Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2018-05-01(C)

 

DATE :

Le 22 juillet 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Président-suppléant

M. Jacques D’Aragon, C.d’A.Ass., courtier en
assurance de dommages

Membre

 

M. Carl Hamel, C.d’A.Ass., courtier en assurance
de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

                        Partie plaignante

c.

PAMÉLA LÉVESQUE, courtier en assurances de dommage des particuliers (4B), inactive et sans mode d’exercice

                        Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

Ordonnance de non publication, de non diffusion et de non divulgation

des renseignements personnels permettant d’identifier les assurés mentionnés aux pièces déposées en preuve, en vertu de l’article 142 du Code des professions.

 

 

[1]       Le 24 février 2020, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) s’est réuni pour procéder à l’audition sur sanction du présent dossier;

[2]       Le syndic était représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimée Lévesque, participait à l’audience par voie de conférence téléphonique;

 

I.       Historique du dossier

[3]       Le 24 septembre 2018, le Comité de discipline de la ChAD a déclaré l’intimée Lévesque coupable, car elle a contrevenu à l’article 37(8o) du Code de déontologie[1] en s’appropriant à 34 reprises des sommes d’argent appartenant à des assurés du Cabinet de son employeur;

[4]       Toutefois, le syndic de la ChAD a contesté en appel à la Cour du Québec les conclusions de la décision du Comité de discipline portant sur les sanctions qui ont été imposées à l’intimée Lévesque;

[5]       L’honorable juge Pierre Labbé a accueilli l’appel dans un jugement[2] qu’il a rendu;

[6]       Le dispositif de ce jugement est ainsi libellé:

 

[31]  ANNULE la décision sur sanction rendue par le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages le 24 septembre 2018 dans le dossier portant le numéro 018-014-082.

 

[32]  RETOURNE le dossier 018-014-082 au Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages pour qu’il en soit disposé conformément au présent jugement, l’audition devant se tenir devant une formation composée de membres autres que ceux qui ont rendu la décision du 24 septembre 2018.

[7]       C’est dans ce contexte que le Comité a tenu une nouvelle audition sur sanction.

II.      Représentations sur sanction

[8]       Lors de l’audition sur sanction, l’intimée Lévesque a maintenu son plaidoyer de culpabilité. Le Comité en a pris acte et le verdict de culpabilité a été réitéré pour la forme;

[9]       Me Leduc a remis au Comité un document signé par les parties intitulé : Recommandations communes sur sanctions (pièce P-1);

III.       Recommandations conjointes sur sanctions

[10]    Me Leduc a déclaré au Comité que les parties ont convenu des recommandations conjointes suivantes :

           Chef 1:

             Une amende de 50 000 $. Toutefois, considérant le principe de la globalité des sanctions, le montant est réduit à 5 000 $;

             Une radiation de 10 ans;

             Une ordonnance de remboursement au montant de 8 341,68 $, auprès du Cabinet de son ancien employeur, en vertu de l’article 156 d) du Code des professions;

             La publication d’un avis de radiation temporaire aux frais de l’Intimée, lors de la remise en vigueur de son certificat;

             Une condamnation au paiement des frais et déboursés par l’intimée;

             Le paiement de l’amende de 5 000 $ pourra s’étaler sur une période de 36 mois. Toutefois, cette modalité de paiement sera soumise à une clause de déchéance;

[11]    Me Leduc nous a expliqué les tenants et aboutissants des discussions ayant conduit à la formulation des recommandations communes susvisées;

[12]    Par ailleurs, Me Leduc a présenté les facteurs atténuants suivants :

             Un plaidoyer de culpabilité de l’Intimée à la première occasion;

             L’absence d’antécédents disciplinaires;

             La collaboration de l’intimée à l’ensemble du processus disciplinaire;

             La reconnaissance par l’intimée de la gravité des gestes posés;

             L’intimée a commencé à rembourser les sommes d’argent au Cabinet d’assurances;

[13]    Par ailleurs, la partie plaignante a identifié les facteurs aggravants suivants:

             La gravité objective des gestes posés qui se situent clairement au cœur de l’exercice de la profession et qui affectent la protection du public;

             La malhonnêteté de l’intimée au moment de la commission des infractions;

             Le caractère répétitif des gestes et l’importance du montant subtilisé;

             La perte de revenus pour le cabinet d’assurances;

             L’atteinte à l’image de la profession;

[14]    Me Leduc a souligné au Comité que les sanctions qui sont suggérées par les parties s’inscrivent parfaitement dans la fourchette de celles qui sont habituellement imposées par le Comité de discipline de la ChAD dans des dossiers semblables;

[15]    Afin d’appuyer ses suggestions, Me Leduc a déposé les décisions suivantes:

     ChAD c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD) ;

     ChAD c. César-Mathieu, 2017 CanLII 45019 (QC CDCHAD).

IV.   Analyse et décision

 

[16]    Par son plaidoyer de culpabilité, l’intimée Lévesque a reconnu que les manquements reprochés dans la plainte ont été commis et les infractions constituent des fautes déontologiques[3];

[17]    Le Comité souhaite vivement que la partie intimée tire de son expérience disciplinaire une sérieuse leçon sur les plans professionnel et personnel;

[18]    Les intervenants du domaine de l’assurance doivent respecter toutes leurs obligations professionnelles et déontologiques prescrites par le législateur et exercer leurs fonctions avec probité, prudence et diligence, car ils sont les mandataires des assurés.

 

A) Les principes de droit applicables en matière de sanctions disciplinaires

 

[19]    La Cour d’appel du Québec a déterminé dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[4] que la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants :

 

  La protection du public;

  La dissuasion du professionnel à récidiver;

  L’exemplarité à l’égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

  Le droit du professionnel visé d’exercer sa profession.

 

[20]    Comme la Cour d’appel du Québec l’a déjà mentionné dans le jugement Thibault c. Da Costa[5], la sanction en droit disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel fautif, mais vise à assurer la protection du public et à corriger un comportement fautif de la part de ce professionnel;

 

[21]    Les manquements disciplinaires en matière d’appropriation d’argent doivent être réprimés par le biais d’une sanction suffisamment exemplaire et dissuasive pour éviter la répétition de telles infractions tant par l’intimée que par d’autres membres de la profession qui pourraient être tentés d’imiter ces gestes[6];

 

[22]    Les circonstances aggravantes du présent dossier dépassent largement les circonstances atténuantes dont pourrait bénéficier l’intimée;

 

B) La recommandation conjointe

 

[23]    La jurisprudence récente en matière de recommandations conjointes[7]  de sanctions et plus particulièrement l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[8], ont énoncé clairement que la discrétion d’un Comité de discipline en cette matière est plutôt limitée [9];

 

[24]    À cet égard, mentionnons que le Tribunal des professions a exprimé clairement l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[10]:

 

« [21]   Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d’en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d’un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d’expérience devrait être respectée à moins qu’elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice. »

          (Notre soulignement)

 

[25]    En considérant l’ensemble des circonstances particulières du présent dossier, le Comité conclut que les sanctions convenues entre les parties sont justes, raisonnables et appropriées au cas de l’intimée ;

 

[26]    En effet, les sanctions recommandées par les parties prennent en compte la gravité objective de l’infraction, les facteurs atténuants et aggravants propres au présent dossier. De plus, les sanctions assurent la protection du public sans punir l’intimée ;

 

[27]    Le Comité  a analysé la jurisprudence qui lui a été soumise et il est convaincu que les sanctions se situent dans la fourchette de celles qui ont été imposées par le Comité pour des infractions semblables[11];

 

[28]    En résumé, les recommandations conjointes sur sanctions dans le présent dossier ne déconsidèrent pas l’administration de la justice et ne sont pas contraires à l’intérêt public;

[29]    Par ailleurs, le principe de la globalité des sanctions peut être pris en compte par le Comité lorsque plusieurs manquements disciplinaires sont reprochés à un intimé afin de s’assurer que la sanction globale n’est pas disproportionnée[12] ;

 

[30]    Comme l’a suggéré Me Leduc, le principe de la globalité de la sanction s’applique clairement dans le présent dossier et le montant total de l’amende imposée à l’intimée est réduit à 5 000$;

 

[31]    La recommandation conjointe sur sanctions formulée par les parties est donc entérinée unanimement par le Comité.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

IMPOSE à l’intimée Lévesque les sanctions suivantes :

 

Sous le chef 1:

 

         Une amende de 50 000 $. Toutefois, considérant le principe de la globalité de la sanction, l’amende susvisée de 50 000 $ est réduite à la somme de 5 000 $;

 

         Une radiation de 10 ans.

 

DÉCLARE que la période de radiation susvisée sera exécutoire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée.

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de radiation temporaire, conformément aux dispositions de l’article 156 du Code des professions, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée.

PREND ACTE de l’engagement de l’intimée Lévesque et ORDONNE à l’intimée de payer au cabinet Assurances Paquin inc. la somme de 8 341,68 $ au plus tard dans un délai de 84 mois calculé à compter de la signification de la présente décision, conformément aux dispositions de l’article 156 (d) du Code des professions.

DÉCLARE que si l’intimée est en défaut de payer à l’échéance prévue l’un ou l’autre des versements susmentionnés en paiement des amendes, frais et déboursés, elle perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

CONDAMNE l’intimée au paiement des frais et déboursés, incluant les frais de publication d’un avis de radiation temporaire, le cas échéant.

ACCORDE à l’intimée un délai de 36 mois pour acquitter le montant des amendes, frais et des déboursés, le tout en 36 versements mensuels, égaux et consécutifs, à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision.

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion des renseignements personnels permettant d’identifier les assurés contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions.

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Jacques D’Aragon, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

____________________________________

M. Carl Hamel, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Madame Paméla Lévesque (se représente seule par voie de conférence téléphonique)

Partie intimée

 

Date d’audience : 24 février 2020

 



[1] ChAD c. Lévesque, 2018 CanLII 102645 (QC CDCHAD).

[2] Belhumeur c. Lévesque, 2019 QCCQ 8286 (CanLII).

[3] Castiglia c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 CanLII; Pivin c. Inhalothérapeutes 2002 QCTP 32 (CanLII).

[4] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QCCA).

[5] Thibault c. Da Costa, 2014 CanLII 2347 (QCCA); Royer c. Rioux, 2004 CanLII 76507 (QC CQ).

[6] ChAD c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD); ChAD c. César-Mathieu, 2017 CanLII 45019 (QC CDCHAD).

[7] Voir notamment : Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII); Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP).

[8] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII).

[9] R c. Binet, 2019 QCCA 669.

[10] Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII).

[11] Voir en matière de principes de détermination d’une sanction disciplinaire la décision suivante : CHAD c. Kalume, 2017 CanLII 30963 (QC CDCHAD).

[12] Voir notamment sur cette question : ChAD c. D’Onofrio, 2018 CanLII 52144 (QC CDCHAD).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.