Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2020-08-13(C)

 

DATE :

4 janvier 2021

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

ALAIN JASMIN, courtier en assurance de dommages (inactif et sans mode d’exercice)

Partie intimée

 

 

DÉCISION CONCERNANT LE DÉROULEMENT

DE L’INSTRUCTION DE LA PLAINTE DISCIPLINAIRE

(Art. 143.2 du Code des professions et art. 376 et 377

de la Loi sur la distribution de produits et services financiers)

 

 

I.          Le contexte

 

[1]       L’intimé fait actuellement l’objet d’une plainte disciplinaire dans laquelle on lui reproche d’avoir fait émettre dix (10) contrats d’assurance et de les avoir résiliés avant le paiement de la première prime dans le but d’augmenter le seuil de performance de son cabinet et de toucher une prime de rendement (chef 1) ;

 

[2]       La plainte lui reproche également d’avoir agi auprès d’un assuré à titre de représentant d’un cabinet auquel il n’était plus rattaché (chef 2) ;

 

[3]       Cela dit, les parties ne s’entendent pas sur le nombre de jours requis pour l’instruction de la plainte ;

 

[4]       D’un côté, le syndic estime que l’audition devrait prendre environ trois (3) jours, alors que l’intimé, vu le nombre de témoins qu’il entend présenter en défense, considère que l’audition durera douze (12) jours ;

 

[5]       Mais il y a plus, l’intimé, au cours d’une conférence de gestion précédente, a exigé que l’audition se tienne en « présentiel », malgré le contexte de la COVID-19 ;

 

II.         Les questions en litige

 

[6]       Considérant les positions diamétralement opposées des parties, le président soussigné a informé celles-ci qu’il désirait les entendre sur les deux (2) questions suivantes :

 

1)        L’audition devra-t-elle se tenir en visioconférence ou en présentiel ?

 

2)        La tenue de l’audition étant prévue pour douze (12) journées, celle-ci peut-elle être scindée en divers blocs de journées de deux (2) ou trois (3) jours ?

 

 

III.       Argumentation

 

A)       Par le syndic

 

[7]       La partie plaignante, sans insister outre mesure sur cette question, rappelle tout de même qu’en période de pandémie, les auditions sont habituellement tenues par le biais d’une plateforme électronique ;

 

[8]       Quant à la durée de l’audience, le syndic n’a pas formulé d’objection à ce que celle-ci puisse être scindée en plusieurs blocs de deux (2) ou trois (3) jours, vu les difficultés inhérentes de trouver, avant les vacances estivales de 2021, une période de douze (12) jours continus ;

 

 

B)       Par l’intimé

 

[9]       De son côté, l’intimé favorise la tenue des auditions en présentiel, sans toutefois insister sur cette question, vu l’augmentation des cas de COVID-19 ;

 

[10]    Quant à la durée des auditions, l’intimé plaide que le fait de scinder l’audition en diverses périodes de deux (2) ou trois (3) jours brime son droit à une défense pleine et entière et, en conséquence, il considère que l’instruction de la plainte devrait se tenir sur une période de douze (12) jours continus ;

 

 

IV.      Analyse

 

A)       Pouvoir du président siégeant seul

 

[11]    Suivant l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (ci-après, « L.D.P.S.F. »), les dispositions du Code des professions  (R.L.R.Q., c. C‑26) (ci-après, « C. prof. ») relatives à l’introduction et à l’instruction d’une plainte s’appliquent aux plaintes que reçoit le Comité de discipline ;

 


[12]    Cela dit, le « Comité de discipline a compétence pour décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence »[1]

 

[13]    À cet égard, il y a lieu de citer le texte de l’article 143.2 C. prof. :

143.2. Si les circonstances d’une plainte le justifient, notamment en raison de sa complexité ou de la durée prévisible de l’audience, le président du conseil peut, d’office ou sur demande de l’une des parties, les convier à une conférence de gestion pour notamment:

1°  convenir avec elles d’une entente sur le déroulement de l’instruction de la plainte précisant leurs engagements et fixant le calendrier des échéances à respecter;

2°  déterminer, à défaut d’entente entre les parties, le calendrier des échéances, lequel s’impose aux parties;

3°  décider des moyens propres à simplifier, faciliter ou accélérer le déroulement de l’instruction de la plainte et à abréger l’audience, notamment préciser les questions en litige ou prendre acte des admissions sur quelque fait ou document. (Nos soulignements)

 

[14]    L’article 143.2 C. prof. doit être lu en corrélation avec l’article 377 L.D.P.S.F., lequel édicte :

377. Le président, ou un avocat membre du comité de discipline qu’il désigne, peut entendre seul et décider tout moyen préliminaire. (Nos soulignements)

 

[15]    Suivant le Tribunal des professions dans l’affaire Bochi[2], l’article 377 L.D.P.S.F. confère encore plus de latitude au président du Comité de discipline de la ChAD ou de la C.S.F. :

[17]   Ensuite, l’article 143.2 confère au président le pouvoir de convier les parties à une conférence de gestion, dans certaines circonstances. La suspension de l’instance relève-t-elle de ces pouvoirs de gestion d’instance?

(…)

[23]   C’est à raison que l’appelante souligne la teneur des dispositions suivantes de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[11] (la LDPSF) :

371. Une plainte est entendue par trois membres du comité de discipline désignés par le président, dont un avocat qui préside l’audition.

Toutefois, lorsqu’un membre du comité de discipline, autre que celui qui le préside, devient empêché d’agir, l’instruction peut être validement poursuivie et une décision peut être validement rendue par les deux autres membres.

377. Le président, ou un avocat membre du comité de discipline qu’il désigne, peut entendre seul et décider tout moyen préliminaire.

[24]   Le libellé de l’article 377 LDPSF énonce clairement le pouvoir du président d’entendre seul et décider tout moyen préliminaire. Le Tribunal en conclut que le président du comité de discipline agissant dans le cadre de l’application de la LDPSF a des pouvoirs plus étendus que ceux confiés au président du Conseil de discipline à l’article 143.2 du Code. (Nos soulignements)

 

[16]    Cela étant établi, le président soussigné considère qu’il a le pouvoir et l’autorité nécessaires pour trancher seul les questions en litige portant sur le déroulement et l’instruction de la plainte disciplinaire ;

 

 

B)       Les délais

 

[17]    Selon l’article 139 C. prof. [3], lequel s’applique aux auditions disciplinaires de la ChAD[4], l’audition de la plainte doit débuter dans un délai de 120 jours de la signification de la plainte, à moins de circonstances particulières ;

 

[18]    Dans le présent dossier, la plainte fut déposée le 26 août 2020 et signifiée à l’intimé le 2 septembre 2020 ;

 

[19]    Il faut donc dès maintenant et sans plus tarder fixer l’audition de cette plainte ;

 

 

C)       Droit à une défense pleine et entière

 

[20]    L’article 144 C. prof. reconnaît à l’intimé le droit à une défense pleine et entière ;

 

[21]    Cependant, il y a lieu de souligner que l’article 144 C. prof. ne doit pas être interprété comme étant la reconnaissance d’un droit à une défense idéale[5] ;

 

[22]    Cela dit, le droit à une défense pleine et entière n’est pas absolu et illimité[6] ;

 

[23]    À cet égard, le président soussigné reconnaît qu’en temps normal, il serait préférable de tenir des auditions en présentiel et de ne pas scinder l’audition de la plainte en plusieurs périodes, cependant, la crise sanitaire engendrée par la pandémie du COVID-19 nous oblige tous à faire des concessions et des ajustements en tenant compte de ces nouvelles contraintes ;

 

 


D)       L’obligation d’agir avec célérité

 

[24]    Selon la Cour d’appel, les comités de discipline ont l’obligation de s’assurer que les dossiers disciplinaires procèdent avec célérité[7] ;

 

[25]    C’est en tenant compte de cette obligation que seront fixées les dates d’audition dans le présent dossier ;

 

 

E)        Les auditions par visioconférence

 

[26]    En l’absence du consentement explicite de l’intimé à tenir les auditions à partir d’une plateforme électronique, le président soussigné sera dans l’obligation de l’imposer ;

 

[27]    En effet, suivant le Décret no. 615-2020 du 10 juin 2020, le Comité peut l’imposer aux parties ;

 

[28]    Ce décret fut renouvelé par le Décret no. 1351-2020 du 16 décembre 2020 et il continuera de s’appliquer jusqu’au moment où le Gouvernement ou le Ministre de la Santé et des services sociaux le modifie ou y mette fin ;

 

[29]    Cela dit, l’évolution de la pandémie et de la situation d’urgence sanitaire oblige tous et chacun à s’adapter à cette nouvelle réalité[8] ;

 

[30]    En conséquence, les auditions se tiendront par visioconférence (ZOOM) et ce, afin d’assurer la sécurité et la santé des parties, de leurs témoins et de leurs avocats, ainsi que celle des membres du Comité de discipline ;

 

 

F)        Instruction avec ou sans discontinuité

 

[31]    Le procureur de l’intimé s’objecte à ce que les auditions soient tenues de façon discontinue par divers blocs de deux (2) ou trois (3) jours pour un total de douze (12) jours d’auditions ;

 

[32]    À son avis, cette façon d’agir brime le droit à une défense pleine et entière de son client ;

 

[33]    Il y a lieu de souligner que le procureur de l’intimé ne fournit aucune autorité, ni disposition législative ou réglementaire à l’appui de ses prétentions, à l’exception d’une décision du Comité de discipline de l’Ordre des dentistes[9], par contre, celle-ci n’adresse pas en profondeur cette problématique ;

 

[34]    Cela dit, cet argument nous semble s’inspirer de l’article 645 du Code criminel[10] suivant lequel le procès doit se poursuivre sans discontinuité, sauf un ajournement décrété par la Cour  ;

 

[35]    Dans le même ordre d’idées, le Code de procédure pénale (ci-après, « C.p.p. »)[11], aux articles 197 et suivants, reconnaît au juge la possibilité d’ajourner l’instruction, sauf si le défendeur est en détention, alors l’ajournement ne doit pas excéder huit (8) jours (art. 199) ;

 

[36]    Par contre, l’article 1 C.p.p. spécifie que le Code de procédure pénale ne s’applique pas aux poursuites intentées devant une instance disciplinaire[12] ;

 

[37]    Qu’en est-il du Code criminel ?

 

[38]    Dans un premier temps, il y a lieu de rappeler que l’intimé n’est pas un « inculpé » au sens des chartes[13] et que la procédure criminelle ne s’applique pas aux instances disciplinaires, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’arrêt Beauchemin[14] :

[19]    J'ajoute que le formalisme du droit criminel n'est pas pleinement transposable devant un comité de discipline en matière de réouverture d'enquête et de contre-preuve. Contrairement à un accusé, la personne objet d'une plainte n'a pas le choix de décider si elle témoigne ou non, puisqu'elle est contraignable. De plus, le processus disciplinaire est certes contradictoire (Finney c. Barreau du Québec[2004] 2 R.C.S. 17, 2004 CSC 36), mais, contrairement au procès criminel, il comporte un aspect inquisitoire puisque le comité, afin de remplir sa mission, peut de lui-même exiger la production de preuve ou assigner toute personne qu'il juge utile d'entendre (art. 143 et 146 Code des professions, rendus applicables au comité par l'art. 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers; Millette c. Comité de révision des plaintes du Barreau du Québec, [2003] J.Q. no. 4455, J.E. 2003-954 (C.A.), para27). En pareil contexte, il faut résister à la tentation d'importer trop rapidement dans le droit disciplinaire les règles du droit criminel et ainsi nier le caractère sui generis du premier. En somme, le processus suivi par un comité de discipline doit demeurer équitable et donner la chance à la personne objet d'une plainte de se défendre pleinement (art. 23 Charte québécoise), mais pas nécessairement lui offrir toutes les protections du droit criminel. (Nos soulignements)

 

[39]    Par contre, cela ne veut pas dire que l’intimé ne bénéficie pas du droit à une défense pleine et entière, le tout sujet à certaines nuances, tel que la Cour d’appel le rappelait dans l’affaire Ménard c. Gardner[15] :

[55]        La question du respect des règles de justice naturelle, et notamment de la règle audi alteram partem, appelle traditionnellement l'application de la norme de la décision correcte, s'agissant ici de garanties constitutionnelles et quasi constitutionnelles qui sont au cœur de l'intégrité du système de justice – celui de la justice administrative en l'occurrence – et qui affectent la compétence du décideur. En ce sens, voir : Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), McDonald c. Arshinoff & Cie ltée, Murphy c. Chambre de la sécurité financière. Cela dit, respecter la règle audi alteram partem – puisque c'est de cela qu'il s'agit ici – et garantir au justiciable le droit de présenter une défense pleine et entière ne signifie pas qu'on doive imposer aux organismes administratifs un code de conduite en tous points identique à celui des cours de justice et les assujettir à l'ensemble des règles de preuve et de procédure en usage devant les tribunaux judiciaires. On doit au contraire leur reconnaître une latitude certaine en la matière, la règle audi alteram partem pouvant en pratique se décliner de diverses façons. La souplesse est donc de mise dans la mesure où l'esprit de cette règle fondamentale est respecté. Comme le rappelle la Cour suprême dans Moreau-Bérubé :             (Nos soulignements)

 

[40]    Cela étant établi, il convient de référer à certains grands principes en matière disciplinaire ;

 

[41]    Le droit disciplinaire est un droit sui generis[16] qui est original et qui tire ses règles de l’ensemble du droit[17] ;

[42]    Il n’est ni du droit civil, ni du droit criminel, mais plutôt une branche du droit administratif qui puise, sous certains rapports, au premier, et pour d’autres, au second[18] ;

[43]    Par exemple, en matière de plaidoyer de culpabilité[19], ou en matière de sanction[20], ou pour des questions touchant la divulgation de la preuve[21] ou la protection des informateurs[22], ou en matière de classification des infractions[23], il s’inspire du droit criminel ;

[44]    Par contre, depuis le début de l’existence du droit disciplinaire, les règles de procédures des comités de discipline s’apparentent à celles du Code de procédure civile[24], sous réserve des distinctions qui s’imposent[25] ;

[45]    Il ressort de l’ensemble de cette jurisprudence que le Code criminel ne s’applique pas aux auditions disciplinaires[26] ;

 

[46]    Par ailleurs, le Comité de discipline, à titre de tribunal administratif, est maître de sa procédure[27] ;

 

 

G)       Gestion de l’instance

 

[47]    Les pouvoirs des conseils de discipline en matière de gestion d’instance ont été reconnus par la Cour supérieure dans l’affaire Jolicoeur[28] dans les termes suivants :

[13]        Force est de constater que le Conseil bénéficie d’un très large pouvoir discrétionnaire pour tenir l’instruction d’une plainte. Il est pour ainsi dire maître de la procédure, de l’administration de la preuve et du déroulement de l’instance. Toutefois, la conduite procédurale du Conseil ne doit pas porter atteinte aux droits fondamentaux de l’intimé (ici le requérant), y compris les valeurs consacrées par la Charte, notamment son droit à une défense pleine et entière. Il coule de source que le Conseil doit également exercer sa compétence en tout respect des règles de justice naturelles, dont l’équité procédurale.      (Nos soulignements)

 

[48]    De la même façon, la Cour supérieure conclut dans l’affaire Loubier[29] comme suit :

[70]        L’approche des tribunaux est encore plus restrictive lorsque la décision porte sur une question de gestion de preuve ou de procédure.

[71]        À ce sujet, il faut savoir que le droit disciplinaire, dit sui generis, est composé d’un corpus de règles d’inspiration civiliste et pénale, auxquelles les Conseils de disciplines et les tribunaux ont apporté les adaptations nécessaires au fil du temps, et que les Conseils de disciplinaire jouissent en conséquence d’une grande latitude en cette matière, vu l’interprétation de l’article 143 du Code des professions.

[72]        Cela explique pourquoi la Cour supérieure hésite à intervenir pour réviser une décision rendue au cours d’une instance disciplinaire sur ce sujet.

[73]        Deux objectifs sous-tendent cette approche restrictive : 1) ne pas prolonger indûment le processus devant les instances disciplinaires, puisqu’il y est question de l’intérêt du public, d’un côté, et, de l’autre, du gagne-pain des professionnels, et 2) éviter l’exercice répété du pouvoir de surveillance de la Cour supérieure dans un même dossier, alors que la partie insatisfaite d’une décision interlocutoire rendue par un Conseil de discipline peut être ultimement très satisfaite de la décision finale que rendra ce même Conseil, même s’il a pu commettre quelques accidents de parcours avant d’atteindre le fil d’arrivée.

[74]        Ces objectifs sont d’autant plus actuels que depuis l’entrée en vigueur de l’actuel Code de procédure civile, en janvier 2016, le législateur invite les tribunaux à distribuer les ressources judiciaires publiques et limitées en tenant compte des besoins de l’ensemble des justiciables et non en favorisant certains d’entre eux, et qu’il insiste sur la proportionnalité et la célérité des litiges.

[75]        Permettre que les ordres professionnels et les professionnels assujettis à leur juridiction puissent obtenir la révision des très nombreuses décisions interlocutoires que rendent tous les Conseils de discipline dans le cours d’un processus disciplinaire ferait en sorte que ceux-ci deviennent une clientèle privilégiée au détriment des autres justiciables. De plus, le dénouement rapide des plaintes disciplinaires en serait affecté au détriment de la protection du public et de la stabilité professionnelle des personnes visées par ces plaintes. (Nos soulignements)

 

[49]    Cela dit, la Cour d’appel, dans l’arrêt Murphy[30], reconnaît au Comité le pouvoir de gérer l’instance disciplinaire, dans les termes suivants :

[43]        Il est généralement admis que les organismes administratifs bénéficient d'une certaine latitude relativement à l'administration des règles de preuve. Il est aussi admis qu'ils sont maîtres de la conduite des audiences dans la mesure où le droit à une défense pleine et entière est respecté.

[44]        Le grief, voulant que l'appelant ait été empêché de présenter sa preuve, a été, de façon convaincante, rejeté par le juge de première instance :

[105]  À notre avis, un comité de discipline possède toute l'autonomie requise pour encadrer l'instruction de la plainte. Ce que prévoient les articles 143 et 146 du Code des professions [référence omise]. Le droit à une défense pleine et entière n'est pas absolu ni illimité. Il ne signifie pas en l'espèce que l'appelant pouvait assigner à sa guise quiconque pour les raisons que lui seul estimait justifiées.

[106]  À titre de tribunal administratif, le comité de discipline n'est pas assujetti à un code de procédure formel. La justice disciplinaire qu'il applique repose sur une organisation moins structurée que celle dont bénéficie une cour de justice. Ses membres ne sont pas des décideurs à temps plein. Ayant comme objectif de protéger le public, son travail commande souplesse et célérité. Le professionnel qui comparaît devant lui doit collaborer. S'il se défend seul, il doit accepter de subir des contraintes additionnelles.

 

[45]        Au soutien de son point de vue, le juge ajoute :

[107]  L'appelant reproche au comité de ne pas avoir ordonné la reprise des témoignages entendus en juin 2002 à la fin de l'ajournement, à l'automne 2005. Selon lui, les témoins clients Roy, Planckaert et Breton/Hannard auraient dû être réentendus ainsi que le témoin client Dussault et l'officier Corbeau de l'association professionnelle. Or, à raison, l'intimée plaide que l'inaptitude constatée à l'automne 2002 n'a pas d'effet rétroactif et que l'appelant avait eu le loisir de contre-interroger, au printemps 2002, les trois témoins de l'intimée. Il ne peut pas non plus prendre prétexte qu'il aurait bénéficié d'une espèce de garantie de la part du comité qu'il pourrait faire réentendre les trois ex‑clients. Il appert que le comité a opté d'encadrer les lancées de l'appelant en concluant que les témoins annoncés à la reprise des travaux ne reposaient pas sur une justification pertinente.

[46]        À l'évidence, l'appelant, selon son argumentaire, confond le droit d'être maître de sa preuve avec le droit du Comité de gérer l'instance, ce à quoi ce dernier n'a jamais renoncé.

[47]        Subsidiairement, l'appelant devait démontrer, à supposer même que la preuve dont il prétend avoir été privé fût pertinente, que son rejet constitue une violation des principes de justice naturelle. La Cour Suprême écrit sur cette question :

Pour ma part, je ne suis pas prêt à affirmer que le rejet d'une preuve pertinente constitue automatiquement une violation de la justice naturelle. L'arbitre de griefs est dans une situation privilégiée pour évaluer la pertinence des preuves qui lui sont soumises et je ne crois pas qu'il soit souhaitable que les tribunaux supérieurs, sous prétexte d'assurer le droit des parties d'être entendues, substituent à cet égard leur appréciation à celle de l'arbitre de griefs. Il pourra toutefois arriver que le rejet d'une preuve pertinente ait un impact tel sur l'équité du processus, que l'on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle.

[48]        La méconnaissance des règles de preuve et la stratégie retenue par l'appelant ne pouvaient contraindre le Comité à renoncer à son devoir, soit de faire en sorte que cette enquête ait un début et une fin.                        (Nos soulignements)

 

[50]    Considérant l’ensemble de cette jurisprudence et plus particulièrement la règle de la proportionnalité et les ressources limitées du Comité de discipline dont les membres siègent à titre bénévole et à temps partiel, l’instruction de la présente plainte se tiendra de façon discontinue par blocs de deux (2) ou trois (3) jours d’auditions ;

 

[51]    À cet égard, chacune des parties fut requise de fournir leurs disponibilités pour la période s’étendant du 1er janvier 2021 au 30 juin 2021, compte tenu que l’intimé, par la voix de son procureur, soutient que l’instruction du présent dossier prendra un minimum de douze (12) jours ;

 

[52]    C’est en tenant compte des disponibilités fournies par les deux (2) parties que le président soussigné rend les ordonnances énoncées dans les conclusions de la présente décision, le tout conformément à l’article 143.2 C. prof. et aux articles 376 et 377 L.D.P.S.F.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

FIXE l’instruction de la présente plainte disciplinaire aux dates suivantes :

      27, 28 et 29 avril 2021 :

      17, 18 et 19 mai 2021 :

      21 et 22 juin 2021 :

      28 et 30 juin 2021 ;

      5, 6 et 7 juillet 2021.

 

ORDONNE que les auditions soient tenues par visioconférence (ZOOM) ;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties aux dates ci-haut mentionnées ;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Me Mathieu Cardinal

Procureur de la partie plaignante

 

Me Carl-Éric Therrien

Me Francesca Elena Mihaila

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience : 22 décembre 2020 (par conférence téléphonique)

 

 

 

 



[1]    Laurin c. Poirier, 2015 QCCS 987 (CanLII), par. 4;

[2]    Podiatres (Ordre professionnel des) c. Bochi, 2012 QCTP 146 (CanLII);

[3]    R.L.R.Q., c. C-26;

[4]    Art. 376 L.D.P.S.F.;

[5]    Legault c. Larivée (Notaires), 2000 QCTP 7 (CanLII);

[6]    Murphy c. Chambre de la sécurité financière, 2010 QCCA 1079 (CanLII), par. 44;

[7]    Normandin c. De Barros, 2018 QCCA 817 (CanLII), par. 13 et 21;

[8]    Ingénieurs c. Lortie, 2020 QCCDING 19 (CanLII);

     Infirmières et infirmiers c. Denicourt, 2020 QCCDINF 11 (CanLII);

[9]    Dentistes c. Terjanian, 2001 CanLII 38040 (QC ODQ);

[10]   L.R.C, 1985, c. C-46;

[11]   R.L.R.Q., c. C-25.1;

[12]   Québec (Chambre des Notaires) c. Dugas, 2002 CanLII 41280 (QC CA), par. 21;

[13]   Belhumeur c. Savard, 1988 CanLII 719 (QC CA);

[14]   Beauchemin c. Chambre de la sécurité financière, 2010 QCCA 1235 (CanLII);

[15]   2012 QCCA 1546 (CanLII);

[16]   Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441 (CanLII), par. 42 et 51;

[17]   McMahon Distributeur Pharmaceutique inc. c. Côté, 2008 QCCA 1165 (CanLII), par. 36;

[18]   Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400 (CanLII), par. 23;

[19]   Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII);

[20]   Tan c. Lebel, 2010 QCCA 667 (CanLII), par. 26;

[21]   Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619 (CanLII), par. 169;

[22]   Latulippe c. Québec (T.P.), 1998 CanLII 12943 (QC CA);

[23]   Notaires c. Morin, 2007 QCTP 85 (CanLII), par. 33;

[24]   Lemieux c. Lippens, ès qualités, 1972 CanLII 943 (QC CQ), par. 12;

[25]   Normandin c. De Barros, 2018 QCCA 817 (CanLII), par. 21;

[26]   Béliveau c. Barreau du Québec, 1992 CanLII 3299 (QC CA);

[27]   Komo Construction inc. c. C.R.T.Q., 1967 CanLII 118 (CSC);

     Cascades Conversion inc. c. Yergeau, 2006 QCCA 464 (CanLII), par. 33;

[28]   Jolicoeur c. Bellemare, 2014 QCCS 5287 (CanLII);

[29]   Loubier c. Conseil de discipline de l’O.C.P.A.Q., 2017 QCCS 854 (CanLII);

[30]   Murphy c. Chambre de la sécurité financière, 2010 QCCA 1079 (CanLII);

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.