Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

Chambre de l’assurance de dommages

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2019-11-04(C)

 

DATE :

Le 22 février 2021

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Nathalie Boyer, C.d’A.Ass., A.I.B., courtier en assurance de dommages   

 

Membre

M. Serge Meloche, courtier en assurance de dommages  

 

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MAUDE-ÉLÈNE BRUNELLE, courtier en assurance de dommages (4A) inactif et sans mode d’exercice

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

[1]       Le 22 décembre 2020, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait par visioconférence pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte numéro 2019-11-04(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Jean-François Noiseux et, de son côté, l’intimée était absente et non représentée ;

 

[3]       Le 28 août 2020, l’intimée a été reconnue coupable[1] des infractions suivantes :

 

 

1.      D’avoir omis de donner suite aux instructions de l’assuré D.R. de ne pas renouveler son contrat d’assurance (chef 1) ;

 

2.      D’avoir omis de prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins des assurés I.H. et R.S. (chef 2) ;

 

3.      D’avoir omis de donner suite aux instructions de l’assurée C.B., en résiliant le contrat d’assurance-habitation de la résidence principale (chef 3) ;

4.      D’avoir fait à l’assureur une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible de l’induire en erreur (chef 4) ;

 

5.      D’avoir fait défaut d’exécuter le mandat que lui avait confié l’assuré M.D.L. (chef 5) ;

 

 

[4]       Vu l’absence de l’intimée et ce, malgré le fait que cette dernière avait été dûment convoquée pour l’audition sur sanction, le syndic fut alors autorisé à procéder par défaut, conformément au 2e alinéa de l’article 144 du Code des professions (R.L.R.Q., c. C-26) ;

 

I.          Les faits

 

[5]       Essentiellement, la preuve administrée lors de l’audition sur culpabilité a permis d’établir les faits suivants :

      L’intimée a omis de donner suite aux instructions de l’assuré D.R. (P-1 à P-5) de ne pas renouveler son contrat d’assurance-automobile (chef 1) ;

      Pour deux (2) autres assurés (I.H. et R.S.), l’intimée n’a pas offert l’avenant « débordement ou fuite de mazout » (P-6 à P-9), omettant ainsi de prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde à leurs besoins (chef 2) ;

      Dans un autre cas (C.B.), l’intimée a résilié la police d’assurance de la résidence principale au lieu de celle du chalet de l’assuré malgré les instructions reçues (P-10 à P-14), faisant preuve, encore une fois, de négligence (chef 3) ;

      Dans un autre dossier (assuré S.R.), l’intimée a fait à l’assureur une fausse déclaration (P-15 à P-25) en déclarant que l’assuré S.R. avait un lien familial avec la conductrice principale alors qu’elle savait que ce n’était pas le cas (chef 4) ;

      Enfin, dans le dossier de l’assuré M.D.L., l’intimée a fait défaut d’obtenir une protection d’assurance-automobile (P-26 à P-30), causant ainsi un découvert d’assurance (chef 5) ;

[6]       Cela dit, l’intimée ne s’étant pas présentée à l’audition, aucune circonstance atténuante ne fut établie ;

[7]       D’autre part, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Beauchemin[2], le Comité, afin de remplir sa mission, possède des pouvoirs de nature inquisitoire lui permettant d’obtenir de la preuve et d’assigner des témoins[3] ;

[8]       Conformément à ce pouvoir, le Comité constate que l’intimée n’est pas à sa première visite devant le Comité et que celle-ci a un antécédent disciplinaire[4] ;

[9]       Dans une décision rendue le 20 juillet 2019, le Comité lui a imposé une période de radiation temporaire de 30 jours, à être purgée à compter de la remise en vigueur de son certificat[5] ;

[10]    Cette sanction lui fut imposée pour une infraction d’entrave au travail du syndic[6] ;

[11]    En conclusion, c’est en considérant l’ensemble de ces faits que le Comité devra établir les sanctions appropriées au cas de l’intimée ;

II.         Représentations sur sanction

[12]    Le syndic, par la voix de son procureur, suggère d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 :         une amende de 3 000 $

Chef 2 :         une amende de 2 500 $

Chef 3 :         une radiation de 60 jours

Chef 4 :         une radiation de 30 jours

Chef 5 :         une radiation de 60 jours

[13]    À cet égard, il souligne les facteurs aggravants suivants :

      La gravité objective des infractions ;

      Le fait que celles-ci se situent au cœur de l’exercice de la profession ;

      Le caractère répétitif des infractions ;

      Le préjudice subi par les clients ;

      L’intention blâmable et/ou le caractère malhonnête associé à certaines des infractions (chef 4) ;

[14]    Quant aux circonstances atténuantes, seul le peu d’expérience de l’intimée peut jouer en sa faveur ;

[15]    L’avocat du syndic dépose une série de jurisprudence pour justifier ses demandes, celles-ci seront examinées dans la section III de la présente décision ;

[16]    Finalement, le syndic demande la publication d’un avis de radiation et une condamnation aux frais ;

II.       Analyse et décision

A)       Chef no. 1

[17]    Le chef 1 reproche à l’intimée d’avoir omis de donner suite aux instructions de l’assuré (D.R.) de ne pas renouveler son assurance-automobile ;

[18]    Comme sanction, la partie plaignante réclame l’imposition d’une amende de 3 000 $ en se fondant sur les précédents suivants :

      ChAD c. Guilbeault, 2020 CanLII 76244 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Charles, 2019 CanLII 120596 (QC CDCHAD) ;

[19]     À notre avis, l’amende de 3 000 $ s’inscrit parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction ;

[20]    En conséquence, l’intimée se verra imposer, pour le chef 1, une amende de 3 000 $ ;

B)       Chef no. 2

[21]    Le chef 2 reproche à l’intimée d’avoir omis de prendre les moyens requis pour que la garantie offerte réponde aux besoins de ses clients ;

[22]    En l’espèce, l’intimée a omis d’offrir aux assurés l’avenant « débordement ou fuite de mazout » ;

[23]    Ce type d’infraction va au cœur même de l’exercice de la profession et constitue une négligence grave ;

[24]    Dans les circonstances, le Comité n’a aucune hésitation à imposer une amende de 2 500 $ pour ce chef d’accusation ;

[25]    D’ailleurs, cette amende est conforme à la jurisprudence en semblables matières :

      ChAD c. Coursol, 2017 CanLII 55116 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Forgues, 2019 CanLII 62600 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Poupart, 2019 CanLII 77818 (QC CDCHAD) ;

[26]    En conséquence, le Comité imposera une amende de 2 500 $, tel que suggéré par la partie plaignante ;

C)       Chef no. 3

[27]    Le chef 3 reproche à l’intimée d’avoir omis de donner suite aux instructions de l’assurée (C.B.) en résiliant le contrat d’assurance-habitation de sa résidence principale ;

[28]    En pratique, l’intimée a résilié la police d’assurance de la maison de la cliente au lieu de celle du chalet, faisant preuve, encore une fois, de grave négligence ;

[29]    À cet égard, le syndic suggère une période de radiation de 60 jours en se fondant sur les précédents suivants :

      ChAD c. Rigas, 2016 CanLII 53907 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Marchand, 2020 CanLII (QC CDCHAD) ;

[30]    De l’avis du Comité, vu la négligence de l’intimée et les conséquences pour l’assurée d’un découvert d’assurance, l’imposition d’une période de radiation de 60 jours constitue un minimum ;

[31]    En conséquence, l’intimée se verra imposer pour le chef 3 une radiation de 60 jours ;

D)       Chef no. 4

[32]    Le chef 4 concerne les fausses déclarations de l’intimée auprès d’un assureur ;

[33]    La partie plaignante suggère une période de radiation de 30 jours en s’appuyant sur le précédent suivant :

      ChAD c. Huard, 2017 CanLII 47415 (QC CDCHAD) ;

[34]    De l’avis du Comité, vu la gravité de ce genre d’infraction, une période de radiation est appropriée pour sanctionner ce type d’infraction ;

[35]    En conséquence, l’intimée se verra imposer une radiation de 30 jours pour le chef 4 ;

E)        Chef no. 5

[36]    Le chef 5 reproche à l’intimée d’avoir fait défaut d’exécuter le mandat que lui avait confié son client, soit d’obtenir, pour le jour même, une couverture d’assurance pour son automobile, causant ainsi un découvert d’assurance ;

[37]    Compte tenu de la gravité objective de cette infraction, laquelle va au cœur même de l’exercice de la profession, la partie plaignante suggère l’imposition d’une radiation de 60 jours ;

[38]    De l’avis du Comité, le fait d’occasionner un défaut de couverture d’assurance constitue une faute déontologique qui requiert plus qu’une simple radiation symbolique ;

[39]    Une période de radiation de 60 jours est conforme à la jurisprudence[7] et permettra d’assurer la protection du public et d’éviter la répétition de tels gestes ;

[40]    En conséquence, l’intimée se verra imposer une radiation de 60 jours sur le chef 5 ;

F)        Radiations consécutives ou concurrentes

[41]    Tel que souligné au début de la présente décision, il appert que l’intimée possède un antécédent disciplinaire[8] ;

[42]    Dans un dossier précédent, elle fut condamnée à une radiation de 30 jours[9] qui ne sera exécutoire qu’au moment de la remise en vigueur de son certificat ;

[43]    En toute logique, les radiations imposées dans le présent dossier devraient être purgées de façon consécutive à cette première radiation, sans quoi, l’intimée bénéficierait de sa propre turpitude ;

[44]    De l’avis du Comité, un tel résultat n’a certainement pas été voulu par le législateur et il serait contraire à l’impératif de la protection du public ;

[45]     En conséquence, les périodes de radiation imposées dans le présent dossier seront purgées de façon concurrente entre elles mais de manière consécutive à toute autre radiation déjà imposée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes:

 

Chef 1 :  une amende de 3 000 $

 

Chef 2 :  une amende de 2 500 $

 

Chef 3 :  une radiation de 60 jours

 

Chef 4 :  une radiation de 30 jours

Chef 5 :  une radiation de 60 jours

 

DÉCLARE que les périodes de radiation temporaire imposées sur les chefs 3, 4 et 5 seront purgées de façon concurrente entre elles, pour un total de 60 jours, mais de façon consécutive à toute autre radiation déjà imposée et ce, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée ;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a son domicile professionnel un avis de la présente décision, à la date de remise en vigueur du certificat de l’intimée ;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de radiation, le cas échéant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

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Mme Nathalie Boyer, C.d’A.Ass., A.I.B., courtier en assurance de dommages

Membre

 

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M. Serge Meloche, courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

Me Jean-François Noiseux

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Maude-Élène Brunelle (absente et non représentée)

Partie intimée

 

Date d’audience :  22 décembre 2020 (par visioconférence)

 



[1]        Chambre de l’assurance de dommages c. Brunelle, 2020 CanLII 63275 (QC CDCHAD);

[2]        Beauchemin c. Chambre de la sécurité financière, 2010 QCCA 1235 (CanLII);

[3]        Ibid., par. 19;

[4]        ChAD c. Brunelle, 2019 CanLII 126319 (QC CDCHAD);

[5]        Ibid., par. 38;

[6]        Ibid., par. 3;

[7]        ChAD c. Huard, 2017 CanLII 47415 (QC CDCHAD);

[8]        ChAD c. Brunelle, 2019 CanLII 126319 (QC CDCHAD);

[9]        Ibid., par. 38;

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