Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2019-11-02(C)

2019-11-03(C)

 

 

DATE :

Le 17 mai 2021

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Vice-président

Mme Sonia Jacques, courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

VANESSA BRAZEAU NADEAU, courtier en assurance de dommages (4A)

-et-

PIERRE-LUC PAYETTE, courtier en assurance de dommages (4A), inactif et sans mode d’exercice

 

Parties intimées

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET

NON-DIFFUSION DES NOMS DES ASSURÉS VISÉS PAR LES PLAINTES

ET DES RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE LES IDENTIFIER

AUX PIÈCES P-1 À P-9 INCLUSIVEMENT, EN VERTU DE L’ARTICLE

142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

I.          Aperçu

[1]          Le présent dossier résulte d’une plainte portée à l’Autorité des marchés financiers par un couple de professionnels retraités insatisfaits des services rendus par leur cabinet de courtage en assurance de dommages.

[2]          Ces assurés n’auraient pas été avisés par leur courtier du retrait par L’Unique Assurances générales d’une protection contre les dégâts d’eau ni bien conseillés afin qu’ils puissent obtenir une garantie d’assurance habitation plus complète, notamment en cas d’infiltrations d’eau, par l’émission d’un avenant à ce sujet.

[3]          Depuis plusieurs années, pour des motifs de productivité, certains cabinets en assurance de dommages organisent le travail de leurs employés en divisant et compartimentant les tâches dans divers modules ou départements, lesquels traitent séparément et distinctement les nouvelles affaires, les ajouts et modifications aux polices et les renouvellements des contrats d’assurance.

[4]          Or, le présent dossier illustre parfaitement pourquoi la division et compartimentation du travail dans un cabinet ne relève pas le courtier en assurance de dommages de son obligation déontologique de vérifier les renseignements et couvertures d’un assuré donné afin de constater si les garanties d’assurance répondent toujours à ses besoins, et si nécessaire, de mettre à jour le dossier de l’assuré.

[5]          C’est ce que nous verrons notamment dans le cadre de notre analyse du présent dossier.

II.         Les plaintes

[6]          Après enquête, le 12 novembre 2019, Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualités de syndic de la ChAD, dépose la plainte disciplinaire suivante contre l’intimée :

 

« 1. A l’occasion des renouvellements 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 du contrat d’assurance habitation no 002165881 émis par L’Unique assurances générales inc., a fait défaut de procéder à des vérifications et à une mise à jour des renseignements avec les assurés C.G. et S.L. pour s’assurer que les garanties offertes répondent à leurs besoins, notamment quant à la protection « infiltration d’eau par le toit », agissant ainsi à chacune de ces occasions en contravention avec l’article 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

 

(notre emphase)

 

[7]          Quant à l’intimé Pierre-Luc Payette, le syndic dépose une plainte comportant deux chefs d’accusation, à savoir :

 « 1. Le ou vers le 1er août 2013, dans le cadre du renouvellement du contrat d’assurance habitation no 002165881 émis par L’Unique assurances générales inc., a exercé ses activités professionnelles de manière négligente et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, en omettant d’informer les assurés C.G. et S.L. de la réduction des engagements de l’assureur et de s’assurer de leur consentement, conformément aux dispositions d’ordre public de l’article 2405 du Code civil du Québec, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2. De 2014 à 2018, à titre de gestionnaire du cabinet Les Assurances Lajeunesse, Hétu et Ass. inc., a fait défaut de mettre en place ou d’instaurer des politiques, directives ou procédures, notamment en ce qui a trait aux renouvellements des contrats d’assurance des clients de son cabinet assurés avec L’Unique assurances générales inc., en contravention avec les articles 84 alinéa 2 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

 

(notre emphase)

[8]          Le 5 février 2021, le Comité se réunit par visioconférence Zoom pour procéder à l’instruction des plaintes contre les intimés.

[9]          Le syndic de la ChAD est représenté par Me Valérie Déziel et les intimés assurent seuls leur défense. 

 

III.        Le contexte

 

[10]       Le 27 janvier 2019, une infiltration d’eau provenant du toit cause des dommages importants à la partie privative du condominium de C.B. et S.L. (« les assurés »).

[11]       Le lendemain, les assurés communiquent avec leur courtier en assurance de dommages, soit le cabinet Lajeunesse, Hétu et Associés inc. Ils communiquent également avec le syndicat de la copropriété.

[12]       Le dossier de réclamation d’assurance est transmis à l’expert en sinistre Christian Demers, qui est à l’emploi de L’Unique Assurances générales inc. (« L’Unique »), soit l’assureur habitation des assurés.

[13]       Le 7 février 2019, M. Demers informe les assurés que leur police d’assurance n’offre aucune garantie pour les dommages résultant d’infiltrations d’eau en provenance du dessus du sol.

[14]       Quant aux administrateurs du syndicat de la copropriété, ils ont communiqué avec Intact qui a mandaté un expert en sinistre pour évaluer les dégâts. Les assurés se font confirmer par cet expert en sinistre qu’Intact procédera à la réparation des dommages dans les limites du montant et des garanties de l’assurance de la copropriété.

[15]       Le 18 février 2019, l’intimé Pierre-Luc Payette communique par courriel0F[1] avec l’assuré C.B. Il informe C.B. que malgré la négation de couverture de l’assureur, il tente toujours d’obtenir une couverture auprès de la directrice de l’assurance des particuliers chez L’Unique. En cas d’échec, il pourra négocier un rabais au moment du renouvellement de la police.

[16]       Dans ce courriel P-11, l’intimé fait parvenir un fichier qui contient une correspondance transmise par L’Unique à ses assurés pour les aviser notamment des modifications apportées au contrat d’assurance et plus particulièrement aux dommages causés par l’eau qui ne sont plus couverts par le contrat de L’Unique. Cette correspondance qui provient de L’Unique, n’est pas datée et ne réfère pas aux assurés ni à leur numéro de police.

[17]       En pièce jointe à ce courriel, on y retrouve également l’extrait du mot à mot d’une police d’assurance de L’Unique, « ASSURANCE BIENS DIVERS - Formule 125514 (2012-07) » qui stipule que les dommages causés par les infiltrations d’eau ne sont pas couverts1F[2]. Cet extrait fait également partie de la police d’assurance des assurés que l’on retrouve dans la preuve documentaire du syndic2F[3].

[18]       Le 25 février 2019, l’intimé fait parvenir un autre courriel3F[4] à C.B., par lequel il informe ce dernier que L’Unique n’a pas l’intention de couvrir le sinistre. De plus, l’intimé s’engage à appliquer sur la prime, pendant une période de 5 ans, un rabais discrétionnaire important lors du renouvellement de la police d’assurance des assurés.

[19]       Le 26 février 2019, les assurés portent plainte à l’AMF4F[5].

[20]       Le 16 avril 2019, C.B. transmet le courriel suivant à M. Martin Simard, directeur principal, Assurance des Particuliers à L’Unique5F[6], à savoir :

« Bonjour M. Simard,

 

Pour votre information, M. Payette nous avait acheminé en février dernier, une copie soi-disant de notre police où il est mentionné sans référer à une date dans le temps, un numéro de page ou à notre numéro de police l' information selon laquelle suite aux recommandations du BAC l'Unique aurait modifié le contenu de notre police notamment en retirant la question de la couverture des dommages à l'eau.

 

Lorsque je relis ce document, je comprends que M. Payette me dit que c'est l'Unique qui a enlevé la protection. À noter qu'au document sans date ni référence à notre police, il ajoute les exclusions à la police en référence (2012/07). Est-ce donc en 2012 que la protection a été retirée?

 

Si c'est le cas personne ni de votre part ni de la part du courtier nous en a avisé (sic) ou alerté formellement et en obtenant notre consentement bien informé.

 

Pourriez-vous me confirmer que vous retrouvez dans nos dossiers ces documents et si oui en quelle année cette modification a été apportée?

 

Nous ne rappelons pas avoir reçu un tel document ni avoir reçu une lettre formelle ou un contact téléphonique verbal nie l'Unique ni de notre courtier pour nous informer.

 

Pourriez-vous svp m'éclairer »

[21]       Le 17 avril 2019, C.B. transmet un autre courriel à M. Martin Simard6F[7] dans lequel il lui pose les questions suivantes :

« Bonjour M Simard,

 

1. Pour quelle raison la protection contre les dégâts d'eau que nous avions pour la maison n'a pas été poursuivie suite à l'achat de notre copropriété?

 

2. Depuis 2005, avons-nous le même numéro de police d'assurance-habitation?

 

3. Il y a-t-il des documents en votre possession faisant preuve d'une demande de notre part de retirer cette protection?

 

4. Si ce n'est pas le cas qui l'a retirée à notre insu et est le responsable de notre couverture inadéquate?

 

5. Ce n'est sûrement pas nous qui avons fait erreur car nous avons fait affaire avec un courtier expert pour dormir en paix et ce dernier nous a toujours écrit à chaque renouvellement que !'Unique est une compagnie de confiance.

 

Qui a fait l'erreur? Qui n'est pas digne de notre confiance?

 

Cordialement »

 

[22]       M. Simard ne répondra pas par écrit aux questions de C.B. Toutefois, à la suite d’un entretien téléphonique avec C.B., M. Simard lui écrit le courriel suivant7F[8] :

« Bonjour,

 

En suivi de notre appel téléphonique de lundi matin, voici les réponses aux informations demandées :

 

1. Depuis combien de temps êtes-vous assurés avec l'Unique ?

 

Réponse: Vous êtes assurés à L'Unique depuis le 2005-08-01

 

2. Est-ce que votre maison (situation 1) a toujours été assuré (sic) pour les dégâts d'eau?

 

Réponse : Durant la période où elle a été assurée à L'Unique (jusqu'au 9 octobre 2008), cette maison avait bel et bien les protections pour couvrir les dégâts d'eau. Le dossier a été transféré avec l'information contenant cette protection.

 

3. Quelles informations avons-nous reçu (sic) lors de l'ajout du condo ?

 

Réponse : Il s'agissait initialement d'un Locataire Occupant (LO) sans avenant additionnel de protection, que du contenu. Suite à l'achat en 2008, nous avons transformé la police en Copropriétaire Occupant (CO), sans ajout de protection (avenant).

 

4. Pourquoi les dégâts d'eau ne sont pas couverts?

 

Réponse : Il faut savoir que les dommages d'eau causés par les infiltrations constituent une exclusion générale au contrat de base. Ceci s'appliquait avant la refonte des formulaires du BAC en 2012 et n'a pas été modifié suite aux changements implantés.

 

En espérant que ces réponses soient à votre satisfaction et répondent à vos interrogations.

 

Merci et bonne fin de journée,

 

Martin Simard, MBA, CRM

Directeur Principal - Assurance des Particuliers »

 

(notre emphase)

[23]       Le lendemain, soit le 18 avril 2019, C.B. écrit à M. Guillaume Bouchard, analyste à l’AMF. Ci-après un extrait de ce courriel à M. Bouchard :

« Il nous ait difficile d'avoir l'heure juste de la part de M Payette de Lajeunesse-Hétu comme de la part de M Simard de l'Unique car ces deux instances s'en lavent les mains et nous ont tout simplement laissés tombés (sic) et ma perception est qu'elles ne nous donnent pas l' heure juste afin de se protéger. Nous ne pouvons avoir accès à nos dossiers et M Simard m'informait qu'avant de répondre à mes questions, il validerait ses réponses avec le contentieux juridique de l 'Unique.

 

Nous comptons sur le CHAD pour évaluer les services professionnels de Lajeunesse-Hétu assurances et s'il y a eu faute au niveau de leurs Règlements et code de déontologie. Nous comptons aussi sur vous pour avoir accès à nos dossiers pour faire la lumière sur l'erreur qui a été faite afin que nous puissions avoir droit à la protection que nous avions dans notre police antérieurement et qui nous a été enlevé (sic) à notre insu.

 

Pour l'instant, nous évaluons les coûts que nous devrons assumés (sic) et qui auraient dû être assumés par l'Unique à environ 15 000$ et ce sous toute réserve compte tenu que les travaux ne sont pas commencés et bien sûr terminés. 

 

En espérant que vous pourrez nous éclairés (sic) sur l'erreur qui a été faite. Nous sommes disponibles, mon épouse et moi pour répondre à vos questions en tout temps.

 

De notre côté, nous considérons que nous avons fait ce que tout citoyen raisonnable doit faire pour s'assurer, soit faire affaire avec un courtier en assurance pour l'achat de nos polices d'assurances et être couvert par une compagnie d'assurance fiable. Nous considérons que la couverture contre les dégâts d'eau nous a été retirée à notre insu et que nous ne devrions pas en subir les préjudices.

 

Cordialement »

 

 

[24]       Voilà l’essentiel de la trame factuelle du syndic.

IV.       La défense des intimés

 

[25]       En défense, l’intimée Vanessa Brazeau Nadeau témoigne.

[26]       L’intimée est courtier en assurance de dommages depuis 2004. À l’époque, elle pratiquait la profession pour le compte du cabinet Sylvain Rivest Assurance.

[27]       En 2007, elle reçoit un appel de S.L. À ce moment, les assurés louaient un condo à Québec. Seul C.B. résidait dans cet appartement. Une police d’assurance Locataire occupant fut émise avec une couverture de base pour les biens (10 000 $) et la responsabilité civile.

[28]       En 2007 également, le cabinet Sylvain Rivest Assurance est vendu à Abeco et Fortin & Ouellet Assurance.

[29]       Le 3 septembre 2009, S.L. téléphone au cabinet relativement au condo situé à Québec, qui n’est plus en location, à la suite de l’achat de celui-ci par les assurés. Elle ignore ce qui s’est passé relativement à la couverture du condo. Selon l’intimée, Diane Fortin aurait alors parlé avec S.L.

[30]       En 2013, les cabinets Abeco et Fortin & Ouellet sont achetés par l’intimé Pierre-Luc Payette et Les Assurances Lajeunesse Hétu et Associés inc. et elle quitte pour un congé de maternité.

[31]       À son retour, en février 2014, elle est assignée au service à la clientèle. Ses fonctions consistent essentiellement de procéder aux modifications et ajouts requis aux polices existantes par les clients du cabinet. Par conséquent, l’intimée ne s’occupait pas du renouvellement des polices. En fait, au cabinet, il y avait un employé qui était assigné exclusivement aux renouvellements. Fait important, à un moment donné, elle aurait parlé à S.L. pour un changement à un véhicule automobile. Cependant, lors de cet entretien, elle n’a pas sorti le dossier de l’assurance habitation des assurés pour vérifier et s’assurer que les garanties offertes répondaient à leurs besoins.

[32]       L’intimé Pierre-Luc Payette dépose sous serment.

[33]       Il établit qu’il est le dirigeant du cabinet depuis le mois de novembre 2011 et que l’achat de Sylvain Rivest Assurance s’est concrétisé aux mois de mars et avril 2013.

[34]       Sur le chef 1, l’intimé nous réfère aux pièces I-9. I-3, I-4 et P-4 pour nous dire qu’à chaque fois qu’il y a réduction des garanties un avis est transmis à l’assuré. Bien plus, au moment où Lajeunesse Hétu et Associés inc. a acheté la clientèle de Assurance Sylvain Rivest, les assurés n’avaient pas de couverture d’assurance pour les infiltrations d’eau. Autrement dit, selon le témoin, le condo n’a jamais été protégé contre les dommages par l’eau.

[35]       Dans de telles circonstances, l’intimé est d’avis qu’il n’y a jamais eu réduction des engagements de l’assureur, comme l’allègue le syndic à la plainte.

[36]       Eu égard, au chef 2, l’intimé nous dit qu’il a mis en place les procédures recommandées par la ChAD. Bref, 100 % de sa clientèle reçoit des avis écrits et une communication verbale est effectuée dans environ 50 % des cas.

[37]       Voilà l’essentiel de la défense des intimés. 

VI.       Analyse et décision

 

Le fardeau de la preuve

[38]       La preuve présentée par la partie plaignante doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités8F[9].

[39]       Ce principe jurisprudentiel important a été bien défini par le Tribunal des professions dans l’affaire Vaillancourt c. Avocats9F[10], où l’on peut lire :

« [62] En matière disciplinaire, il est établi depuis longtemps que le fardeau de la preuve, d'une part, incombe totalement à la plaignante, et d'autre part, que ce fardeau en est un de prépondérance des probabilités, identique à celui qui a cours en droit civil, énoncé de la manière suivante par l'article 2804 du Code civil du Québec :

La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[63] Il s'agit d'une preuve qui privilégie l'aspect qualitatif dont la capacité de convaincre ne se fonde donc pas, par exemple, sur le nombre de témoins appelés par les parties. Les faits devant être prouvés doivent dépasser le seuil de la possibilité et s'avérer probables. Toutefois, au bout du compte, la preuve par prépondérance des probabilités est moins exigeante que la preuve hors de tout doute raisonnable requise en droit criminel. Conséquemment, on peut dire qu'elle requiert un degré de conviction moins élevé que la preuve hors de tout doute raisonnable. Il faut aussi retenir que ce même fardeau s'applique tout autant à la partie défenderesse qui entend faire la preuve d'un fait.

[64] Par ailleurs, la norme de la prépondérance des probabilités ne comporte pas en elle-même de degrés intermédiaires. Après revue de la jurisprudence canadienne et le constat d'un certain flottement à cet égard, la Cour suprême du Canada, unanime, en énonce clairement le principe dans F.H. c. McDougall. Le juge Rothstein écrit au nom la Cour :

[40] […] notre Cour devrait selon moi affirmer une fois pour toutes qu'il n'existe au Canada, en common law, qu'une seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités. Le contexte constitue évidemment un élément important et le juge ne doit pas faire abstraction, lorsque les circonstances s'y prêtent, de la probabilité ou de l'improbabilité intrinsèque des faits allégués non plus que de la gravité des allégations ou de leurs conséquences. Toutefois, ces considérations ne modifient en rien la norme de preuve. À mon humble avis, pour les motifs qui suivent, il faut écarter les approches énumérées précédemment.

[65] La Cour rappelle que « la preuve doit être toujours claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » tout en reconnaissant toutefois qu'il n'existe aucune norme objective pour déterminer si elle l'est suffisamment. Cependant, la norme de la prépondérance des probabilités présuppose un examen attentif et minutieux de tous les éléments pertinents de preuve qui permettent de conclure dans un sens ou dans l'autre. La Cour conclut :

[49] En conséquence, je suis d'avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s'applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.»

[66] L'arrêt McDougall clarifie donc la question de la norme de preuve applicable en matière civile, mais n'évacue pas de son application des considérations liées à la gravité des allégations ou de leurs conséquences. En cela, les propos tenus par notre Tribunal il y a presque 20 ans dans Osman c. Médecins (Corp. professionnelle des)restent d'actualité :

[…]

« Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s'acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité le retient et écarte celle de l'intimé parce que non digne de foi.

Si le Comité ne sait pas qui croire, il doit rejeter la plainte, le poursuivant n'ayant pas présenté une preuve plus persuasive que l'intimé. Il ne suffit pas que le Comité préfère la théorie du plaignant par sympathie pour ses témoins ou par dégoût envers les gestes reprochés au professionnel. Il est essentiel que la preuve à charge comporte un degré de persuasion suffisant pour entraîner l'adhésion du décideur et le rejet de la théorie de l'intimé.

La prépondérance de preuve n'est pas une sinécure pour les Comités de discipline. Elle n'est pas affaire de préférence émotive, mais bien d'analyse rigoureuse de la preuve. Elle impose au syndic un fardeau exigeant et une preuve de qualité, faute de quoi il se verra débouté purement et simplement. »

[67] Dans Médecins c. Lisanu, notre Tribunal, citant sa décision dans Osman, réitère que le fardeau de la preuve en droit disciplinaire requiert une preuve sérieuse, claire et sans ambiguïté.

            (notre emphase)

[40]       Cela étant dit, il y a lieu de souligner que le syndic assume seul son fardeau de preuve et qu’une partie intimée visée par une plainte disciplinaire n’a rien à prouver puisqu’elle est présumée innocente jusqu’à preuve du contraire10F[11].

[41]       À la lumière de ces derniers principes, nous examinerons et évaluerons l’ensemble de la preuve administrée devant nous.

La crédibilité des témoins

[42]       Sur la question de la crédibilité et fiabilité des divers témoignages entendus, nous évaluerons la preuve en fonction des critères suivants élaborés par le juge Guy Cournoyer dans l’affaire Gestion immobilière Gouin c. Complexe funéraire Fortin11F[12] :

 

« [43] Les critères permettant d'évaluer la crédibilité et la fiabilité des témoins peuvent

être résumés ainsi:

 

1) L'intégrité générale et l'intelligence du témoin;

 

2) Ses facultés d'observation;

 

3) La capacité et la fidélité de la mémoire;

 

4) L'exactitude de sa déposition;

 

5) Sa volonté de dire la vérité de bonne foi;

 

6) Sa sincérité, sa franchise, ses préjugés;

 

7) Le caractère évasif ou les réticences de son témoignage;

 

8) Le comportement du témoin;

 

9) La fiabilité du témoignage;

 

10) La compatibilité du témoignage avec l'ensemble de la preuve et l'existence de

contradictions avec les autres témoignages et preuves. »

 

(notre emphase)

 

 

[43]       Au sujet de l’appréciation des témoignages et la crédibilité des témoins, il y a lieu aussi de rappeler les propos de Me Yves Clermont dans l’affaire OACIQ c. Dumas12F[13], à savoir :

 

« [171] En ce qui a trait à l’appréciation des témoignages et à la crédibilité des témoins, le Comité de discipline veut rappeler les principes établis dans les affaires Choudry, Lisanu et Osman et reprendre à son compte par analogie les critères que la jurisprudence arbitrale a établis en matière de crédibilité des témoins depuis notamment, la décision Casavant Frères rendue par l’arbitre Richard Marcheterre;

 

[172] Ces critères sont ainsi énoncés dans cette décision :

 

1. Il vaut mieux favoriser un témoignage affirmatif que de pure négation;

 

2. La vraisemblance et la cohérence de la version;

 

3. La constance dans les déclarations;

 

4. L’intérêt du témoin;

 

5. La manière de témoigner;

 

6. La réputation du témoin;

 

7. Le mobile, l’animosité ou le coup monté pouvant motiver un témoin;

 

8. La probabilité de la survenance des faits déclarés; »

 

            (notre emphase)

[44]       En gardant à l’esprit ces derniers principes, nous évaluerons la crédibilité et la fiabilité des versions des témoins dans le présent dossier, incluant les réponses données par les intimés aux questions de Mme Karine Hamilton de la ChAD, en date des 17 et 28 mai 201913F[14].

[45]       Examinons maintenant chacun des chefs d’accusation à l’encontre des intimés.

 

Le chef no 1 à l’encontre de Vanessa Brazeau Nadeau

[46]       Le chef no 1 reproche à l’intimée, entre 2014 et 2018, d’avoir fait défaut de procéder à des vérifications et une mise à jour des renseignements auprès des assurés afin que les garanties offertes répondent à leurs besoins, notamment quant à la protection « infiltration d’eau par le toit ».

[47]       La preuve nous révèle qu’à partir d’au moins 2013, le cabinet des intimés a fait parvenir aux assurés, au moment du renouvellement de la police habitation, une correspondance qui incluait l’avis suivant à l’assuré14F[15] :

« AVIS À L’ASSURÉ

Les dommages causés par l’eau sont la principale cause de réclamation en assurance habitation. Nous vous encourageons à lire attentivement cet avis.

Modifications apportées à votre contrat d’assurance

Les dommages suivants ne sont plus couverts par votre contrat d’assurance :

         Les dommages d’eau causés par un branchement d’égout, de fossés, de champs d’épuration ou d’autres systèmes d’épuration des eaux usées;

         Les dommages causés par le gonflement de la nappe phréatique.

Ces dommages peuvent désormais être couverts par l’ajout d’une protection additionnelle à votre contrat.

Pour vous assurer que votre contrat inclut les protections qui correspondent à vos besoins, nous vous invitions à communiquer avec votre courtier pour discuter des différentes protections disponibles en cas de dommages causés par l’infiltration d’eau par le toit, les portes, les fenêtres, les fondations ou encore le refoulement d’égout. »

(notre emphase)

[48]       Or, en 2013 et 2014, la correspondance transmise par le cabinet des intimés au moment du renouvellement contient également un document préparé par L’Unique qui est intitulé « Assurance habitation - Liste des assurances complémentaires disponibles », lequel se lit comme suit :

« Les assurances complémentaires ci-dessous ne produisent leurs effets que si elles sont stipulées aux Conditions particulières.

1250      Assurance des objets personnels

1251      Assurance des ordinateurs personnels

1252      Équipement de bureau

1255      Biens divers

1262      Avenant tremblement de terre

1263      Incendie, explosion, fumée suite à un tremblement de terre

1265      Travailleur chez-soi

1266      Dommages d’eau-Eau au-dessus du sol

1267      Piscine hors terre ou semi-creusée

1268      Indemnisation sans obligation de remplacer (contenu)

1270      Dommages d’eau-Eau du sol et d’égout

1275      Augmentation des limitations particulières

1286      Vol et fraude à l’identité

1290      Bris d’entrée d’eau

1291      Fuite ou débordement de mazout domestique (Couverture régulière)

1292      Fuite ou débordement de mazout domestique (Couverture spéciale)

1293      Piscine creusée et spa

1294      Dommage d’eau-Eau du sol (sauf égouts)

1295      Indemnisation sans obligation de reconstruire le bâtiment d’habitation »

[49]       L’article 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers stipule ce qui suit :

« Art. 39. À l’occasion du renouvellement d’une police d’assurance comportant une modification autre qu’à la prime, l’agent ou le courtier en assurance de dommages doit prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins du client. »

[50]       Cette disposition prévoit que lorsqu’une garantie d’assurance est modifiée au moment du renouvellement, le courtier doit s’assurer que la garantie offerte réponde toujours aux besoins de l’assuré malgré la modification.

[51]       Par ailleurs, les articles 37 (1o) et 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages prévoient :

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

1° d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

(…)

de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles; »

[52]       Le courtier en assurance de dommages doit également agir en conseiller consciencieux en éclairant ses clients non seulement sur les garanties et les exclusions du contrat d’assurance, mais aussi en leur donnant tout autre renseignement utile dans les circonstances.

[53]       Le contenu de cette obligation de conseil et son importance ont été analysés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Fletcher15F[16] :

« 55 À mon avis, l'arrêt Fine's Flowers permet d'affirmer que les agents d'assurances privés ont envers leurs clients l'obligation de fournir non seulement des renseignements sur la couverture disponible, mais encore des conseils sur les formes de protection dont ils ont besoinJe remarque que, dans "Liability of Insurance Agents for Failure to Obtain Effective Coverage:  Fine's Flowers Ltd. v. General Accident Assurance Co." (1979), 9 Man. L.J. 165, le professeur Snow résume ainsi l'incidence de l'arrêt Fine's Flowers, à la p. 169:

[TRADUCTION]  L'incidence de cet arrêt et de bien d'autres décisions semblables rendues au cours des dernières années semble claire.  Les consommateurs qui font confiance aux agents d'assurances soi-disant compétents, et qui voient leur confiance trahie, pourront souvent se pourvoir contre leur agent...   [L]'obligation de l'agent d'assurances, telle qu'énoncée en l'espèce, pour ce qui est de négocier une assurance et d'indiquer à l'assuré les risques couverts et ceux qui ne le sont pas est assez stricte.  De surcroît, étant donné qu'en général le commettant se fie énormément à la compétence de l'agent, il ne semble pas déraisonnable d'imposer cette obligation à un agent d'assurances.  [Je souligne.]

56   Dans l'affaire G.K.N. Keller Canada Ltd. v. Hartford Fire Insurance Co. (1983), 1 C.C.L.I. 34 (H.C. Ont.) (conf. en appel (1984), 4 C.C.L.I. xxxvii (C.A. Ont.)), la cour a explicité davantage la nature de l'obligation de diligence de l'agent d'assurances.  Elle y a décidé que, si le client décrit adéquatement à l'agent la nature de ses activités, ce dernier a alors l'obligation d'étudier les besoins en assurances du client et de lui fournir la protection complète demandée.  Si un sinistre non assuré survient, l'agent est responsable à moins qu'il n'ait signalé à son client les lacunes dans la couverture et qu'il ne l'ait conseillé sur la façon de combler ces lacunes.

57   Il est évident, tant dans le milieu des assurances que devant les tribunaux, que l'on considère que les agents et courtiers d'assurances sont plus que de simples vendeurs.  Les actes du colloque de 1985 sur le droit des assurances tenu par la Continuing Legal Education Society de la Colombie Britannique mettent l'accent sur les services qu'ils fournissent (à la p. 6.1.03):

[TRADUCTION]  Les services d'un agent ou d'un courtier compétent incluent, outre les conseils sur les assurances et le courtage ou la négociation de polices pour le compte du client, un intérêt et une participation concrets dans la prévention des sinistres, ainsi qu'un contrôle des demandes de règlement destiné à aider le client à obtenir un règlement satisfaisant.

58   Il est tout à fait légitime, à mon sens, d'imposer aux agents et aux courtiers d'assurances privés une obligation stricte de fournir à leurs clients des renseignements et des conseils.  Ils sont, après tout, des professionnels agréés qui se sont spécialisés dans l'évaluation des risques au profit des clients et dans la négociation de polices personnalisées.  Ils offrent un service très personnalisé, axé sur les besoins de chaque client.  La personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes.  Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à fournir des conseils adaptés à la situation de chaque individu.  Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l'obligation non seulement de fournir des renseignements, mais encore de conseiller les clients. »

(notre emphase)

[54]       Ainsi donc, selon la Cour suprême, le courtier en assurance de dommages doit donner un service très personnalisé et axé sur les besoins de chacun de ses clients.

[55]       Or, dans le présent dossier, l’on voudrait nous faire croire que le simple fait pour un cabinet de diviser ou compartimenter les tâches de ses courtiers aurait pour effet de supprimer l’obligation de conseil du courtier qui est au cœur de la profession.

[56]       À notre avis, ce n’est pas parce qu’un cabinet décide de compartimenter les activités de ses courtiers que l’intimée est relevée de son devoir de conseil.

[57]       Nous sommes par ailleurs d’avis que l’intimée a eu l’occasion de revoir les garanties offertes en assurance habitation des assurés lorsqu’elle a parlé au téléphone avec S.L. dans le cadre d’une modification à une assurance automobile.

[58]       Nous sommes d’opinion également que l’intimée a été négligente et n’a pas effectué des vérifications et procédé à une mise à jour de l’assurance habitation des assurés lorsque S.L. a communiqué avec elle pour son automobile.

[59]       Il aurait été si facile pour l’intimée à ce moment de sortir le dossier d’assurance habitation, de faire une mise à jour avec S.L., lui expliquer que les dommages par l’eau sont la principale cause de réclamation en assurance habitation et de lui donner des conseils quant aux assurances complémentaires disponibles, entre autres la protection complémentaire 1266 – Dommages d’eau-Eau au-dessus du sol.

[60]       Vu le défaut de l’intimée de se conformer à son devoir de conseil envers les assurés, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37 (6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[61]       Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce dernier chef.

 

Les chefs no 1 à l’encontre de Pierre-Luc Payette

[62]       Ce chef reproche à l’intimé, au mois d’août 2013, d’avoir omis d’informer les assurés de la réduction des engagements de L’Unique et de ne pas s’être assuré de leur consentement à cette réduction des engagements.

[63]       Ce chef soulève les deux questions suivantes : y a-t-il eu réduction des engagements de L’Unique et est-ce que les assurés ont déjà été couverts pour les infiltrations d’eau par le toit?

[64]       Permettez-nous d’en douter. Premièrement, parce qu’en 2008, relativement à l’achat du condo, M. Simard de L’Unique affirme à C.B. que la police Locataire occupant a été transformée en police copropriétaire occupant, sans ajout de protection (avenant).

[65]       Quant à la protection infiltration d’eau, lorsque C.B. demande à M. Simard pourquoi les dégâts d’eau ne sont pas couverts, M. Simard est précis dans sa réponse et il lui écrit : « Il faut savoir que les dommages d'eau causés par les infiltrations constituent une exclusion générale au contrat de base. Ceci s'appliquait avant la refonte des formulaires du BAC en 2012 et n'a pas été modifié suite aux changements implantés. »

[66]       Donc, il appert de ce qui précède que les assurés n’ont probablement jamais été couverts pour l’infiltration d’eau.

[67]       Mais il y a plus.

[68]       Dans son chef 1 contre l’intimé, le syndic situe son reproche en date du ou vers le 1er août 2013, soit au moment du renouvellement du contrat d’assurance habitation du condo.  

[69]       Donc, le syndic allègue en quelque sorte que la réduction des engagements de L’Unique a été effectuée lors ou au moment du renouvellement du contrat d’assurance habitation. Afin de déterminer s’il y a oui ou non réduction, il faut donc comparer la police entrant en vigueur le 1er août 2013 avec celle qui était en vigueur l’année précédente, donc celle qui est entrée en vigueur le 1er août 2012.

[70]       Or, le contrat d’assurance faisant l’objet du renouvellement et entrant en vigueur le 1er août 2013, est déposé en preuve par le syndic sous la cote P-4. Quant au contrat antérieur, soit celui entrant en vigueur le 1er août 2012, il s’agit de la pièce P-3.

[71]       Évidemment, le contrat P-4 entrant en vigueur le 1er août 2013, ne comporte pas de couverture pour l’infiltration d’eau. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à prendre connaissance du mot à mot de la pièce P-416F[17].    

[72]       La situation est toute autre pour le contrat d’assurance entrant en vigueur le 1er août 2012. Nous n’avons pas son mot à mot, uniquement les conditions particulières.

[73]       Une revue détaillée des conditions particulières nous fait comprendre qu’à cette époque, pour bénéficier de la protection « Infiltration d’eau », les assurés devaient obtenir une assurance complémentaire couvrant ce risque, soit l’avenant 126617F[18]. Or, les conditions particulières de cette police en vigueur en 2012 ne stipulent pas que les assurés ont obtenu cette garantie d’assurance complémentaire.

[74]       Il découle de ce qui précède que nous n’avons aucune preuve qu’il y a eu réduction de quelque garantie ou engagement que ce soit de l’assureur.

[75]       Dans un tel contexte, le syndic ne peut pas se décharger de son fardeau de preuve puisqu’il n’est pas en mesure de prouver l’un des éléments essentiels de l’infraction, soit la réduction de l’une ou l’autre des garanties d’assurance.

[76]       En conséquence, nous venons à la conclusion que l’intimé doit être acquitté de toutes et chacune des infractions alléguées au chef 1 de sa plainte.  

 

Le chef 2 à l’encontre de Pierre-Luc Payette

 

[77]        Relativement à ce chef, le syndic allègue que l’intimé a fait défaut de mettre en place des politiques, directives ou procédures en ce qui a trait aux renouvellements des contrats d’assurance des clients de son cabinet qui sont assurés avec L’Unique.

[78]       Sur ce chef, non seulement la preuve du syndic est prépondérante, elle provient de la partie intimée Mme Brazeau Nadeau.

[79]       Quant à M. Payette, eu égard aux renouvellements, il nous dit lors de l’audition que son cabinet procède exactement comme la ChAD lui dit de faire. Selon son témoignage, 100 % de la clientèle reçoit des écrits et un courtier communique avec les assurés dans 50 % des cas.

[80]       Or, à notre avis, cette version de l’intimé n’est pas crédible et voici pourquoi.

[81]       D’une part, ce témoignage de l’intimé est complètement à l’opposé de la version crédible et honnête donnée par Mme Brazeau Nadeau à Mme Hamilton de la ChAD, lors d’une conversation téléphonique du 28 mai 2019. Au cours de cet entretien, l’intimée ne mâche pas ses mots à l’endroit de la procédure de renouvellement des polices de L’Unique. Selon l’intimée, le cabinet n’en a tout simplement pas. 

[82]       D’autre part, l’intimé ne fait qu’affirmer sans plus qu’il se conforme à la norme déontologique. Il ne nous précise aucunement quelle est exactement la procédure qui est suivie et à quel moment elle fut implantée. Bien plus, il ne dépose aucun document à ce sujet qui pourrait objectivement établir la mise en place d’une telle procédure ou d’une politique en ce sens. Dans les circonstances, nous venons donc à la conclusion que la version de M. Payette n’est pas digne de foi.

[83]       La Loi sur la distribution de produits et services financiers stipule ce qui suit au deuxième alinéa de son article 84 :

« Art. 8 Un cabinet et ses dirigeants sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté dans leurs relations avec leurs clients.

Ils doivent agir avec soin et compétence. »

(notre emphase)

[84]       Considérant que la preuve prépondérante établit que l’intimé n’a pas mis en place des politiques, directives ou procédures relativement au traitement des renouvellements des contrats d’assurance de L’Unique, il est déclaré coupable d’avoir enfreint le deuxième alinéa de l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[85]       Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien de ce chef d’accusation.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

 

DÉCLARE l’intimée Vanessa Brazeau Nadeau coupable du chef 1 de la plainte 2019-11-02(C) pour avoir contrevenu à l’article 37 (6°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

ORDONNE un arrêt conditionnel des procédures sur les autres dispositions législatives et règlementaires invoquées au soutien du chef d’accusation ci-haut mentionné;

 

ACQUITTE l’intimé Pierre-Luc Payette de toutes et chacune des infractions reprochées au chef 1 de la plainte 2019-11-03(C);

 

DÉCLARE l’intimé Pierre-Luc Payette coupable du chef 2 de la plainte 2019-11-03(C) pour avoir contrevenu au deuxième alinéa de l’article 84 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

ORDONNE un arrêt conditionnel des procédures sur les autres dispositions législatives et règlementaires invoquées au soutien du chef 2 ci-haut mentionné;

 

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

 

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Vice-président du Comité de discipline

 

__________________________________

Mme Sonia Jacques, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

Mme Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Valérie Déziel

Procureure de la partie plaignante

 

 

M. Pierre-Luc Payette, personnellement

Mme Vanessa Brazeau-Nadeau, personnellement

Parties intimées

 

 

 

Date d’audience :

Le 5 février 2021 par visioconférence

 



[1] Pièce P-11;

[2] P-11, page 4;

[3] Voir la pièce P-4, à la page 46 du document PDF;

[4] Ibid., page 5;

[5] Pièce P-12;

[6] Pièce I-2A, à la page 4;

[7] Ibid., à la page 2;

[8] Ibid., à la page 3;

[9] Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078 (CanLII), au paragraphe 67 et F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (CanLII), au paragraphe 46;

[10] 2012 QCTP 126 (CanLII);

[11] Voir Vernacchia c. Médecins, 1995 CanLII 10906 (QC TP) et ChAD c. Fradette, 2005 CanLII 57468 (QC CDCHAD), au paragraphe 144;

[12] 2010 QCCS 1763 (CanLII);

[13] OACIQ c. Dumas, 2017 CanLII 45341 (QC OACIQ);

[14] Voir les enregistrements de conversations téléphoniques, pièces P-13 et P-14, ainsi que l’Avis de l’intention de la plaignante de produire des aveux des intimés, daté du 29 septembre 2020;

[15] Voir la pièce I-4, à la page 4, soit la correspondance du 17 juillet 2013. La pièce P-4, à la page 7 contient le même avis à l’assuré, transmis à la même date;

[16] Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, 1990 CanLII 59 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 191. Sur le devoir de conseil du courtier, voir aussi Groupe Aquazone c. Villemure, 2014 QCCQ 495 (CanLII), au paragraphe 55;

[17] Voir la pièce P-4, à la page 29 du PDF ou la page 5 de 11 de la police et page 46 du PDF ou la page 3 de 11 la police;

[18] Voir la page 11 des conditions particulières P-3;

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