Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2020-10-02(A)

 

 

 

DATE :

Le 3 juin 2021

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Sultana Chichester, agent en assurance

de dommages

Membre

Mme Mélanie Couture, agent en assurance

de dommages

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

GEORGES-ÉTIENNE BRISEBOIS, agent en assurance de dommages (3A)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET

NON-DIFFUSION DES NOMS DES ASSURÉS VISÉS PAR LES PLAINTES

ET DES RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE LES IDENTIFIER AUX PIÈCES P-5,

P-14 ET P-16, EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

I.          L’audition disciplinaire

 

 

[1]          Le 14 avril 2021, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») procède par visioconférence Zoom à l’instruction de la plainte portée contre l’intimé dans le présent dossier.

[2]          L’intimé est présent lors de l’instruction et il est représenté par Me Mélanie Archambault.

[3]          Me Sylvie Poirier représente le syndic Me Marie-Josée Belhumeur.

[4]          D’entrée de jeu, Me Poirier informe le Comité que l’intimé plaide coupable à l’ensemble des chefs de la plainte, que les parties se sont entendues sur un résumé conjoint des faits et qu’il y aura des représentations communes sur sanction.

[5]          Questionné par le président du Comité sur son plaidoyer de culpabilité, l’intimé confirme qu’il plaide coupable à chacun des chefs d’accusation de la plainte.

[6]          Séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclare coupable des infractions reprochées.

 

II.         La plainte à l’encontre de l’intimé

[7]          Le syndic reproche ce qui suit à l’intimé, soit :

          « 1. Le ou vers le 26 février 2018, lors de la souscription pour M.L. du contrat d’assurance des entreprises nº 4000733253 (soumission nº 4183470) auprès de La Compagnie d’assurance générale Co-operators, pour un immeuble situé au 585/585A, rue Principale à […], pour la période du 28 février 2018 au 28 février 2019, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant des informations non vérifiées, fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en ce qu’il :

 

a.       a inscrit que les trois logements locatifs de l’immeuble étaient occupés, alors que l’assuré lui avait déclaré qu’ils étaient vacants depuis au moins deux ans;

 

b.       a inscrit que le local commercial situé dans l’immeuble était occupé par un restaurant de type familial avec permis d’alcool, alors que l’assuré lui avait déclaré qu’il était vacant et inopérant depuis au moins deux ans et que des travaux importants y étaient nécessaires;

 

c.       a inscrit que la toiture était en cours de rénovation au moment de la souscription, alors que l’assuré lui avait déclaré qu’il envisageait le faire plus tard au printemps;

 

d.       a inscrit que le réservoir à eau chaude avait été changé en 2013 alors que l’assuré lui avait déclaré qu’il datait de 2009;

 

e.       a inscrit arbitrairement un montant de garantie pour le bâtiment qu’il savait ou devait savoir trop élevé;

 

          en contravention avec les articles 15, 27, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

          2. Le ou vers le 20 novembre 2018, a fait défaut d’agir avec transparence envers l’assurée 9373-xxxx Québec inc., en demandant, à son insu et sans son consentement, la modification des garanties au contrat d’assurance des entreprises nº4000755149 émis par La Compagnie d’assurance générale Co- operators, en contravention avec les articles 25 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

          3. Le ou vers le 20 novembre 2018, a exercé ses activités de façon négligente et/ou a fait défaut de rendre compte à l’assurée 9373-xxxx Québec inc., en omettant d’informer sa représentante, M.C., que les garanties au contrat d’assurance des entreprises nº4000755149 émis par La Compagnie d’assurance générale Co-operators avaient été modifiées, en contravention avec les articles 25, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

          4. Le ou vers le 23 novembre 2018 et par la suite, a fait défaut de rendre compte à l’assurée 9373-xxxx Québec inc., en omettant de l’informer que le contrat d’assurance des entreprises nº4000755149 allait être résilié par La Compagnie d’assurance générale Co-operators alors qu’il en avait été avisé par l’assureur, en contravention avec les articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

 

[8]          Sur les chefs 1a. à 1e., l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 37(7o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, lequel stipule :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

7° de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur; »

[9]          Quant aux chefs 2 et 3, l’intimé est déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui prévoit :

 

« Art. 25. Le représentant en assurance de dommages doit exécuter avec transparence le mandat qu’il a accepté. »

[10]       Finalement, à l’égard du chef 4, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint la disposition suivante du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, soit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

4° de faire défaut de rendre compte de l’exécution de tout mandat; »

 

 

[11]       Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien de ces chefs d’accusation.

 

III.          La preuve documentaire

 

[12]       La partie plaignante dépose en preuve les pièces P-1 à P-15 avec le consentement de la partie intimée.

 

[13]       Le résumé conjoint des faits est introduit en preuve sous la cote P-16. Il se lit comme suit :

 

« 1.                                                 « 1. L’Intimé est titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité des Marchés financiers (ci-après « l’AMF ») portant le numéro 206337 (BDNI 3850351) depuis le 9 octobre 2014;

3.                                                   2. Son certificat l’autorisait à agir comme agent en assurance de dommages des particuliers du 9 octobre 2014 au 22 juillet 2015.  Il était alors rattaché au cabinet LA COMPAGNIE D’ASSURANCE GÉNÉRALE CO-OPERATORS. 

4.                                                   3. Il a ensuite été autorisé à agir comme agent en assurance de dommages du 23 juillet 2015 au 19 décembre 2018.  Il fut rattaché à ce titre au cabinet LA COMPAGNIE D’ASSURANCE GÉNÉRALE CO-OPERATORS du 23 juillet 2015 au 14 décembre 2016 et, par la suite, au cabinet ASSURANCES MICHEL JONES INC. du 15 décembre 2016 au 19 décembre 2018;

5.                                                   4. L’Intimé est titulaire du certificat délivré par l’Autorité des Marchés financiers (ci-après « l’AMF »), l’autorisant à exercer dans la discipline de l’assurance de personnes, depuis le 31 juillet 2017, et dans celle du courtage en épargne collective, depuis le 29 mai 2019;

6.                                                   5. À tout moment au cours de toute la période visée par les quatre (4) chefs de la plainte disciplinaire le visant, L’Intimé était rattaché au cabinet ASSURANCES MICHEL JONES INC.;

 

7.                                                   CHEF 1

8.                                                   6. L’infraction reprochée à l’Intimé est d’avoir fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou d’avoir exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant des informations non vérifiées, fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque;

9.                                                   7. Le ou vers le 22 février 2018, au cours d’une conversation téléphonique enregistrée, visant la récolte d’information au sujet d’un bâtiment à assurer, l’assuré, M. L., a fourni notamment les informations suivantes à l’Intimé :

10.                                                     - La bâtisse à assurer (située au 585/585A, rue Principale à Lachute) comprend un local commercial (anciennement un restaurant) et trois (3) logements locatifs;

11.                                                     - M.L. dit qu’il prévoit un (1) mois pour nettoyer et peinturer les logements afin de les mettre en location et qu’il y aura beaucoup de travail à faire pour le local commercial, il envisage notamment « arracher » tout le plancher;

12.                                                     - La bâtisse est totalement vacante depuis 2 ans (reprise de finance) et non assurée;

13.                                                     - La toiture est à refaire et M.L. envisage la faire refaire au printemps 2018;

14.                                                     - La plomberie, tout comme les réservoirs à eau chaude datent de 2009;

15.                                                  8. Au cours de cette conversation du 22 février 2018, l’Intimé indique à M.L. qu’il sait où est située sa bâtisse, il indique se souvenir qu’il y avait eu une infiltration d’eau et explique s’en souvenir étant donné qu’il assure la bâtisse voisine, abritant le restaurant « Ginger »;

16.                                                  9. Le ou vers le 26 février 2018, au cours d’une conversation téléphonique subséquente enregistrée entre M.L. et l’Intimé, ce dernier indique à l’assuré qu’il a mis les informations suivantes à la soumission qu’il prépare :

17.                                                     - Il a sélectionné une valeur assurable de 800 000$ pour le bâtiment;

18.                                                     - Une couverture de 2 millions de dollars pour la responsabilité civile;

19.                                                     - Il a indiqué que le bâtiment contenait un restaurant familial avec permis d’alcool;

20.                                                     - Il a indiqué que la toiture datait de 2018;

21.                                                     - La prime annuelle s’apparente à 4677$;

22.                                                  10. Lors de cette conversation du 26 février 2018, M.L. demande à l’Intimé s’il ne devrait pas plutôt indiquer que le local commercial est vacant, ce à quoi l’Intimé lui répond que ça reviendrait plus cher;

23.                                                  11. Le ou vers le 26 février 2018, la soumission n°4183470 fut transmise à l’assureur par l’Intimé pour faire émettre un contrat sur ce risque.

24.                                                  12. Ce n’est que lorsque le souscripteur de Co-Operators lui a demandé de fournir des précisions concernant, notamment, le restaurant exploité dans le local commercial, les logements et la plomberie, que l’Intimé a révélé qu’il n’y avait pas de restaurant dans l’immeuble;

25.                                                  13. Il lui a transmis, en outre, les renseignements suivants :

26.                                                     - L’assuré (M.L.) va faire beaucoup de rénovations « avec les locataires en place »;

27.                                                     - « En ce moment, le restaurant a quitté, le client rénove le local à neuf avec les présences des locataires »;

28.                                                     - « Trois appartements 3 ½ et deux 4 ½ à 1600$ total par mois et le bas 1000$ par mois »;

29.                                                     - « La plomberie a été refaite en 2009 en cuivre (…) Réservoir eau chaude 2013 pour les logements »;

30.                                                  14. L’Intimé a transmis à l’assureur des informations qu’il savait fausses et qui ne correspondaient pas à celles que lui avait fournies l’assuré, M.L., les 24 et 26 février 2018;

31.                                                  15. Il est à noter que selon le rôle d’évaluation foncière triennal de la ville de Lachute, pour la période allant de 2016 à 2018, l’immeuble situé au 585-585A, rue Principale à Lachute, avait une valeur de 258 400$;

32.                                                  16. Le ou vers le 28 février 2018, la police d’assurance entreprise n°4000733253 au nom de M.L. fut émise par Co-Operators avec un terme d’un an, sur la base des renseignements inexacts transmis par l’Intimé à Co-Operators;

33.                                                  17. Au terme de ce contrat, dont la prime annuelle s’élevait à 5269,06$, M.L. disposait notamment des protections suivantes :

34.                                                  18. Une couverture de 800 000$ pour le bâtiment situé au 585, rue Principale à Lachute (formule étendue) avec une franchise de 1000$;

35.                                                  19. Une protection (avenant) contre le refoulement d’égouts, avec une franchise de 2500$;

36.                                                  20. Une protection pour la perte de revenu (perte réelle subie) pour une période de 12 mois;

37.                                                  21. Une protection de 800 000$ pour le bris d’équipement, avec une franchise de 1000$, et;

38.                                                  22. Une protection de 2 millions de dollars pour la responsabilité civile;

39.                                                  23. Co-Operators n’assurant pas les immeubles vacants, n’aurait pas accepté d’émettre le contrat n°4000733253 au nom de M.L. si les véritables informations relatives au risque lui avaient été divulguées au moment de la souscription;

40.                                                  24. Le contrat fut souscrit par M.L. en son nom personnel en attente de l’incorporation de la compagnie qui allait être propriétaire de l’immeuble;

41.                                                  25. Le ou vers le 29 mars 2018, à la suite de l’incorporation de la compagnie 9373-6171 Québec Inc, le contrat d’assurance n°4000733253 émis au nom de M.L. fut remplacé par le contrat n°4000755149 émis au nom de sa compagnie, avec les mêmes garanties;

42.                                                  26. La conjointe de M.L., Mme M. C., fut désignée comme représentante de la compagnie;

 

43.                                                  CHEF 2

44.                                                  27. L’infraction reprochée à l’Intimé est d’avoir fait défaut d’agir avec transparence en demandant la modification des garanties au contrat d’assurance entreprise de l’assurée, à son insu et sans son consentement;

45.                                                  28. Au terme du contrat d’assurance entreprise n°4000755149, la compagnie 9373-6171 Québec Inc., disposait notamment des protections suivantes :

46.                                                     - Une couverture de 800 000$ pour le bâtiment situé au 585, rue Principale à Lachute (formule étendue) avec une franchise de 1000$;

47.                                                     - Une protection (avenant) contre le refoulement d’égouts, avec une franchise de 2500$;

48.                                                     - Une protection pour la perte de revenu (perte réelle subie) pour une période de 12 mois;

49.                                                     - Une protection de 800 000$ pour le bris d’équipement, avec une franchise de 1000$, et;

50.                                                     - Une protection de 2 millions de dollars pour la responsabilité civile;

51.                                                  29. Le ou vers le 20 novembre 2018, un inspecteur mandaté par l’assureur a procédé à l’inspection du bâtiment assuré, situé au 585 rue Principale à Lachute;

52.                                                  30. Au terme de cette inspection, l’assureur fut avisé que l’immeuble était toujours vacant et dans une condition lamentable et qu’il s’agissait d’un risque inacceptable;

53.                                                  31. Le même jour, à la suite de cette inspection, l’Intimé a procédé à des modifications au contrat d’assurance n°4000755149 pour en réduire les garanties, sans en informer la représentante de l’assurée;

54.                                                  32. Ces modifications réduisaient les garanties de la façon suivante :

55.                                                     - La couverture pour le bâtiment passait de 800 000$ (formule étendue) à 100 000$ (risques désignés);

56.                                                     - La franchise pour la couverture du bâtiment passait de 1000$ à 5000$;

57.                                                     - L’avenant pour le refoulement d’égouts était retiré; et

58.                                                     - Les protections pour la perte de revenu et le bris des équipements, étaient retirées;

59.                                                  33. L’Intimé a procédé à ces modifications au contrat à l’insu de la représentante de l’assurée, Mme M. C., et sans avoir obtenu son consentement au préalable;

 

60.                                                  CHEF 3

61.                                                  34. L’infraction reprochée à l’Intimé est d’avoir fait défaut de rendre compte à l’assurée des modifications ayant été apportées aux garanties à son contrat d’assurance entreprise, en omettant d’en informer la représentante de l’entreprise assurée;

62.                                                  35. Le ou vers le 20 novembre 2018, même après avoir réduit les garanties prévues au contrat n°4000755149, l’Intimé a omis d’informer la représentante de l’assurée, Mme M. C., de la nature des modifications apportées au contrat de 9373-6171 Québec Inc., comme son directeur lui avait pourtant demandé de le faire;

 

63.                                                  CHEF 4

64.                                                  36. L’infraction reprochée à l’Intimé est d’avoir fait défaut de rendre compte à l’assurée en omettant de l’informer que son contrat d’assurance allait être résiliée par l’assureur, alors qu’il en avait été avisé;

65.                                                  37. Le ou vers le 22 novembre 2018, l’Intimé fut avisé par courriel de son directeur, M. Michel Jones, que le contrat d’assurance entreprise n°4000755149 allait être résiliée dans un délai de 30 jours étant donné la qualité du risque qui « ne rencontre pas nos normes »;

66.                                                  38. Le ou vers le 23 novembre 2018, l’Intimé a transmis le courriel suivant à Mme M. C.:

67.                                                     « Bonjour M., il y a eu une inspection de ton édifice mardi, l’édifice est à vendre et l’inspecteur a demandé à René Taschereau d’aller avec. Je tiens à te dire que tout s’est passé en haut de ma tête, j’ai été mis au courant que partiellement. Suite à l’inspection, il a eu des modifications à ta police d’assurance, tu vas recevoir les modifications et une lettre par la poste. Je ne peux commenter car je n’ai pas vu encore le rapport d’inspection. »;

68.                                                  39. Dans ce courriel qu’il a transmis à Mme M. C. le 23 novembre 2018, il mentionne que des modifications ont été apportées au contrat n°4000755149, sans lui fournir aucune précision sur la nature de ces modifications et sans l’informer que ce contrat allait être résilié dans les 30 jours;

69.                                                  40. L’Intimé n’a pas non plus avisé Mme M. C. de la résiliation imminente du contrat de l’assurée 9373-6171 Québec Inc. par un autre moyen de communication;

70.                                                 

Autres faits

71.                                                  41. Le ou vers le 15 décembre 2018, l’Intimé fut congédié du cabinet;

72.                                                  42. Depuis ces événements, l’Intimé n’a plus exercé dans la discipline de l’assurance de dommages. 

73.                                                  43. À ce jour, le certificat de l’Intimé délivré par l’AMF est toujours actif dans les disciplines de l’assurance de personnes et du courtage en épargne collective et il est rattaché au cabinet SUN LIFE FINANCIAL INVESTMENT SERVICES INC., pour exercer dans ces deux disciplines;

74.                                                  44. L’Intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire à la ChAD. »

[14]       En résumé, il ressort de ce qui précède que l’intimé a gravement manqué de probité dans le cadre de ses activités alors qu’il savait ou devait savoir qu’il ne pouvait aucunement agir de cette façon.

[15]       Voilà la trame factuelle du présent dossier.

 

IV.         Recommandation commune sur sanction

 

[16]       Quant aux facteurs atténuants, Me Poirier est d’avis que l’intimé a plaidé coupable à la première occasion, il n’a pas d’antécédent disciplinaire et les infractions ne visent qu’un seul assuré.

 

[17]       Relativement aux facteurs aggravants, l’avocate du syndic plaide :

 

                la gravité objective importante des fautes commises qui mettent en cause la probité de l’intimé;

                que le devoir de conseil est au cœur de la profession;

                qu’il s’agit d’infractions qui sont de nature à ternir l’image de la profession;

                il a continué à commettre les infractions alors qu’il aurait pu corriger la situation;

                l’expérience de l’intimé au moment des faits.

 

[18]       Me Poirier explique au Comité que les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes :

 

                Chefs nos 1a. à 1e. : des périodes de radiation temporaire de 3 mois sur chacun des sous-chefs à être purgées de façon concurrente entre elles à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

                Chef no 2 : une amende de 3 500 $;

                Chef no 3 : que le Comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures sur ce chef au motif qu’il est moindre et inclus dans le chef no 2;

                Chef no 4 : une amende de 3 000 $;

                La publication d’un avis de radiation temporaire aux frais de l’intimé, le cas échéant;

                Le paiement de tous les déboursés et frais de l’instance.

 

[19]       Me Archambault nous confirme son accord quant aux recommandations communes et rajoute que l’intimé voudrait pouvoir bénéficier d’un délai de 6 mois pour payer les amendes et déboursés, le tout avec déchéance du bénéfice du terme en cas de défaut.

 

[20]       Au soutien de la recommandation conjointe, Me Poirier nous invite à prendre en considération les précédents jurisprudentiels suivants du Comité, à savoir :

 

         ChAD c. D’Anjou, 2020 CanLII 55841 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Verret, 2019 CanLII 47053 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Ricard, 2018 CanLII 48591 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Harvey, 2013 CanLII 38539 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Harvey, 2013 CanLII 70421 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Marchand, 2020 CanLII 41758 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Roch, 2017 CanLII 30959 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Chapleau, 2018 CanLII 103157 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Dion, 2017 CanLII 78644 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Latreille, 2016 CanLII 4233 (QC CDCHAD)

         ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 (QC CDCHAD)

 

V.           Analyse et décision

 

 

[21]    Dans l’affaire Pivin c. Inhalothérapeutes[1], il a été établi qu’ « un plaidoyer en droit disciplinaire est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’il constitue une faute déontologique ».

 

[22]    Au surplus, la jurisprudence[2] est à l’effet que lorsqu’un comité de discipline est saisi d’un plaidoyer de culpabilité, aucune preuve relative à la culpabilité de l’intimé n’est nécessaire.

 

[23]       Quant aux facteurs atténuants et aggravants, nous partageons intégralement l’exposé de la partie plaignante à ce sujet.

 

[24]       De plus, il convient ici de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne[3]:

 

« [83]   L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. »

          (notre emphase)

[25]       En 2014, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu[4] :

 

[21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(notre emphase)

 

[26]       En fait, lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décide dans l’arrêt Anthony-Cook[5].

 

[27]    À notre avis, la recommandation commune formulée par les parties est taillée sur mesure au cas de l’intimé. La recommandation sur sanction des parties est donc entérinée sans aucune réserve par le Comité.

 

[28]       Tous les frais de l’instance seront à la charge de l’intimé qui bénéficiera d’un délai de 6 mois pour payer avec déchéance du bénéfice du terme en cas de défaut.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

Prend acte de son plaidoyer de culpabilité sur l’ensemble des chefs de la plainte 2020-10-02(A);

 

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1a. à 1e. pour avoir contrevenu à l’article 37(7o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs no 2 et no 3 pour avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

CONSIDÉRANT le principe interdisant les condamnations multiples, ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures sur le chef no 3;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 4 pour avoir contrevenu à l’article 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits;

 

IMPOSE LES SANCTIONS SUIVANTES À L’INTIMÉ :

 

Chefs nos 1a. à 1e. : des radiations temporaires de 3 mois à être purgées de façon concurrente entre elles sur chacun des sous-chefs à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé, pour une période de radiation temporaire totale de 3 mois;

 

Chef no 2 : le paiement d’une amende de 3 500 $;

 

Chef no 4 : le paiement d’une amende de 3 000 $;

ORDONNE la publication d’un avis de radiation temporaire, aux frais de l’intimé, à compter de la remise en vigueur de son certificat;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de radiation, le cas échéant;

ACCORDE à l’intimé un délai de 6 mois pour acquitter les amendes et déboursés en 6 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Sultana Chichester, agent en

assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Mélanie Couture, agent en

assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Sylvie Poirier

Procureure de la partie plaignante

 

Me Mélanie Archambault

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 14 avril 2021 par visioconférence

 



[1] Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII);

[2] OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ) et OACIQ c. Lizotte, 2014 CanLII 3118 (QC OACIQ);

[3] Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC);

[4]  Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[5] R. c. Anthony-Cook [2016] 2 R.C.S. 204.

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