Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Nos :

2019-11-01(C)

 

DATE :

Le 22 juillet 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant

M. Jacques D’Aragon, C. d’A. A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Carl Hamel, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

VALÉRIE CÔTÉ, courtier en assurance de dommages des particuliers (4B)

Parties intimées

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

Ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-divulgation

des renseignements personnels et financiers portant sur les assurés mentionnés dans les plaintes et dans les pièces documentaires déposées en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions.

 

 

[1]       Le 24 février 2020, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni pour procéder à l’audition sur culpabilité et sanction d’une plainte déposée contre le syndic de la ChAD;

 

[2]       Le syndic est représenté par Me Claude G. Leduc et l’intimée Côté est présente mais non représentée;

 

 


I. La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant les 5 chefs d’accusation suivants :

 

1.    Entre les ou vers les 18 décembre 2018 et 4 février 2019, a fait défaut d'exécuter le mandat que lui avait confié l'assuré L.-A.J., soit d'obtenir une protection d'assurance pour un véhicule automobile Volvo 2011, et/ou en omettant de mettre en vigueur le contrat d'assurance automobile n° AP-1207-523 auprès de Royal & Sun Alliance du Canada, société d'assurances, causant ainsi un découvert d'assurance, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. 0-9.2, r.5);

 

2.    Entre les ou vers les 18 décembre 2018 et  1er février  2019,  à la suite de la demande de souscription par l'assuré L.-A.J. d'un contrat d'assurance automobile  pour  un véhicule automobile Volvo 2011, a fait défaut .de rendre compte de l'exécution de son mandat et d'aviser ledit assuré que le contrat d'assurance automobile n° AP-1207-523 n'avait pas été émis par Royal & Sun Alliance du Canada, société d'assurances et qu'il n'avait aucune protection d'assurance depuis le 18 décembre 2018, en contravention avec les articles 25, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. 0-9.2, r.5);

 

3.    Entre les ou vers les 18 janvier et 1er février 2019, a exercé ses activités professionnelles de manière négligente, en faisant preuve d'un manque flagrant de disponibilité envers l'assuré L.-A.J., notamment en ne retournant aucun de ses appels, en contravention avec les articles 8, 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

4.    Le ou vers le 31 janvier 2019, a exercé ses activités professionnelles de manière négligente et/ou a fait à l'assuré L.-A.J. une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible de l'induire en erreur, en lui confirmant, par l'entremise d'un collègue du même cabinet, l'émission du contrat d'assurance automobile n° AP-1207-523 par Royal  &  Sun  Alliance  du  Canada,  société  d'assurances,  pour  la  période  du  18 décembre 2018 au 18 décembre 2019, alors qu'elle savait ou devait savoir que ce n'était pas le cas, en contravention avec les articles 15, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ( R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5);

 

5.    Le ou vers le 1er février 2019, a exercé ses activités professionnelles de manière négligente et/ou a fait à l'assuré L.-A.J. une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible de l'induire en erreur, en lui disant que Royal & Sun Alliance du Canada, société d'assurances refusait de couvrir le risque alors qu'elle savait ou devait savoir qu'aucune soumission n'avait été transmise audit assureur, en contravention avec les articles 15 et 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5).

 

[4]       Séance tenante, l’intimée Côté a reconnu les manquements disciplinaires qui lui sont reprochés dans la plainte et elle a enregistré un plaidoyer de culpabilité librement et volontairement;

 

 

[5]       Le Comité a pris acte de son plaidoyer de culpabilité et l’a déclarée coupable.

 

I.              Preuve sur sanction

 

[6]       La partie plaignante a déposé les pièces P-1 à P-6 de consentement ;

 

[7]       L’intimée Côté n’a pas témoigné sur les faits propres au dossier disciplinaire qui la vise;

 

[8]        Toutefois, elle a confirmé le fait qu’elle avait quitté définitivement le domaine des assurances.

 

II.         Représentations sur sanctions du syndic

 

[9]       Me Leduc a expliqué les principaux faits énoncés dans la plainte déposée contre l’intimée;

 

[10]    Il a déposé une preuve documentaire afin d’appuyer les manquements reprochés à l’intimée Côté;

 

[11]    Me Leduc a soumis les facteurs atténuants suivants:

 

      Plaidoyer de culpabilité et reconnaissance des faits;

      Collaboration avec le syndic;

      Absence d’antécédents disciplinaires;

      Le risque de récidive est nul, car l’intimée a quitté définitivement le secteur des assurances;

 

[12]    Il a indiqué les facteurs aggravants suivants:

 

     Gravité objective des manquements reprochés à l’intimé qui se situent au cœur même de l’exercice de la profession;

     La protection du public a été affectée.

 

[13]    Le procureur du syndic a expliqué au Comité que les parties ont convenu des recommandations sur sanction suivantes :

 

Sous le chef 1 : Le défaut d’exécuter un mandat causant un découvert d’assurance de 45 jours (18 décembre 2018 au 1er février 2019).

           Sanction : Une radiation de 6 mois

 

Sous le chef 2 : Le défaut de rendre compte de l’exécution de son mandat.

      Sanction : Une amende de 2500 $.

 

 

Sous le chef 3 : Un manque flagrant de disponibilité envers un assuré.

      Sanction : Une amende de 2000 $.

 

Sous le chef 4 : La transmission de renseignements faux à un assuré par l’intermédiaire d’un collègue.

      Sanction : Une radiation de 30 jours.

 

Sous le chef 5 : La transmission de renseignements faux à un assuré.

      Sanction : Une radiation de 30 jours.

 

[14]    En résumé, la partie plaignante a suggéré des périodes de radiation temporaires concurrentes d’une durée de 6 mois et des amendes totalisant 4 500$ ;

 

[15]    À l’appui de ces suggestions, Me Leduc a déposé les décisions suivantes:

 

          Sous les chefs 1 et 2

   ChAD c. Rigas (2016) CanLII 53907 (QC CDCHAD);

   ChAD c. André (2017) CanLII 84808 (QC CDCHAD);

   ChAD c. Gauthier (2013) CanLII 70025 (QC CDCHAD);

   ChAD c. Daoust (2017) CanLII 6492 (QC CDCHAD;

   ChAD c. Belzile (2014) CanLII 3835 (QC CDCHAD);

   ChAD c. Verret (2019) CanLII 126387 (QC CDCHAD);

   ChAD c. Lachapelle-Couturier (2019) CanLII 166386 (QC CDCHAD);

Sous le chef 3

   ChAD c. Forgues (2019) CanLII 62600 (QC CDCHAD);

   ChAD c. Gauthier (2013) CanLII 70025 (QC CDCHAD);

Sous les chefs 4 et 5

   ChAD c. Verret (2019) CanLII 126387 (QC CDCHAD);

   ChAD c. Thiffault (2019) CanLII 112813 (QC CDCHAD);

 

III.        Représentations sur sanction de l’intimée

 

[16]    L’intimée n’a fait aucune représentation sur sanctions, sinon pour confirmer qu’elle était d’accord avec les recommandations communes énoncées dans le document déposé par la partie plaignante.

 

IV.          Analyse et décision

 

[17]    Par son plaidoyer de culpabilité, l’intimée Côté a reconnu que les manquements reprochés dans la plainte ont été commis et ils constituent des fautes déontologiques[1];

 

[18]    Le Comité souhaite vivement que la partie intimée tire de son expérience disciplinaire une sérieuse leçon sur le plan professionnel;

 

[19]    Les intervenants du domaine de l’assurance doivent respecter toutes leurs obligations professionnelles et déontologiques prescrites par le législateur et exercer leurs fonctions avec prudence et diligence, car ils sont habituellement les mandataires des assurés;

 

[20]    Dans l’affaire Sévigny, le Comité s’exprimait en ces termes[2] au sujet des obligations du courtier d’assurance:
 

«[20]   Le Comité considère que le présent dossier justifie de rappeler les principaux devoirs qui incombent au courtier d’assurance ;

  Avant toute chose, le courtier doit faire preuve de disponibilité[8] et il ne doit pas négliger ses devoirs professionnels[9] ;

  De plus, il doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ne pas hésiter à obtenir l’aide appropriée[10], si nécessaire ;

  Il doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer[11];

  Enfin, il doit exercer de façon honnête et ne pas faire preuve de négligence[12] ;

  De plus, il doit rendre compte de l’exécution de son mandat[13] et toujours agir en conseiller consciencieux[14] ;»

 

A) Les principes de droit applicables en matière de sanctions disciplinaires

 

[21]    La Cour d’appel du Québec a déterminé dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[3] que la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants :

 

   La protection du public;

   La dissuasion du professionnel à récidiver;

   L’exemplarité à l’égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

   Le droit du professionnel visé d’exercer sa profession.

 

[22]    Par ailleurs, la Cour d’appel du Québec a déjà mentionné dans le jugement Thibault c. Da Costa[4] que la sanction en droit disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel fautif, mais vise à assurer la protection du public et à corriger un comportement fautif de la part de ce professionnel.

 

B) La recommandation conjointe

 

[23]    La jurisprudence récente en matière de recommandations conjointes[5] sur sanctions et plus particulièrement le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[6], ont énoncé clairement que la discrétion d’un Comité de discipline en cette matière est plutôt limitée[7] ;

 

[24]    À cet égard, mentionnons que le Tribunal des professions a exprimé clairement l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[8]:

 

« [21]   Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d’en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d’un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d’expérience devrait être respectée à moins qu’elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice. »

          (notre soulignement)

 

[25]    En considérant l’ensemble des circonstances particulières du présent dossier, le Comité conclut que les sanctions suggérées par les parties sont justes, raisonnables et appropriées au cas de l’intimée ;

 

[26]    En effet, les sanctions tiennent compte de la gravité objective des infractions, des facteurs atténuants et aggravants propres à chaque dossier. De plus, elles assurent la protection du public sans punir l’intimée ;

 

[27]    Enfin, l’analyse de la jurisprudence soumise par les parties a convaincu le Comité que les sanctions qui ont été suggérées se situent dans la fourchette de celles imposées par le Comité pour des infractions semblables;

 

[28]    La recommandation conjointe formulée par les parties est donc entérinée unanimement par le Comité.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée Côté;

 

DÉCLARE l’intimée Côté coupable du chef 1 pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

DÉCLARE l’intimée Côté coupable du chef 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

DÉCLARE l’intimée Côté coupable du chef 3 pour avoir contrevenu à l’article 8 Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

DÉCLARE l’intimée Côté coupable des chefs 4 et 5 pour avoir contrevenu à l’article 37(7) Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs susvisés ;

 

IMPOSE à l’intimée Côté les sanctions suivantes :

 

Chef 1 : une radiation de 6 mois;

 

Chef 2 : une amende de 2 500 $;

 

Chef 3 : une amende de 2 000 $;

 

Chef 4 : une radiation d’un mois;

 

Chef 5 : une radiation d’un mois;

 

ORDONNE que toutes les périodes de radiations temporaires soient purgées concurremment;

DÉCLARE que les périodes de radiations temporaires susvisées seront exécutoires à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de radiation temporaire, conformément aux dispositions de l’article 156 du Code des professions, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

 

CONDAMNE l’intimée au paiement des frais et déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de radiation temporaire;

ACCORDE à l’intimée Côté un délai de vingt-quatre (24) mois pour acquitter les frais et déboursés, le tout en versements mensuels égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimée est en défaut de payer à l’échéance prévue l’un ou l’autre des versements susmentionnés, elle perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

RÉITÈRE l’ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-divulgation des renseignements personnels et financiers portant sur les assurés mentionnés dans la plainte et dans les pièces documentaires déposés en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions.

 

 

 

 

 

 

 

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Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant

 

 

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M. Jacques D’Aragon, C. d’A. A., courtier en assurance de dommages  

 

 

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M. Carl Hamel, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Valérie Côté (représente et non représentée)

Intimée

 

Date d’audience : 24 février 2020

 



[1] Castiglia c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 CanLII; Pivin c. Inhalothérapeutes 2002 QCTP 32 (CanLII).

[2] ChAD c. Sévigny, 2019 CanLII 112815 (QC CDCHAD) para. 20.(les références ont été omises).

[3] Pigeon c. Daigneault 2003 CanLII 32934 (QCCA).

[4] Thibault c. Da Costa 2014 CanLII 2347 (QCCA); Royer c. Rioux, 2004 CanLII 76507 (QC CQ).

[5] Voir notamment : Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII); Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP).

[6] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII).

[7] R c. Binet, 2019 QCCA 669.

[8] Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII).

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