Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2019-10-01(C)

 

DATE :

Le 18 septembre 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Benoît St-Germain, courtier en assurance de dommages

Membre

M. François Vallerand, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MARC-ANDRÉ OUELLET, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE

NON-DIFFUSION DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION

PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE OU DANS LES PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE, LE TOUT CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 15 juin 2020, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait par conférence téléphonique pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2019-10-01(C) ;

 

[2]       La syndic était alors représentée par Me Mathieu Cardinal et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Philippe G. Knerr ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte amendée comportant trois (3) chefs d’accusation, soit :


Le ou vers le 4 décembre 2017, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance automobile no A40003573SWA pour T.C. auprès de l’assureur Aviva, Compagnie d’assurance Élite pour la période du 20 décembre 2017 au 20 décembre 2018, l’Intimé a fait à T.C. des représentations (…) susceptibles de l’induire en erreur et/ou a exercé ses activités de façon (…) négligente, en lui laissant croire qu’il détenait une assurance automobile valide et en vigueur lui permettant de conduire son véhicule de marque Renault modèle Vel Satis, de Halifax à un comptoir de la Société d’assurance automobile du Québec, alors que tel n’était pas le cas, contrevenant ainsi aux articles 15 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

1.   Entre les ou vers les 12 décembre et 22 décembre 2017, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance automobile no A40003573SWA pour T.C. auprès de l’assureur Aviva, Compagnie d’assurance Élite pour la période du 20 décembre 2017 au 20 décembre 2018, l’Intimé a fait défaut de fournir à l’assureur les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente, en ne lui divulguant pas que le véhicule de marque Renault modèle Vel Satis, visé par la proposition d’assurance, avait été accidenté en date du 12 décembre 2017, malgré que tel accident lui avait été rapporté, contrevenant ainsi aux articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

2.   Le ou vers le 16 janvier 2018, dans le cadre d’une déclaration de sinistre présentée à l’assureur en vertu du contrat d’assurance automobile no A40003573SWA pour T.C. auprès de l’assureur Aviva, Compagnie d’assurance Élite, l’Intimé a fait une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur et/ou a (…) tenté d’éluder sa responsabilité civile professionnelle en déclarant faussement que le sinistre était survenu le 5 janvier 2018, alors que tel sinistre était en réalité survenu avant l’entrée en vigueur dudit contrat d’assurance, soit le 12 décembre 2017, contrevenant ainsi aux articles 20, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

[4]       D’entrée de jeu, la syndic a requis du Comité la permission de procéder à certains amendements de la plainte ;

 

[5]       Le Comité a accédé à cette demande vu le consentement de l’intimé ;

 

[6]       Il y a lieu de noter que l’intimé n’a pas réellement contesté les accusations, celui-ci a d’ailleurs déposé une liste d’admissions dont il convient de citer certains extraits pour bien cibler le débat :

 

2.       l’Intimé admet, à la lumière de la preuve qui a été divulguée dans la présente affaire, que la Plaignante sera en mesure de se décharger de son fardeau de prouver, sur la balance des probabilités, sa culpabilité sur les chefs amendés susmentionnés ;

 

3.         Conformément, l’Intimé renonce à la présentation d’une défense dans le présent dossier ;

 

4.         L’Intimé, de surcroît, déclare ne pas formuler d’objection quant au dépôt des items qui sont déclinées dans le cahier des pièces de la Plaignante;

 

[7]       Cela dit, les parties ont convenu que le Comité se prononcerait immédiatement sur la culpabilité de l’intimé pour ensuite procéder à l’audition sur sanction ;

 

[8]       Ce faisant, suite au dépôt des pièces à l’appui de la poursuite et au dépôt des admissions produites par l’intimé, ce dernier fut reconnu coupable, séance tenante, des infractions reprochées à la plainte amendée ;

 

[9]       Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction, lesquelles ont consisté en la présentation de recommandations communes ;

 

 

II.         Recommandations communes

 

A)        Les faits

 

[10]    Brièvement résumé, la preuve déposée à l’audience a permis d’établir les faits suivants :

 

      L’intimé n’a été un membre de la ChAD que durant une très courte période, soit de mai 2017 à août 2018 ;

      Durant cette période, un de ses clients a décidé d’importer une voiture de collection, laquelle devait arriver au port de Halifax en décembre 2017 ;

      Le client désirait en prendre livraison à Halifax et la conduire jusqu’à sa résidence située au Québec ;

      Pour ce faire, la voiture devait être immatriculée et assurée ;

      L’assureur refuse de couvrir ce risque pour plusieurs motifs, dont notamment qu’il ne s’agit pas vraiment d’une voiture de collection et surtout que celle-ci n’est pas immatriculée au Québec ;

      Malheureusement pour l’assuré T.C., l’intimé lui a fait miroiter qu’il n’y avait pas de problème et qu’il était assuré et, par conséquent, qu’il pouvait prendre sa voiture et la conduire (chef 1) ;

      Ce qui devait arriver arriva, l’assuré eut un accident avec sa voiture, le 12 décembre 2017 ;

      Par la suite, l’intimé a réussi à obtenir pour son client une couverture d’assurance à compter du 20 décembre 2017, en cachant à l’assureur l’accident survenu une semaine auparavant (chef 2) ;

      Finalement, dans le but de permettre à son client d’être indemnisé, l’intimé a déclaré faussement que le sinistre était survenu le 5 janvier 2018 (chef 3) ;

      Par contre, suite à la découverte de ce stratagème, la police d’assurance fut annulée ab initio ;

[11]    Il ressort également de la preuve que l’ancien employeur de l’intimé a défrayé les coûts reliés à la réclamation du client, vu l’annulation de la police d’assurance ;

 

[12]    Cela dit, l’intimé, dans le but de se racheter et de faire amende honorable, s’engage à faire un don, tel qu’indiqué au paragraphe 7 des admissions comme suit :

 

7.       Par ailleurs, dans l’optique de démontrer sa bonne foi et de réparer plus particulièrement tout préjudice qui aurait pu se manifester en l’espèce, l’Intimé s’engage à procéder à un don d’une valeur de 18 500 $ à la compagnie qui se ventilera comme suit : (1) 16 000 $ à IdemniPro, ou à toute autre entité légale affiliée à cette société, et (2) 2 500 $ au cabinet GC Assurances ;

[13]    C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra examiner le bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

 

 

B)       Les sanctions suggérées

 

[14]    Les parties, d’un commun accord, suggère au Comité d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

 

      Chef 1 :     une amende de 2 000 $

 

      Chef 2 :     une radiation temporaire de trois (3) mois

 

      Chef 3 :     une radiation temporaire de six (6) mois

 

      Publication d’un avis de radiation en vertu de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26) pour les chefs 2 et 3 ;

 

      Paiement des frais applicables en l’espèce ;

 

[15]    À cet égard, le procureur de la partie plaignante produit une liste d’autorités servant à démontrer que les sanctions proposées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce genre d’infractions :

 

          Chef 1 :

 

      ChAD c. Belzile, 2014 CanLII 30258 (chefs 27 et 36) ;

      ChAD c. Rodriguez, 2019 CanLII 104541 (chefs 1 et 5) ;

      ChAD c. Dupuis-Richard, 2018 CanLII 78589 (chef 4) ;

      ChAD c. Constantin, 2012 CanLII  63684 (chef 7) ;

      ChAD c. Hallé, 2012 CanLII 50496 (chef 5) ;

      ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (chef 3) ;

 

Chef 2 :

      ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (chef 1) ;

      ChAD c. Verret, 2019 CanLII 47053 (chefs 2 et 4) ;

      ChAD c. Dion, 2017 CanLII 78644 (chef 2) ;

      ChAD c. Hallé, 2012 CanLII 50496 (chef 5, 12 et 16) ;

      ChAD c. Roch, 2017 CanLII 30959 (chef 3) ;

      ChAD c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (chefs 3, 11, 17 et 22) ;

      ChAD c. Belzile, 2014 CanLII 30258 (chef 38) ;

 

          Chef 3 :

 

      ChAD c. Lachance, 2016 CanLII 6242 (chef 3) ;

 

[16]    D’autre part, Me Cardinal a présenté une liste de facteurs aggravants et atténuants dont les parties ont tenu compte, soit :

 

          Facteurs aggravants :

 

      Il s’agit de trois (3) infractions qui se situent au cœur de l’exercice de la profession ;

      Il y a, dans le dossier, des éléments de malhonnêteté ;

      Enfin, l’intimé, par ses agissements, a causé préjudice à l’assuré, à son employeur et à l’assureur ;

Facteurs atténuants :

      Il s’agit d’un acte isolé concernant un seul client ;

      L’assuré a finalement été indemnisé suite aux pertes subies (P-31) ;

      L’intimé n’a pas contesté les faits à l’origine de la plainte ;

      L’intimé, de façon volontaire et sans y être obligé légalement, s’engage à faire un don équivalant aux dommages occasionnés par ses faits et gestes ;

[17]    De son côté, Me Knerr, à titre de procureur de l’intimé, insiste sur les regrets et les remords exprimés par son client ;

 

[18]    De plus, vu que l’intimé a réorienté sa carrière et qu’il n’a pas l’intention de revenir à la pratique de l’assurance de dommages, les risques de récidive sont nuls ;

 

[19]    Pour l’ensemble de ces motifs, les parties demandent conjointement au Comité d’entériner leurs suggestions communes ;

 

 

III.        Analyse et décision

 

[20]    Le Comité considère que les sanctions suggérées par les parties sont justes et appropriées au cas particulier de l’intimé et que celles-ci reflètent adéquatement tant les circonstances aggravantes de l’affaire que les circonstances atténuantes dont doit bénéficier l’intimé ;

[21]    De plus, compte tenu de la jurisprudence en matière de recommandations communes[1] et plus particulièrement de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[2], le Comité est tenu d’accepter celles-ci, à moins qu’elles ne soient contraires à l’intérêt public ;

[22]    Enfin, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[3] ;

[21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectéePour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements)

 

[23]    Cela dit, le Comité considère que les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au cas de l’intimé ;

[24]    D’une part, elles tiennent compte de la gravité objective des infractions et, d’autre part, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ;

[25]    Enfin, elles s’inscrivent parfaitement dans la fourchette de sanctions habituellement imposées pour ce genre d’infractions, tel qu’il appert de la jurisprudence produite par la syndic ;

[26]    Pour ces motifs, les sanctions suggérées par les parties seront entérinées par le Comité de discipline.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PERMET le dépôt d’une plainte amendée ;

PREND ACTE des admissions déposées par l’intimé ;

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées à la plainte amendée et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:   pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5)

Chef 2:   pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5)

Chef 3    pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation ;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 :  une amende de 2 000 $

Chef 2 :  une radiation temporaire de trois (3) mois

Chef 3 :  une radiation temporaire de six (6) mois

DÉCLARE que les périodes de radiation devront être purgées de façon concurrente et qu’elles ne deviendront exécutoires qu’à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé, le cas échéant ;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision, conformément à l’article 156 du Code des professions, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé, le cas échéant ;

PREND ACTE de l’engagement de l’intimé de procéder à un don de 18 500 $ ventilés comme suit :

               16 000 $ à Indemni Pro ; et

               2 500$ au Cabinet GC Assurances ;

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion de tout renseignement ou information permettant d’identifier les assurés mentionnés dans la plainte ou dans les pièces déposées en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des profession ;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de radiation, le cas échéant.

 

 

 

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

___________________________________

M. Benoît St-Germain, courtier en assurance de dommages

Membre        

 

___________________________________

M. François Vallerand, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Mathieu Cardinal

Procureur de la partie plaignante

 

Me Philippe G. Knerr

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 15 juin 2020 (par conférence téléphonique)

 

 



[1]        Chan c. Médecins2014 QCTP 5 (CanLII);

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP);

[2]        R. c. Anthony-Cook2016 CSC 43 (CanLII);

[3]        Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu2014 QCTP 20 (CanLII);

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