I.          L’audition disciplinaire

 

[1]          Le 27 mai 2021, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») procède par visioconférence Zoom à l’instruction de la plainte portée contre l’intimée dans le présent dossier.

[2]          L’intimée est présente lors de l’instruction et elle est représentée par Me Sonia Paradis.

[3]          Me Jean-François Noiseux représente le syndic Me Marie-Josée Belhumeur.

[4]          D’entrée de jeu, Me Noiseux informe le Comité qu’une entente est intervenue entre les parties. Suite au retrait du chef 1, l’intimée plaidera coupable aux autres chefs de la plainte et il y aura des représentations communes sur sanction.

[5]          L’intimée confirme qu’elle plaide coupable aux chefs nos 2 à 6 de la plainte.

[6]          Séance tenante, le Comité autorise le retrait du chef 1 et prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur les chefs nos 2, 3, 4, 5 et 6 de la plainte et déclare l’intimée coupable des infractions reprochées.

 

II.         La plainte et la déclaration de culpabilité de l’intimée

 

[7]          L’intimée enregistre son plaidoyer de culpabilité sur les chefs d’accusation suivants :

           

« 2.    Entre les ou vers les 6 avril et 9 mai 2019, à l’occasion du renouvellement du contrat d’assurance automobile n° 558521090 émis par Pafco, compagnie d’assurance au nom de F.E. et venant à échéance le 9 mai 2019, a procédé, sur l’instruction d’un tiers, à l’obtention de soumissions auprès d’autres assureurs, sans en informer F.E., en contravention avec les articles 25, 37(1) et 37(3) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

3.       Entre les ou vers les 9 et 13 mai 2019, à la suite de la souscription du contrat d’assurance automobile n° X32169187-8 au nom de F.E. auprès d’Échelon Assurance, pour un véhicule Range Rover Sport 2011, pour la période du 9 mai 2019 au 9 mai 2020, a fait défaut de rendre compte à F.E. en ne l’informant pas qu’un contrat avait été souscrit pour lui auprès d’Échelon Assurance et que son véhicule était assuré depuis le 9 mai 2019 en vertu de ce contrat, en contravention avec les articles 25, 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4.       Le ou vers le 13 mai 2019, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance automobile n° X32169187-8 au nom de F.E. auprès d’Échelon Assurance, pour un véhicule Range Rover Sport 2011, pour la période du 9 mai 2019 au 9 mai 2020, a exercé ses activités de façon négligente, en émettant un certificat d’assurance provisoire valide pour un (1) an, alors qu’elle ne pouvait lier l’assureur que pour une durée maximale de trente (30) jours, et en transmettant ledit certificat à un tiers plutôt qu’à l’assuré, en contravention avec les articles 23, 24, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

5.       Entre les ou vers les 4 juin et 24 juillet 2019, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile n° X32169187-8 au nom de F.E. auprès d’Échelon Assurance pour un véhicule Range Rover Sport 2011, pour la période du 9 mai 2019 au 9 mai 2020, a exercé ses activités de façon négligente en n’informant pas F.E. de son calcul erroné de la prime pour le nouveau contrat lorsqu’elle en a été avisée par l’assureur, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 25, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

6.       Entre les ou vers les 10 juillet et 25 septembre 2019, a exercé ses activités de façon négligente en n’effectuant aucun suivi auprès d’Échelon Assurance après avoir été informée que le calendrier des prélèvements bancaires n’avait pas été envoyé à l’assuré F.E. pour le contrat d’assurance automobile n° X32169187-8 couvrant la période du 9 mai 2019 au 9 mai 2020, en contravention avec les articles 9, 26, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

 

[8]          Sur les chefs 2 et 3, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint respectivement les articles 37(3o) et 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, lesquels stipulent :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

3° de tenir compte de toute intervention d’un tiers qui pourrait avoir une influence sur l’exécution de ses devoirs professionnels au préjudice de son client ou de l’assuré;

4° de faire défaut de rendre compte de l’exécution de tout mandat; »

 

[9]          Quant au chef 5, l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui prévoit :

 

« Art. 25. Le représentant en assurance de dommages doit exécuter avec transparence le mandat qu’il a accepté. »

[10]       Finalement, à l’égard des chefs 4 et 6, en raison de sa négligence, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, soit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

1° d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente; »

 

[11]       Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien de ces chefs d’accusation.

 

III.          La preuve

 

[12]       La partie plaignante dépose en preuve les pièces P-1 à P-17 avec le consentement de la partie intimée.

 

[13]       Me Noiseux nous brosse un bref tableau de la trame factuelle.

 

[14]       Mme Bertolotto témoigne. Elle nous explique qu’elle avait seulement 4 ans d’expérience au moment des faits. Aujourd’hui, elle exerce la profession dans un nouveau cabinet où elle est mieux encadrée.

 

[15]       Elle reconnait ses torts sans détour et nous promet avec conviction qu’elle ne recommencera pas.

 

IV.      Recommandation commune sur sanction

 

[16]       Me Noiseux déclare au Comité que les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes :

 

                Chef no 2 : une amende de 3 000 $;

                Chef no 3 : une amende de 2 000 $;

                Chef no 4 : une amende de 2 000 $;

                Chef no 5 : une amende de 2 000 $;

                Chef no 6 : une amende de 2 000 $;

                Considérant le principe de la globalité de la sanction, que les amendes imposées sur les chefs nos 3 à 6 soient substituées par l’imposition d’une réprimande sur chacun des chefs nos 3 à 6;

                Le paiement de tous les frais de l’instance;

                Que l’intimée puisse bénéficier d’un délai de 36 mois pour acquitter les amendes et les frais de l’instance.

 

[17]       Me Noiseux nous explique que l’intimée vit une situation financière difficile en ce moment et que c’est en raison de ce facteur que les parties se sont entendues sur la substitution de réprimandes aux amendes imposées sur les chefs 3 à 6. Bref, l’imposition d’amendes sur ces derniers aurait rendu la sanction accablante pour l’intimée et c’est pourquoi les parties ont décidé de moduler la sanction par l’imposition d’amendes et de réprimande, et ce, afin d’appliquer le principe de la globalité de la sanction au cas particulier de l’intimée.

 

[18]       Quant aux facteurs aggravants, Me Noiseux souligne la gravité objective des infractions commises par l’intimée.

 

[19]       Quant aux facteurs atténuants, l’intimée a plaidé coupable à la première occasion, elle n’a pas d’antécédent disciplinaire et n’a jamais agi de façon malveillante.

 

[20]       Me Paradis nous confirme que dans le cas de l’intimée, la sanction suggérée est dissuasive. Quant au risque de récidive, selon l’avocate, il n’y en a pas.

 

[21]       Au soutien de la recommandation conjointe, Me Noiseux nous invite à prendre en considération les sources suivantes, à savoir :

 

      ChAD c. Laperrière, 2016 CanLII 53908 (QC CDCHAD) (chef 2)

      ChAD c. Sultanian, 2021 CanLII 41359 (QC CDCHAD) (chef 2)

      ChAD c. Gingras, 2018 CanLII 110961 (QC CDCHAD) (chef 3)

      ChAD c. Bourassa, 2021 CanLII 20817 (QC CDCHAD) (chefs 3, 4 et 6)

      ChAD c. Ciambrone, 2006 CanLII 53726 (QC CDCHAD) (chef 5)

      Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII)

 

V.        Analyse et décision

 

[22]    Dans l’affaire Pivin c. Inhalothérapeutes[1], il a été établi qu’ « un plaidoyer en droit disciplinaire est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’il constitue une faute déontologique ».

[23]       Quant aux facteurs atténuants et aggravants, nous partageons intégralement l’exposé des procureurs des parties à ce sujet.

 

[24]       De plus, il convient ici de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne[2]:

 

« [83]   L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. »

(notre emphase)

[25]       Bref, chaque cas est différent.

 

[26]       Quant au principe de la globalité de la sanction, comme l’écrit le juge Patrick Choquette dans l’affaire Pluviose[3], ce principe doit être atteint en modulant l’imposition d’amendes et de réprimandes et non en descendant sous l’amende minimale.

 

[27]       Ainsi donc, le Comité doit imposer des réprimandes dans sa démarche de pondération des sanctions en fonction de la globalité.

 

[28]       Mais il y a plus. Lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décide dans l’arrêt Anthony-Cook[4].

 

[29]    À notre avis, la recommandation commune formulée par les parties est taillée sur mesure au cas de l’intimée. La recommandation des parties, acceptée lors de l’instruction par le Comité, est donc entérinée sans aucune réserve.

 

[30]       Tous les frais de l’instance seront à la charge de l’intimée qui bénéficiera d’un délai de 36 mois pour payer l’amende de 3 000 $ et les frais.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

AUTORISE le retrait du chef no1 de la plainte 2020-12-01(C) ;

 

Prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur les chefs nos 2, 3, 4, 5 et 6 de la plainte 2020-12-01(C) ;

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(3o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no 3 pour avoir contrevenu à l’article 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no 4 pour avoir contrevenu à l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no 5 pour avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no 6 pour avoir contrevenu à l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits ;

 

IMPOSE LES SANCTIONS SUIVANTES À L’INTIMÉE :

 

Chef no 2 : le paiement d’une amende de 3 000 $ ;

 

Chef no 3 : le paiement d’une amende de 2 000 $ ;

 

Chef no 4 : le paiement d’une amende de 2 000 $ ;

 

Chef no 5 : le paiement d’une amende de 2 000 $ ;

Chef no 6 : le paiement d’une amende de 2 000 $ ;

CONSIDÉRANT le principe de la globalité de la sanction, SUBSTITUE les amendes sur les chefs nos 3, 4, 5 et 6 par l’imposition de réprimandes, comme suit :

Chef no 3 : IMPOSE une réprimande ;

 

Chef no 4 : IMPOSE une réprimande ;

 

Chef no 5 : IMPOSE une réprimande ;

Chef no 6 : IMPOSE une réprimande ;

CONDAMNE l’intimée au paiement des frais de l’instance ;

ACCORDE à l’intimée un délai de 36 mois pour acquitter l’amende de 3 000 $ et les frais de l’instance, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Sonia Jacques, courtier en

assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Nathalie Boyer, courtier en

assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

 

 

 

Me Jean-François Noiseux

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 27 mai 2021 par visioconférence

 



[1] Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII) ;

[2] Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC) ;

[3]  Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ (CanLII), notamment au paragraphe 91 ;

[4] R. c. Anthony-Cook [2016] 2 R.C.S. 204.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.