Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2019-07-04(C)

 

DATE :

Le 8 décembre 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Vice-président

Mme Natalie Boyer, C.d’A.Ass., A.I.B.,courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

CRISTINE GAMACHE, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

ET BANCAIRES MENTIONNÉS AUX PIÈCES P-10, P-17, P-25, P-34, P-38, P-39, P-41 et ET P-42 EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

I.          Aperçu

[1]          Le présent dossier résulte d’une plainte portée par la représentante d’un OSBL, contre son courtier en assurance de dommages, alléguant qu’elle aurait été mal conseillée et informée dans le cadre de la résiliation pour non-paiement d’une police d’assurance responsabilité Erreurs et Omission (« E&O ») couvrant les administrateurs de l’organisme sans but lucratif qu’elle administre.

[2]          Ce dossier illustre bien pourquoi un courtier en assurance de dommages a le devoir de bien informer et conseiller l’assuré avec qui il fait affaire.

[3]          Cependant, malgré l’obligation de renseignement et de conseil du courtier en assurance de dommage, l’assuré a lui aussi l’obligation de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires.

[4]          C’est ce que nous verrons notamment dans le cadre de notre analyse.

II.         La plainte

[5]          Après enquête, le 31 juillet 2019, Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualités de syndic de la ChAD, dépose la plainte disciplinaire suivante contre l’intimée :

 

« 1. À Québec, le ou vers le 19 décembre 2017, l’Intimée a requis le renouvellement du contrat d’assurance responsabilité des administrateurs no MD1002072 émis par Compagnie d’assurance Trisura Garantie au nom de l’assurée R.É.A.P. pour un terme de trois (3) ans à compter du 16 mars 2018, sans jamais communiquer avec la représentante de ladite assurée C.S.L., pour s’assurer que les conditions de renouvellement lui convenaient et que les garanties offertes répondaient toujours à ses besoins, en contravention avec l’article 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

2. À Québec, à la suite du refus pour « provisions insuffisantes » le ou vers le 16 janvier 2018, du prélèvement par Primaco en paiement du dernier versement de la prime du contrat d’assurance responsabilité des administrateurs no MD1002072 émis par Compagnie d’assurance Trisura Garantie au nom de l’assurée R.É.A.P. pour la période du 16 mars 2017 au 16 mars 2018, l’Intimée a exercé ses activités de façon négligente et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, en ce que :

 

a) Le ou vers le 18 janvier 2018 et par la suite, à la suite de la réception d’un avis de Primaco l’informant du défaut de paiement de la prime, a omis de communiquer avec C.S.L. pour l’en aviser et n’a fait aucun suivi auprès d’elle pour lui permettre d’y remédier afin d’éviter la résiliation dudit contrat d’assurance;

 

b) Le ou vers le 22 janvier 2018 et par la suite, à la suite de la réception d’un courriel de C.S.L. qui venait d’apprendre de sa banque qu’un prélèvement de Primaco avait été refusé, a omis de répondre à ses questions quant au moment auquel ledit prélèvement serait repris et quant à la marche à suivre pour le payer et lui a donné une explication confuse donnant à croire que ce versement n’était pas requis;

 

commettant ainsi à chacune de ces occasions une infraction aux articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

3. À Québec, à la suite du refus pour « provisions insuffisantes » le ou vers le 25 janvier 2018, du prélèvement par Primaco en paiement du dernier versement de la prime du contrat d’assurance responsabilité des administrateurs no MD1002072 émis par Compagnie d’assurance Trisura Garantie au nom de l’assurée R.É.A.P. pour la période du 16 mars 2017 au 16 mars 2018, l’Intimée a exercé ses activités de façon négligente et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, en ce que :

 

a) Le ou vers le 29 janvier 2018 et par la suite, à la suite de la réception d’un avis de Primaco l’informant qu’à moins de recevoir le paiement requis avant le 3 février 2018, ledit contrat d’assurance serait résilié sans possibilité de remise en vigueur, a omis de communiquer avec C.S.L. pour l’en aviser et n’a fait aucun suivi auprès d’elle pour lui permettre d’y remédier afin d’éviter la résiliation dudit contrat d’assurance;

 

b) Le ou vers le 5 février 2018 et par la suite, à la suite de la réception de la demande de résiliation dudit contrat d’assurance transmise par Primaco à Compagnie d’assurance Trisura Garantie, a omis de communiquer avec C.S.L. pour l’en aviser et n’a fait aucune démarche pour tenter d’éviter la résiliation dudit contrat d’assurance;

 

c) Le ou vers le 6 février 2018, en réponse à la question du représentant de Compagnie d’assurance Trisura Garantie, à savoir s’il devait résilier ledit contrat, a donné instruction à l’assureur de le résilier pour non-paiement;

 

commettant ainsi à chacune de ces occasions une infraction aux articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

4. À Québec, le ou vers le 7 février 2018, l’Intimée a exercé ses activités de façon négligente et /ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, en faisant suivre à C.S.L. par courriel l’avis  de résiliation du contrat d’assurance responsabilité des administrateurs no MD1002072 émis par Compagnie d’assurance Trisura Garantie au nom de l’assurée R.É.A.P., sans lui fournir d’explications et sans communiquer avec elle, alors que ledit avis précisait que la résiliation prenait effet 20 jours plus tard et que l’assurée pouvait éviter la résiliation en faisant parvenir un paiement dans ce délai, en contravention avec les articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

5. À Québec, le ou vers le 9 février 2018, l’Intimée a falsifié ou a permis que soit falsifié un courriel de Primaco précisant les motifs de la résiliation du contrat d’assurance responsabilité des administrateurs no MD1002072 émis par Compagnie d’assurance Trisura Garantie au nom de l’assurée R.É.A.P., avant de le transférer à C.S.L., en y supprimant la mention de l’inaction du courtier, en contravention avec les articles 20, 37(1), 37(5) et 37(9) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) ;

 

6. À Québec, les ou vers les 9 et 12 février 2018, l’Intimée a manqué de discrétion et de modération en tenant des propos désobligeants à l’égard de C.S.L. lors d’entretiens avec des représentants de Primaco, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5). »

 

[6]          Les 18, 19 et 20 août 2020, le Comité se réunit par visioconférence Zoom pour procéder à l’instruction de la plainte contre l’intimée.

[7]          Le syndic de la ChAD est représenté par Me Sylvie Poirier et l’intimée par Me Suzie Laprise. 

 

III.        Le contexte

[8]          Le Refuge Éthique de l’Arrière-Pays (« REAP ou l’assurée ») est un organisme sans but lucratif situé à Sainte-Brigitte-de-Laval dont la mission est d’assurer le bien-être animal en contribuant à l'amélioration de la sécurité et santé des animaux domestiques.

[9]          Au début du mois de mars 2017, Mme Lamontagne, représentante de l’assurée, communique avec l’intimée afin d’obtenir une garantie d’assurance responsabilité des administrateurs E&O. Ce type de couverture d’assurance est requise par la municipalité de Sainte-Brigitte-de-Laval qui veut subventionner les activités du REAP.

[10]       Autrement dit, pour obtenir la subvention, le REAP doit avoir une assurance responsabilité des administrateurs en vigueur.

[11]       Le 15 mars 2017[1], l’intimée fait parvenir par courriel une proposition pour une police souscrite auprès de Compagnie d’assurance TRISURA Garantie. La prime annuelle totale pour la garantie d’assurance responsabilité est fixée à 500 $.

[12]       Le même jour, soit le 15 mars 2017[2], Mme Lamontagne transmet un courriel par lequel elle accepte la proposition et fait également parvenir un spécimen de chèque à l’intimée tout en lui mentionnant qu’elle voudrait payer par prélèvements mensuels auprès de son institution financière.

[13]       Le 16 mars 2017[3], l’intimé fait parvenir par courriel la police à Mme Lamontagne en lui spécifiant que le financement de la prime suivra sous peu. Immédiatement après l’envoi de ce courriel, elle donne instruction de facturer le dossier à son département de la comptabilité.

[14]       Toujours le 16 mars 2017[4], mais environ une heure plus tard, l’intimée fait parvenir le contrat de financement de la prime de Primaco pour fins de signature et retour par Mme Lamontagne. Ce contrat de financement porte le numéro 215774.

[15]       Le 18 mars 2017[5], Mme Lamontagne signe le contrat de Primaco et le retourne à l’intimée.

[16]       Le contrat de financement P-17[6] prévoit spécifiquement qu’en cas de défaut de payer un versement mensuel, l’assurée perdra le bénéfice du terme et tout solde alors dû deviendra immédiatement exigible.

[17]       Ce contrat stipule également que l’assurée donne notamment à Primaco le pouvoir irrévocable de le représenter pour demander (auprès de TRISURA) la résiliation de la police d’assurance en cas de défaut de paiement.

[18]       On retrouve aussi l’adresse courriel de Mme Lamontagne laquelle est inscrite au contrat en haut de sa signature. À ce sujet, le contrat prévoit qu’« en inscrivant son adresse courriel, l’assuré accepte de recevoir toute communication de Primaco par courriel. » Afin de faciliter la compréhension de l’assuré, le contrat de Primaco contient un calendrier des versements avec un tableau qui indique le numéro du versement, la date de celui-ci et le montant qui sera prélevé du compte bancaire de l’assuré.

[19]       Le 28 mai 2017, par courriel, Mme Lamontagne écrit à l’intimée afin de savoir s’il est possible d’obtenir une couverture d’assurance responsabilité dans le cadre d’un programme de contrôle des chats errants et d’un événement de financement qui se tiendra le 19 août 2017. L’intimée communique avec l’assureur Trisura et est informée qu’il n’est pas possible de rajouter une assurance responsabilité générale (CGL) sur la police E&O.

[20]       Le 29 mai 2017, l’intimée avise Mme Lamontagne qu’elle ira en soumission auprès d’autres assureurs afin d’obtenir une assurance responsabilité civile générale.

[21]       Le 19 décembre 2017, Mme Lartillot de Trisura transmet un courriel à l’intimée afin de l’informer que la police E&O expire le 16 mars 2018. Mme Lartillot joint une soumission dont les conditions sont identiques à la police en vigueur, sauf quant au terme qui sera de 3 ans.

[22]       Le 19 décembre 2017, l’intimée répond par courriel à Mme Lartillot en lui disant tout simplement de procéder.

[23]       Le 29 décembre 2017, Mme Lartillot transmet à l’intimée la police de renouvellement E&O ainsi qu’une facture qui prévoit 3 paiements annuels de 500 $, les 16 mars 2018, 2019 et 2020.

[24]       Le 3 janvier 2018, M. Silvain Bélaval, technicien au département de comptabilité du cabinet de l’intimée, reçoit un courriel de Primaco relativement au renouvellement du financement de la prime pour le renouvellement de la police E&O. En pièce jointe au courriel de Primaco se retrouve le nouveau contrat de financement qui porte le numéro 255651. Le même jour, soit le 3 janvier 2018, Mme Lamontagne reçoit un courriel de Primaco.

[25]       Il est utile ici de reproduire le texte du courriel, à savoir :

« Bonjour, REFUGE ÉTHIQUE DE L’ARRIÈRE-PAYS

 

Le « Contrat-255651 » est maintenant complété.

Il sera acheminé directement chez Primaco pour son activation.

Vous trouverez ci-joint une copie de contrat.

 

Merci.

 

Primaco Ltée depuis/since 1962

Tel : 1-800-3639561 Fax : 1-866-279-5535

Vous offrir un service au-delà de vos attentes »

 

(notre emphase)

[26]       Le 18 janvier 2018, Primaco fait parvenir un avis de défaut par courriel directement à Mme Lamontagne. Cet avis prévoit que le 11prélèvement bancaire du 16 janvier 2018 au montant de 49,58 $ n’a pas été honoré par la banque de l’assurée[7].

[27]       Selon Mme Lamontagne, elle n’aurait pas eu connaissance de cet avis de défaut de Primaco[8]. Nous reviendrons sur cet élément de preuve plus loin.

[28]       Le même jour, un avis similaire à celui transmis par Primaco à Mme Lamontagne est également transmis par télécopieur au cabinet de l’intimé[9]. L’avis prévoit qu’un avis a également été envoyé à l’assurée ce jour. Ce document n’est pas porté à la connaissance de l’intimée.

[29]       Le 22 janvier 2018 à 5:54[10], Mme Lamontagne transfère à l’intimée le courriel reçu de Primaco en date du 3 janvier 2018, en rajoutant ce qui suit :

 « Bonjour madame Gamache,

 

Le 3 janvier dernier, je recevais le email ci-joint. N’ayant pas vérifié mon contrat j’étais persuadé que tous les paiements étaient effectués. Lors d’une visite à la banque, j’ai été très surprise de constater que j’avais des frais pour un effet sans provision. De retour à la maison, en vérifiant sur mon contrat, j’ai vu qu’il restait un paiement le 15 janvier 2018.

 

Je suis un peu déçu de cette situation car elle a été engendrée par votre email du 3 janvier et cela nous occasionne des frais. Je suis consciente que j’aurais pu vérifier au contrat pour m’assurer que tous les paiements avaient été effectués.Sauf que je me suis fié sur votre email du 3 janvier qui m’informe que mon contrat est complété. Habituellement, les informations reçues des fournisseurs sont exactes ce ne fut pas le cas ici et cela nous a engendré des frais. J’aimerais savoir quand le paiement va être repris ou la marche à suivre pour le payer. Il serait aussi important d’aviser la personne qui m’a acheminé ce courriel des effets que les mauvaises informations transmissent (sic) ont eu.

 

Dans un autre ordre d’idées, nous aimerions annuler la couverture pour les bénévoles. Comment, pouvons-nous procéder??

 

Merci de votre collaboration habituelle. »

 

(notre emphase)

 

[30]       Le même jour à 9:18[11], l’intimée répond au courriel de Mme Lamontagne comme suit :

« Bonjour à vous, pour la portion paiement, je vais laisser le soin à mon collègue de vous expliquer car le contrat était en vigueur au moment dont vous parlez et c’était le dernier prélèvement car avec le financement Primaco, il y a toujours une pause de paiement de 2 paiements, soit février et mars 2018 avant que le contrat se renouvelle.

 

Le renouvellement est à échéance le 16 mars prochain et les prélèvements pour ce dernier ne pourront commencer avant cette date. Par conséquent, rien a changé à la situation en janvier.

 

Vous pouvez consulter M. Belaval pour de plus amples détails.

 

Pour ce qui est de la police à résilier, merci de nous préciser s’il s’agit de la police responsabilité civile pour les activités de l’entité ou la police administrateurs et dirigeants.

 

L’entreprise n’a plus de dirigeants et/ou n’a plus d’activité et est radiée au registre des entreprises?

 

Merci de préciser »

 

(notre emphase)

  

[31]       En fin de journée, Mme Lamontagne répond à l’intimée ce qui suit :

« Rebonjour,

 

Il s’agit de la police responsabilité civile pour les activités.Celle des administrateurs doit être maintenue, oui l’entité juridique existe toujours et a des dirigeants.

 

Votre collègue pourra me contacter le 23 janvier toute la journée. Sinon plus en soirée car il est difficile pour moi de prendre des appels à mon travail.

 

Merci »

[32]       Le 23 janvier 2018 à 8:21, l’intimée écrit ce qui suit à Mme Lamontagne, à savoir :

 « Bonjour,

 

Voici à nouveau la réponse transmise hier et la cédule bancaire pour le terme 2017-2018 donc je ne crois pas que l’appel soit encore nécessaire :

le contrat était en vigueur au moment dont vous parlez et c’était le dernier prélèvement car le financement Primaco joint, il y a toujours une pause de paiement de 2 paiements, soit février et mars 2018 avant que le contrat se renouvelle (voir le fichier attaché).

 

Pour ce qui est de la responsabilité civile, voici le formulaire en fichier joint à compléter et nous retourner. Je vous invite toutefois à nouveau à comprendre la pertinence et l’importance d’une couverture en responsabilité civile générale au minimum. (référence de la chambre de l’assurance de dommages) :

(…)

 

Bien à vous et bonne journée. »

 

[33]       Le 24 janvier 2018, Mme Lamontagne signe et retourne la lettre autorisant la résiliation de la police d’assurance responsabilité générale et l’intimée lui répond que la lettre de résiliation a été transmise à l’assureur.

[34]       Du 26 janvier au 3 février 2018, l’intimée est à l’extérieur du bureau en vacances.

[35]       Le 29 janvier 2018, le cabinet de l’intimée reçoit un avertissement d’annulation de Primaco[12].

[36]       Cet avertissement d’annulation indique que le 11versement prévu au calendrier des versements du contrat de financement 215774 n’a pas été honoré en date du 18 janvier 2018 et qu’à moins de recevoir un chèque du cabinet ou tout autre paiement certifié au montant de 139,58 $ avant le 2018-02-03, la résiliation de la police E&O aura lieu sans possibilité de remise en vigueur. Fait important, cet avis est uniquement envoyé au courtier.   

[37]       Le 5 février 2018[13], considérant le défaut de REAP, Primaco transmet à Mme Lartillot de Trisura et le cabinet de l’intimée un document intitulé « Résiliation Contrat » avec une demande de résiliation du contrat d’assurance responsabilité E&O.

[38]       Le 5 février 2018 également[14], en fin de journée, l’intimée transfère l’avis de résiliation de Primaco à Mme Lartillot de Trisura. Toufois, les courriels P-32, P-33 et P-34, soit l’avis de résiliation et la demande de résiliation ne sont pas transmis à Mme Lamontagne.

[39]       Le 6 février 2018, Mme Lartillot répond ce qui suit à l’intimé :

« Hello Cristine,

 

Si je comprends bien je dois envoyé une lettre à l’assuré pour cancellation pour non-paiement c’est cela ? »

 

[40]       Quelques minutes plus tard, l’intimée répond[15] :

« Oui, l’assureur doit annuler pour non-paiement la police suite aux directives de Primaco. »

[41]       Le 7 février 2018 à 16:00, Mme Lartillot écrit ce qui suit à l’intimée :

« Hello Cristine,

 

Voici donc la lettre envoyée à l’assuré en date d’aujourd’hui pour donner le préavis de 20 jours pour annulation de la police MDO1002072.

 

Je renverserai donc la police MDO10022363 (effective en date du 16 mars 2018; tu pourras détruire les documents de ton côté (si tu ne les a pas donnés déjà à l’assuré). »

 

[42]       La lettre de résiliation de Trisura adressée par courrier recommandé à Mme Lamontagne (REAP) et jointe au courriel de Mme Lartillot se lit comme suit :

« Par la présente, nous vous donnons avis de la résiliation de la police d’assurance mentionnée en objet en raison du non-paiement de la prime.

 

Conformément au paragraphe (G) (iii) de la section X – Conditions Générales – de ladite police, la résiliation prendra effet 20 jours après la réception du présent avis.

 

Pour éviter la résiliation de la police, veuillez faire parvenir votre paiement à Primaco. »

 

[43]       À 16:18, le 7 février 2018, l’intimée transfère le courriel susdit de Mme Lartillot ainsi que la lettre de résiliation jointe à Mme Lamontagne en lui mentionnant de prendre connaissance de l’avis de résiliation de Trisura.

[44]       Fait important, à ce moment, Mme Lamontagne bénéficie d’un délai de 20 jours à compter de la réception de la lettre de Trisura pour communiquer avec Primaco, remédier au défaut et ainsi éviter la résiliation de la police.

[45]       Toutefois, le 8 février 2018[16], à 17:37, Mme Lamontagne écrit ce qui suit à l’intimée :

 « Bonjour,

 

Pourriez-vous m’appeler?? Je ne comprends plus rien dans cette histoire. J’ai demandé la résiliation de la police pour les activités et j’ai reçu la résiliation deux semaines plus tard. Je vous ai aviser (sic) que pour celle des administrateurs , je n’ai pas fait de dépôt car j’ai reçu un avis de vous m’informant que mes primes étaient finies de payer et aujourd’hui je reçoit (sic) cet avis alors que je croyait (sic) que tout était ok et que le paiement serait fait en mars.

 

Je suis un peu fâché (sic) et je trouve que pour les frais que vous nous avez chargé (sic), vous n’offrez pas vraiment de service à la clientèle. Personne ne m’a contacté alors que vous m’aviez dit que quelqu’un m’appellerait pour m’expliquer.

 

J’aimerais vraiment avoir des explications. »

[46]       Suite à ce dernier courriel, l’intimée communique avec Primaco afin d’obtenir des renseignements sur les prélèvements non honorés au motif que Mme Lamontagne est d’avis qu’il n’y aurait pas de défaut[17].

[47]       Le 9 février 2018, en réponse à la demande de l’intimée, Primaco transmet le courriel[18] suivant à l’intimée :

« Voici les détails,

 

Nous sommes passé (sic)au compte le 16 janvier pour 49,58 $

Nous avons avisé l’assuré (adresse courriel de Mme Lamontagne) que le montant n’est pas passé et que nous retournerons au compte avec nos frais.

Nous sommes retourné (sic) au compte le 25 janvier pour 94,58 $ (prélèvement régulier + frais NSF)

Le 29 janvier, nous avons avisé Assurances Jean Gamache que le client est tombé en avertissement d’annulation et avons donné un délai supplémentaire pour nous faire parvenir le paiement.

 

Nous n’avons eu aucun retour du courtier ni de l’assuré alors nous avons résilié pour non-paiement en date du 5 février. »

[48]       Le 9 février 2018, l’intimé s’entretient au téléphone avec Paule Gervais du Service à la clientèle de Primaco[19].

[49]       L’intimée exprime son désaccord à Mme Gervais relativement à la formulation du courriel P-39 lorsque Mme Gervais écrit vers la fin de son courriel que Primaco n’a eu aucun suivi de la part du courtier.  

[50]       Le 9 février 2018 également, l’intimée transmet par courriel à Mme Lamontagne l’ensemble de la documentation de Primaco relativement à la problématique liée au prélèvement de 48,58 $ du 16 janvier 2018[20].

[51]       Dans cet envoi, l’intimée modifie l’avant-dernière phrase du courriel P-39 de Paule Gervais afin de retirer « du courtier ni » pour que cette phrase du courriel de Primaco se lise comme suit : « Nous n’avons eu aucun retour de l’assuré alors nous avons résilié pour non-paiement en date du 5 février.[21] »

[52]       Le 11 février 2018, en réponse au courriel P-42 de l’intimée, Mme Lamontagne répond en rafale, ce qui suit dans trois courriels successifs, le premier[22] :

« Vous pouvez me rejoindre en tout temps. Je n’ai jamais reçu le 2avis pour le prélèvement du 25 janvier ?? C’est quoi cette histoire?? Je suis très déçu (sic), j’ai payé plus de 600 $ de frais de courtage à votre entreprise. »

 

[53]       Le deuxième[23] :

« Je n’ai également jamais reçu le dernier avis?? J’ai reçu la lettre le 7 février et c’est tout. Je suis vraiment décu (sic) de vos services de courtage. »

 

[54]       Et le troisième[24] :

« Le problème est que je ne les ai pas reçu (sic) par courrier. La seule chose que j’ai reçu (sic) c’est la lettre de Trisura du 7 février. Je vous ai pourtant contacter (sic) pour régulariser la situation dès le 21 janvier. J’attends votre appel. »  

[55]       Le 12 février 2018, le cabinet de l’intimée fait parvenir une lettre de fin de mandat à Mme Lamontagne[25].

[56]       Le 12 février 2018, l’intimée s’entretient au téléphone avec M. Michel Gagné de Primaco au sujet du courriel P-39[26].

[57]       Le 18 mars 2019, Me Elena Konson de la ChAD communique par téléphone avec Mme Lamontagne[27].

[58]       Voici les faits saillants de cet entretien téléphonique :

a.    questionnée par Me Konson, sur l’avis I-14 du 18 janvier 2018 transmis au courtier, Mme Lamontagne dit : « C’était le courtier d’assurance qui n’avait pas vérifié le dossier et qui m’avait dit que tout était correct »;

b.    lorsque Me Konson attire l’attention de Mme Lamontagne sur la mention à la fin du courriel I-14 qui prévoit qu’une copie de l’avis est également envoyée à l’assurée, elle lui dit notamment que le courriel qui lui a été adressé par Primaco s’est retrouvé dans sa boîte d’indésirables, mais rajoute aussi que lorsqu’elle reçoit un courriel indésirable, Cogeco lui transmet un avis par courriel à ce sujet.

c.    Me Konson lui fait la lecture du deuxième paragraphe du courriel que l’intimée lui transmet le 23 janvier 2018 à 8:21[28], et à ce sujet, Mme Lamontagne lui répond que c’est en raison de ce passage qu’elle n’est pas allée faire un dépôt à la banque, mais que si l’intimée lui avait dit que Primaco était pour faire un nouveau prélèvement, elle avait l’argent et elle aurait fait le dépôt;

d.    Mme Lamontagne affirme que lorsque le collègue de l’intimée l’a téléphoné, il lui a dit : Qu’il n’y avait pas de paiement c’est (sic) deux mois-là (février et mars 2018), que Primaco marchait par 10 mois, qu’elle ignore le nom du collègue, mais que cette personne n’était pas Jean Gamache ni Luc Gamache;

e.    Mme Lamontagne affirme également qu’à l’époque, elle voulait juste savoir à quel moment le paiement était pour repasser dans le compte;

f.     curieusement, elle a compris que Primaco était pour repasser le paiement du 16 janvier 2018 au mois de février 2018, et ce même si on lui disait qu’il y avait une pause de paiement au mois de février et mars;

g.    elle affirme aussi ne pas avoir pensé qu’on lui donnait de mauvais renseignements;

h.    elle déclare qu’on ne l’aurait pas prévenu qu’il y aurait une deuxième tentative de prélèvement par Primaco, sinon elle aurait fait un dépôt;

i.      le cabinet lui a remboursé des frais de banque (90 $) chargés à deux occasions et que le REAP a dû payer en raison des provisions insuffisantes;

j.      fait important, Mme Lamontagne n’a jamais tenté d’éviter la résiliation de la police E&O et cette dernière n’a jamais été remise en vigueur parce qu’elle considère que ça lui coûté 2000 $ pour rien, qu’elle s’est fait flouer et va juste qu’à affirmer à Me Konson : « Imagine-toi, on aurait pu s’assurer avec la CSST » et que l’intimée lui a vendu une assurance coûtant la somme de 1 200 $ pour assurer une journée d’activité;

k.    elle affirme qu’aujourd’hui que le REAP détient une assurance pour les administrateurs de la CSST qui lui coûte des peanuts;

l.      sans preuve, elle blâme l’intimée parce que le dossier de crédit du REAP serait, à son avis, entaché en raison des deux NSF.

[59]       Voilà l’essentiel de la trame factuelle.

IV.       La défense de l’intimée

[60]       En défense, l’intimée témoigne et fait aussi entendre les témoins suivants :

a.    M. Jean Gatien, spécialiste chez Trisura;

b.    M. Éméric Morin, directeur du développement des affaires chez Primaco;

c.     Messieurs Silvain Bélaval et Luc Gamache du cabinet de l’intimée.

[61]       Sur le chef no 1, la preuve en défense démontre que lors du renouvellement d’une police de peu d’envergure comme celle émise en faveur du REAP, Trisura procède au renouvellement par un système semi-automatisé 75 jours avant l’entrée en vigueur du renouvellement. Dans ce cas, les renouvellements sont transmis par « batch ». Afin de rentabiliser ce type de dossier, la même couverture d’assurance que celle prévue au contrat original est automatiquement renouvelée. Il est par ailleurs possible de modifier les conditions du renouvellement par une ré-émission de police, et ce, sans aucune complexité. La preuve établit également que l’intimée a l’habitude d’entrer en communication avec ses assurés environ 30 jours avant l’entrée en vigueur du renouvellement, et ce, afin de vérifier si la garantie d’assurance offerte est conforme au besoin de ses assurés.

[62]       Quant aux chefs nos 2 et 3, et tout ce qui résulte du 11versement de prime non honoré par la banque du REAP, la preuve nous révèle que l’intimée ne s’occupe pas du financement des primes ni de faire des suivis auprès de Primaco en cas de difficulté. C’est plutôt M. Bélaval qui s’occupe du financement des primes et de toute situation qui pourrait en résulter. C’est d’ailleurs pour cette raison que lorsque Mme Lamontagne pose des questions à l’intimée dans son courriel P-27 du 22 janvier 2018, l’intimée la réfère à M. Bélaval. De plus, l’intimée n’a pas accès au portail de Primaco puisque seul le poste de travail de M. Bélaval donne accès à ce portail.

[63]       Bien plus, M. Bélaval nous dit qu’il a tenté de rejoindre Mme Lamontagne à quelques reprises, mais il n’a jamais été en mesure de lui parler et vu que la boîte vocale de son téléphone était pleine, il n’a pas pu lui laisser de message[29].

[64]       Il a également été établi par M. Morin de Primaco que plusieurs chances sont accordées aux assurés afin de leur permettre de remédier à un prélèvement non honoré. Il découle de cette preuve non contredite qu’une personne qui souhaite véritablement rétablir un versement non payé peut normalement le faire sans problème. Bien plus, il ressort de l’ensemble de la preuve que Mme Lamontagne aurait pu facilement remédier au défaut de paiement du versement du 16 janvier 2018. Nous y reviendrons plus loin au cours de notre analyse des chefs nos 2 et 3.

[65]       Sur le chef no 4, l’intimée nous explique qu’il n’y avait absolument aucune nécessité de fournir des explications à Mme Lamontagne ni de communiquer avec elle aux motifs que la lettre de résiliation du 7 février 2018 précisait que la résiliation prenait effet uniquement 20 jours plus tard et qu’elle pouvait donc éviter la résiliation en faisant parvenir un paiement dans ce délai. Bref, cette lettre ne pouvait être plus claire et l’assurée n’avait qu’à la lire.

[66]       Relativement au chef no 5, l’intimée se justifie d’avoir retiré la mention « du courtier ni » parce qu’elle ne partageait pas l’avis Paule Gervais de Primaco. D’ailleurs, au cours d’un entretien téléphonique du 9 février 2018, Mme Gervais a reconnu qu’elle aurait pu utiliser une autre formulation dans son courriel. Quoi qu’il en soit, l’intimée n’aurait jamais voulu induire Mme Lamontagne en erreur. Autrement dit, l’intimée n’a jamais eu l’intention de falsifier un document.

[67]       Finalement, sur le chef no 6, l’intimée nous dit que les propos suivants qu’elle a tenus à l’égard de Mme Lamontagne ne sont pas désobligeants, à savoir :

         que la cliente n’était « pas facile »; que la cliente commençait « à lui pomper l’air un peu »;et  que la cliente est « un paquet de troubles ».

[68]       Voilà l’essentiel de la défense de l’intimée. 

VI.       Analyse et décision

 

Le fardeau de la preuve

[69]       Contrairement au droit criminel, le fardeau de preuve qui incombe à un syndic en droit disciplinaire n’est pas celui du hors de tout doute raisonnable, mais bien de prépondérance des probabilités[30].  

[70]       La preuve présentée par la partie plaignante doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités[31].

[71]       Ce principe jurisprudentiel important a été bien défini par le Tribunal des professions dans l’affaire Vaillancourt c. Avocats[32], où l’on peut lire :

« [62] En matière disciplinaire, il est établi depuis longtemps que le fardeau de la preuve, d'une part, incombe totalement à la plaignante, et d'autre part, que ce fardeau en est un de prépondérance des probabilités, identique à celui qui a cours en droit civil, énoncé de la manière suivante par l'article 2804 du Code civil du Québec :

La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[63] Il s'agit d'une preuve qui privilégie l'aspect qualitatif dont la capacité de convaincre ne se fonde donc pas, par exemple, sur le nombre de témoins appelés par les parties. Les faits devant être prouvés doivent dépasser le seuil de la possibilité et s'avérer probables. Toutefois, au bout du compte, la preuve par prépondérance des probabilités est moins exigeante que la preuve hors de tout doute raisonnable requise en droit criminel. Conséquemment, on peut dire qu'elle requiert un degré de conviction moins élevé que la preuve hors de tout doute raisonnable. Il faut aussi retenir que ce même fardeau s'applique tout autant à la partie défenderesse qui entend faire la preuve d'un fait.

[64] Par ailleurs, la norme de la prépondérance des probabilités ne comporte pas en elle-même de degrés intermédiaires. Après revue de la jurisprudence canadienne et le constat d'un certain flottement à cet égard, la Cour suprême du Canada, unanime, en énonce clairement le principe dans F.H. c. McDougall. Le juge Rothstein écrit au nom la Cour :

[40] […] notre Cour devrait selon moi affirmer une fois pour toutes qu'il n'existe au Canada, en common law, qu'une seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités. Le contexte constitue évidemment un élément important et le juge ne doit pas faire abstraction, lorsque les circonstances s'y prêtent, de la probabilité ou de l'improbabilité intrinsèque des faits allégués non plus que de la gravité des allégations ou de leurs conséquences. Toutefois, ces considérations ne modifient en rien la norme de preuve. À mon humble avis, pour les motifs qui suivent, il faut écarter les approches énumérées précédemment.

[65] La Cour rappelle que « la preuve doit être toujours claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » tout en reconnaissant toutefois qu'il n'existe aucune norme objective pour déterminer si elle l'est suffisamment. Cependant, la norme de la prépondérance des probabilités présuppose un examen attentif et minutieux de tous les éléments pertinents de preuve qui permettent de conclure dans un sens ou dans l'autre. La Cour conclut :

[49] En conséquence, je suis d'avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s'applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.»

[66] L'arrêt McDougall clarifie donc la question de la norme de preuve applicable en matière civile, mais n'évacue pas de son application des considérations liées à la gravité des allégations ou de leurs conséquences. En cela, les propos tenus par notre Tribunal il y a presque 20 ans dans Osman c. Médecins (Corp. professionnelle des) restent d'actualité :

[…]

« Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s'acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité le retient et écarte celle de l'intimé parce que non digne de foi.

Si le Comité ne sait pas qui croire, il doit rejeter la plainte, le poursuivant n'ayant pas présenté une preuve plus persuasive que l'intimé. Il ne suffit pas que le Comité préfère la théorie du plaignant par sympathie pour ses témoins ou par dégoût envers les gestes reprochés au professionnel. Il est essentiel que la preuve à charge comporte un degré de persuasion suffisant pour entraîner l'adhésion du décideur et le rejet de la théorie de l'intimé.

La prépondérance de preuve n'est pas une sinécure pour les Comités de discipline. Elle n'est pas affaire de préférence émotive, mais bien d'analyse rigoureuse de la preuve. Elle impose au syndic un fardeau exigeant et une preuve de qualité, faute de quoi il se verra débouté purement et simplement. »

[67] Dans Médecins c. Lisanu, notre Tribunal, citant sa décision dans Osman, réitère que le fardeau de la preuve en droit disciplinaire requiert une preuve sérieuse, claire et sans ambiguïté.

            (notre emphase)

[72]       À la lumière de ces derniers principes, nous examinerons et évaluerons l’ensemble de la preuve administrée devant nous.

 

La crédibilité des témoins

[73]       Sur la question de la crédibilité et fiabilité des divers témoignages entendus, nous évaluerons la preuve en fonction des critères suivants élaborés par le juge Guy Cournoyer dans l’affaire Gestion immobilière Gouin c. Complexe funéraire Fortin[33] :

« [43] Les critères permettant d'évaluer la crédibilité et la fiabilité des témoins peuvent

être résumés ainsi:

 

1) L'intégrité générale et l'intelligence du témoin;

 

2) Ses facultés d'observation;

 

3) La capacité et la fidélité de la mémoire;

 

4) L'exactitude de sa déposition;

 

5) Sa volonté de dire la vérité de bonne foi;

 

6) Sa sincérité, sa franchise, ses préjugés;

 

7) Le caractère évasif ou les réticences de son témoignage;

 

8) Le comportement du témoin;

 

9) La fiabilité du témoignage;

 

10) La compatibilité du témoignage avec l'ensemble de la preuve et l'existence de

contradictions avec les autres témoignages et preuves. »

 

(notre emphase)

[74]       Au sujet de l’appréciation des témoignages et la crédibilité des témoins, il y a lieu aussi de rappeler les propos de Me Yves Clermont dans l’affaire OACIQ c. Dumas[34], à savoir :

« [171] En ce qui a trait à l’appréciation des témoignages et à la crédibilité des témoins, le Comité de discipline veut rappeler les principes établis dans les affaires Choudry, Lisanu et Osman et reprendre à son compte par analogie les critères que la jurisprudence arbitrale a établis en matière de crédibilité des témoins depuis notamment, la décision Casavant Frères rendue par l’arbitre Richard Marcheterre;

 

[172] Ces critères sont ainsi énoncés dans cette décision :

 

1. Il vaut mieux favoriser un témoignage affirmatif que de pure négation;

 

2. La vraisemblance et la cohérence de la version;

 

3. La constance dans les déclarations;

 

4. L’intérêt du témoin;

 

5. La manière de témoigner;

 

6. La réputation du témoin;

 

7. Le mobile, l’animosité ou le coup monté pouvant motiver un témoin;

 

8. La probabilité de la survenance des faits déclarés; »

 

            (notre emphase)

[75]       En gardant à l’esprit que le syndic assume seul son fardeau de preuve, tout en évaluant la crédibilité et la fiabilité des témoins, nous examinerons maintenant chacun des chefs d’accusation de la plainte.

Le chef no 1

[76]       Le chef no 1 reproche à l’intimée d’avoir requis le renouvellement de la police E&O sans jamais communiquer avec Mme Lamontagne pour s’assurer que les conditions de renouvellement lui convenaient et que les garanties offertes répondaient toujours à ses besoins. L’intimée nous dit qu’elle communique habituellement avec son assuré 30 jours avant le renouvellement pour vérifier avec celui-ci si tout est conforme.

[77]       Évidemment, le Comité est d’avis que le devoir de conseil est au cœur de la profession de courtier en assurance de dommages[35].

[78]       Or, la preuve nous révèle que le renouvellement est transmis à l’intimée le 19 décembre 2017 par un système automatisé. Cela étant, la police originale[36] est en vigueur jusqu’au 16 mars 2018, 00h01 heure normale à l’adresse du REAP.

[79]       Il découle de ce qui précède que lors de la réception du renouvellement, l’intimée dispose de plusieurs semaines pour entrer en communication avec Mme Lamontagne et s’acquitter de son devoir de conseil envers son assurée.

[80]       Force est de constater que le ou vers le 19 décembre 2017, l’intimée n’avait pas l’obligation de communiquer illico avec Mme Lamontagne. Elle pouvait attendre, comme elle le fait habituellement, et entrer en contact avec l’assurée environ 30 jours avant l’entrée en vigueur du renouvellement.

[81]       Bien plus, selon le représentant de Primaco, cette nouvelle police pouvait facilement être modifiée afin de l’ajuster, le cas échéant, aux besoins du client.

[82]       Nous sommes donc d’avis que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que le simple fait d’attendre quelques semaines avant de communiquer avec l’assurée dans les circonstances du présent dossier constitue une faute déontologique. Par conséquent, l’intimée est acquittée de toutes les infractions décrites au chef no 1 de la plainte.

Les chefs nos 2a) et 2b)

[83]       Relativement au 11versement de prime à Primaco au montant de 49,58 $, lequel a été non honoré par la banque du REAP au motif de provision insuffisante, le syndic allègue que l’intimée:

a.    Chef 2a) : le ou vers le 18 janvier 2108, à la suite de la réception d’un avis de Primaco l’informant d’un défaut de prélèvement, a omis d’avertir Mme Lamontagne et n’a fait aucun suivi pour qu’elle puisse remédier au défaut et éviter la résiliation;

b.    Chef 2b) : le ou vers le 22 janvier 2018, à la suite de la réception d’un courriel de Mme Lammontagne qui venait d’apprendre qu’un prélèvement de Primaco avait été refusé, a omis de répondre aux questions de Mme Lamontagne quant à la reprise du prélèvement et quant à la marche à suivre pour payer, tout en lui donnant une explication confuse laissant croire que le versement non honoré n’était plus requis.

[84]       Le 3 janvier 2018, Mme Lamontagne reçoit le courriel P-26 de Primaco. Au cours de son témoignage, elle nous dit que c’est en raison de ce courriel qu’elle pense que son financement avec Primaco est tout payé.

[85]       Permettez-nous d’en douter. Pourquoi? Parce que ce courriel fait référence à un autre contrat qui porte un numéro différent, soit le 255651. Le courriel ne mentionne pas que le contrat est payé, mais plutôt que le contrat est complété.

[86]       Dans le contexte d’un contrat de financement, qu’est-ce que veut dire au juste le mot complété? Pour le savoir, le lecteur n’a qu’à ouvrir le fichier joint afin de lui permettre de constater facilement du calendrier de prélèvement qu’il s’agit d’un nouveau contrat de financement qui vient d’être complété pour financer le renouvellement de la police E&O.

[87]       Mais il y a plus.

[88]       À nos yeux, il apparait de toute la séquence ci-haut reproduite que Mme Lamontagne n’a probablement jamais eu l’intention de remédier au défaut de paiement du 16 mars 2018 afin d’éviter la résiliation de la police.

[89]       En fait, tout porte à croire que ce n’était pas son intention parce qu’il aurait été si facile de le faire.

[90]       Le seul problème c’est qu’il était impossible pour l’intimée, avant le 11 février 2018[37], de savoir quelles étaient les réelles intentions de Mme Lamontagne.

[91]       Pour s’en convaincre, rappelons que le REAP a contracté une police d’assurance responsabilité E&O pour une fin bien précise, soit afin que le REAP puisse se faire octroyer une subvention de quelques milliers de dollars.

[92]       Il est également important de souligner qu’entre le moment où Mme Lamontagne découvre que le dernier versement n’a pas été honoré, soit le ou vers le 19 janvier 2018 et la date de résiliation effective de la police, c’est-à-dire le ou vers le 27 février 2018, il s’écoule 40 jours.

[93]       Mme Lamontagne a donc bénéficié d’un délai de 40 jours pour faire parvenir la maigre somme de 94,58 $ à Primaco et ainsi éviter la résiliation!  

[94]       Souvenons-nous aussi du témoignage de M. Morin de Primaco qui nous dit que la politique de l’entreprise vise à favoriser le débiteur et non pas à résilier des polices.

[95]       Quoi qu’il en soit, qu’en est-il maintenant de la conversation téléphonique du 19 mars 2019 entre Mme Lamontagne et Me Konson?

[96]       Quelles inférences tirer de cet entretien?

[97]       Mme Lamontagne affirme notamment à Me Konson que l’intimée lui avait dit que tout était correct, ce qui est complètement faux.

[98]       Que dire également lorsque Mme Lamontagne mentionne d’une façon plutôt crue s’être fait flouer par l’intimée, avoir payé 2 000 $ pour rien alors qu’elle peut s’assurer à la CSST pour des peanuts et finalement, la cerise sur le sundae, que le dossier de crédit du REAP est maintenant entaché à cause de l’intimée!

[99]       Que faire de la conversation téléphonique qu’elle a eu avec le collègue de l’intimée, présumément M. Bélaval, qui lui aurait dit lui aussi de ne pas s’en faire avec le prélèvement non honoré?

[100]    À notre avis, Mme Lamontagne n’est pas un témoin crédible et son témoignage n’est pas fiable, notamment pour les motifs suivants :

         l’inexactitude de sa déposition avec l’ensemble de la preuve et particulièrement son entretien téléphonique avec Me Konson;

         l’incompatibilité de sa version avec la preuve documentaire;

         l’improbabilité de sa version des faits;

         les contradictions entre son témoignage et les autres témoignages, notamment celui de M. Bélaval;

         l’intérêt du témoin et le coup monté pouvant la motiver.

[101]    Tous ces éléments et bien d’autres font en sorte que la crédibilité de Mme Lamontagne a été mise à rude épreuve tout au long de l’instruction de la plainte.

[102]    En réalité, Mme Lamontagne voudrait nous faire croire qu’elle est une personne démunie, qui avait absolument besoin de son courtier pour savoir quoi faire avec un paiement non honoré à la banque au mois de janvier 2018, alors que le contraire est beaucoup plus probable.

[103]    Autre fait important, comment se fait-il qu’elle ne reçoive pas l’avis de Primaco qui l’informe d’un prélèvement non honoré le 18 janvier 2018 au motif qu’il s’agit d’un courriel automatisé qui s’est retrouvé dans son Courrier indésirable alors qu’elle reçoit sans problème le courriel automatisé du 3 janvier 2018 qui prévoit que son contrat est complété? Autant de questions qui demeurent suspectes.

[104]    Cela étant, revenons à nos chefs d’accusation nos 2a) et 2b).

[105]    Sur le chef no 2a), le syndic reproche notamment à l’intimée d’avoir exercé ses activités de façon négligente le 18 janvier 2018 et par la suite, en faisant défaut de communiquer avec Mme Lamontagne suite à la réception de l’avis I-14.

[106]    Or, la preuve démontre de façon prépondérante que suite à la réception de l’avis de prélèvement non honoré I-14, ni l’intimée ni M. Bélaval ou un autre employé du cabinet de l’intimé a communiqué avec l’assurée ou transmis l’avis de Primaco à l’assurée.

[107]    Nous sommes d’avis que cet avis de Primaco est envoyé au courtier précisément pour permettre à ce dernier de faire un suivi auprès de son assuré.

[108]    À nos yeux, et dans les circonstances, l’intimée avait l’obligation de transmettre l’avis ou, alternativement, de faire un suivi par courriel ou téléphonique auprès du client afin de l’informer et de le conseiller[38].

[109]    L’intimée est donc déclarée coupable du chef 2a) pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[110]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

[111]    Quant au chef no 2b), le syndic reproche notamment à l’intimée d’avoir exercé ses activités de façon négligente le 22 janvier 2018 et par la suite, en faisant défaut de répondre aux questions que l’on retrouve dans son courriel quant au moment où le prélèvement serait repris et quant à la marche à suivre pour payer en lui donnant une explication confuse donnant à croire que ce versement n’était pas requis.

[112]    Mettons une chose au clair dès le début. Certes, l’explication de l’intimée portait à confusion, mais elle ne permettait sûrement pas à une personne raisonnable de croire que le versement non honoré du 16 janvier 2018 était soudainement réglé ou payé. Bref, que Primaco faisait un cadeau du 11versement à l’assurée!

[113]    Le courriel P-28 transmis par l’intimée ne ment pas. Il aurait été si simple et limpide pour l’intimée à ce moment de lui lire ou de lui transmettre l’avis de prélèvement non honoré I-14 transmis par Primaco à son cabinet.

[114]    De toute évidence, la réponse aux deux questions de Mme Lamontagne se trouvait dans ce dernier document.

[115]    Dans les circonstances, nous sommes d’avis que l’intimée a été négligente lorsqu’elle a rédigé et transmis le courriel P-28.

[116]    L’intimée en en conséquence déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[117]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce dernier chef.

Les chefs nos 3a), 3b) et 3c)

[118]     Relativement à ces 3 chefs, le syndic allègue que l’intimée:

a.    Chef 3a) : le ou vers le 29 janvier 2018, à la suite d’un avis de Primaco l’informant qu’à défaut d’un paiement avant le 3 février 2018, le contrat d’assurance serait résilié, a omis d’avertir Mme Lamontagne et n’a fait aucun suivi pour qu’elle puisse remédier au défaut et éviter la résiliation;

b.    Chef 3b) : le ou vers le 5 février 2018, à la suite de la réception de la demande de résiliation de Primaco à Trisura, a omis de communiquer avec Mme Lamontagne pour l’en aviser et n’a fait aucune démarche pour tenter d’éviter la résiliation du contrat d’assurance;

c.    Chef 3c) : le ou vers le 6 février 2018, en réponse à la question de Trisura, quant à la résiliation du contrat d’assurance, a donné instructions à l’assureur de le résilier pour non-paiement.

[119]    L’intimée est reconnue coupable des infractions reprochées aux chefs nos 3a) , 3b) et 3c) puisque la preuve prépondérante établit clairement que l’intimée n’a pas communiqué avec Mme Lamontagne pour l’aviser, et ce, suite à la réception des avis de Primaco déposés sous les cotes P-31 et P-34. Quant au chef 3c), l’intimée est également coupable puisque l’intimée omet encore d’intervenir pour tenter d’éviter la résiliation.

[120]    Cependant, une suspension conditionnelle des procédures sera prononcée à l’encontre des chefs nos 3a), 3b) et 3c) au motif que ceux-ci résultent des mêmes événements que ceux décrits au chef no 2a), qu’ils sont inclus dans ce dernier chef et qu’ils font double emploi avec ce dernier.

[121]    En fait, les chefs nos 3a), 3b) et 3c) ne sont que des différentes facettes de la négligence de l’intimée dans la conduite de ses activités et son défaut d’agir tant auprès de l’assuré que de l’assureur pour éviter la résiliation du contrat d’assurance suite au prélèvement non honoré du 16 janvier 2018 et, à notre avis, il n’existe pas d’éléments suffisamment distinctifs entre le chef no 2a) et les chefs nos 3a), 3b) et 3c) pour justifier des condamnations multiples[39].

[122]    Le Tribunal des professions, dans l’affaire Vallières[40], suggère une application plus souple de la règle de Kienapple interdisant les condamnations multiples afin d’éviter une vision trop compartimentée des faits et des chefs ce qui entraîne la multiplication des chefs d’accusation et, par conséquent, des fautes déontologiques.

[123]    La Cour d’appel dans un arrêt récent propose aussi une approche plus souple des règles de l’arrêt Kienapple. En effet, dans l’arrêt Sarazin c. R.[41], la Cour énonce ce qui suit au sujet des principes de l’arrêt Kienapple :

« [28] (…) La jurisprudence récente de la Cour fait une application souple de ce principe quand les éléments constitutifs sont distincts, mais que le même événement fonde les différentes accusations.  Le principe fondamental dans Kienapple est de ne pas doubler ou multiplier les condamnations et les peines pour le même tort.  C’est d’éviter la redondance juridique.  Même si les éléments constitutifs ne sont pas identiques, les deux infractions en l’espèce ont le même fondement. »

[124]    Or, les chefs nos 3a), 3b) et 3c) ont le même fondement que le chef no 2a) et résultent de la même faute, soit le défaut de l’intimée d’intervenir dans l’affaire pour éviter la résiliation du contrat d’assurance.

[125]    Pour tous ces motifs, le Comité ordonne une suspension conditionnelle des procédures sur les chefs nos 3a), 3b) et 3c) de la plainte.

Le chef no 4

[126]    Ce chef d’accusation est mal fondé. La lettre de résiliation de Trisura du 7 février 2018 pouvait être transférée par l’intimée à Mme Lamontagne sans aucun commentaire puisque son contenu ne nécessitait aucune explication.

[127]    Mme Lamontagne n’avait qu’à payer dans le délai prévu puisqu’elle a l’obligation de veiller à la bonne conduite de ses affaires et celles du REAP[42].

[128]    Par conséquent, l’intimée est acquittée de toutes les infractions alléguées au soutien de ce chef.

 Le chef no 5

[129]     Ce chef reproche à l’intimée d’avoir falsifié le courriel daté du 9 février 2018 de Paule Gervais de Primaco.

[130]    Le libellé de ce chef d’accusation exige la preuve d’une intention coupable de la part de l’intimée[43]. Autrement dit, que l’intimée voulait induire en erreur le lecteur du courriel en lui soumettant un faux.

[131]    La preuve nous révèle que l’intimée ne partageait pas la formulation employée par Mme Gervais pour décrire la situation et particulièrement la mention qu’elle n’aurait fait aucun suivi auprès de Primaco.

[132]    Au cours d’un entretien téléphonique du 9 février 2018[44], Mme Gervais a reconnu qu’elle avait été malhabile dans son choix des mots et qu’elle serait plus prudente à l’avenir.

[133]    Dans les faits, l’intimée a communiqué par courriel[45] avec Primaco le 8 février 2018 afin de demander les informations suivantes :

 « Merci de nous détailler les dates des nsf pour porter à l'annulation pour non-paiement

car la cliente semble dire que les paiements ont passé. »

 

[134]    En conséquence, nous venons à la conclusion que l’intimée n’a pas falsifié le courriel, elle l’a tout simplement modifié au motif qu’elle était en désaccord avec une partie de son contenu.

[135]    L’intimée est en conséquence acquittée des infractions décrites au chef no 5.

 

Le chef no 6

 

[136]    Le chef no 6 reproche à l’intimée d’avoir manqué de modération et de discrétion en tenant des propos désobligeants à l’égard de Mme Lamontagne lors d’entretiens téléphoniques avec Paule Gervais et Michel Gagné de Primaco.

[137]    Les propos que le syndic qualifie de désobligeants sont les suivants : que Mme Lamontagne n’était pas facile, que la cliente commençait à lui pomper l’air un peu et que la cliente était un paquet de troubles.  

[138]    L’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages stipule ce qui suit :

« « Art. 14. La conduite d’un représentant en assurance de dommages doit être empreinte d’objectivité, de discrétion, de modération et de dignité. »

[139]    Or, le droit disciplinaire n’exige pas qu’un courtier en assurance soit l’incarnation de la perfection[46].

[140]    À ce sujet, il convient de nous référer à l’arrêt de la Cour d’appel rendu dans l’affaire Prud’homme c. Gilbert[47], et plus particulièrement aux passages suivants :

« [33]  Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n'est pas respectée, même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d'autres termes, je ne peux admettre qu'au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

 

[34]  Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132 (CanLII), 2003 QCTP 132, le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

 

[28]  La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers. »

 

(notre soulignement)

 

[141]    Ce dernier passage s’applique intégralement au présent chef.

[142]    Bien plus, nous croyons qu’un professionnel ne commet pas nécessairement une faute déontologique s’il a une conduite qui s’écarte de la conduite souhaitable. Pour constituer un manquement déontologique, il faut que la conduite reprochée soit inacceptable[48].

[143]    Certes, en l’espèce, le comportement de l’intimée n’est pas souhaitable, mais nous sommes d’avis qu’il ne franchit pas le seuil de l’inacceptable[49].

[144]    Par ailleurs, plusieurs décisions ont affirmé que le manquement se devait d’être d’une certaine gravité pour constituer une faute disciplinaire[50].

[145]    Or, dans les circonstances, nous sommes d’avis que les propos tenus par l’intimée ne constituent pas une faute disciplinaire.

[146] Pour ces motifs, l'intimée est acquittée des infractions reprochées au chef no 6 de la plainte.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels et bancaires contenus aux pièces P-10, P-17, P-25, P-34, P-38, P-39, P-41 et P-42 rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions.

 

ACQUITTE l’intimée Cristine Gamache de toutes et chacune des infractions reprochées aux chefs nos 1, 4, 5 et 6 de la plainte;

 

DÉCLARE l’intimée Cristine Gamache coupable des chefs nos 2a) et 2b) de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (1°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

ORDONNE un arrêt conditionnel des procédures sur les autres dispositions règlementaires invoquées au soutien des chefs d’accusation nos 2a) et 2b) ci-haut mentionnés;

 

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures sur les chefs nos 3a), 3b) et 3c) de la plainte;

 

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

 

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Vice-président du Comité de discipline

 

__________________________________

Mme Nathalie Boyer, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

Mme Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Suzie Laprise

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

Les 18, 19 et 20 août 2020 par visioconférence

 



[1]     Voir les pièces P-8 et P-9;

[2]     P-10;

[3]     P-13;

[4]     P-16;

[5]     P-17;

[6]     Voir la clause 1.1 du contrat de financement de Primaco;

[7]     Voir la pièce I-10;

[8]     Voir la pièce I-12;

[9]     I-14;

[10]    P-27;

[11]    P-28;

[12]    Voir la pièce P-31;

[13]    P-32 et P-33;

[14]    P-34;

[15]    P-35;

[16]    P-37;

[17]    P-38;

[18]    P-39;

[19]    P-40;

[20]    P-42;

[21]    Ibid., P-42 :

[22]    P-43, courriel transmis à 13:50;

[23]    P-44, courriel transmis à 13:52;

[24]    P-45, courriel transmis à 13:55;

[25]    P-46;

[26]    P-47;

[27]    Voir l’enregistrement I-12;

[28]    Voir la pièce P-28, le passage se lit comme suit : « le contrat était en vigueur au moment dont vous parlez et c’était le dernier prélèvement car avec le financement Primaco joint, il y a toujours une pause de paiement de 2 paiements, soit février et mars 2018 avant que le contrat de renouvelle (voir le fichier attaché). »; 

[29]    La pièce P-57, soit un registre des activités du cabinet contient 2 inscriptions en date du 18 janvier 2018 au sujet de la police d’assurance E&O du REAP, soit le numéro MDO1002072, mais la preuve ne révèle pas qu’elle est la nature exacte de ces deux activités;

[30]    Marin c. Ingénieurs forestiers, 2005 QCTP 5 (CanLII);

[31]    Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078 (CanLII), au paragraphe 67 et F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (CanLII), au paragraphe 46;

[32]    2012 QCTP 126 (CanLII);

[33]    2010 QCCS 1763 (CanLII);

[34]    OACIQ c. Dumas, 2017 CanLII 45341 (QC OACIQ);

[35]    Voir notamment ChAD c. Picard, 2015 CanLII 24520 (QC CDCHAD), aux paragraphes 125 et suivants;

[36]    P-14;

[37]    Voir les pièces P-43, P-44 et P-45;

[38]    Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, 1990 CanLII 59 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 191, au paragraphe 58 :

[39]    Voir Auger c. Monty, 2006 QCCA 596 (CanLII) au paragraphe 64

[40]    Psychologues (Ordre professionnel des) c. Vallières, 2018 QCTP 121 (CanLII);

[41]    2018 QCCA 1065 (CanLII);

[42]    Voir à ce sujet Dubeau c. Lessard, 2017 QCCS 2920 (CanLII), aux paragraphes 91 à 94;

[43]    Voir à ce sujet Renaud c. Barreau du Québec, 2003 QCTP 111 (CanLII), Henry c. Comité de surveillance de l’association des courtiers d’assurance de la province de Québec, 1998 CanLII 12544 (QC CA) et OACIQ c. Choudhry,  2014 CanLII 69423 (QC OACIQ);

[44]    Pièce I-26;

[45]    Pièce I-22;

[46]    ChAD c. Cloutier, 2007 CanLII 54103 (QC CDCHAD) et ChAD c. Hébert, 2013 CanLII 10706 (QC CDCHAD);

[47]     2012 QCCA 1544 (CanLII);

[48]     Architectes c. Duval, 2003 QCTP 144 (CanLII), au paragraphe 11;

[49]     Médecins (Ordre professionnel des) c. Fanous, 2016 CanLII 50495 (QC CDCM), aux paragraphes 24 et suivants;

[50]     Voir notamment Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19, au paragraphe 72 et Monfette c. Martin, ès qual (Médecins), 2000 QCTP 39.

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