Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2019-06-01(C)

 

DATE :

Le 29 juin 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Nadia Ndi, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MÉLANIE ROBERT, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

[1]        Le 19 février 2020, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition sur sanction dans le dossier numéro 2019-06-01(C);

[2]        Le syndic était alors représenté par Me Viviane Pierre-Sigouin et, de son côté, l’intimée était absente et non représentée;

 

I.          La plainte

[3]        Le 4 novembre 2019, l’intimée fut reconnue coupable[1] de l’infraction suivante :

1.   Depuis le 24 mai 2019 jusqu’à ce jour, a entravé directement ou indirectement le travail du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages en faisant défaut de répondre à ses demandes dans le cadre d’une enquête, en contravention avec l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 34 et 35 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

[4]        L’intimée ayant fait défaut de se présenter à l’audition sur sanction, le syndic fut autorisé à procéder par défaut;

 

II.         Représentations sur sanction

[5]        Après une courte preuve visant à démontrer que l’intimée n’avait toujours pas communiqué l’ensemble des documents requis par le syndic, la partie plaignante a requis d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes;

      Une amende de 3000 $

      Une radiation de 30 jours

      Une ordonnance de remettre les documents requis, le tout suivant l’article 156(1) du Code des professions;

      La suspension du droit de pratique de l’intimée jusqu’à la remise des documents;

[6]        Évidemment, la période de radiation et la suspension de droit de pratique ne serons exécutoires qu’à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

[7]        À ces différentes sanctions s’ajoutera une condamnation au paiement des déboursés du dossier et des frais de publication;

[8]        Au soutien de ces sanctions, le syndic rappelle les facteurs aggravants suivants :

      La durée de l’infraction (mai 2019 à février 2020);

      La mise en péril de la protection du public en raison de l’entrave au travail du syndic;

      La gravité objective de l’infraction;

      Le manque d’honnêteté de l’intimée, vu ses nombreux manquements aux engagements envers le syndic;

      Son expérience (10 ans);

      Le risque de récidive puisqu’elle continue de refuser de fournir les documents requis;

[9]        Quant aux facteurs atténuants, l’avocate du syndic n’en voit qu’un seul, soit l’absence d’antécédents disciplinaires ;


[10]     Elle précise toutefois qu’à la lumière de la gravité de l’infraction, l’absence d’antécédents de l’intimée n’a pas pour effet d’atténuer sa faute ;

[11]     Elle conclut en réitérant que la sanction suggérée répond aux critères en semblables matières et plus particulièrement à la jurisprudence suivante :

      ChAD c. Boudreault, 20058 CanLII 76863 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Gignac, 2014 CanLII 41706 (QC CDCHAD) ; 2014 CanLII 76158 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Bogne, 2018 CanLII 12746 (QC CDCHAD) ; 2019 CanLII 79819 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Charron, 20169 CanLII 40791 (QC CDCHAD) ;

[12]     Cela dit, il convient maintenant de déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimée ;

 

III.        Analyse et décision

A)        La nature de l’infraction reprochée

[13]     L’infraction consistant à entraver le syndic dans le cadre des fonctions qui lui sont dévolues par la loi constitue une infraction dont la gravité objective ne fait plus aucun doute puisque le pouvoir d’enquête du syndic constitue la pierre d’assise du système professionnel[2];

[14]     D’ailleurs, la gravité objective de ce genre d’infraction a été reconnue à de nombreuses reprises par le Tribunal des professions[3];

[15]     Enfin, la Cour suprême, dans l’affaire Pharmascience c. Binet[4], rappelait l’obligation pour les professionnels et même pour les tiers de collaborer à l’enquête du syndic, sous peine de sanctions;

[16]     À la lumière de cette jurisprudence, la gravité objective particulièrement élevée de cette infraction ne fait plus l’ombre d’un doute et, en conséquence, le Comité devra en tenir compte pour déterminer l’importance de la sanction qui sera imposée à l’intimée;

B)       Les circonstances aggravantes ou atténuantes

[17]     Parmi les facteurs objectifs et particulièrement aggravants dont le Comité tiendra compte, soulignons les suivants :

      La mise en péril de la protection du public par la négligence et/ou le refus de l’intimée de répondre aux demandes du syndic;

      La durée de l’infraction;

      La gravité objective de la faute reprochée;

[18]     Parmi les circonstances atténuantes, une seule pourra être retenu par le Comité, soit l’absence d’antécédents disciplinaires;

[19]     En effet, l’intimée ayant fait défaut de se présenter à l’audition sur sanction, il est impossible pour le Comité de prendre en considération d’autres circonstances atténuantes qui auraient pu être prouvées mais qui ne l’ont pas été;

 

C)       La détermination de la sanction appropriée

[20]     Parmi les facteurs dont le Comité peut tenir compte lors de l’imposition de la sanction, il y a, évidemment, le comportement antérieur de l’intimée, de même que le risque élevé de récidive en cas de réinscription de l’intimée, en raison de son attitude dans le présent dossier;

[21]     À cet égard, même si l’intimée est présumée innocente des allégations qui font actuellement l’objet d’une enquête par le Bureau du syndic, il demeure néanmoins que cette enquête peut être considérée par le Comité lors de l’imposition de la sanction et ce, tel que déterminé par le Tribunal des professions;

[22]     Dans l’affaire Dupont[5], il fut décidé que la conduite du professionnel, même en l’absence d’une véritable condamnation, pouvait être examinée afin de déterminer l’évaluation du risque de récidive et, par voie de conséquence, la sanction juste et appropriée;

[23]     Ce principe fut également repris par le Tribunal des professions dans l’affaire Huneault[6], laquelle décision a fait l’objet d’une requête en révision judiciaire qui fut rejetée par la Cour d’appel, confirmant ainsi la justesse du jugement du Tribunal des professions[7];


[24]     Cela étant dit, le Comité tiendra compte du fait que le refus de l’intimée de fournir les documents requis concernant une autre plainte qui pourrait éventuellement être soumis au Comité de discipline aggrave considérablement le risque de récidive;

[25]     Dans les circonstances, la mise en péril de la protection du public et les risques de récidive élevés exigent une sanction à la mesure de l’infraction reprochée;

[26]     À titre d’exemple, dans l’affaire Barreau du Québec c. Belliard[8], le Comité de discipline du Barreau, alors présidé par Me Delpha Bélanger, écrivait :

[57]   La gravité des infractions commises et la volonté de l’intimé de persister dans sa décision de ne pas répondre au syndic commandent une sanction qui tient compte de ces deux aspects.

[27]     De la même façon, dans l’affaire Van Rensselaer[9], le Comité de discipline du Barreau, alors présidé par Me Réjean Blais, écrivait :

[26]     L’intimée n’a aucune explication à présenter pour son refus ou sa négligence de répondre à la demande d’explications et de remise du dossier, formulée par la plaignante;

[27]   Le Comité considère comme facteur aggravant l’attitude de l’intimée qui déclare ouvertement qu’elle n’avait pas à donner suite, par écrit, aux demandes d’explications formulées par la plaignante puisqu’elle lui avait répondu verbalement, suivant son témoignage;

[30]     Une telle conduite est inacceptable;

[32]   Le refus ou la négligence de l’intimée de fournir les explications demandées par la plaignante nuit au travail de cette dernière qui, en sa qualité de syndique adjointe du Barreau du Québec, doit veiller à assurer la protection du public;

[34]      Le Comité juge que l’intimée présente un risque élevé de récidive;

[28]     En l’espèce, l’intimée fut condamnée à une radiation pour une période de trois (3) mois et un jour;

 

D)       L’ordonnance suivant l’article 156(d.1) C. prof.

[29]     Dans le présent dossier, le syndic suggère, en plus d’une radiation de trois mois, une suspension du droit de pratique de l’intimée jusqu’au moment où elle aura fourni les documents requis;


[30]     Le syndic appuie cette proposition sur une décision du Comité de discipline, soit l’affaire Chad c. Boudreault[10];

[31]     En conséquence, dès que l’intimée se sera acquittée de son obligation de collaborer à l’enquête du syndic, en fournissant tous et chacun des renseignements et/ou documents requis, la suspension prendra fin automatiquement;

[32]     La durée de celle-ci sera donc équivalente au refus ou à la volonté de l’intimée de se conformer à ses obligations professionnelles;

E)        Le contenu et la portée de l’ordonnance

[33]     L’article 156(d.1) C. prof. permet au Comité d’imposer à l’intimé l’obligation de communiquer «un document ou tout renseignement qui y est contenu»;

[34]     À cet égard, soulignons que l’obligation de remettre intégralement tous les documents est une obligation de résultat qui incombe au professionnel, suivant l’affaire Chené c. Chiropraticiens[11];

[35]     De plus, le professionnel ne doit pas se limiter à répondre évasivement ou de façon incomplète à certaines demandes de renseignements ou documents puisqu’il se trouve alors également en situation d’entrave, vu son omission de répondre à toutes les questions du syndic, tel que déterminé par le Tribunal des professions dans l’affaire Michaud c. Médecins[12];

 

IV.       Conclusion

[36]     Pour l’ensemble de ces motifs, les suggestions du syndic seront entérinées par le Comité de discipline.

        

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 :

ORDONNE à l’intimée, conformément à l’article 156(d)(1) du Code des professions de répondre à toutes les questions du syndic et à fournir tous les documents requis par celle-ci tels qu’énoncés aux pièces P-3.1, P-4 et P-8 ;

SUSPEND le droit de pratique de l’intimée jusqu’au moment où elle aura respecté intégralement l’ordonnance ci-haut mentionnée;

IMPOSE à l’intimée une radiation de trois (3) mois, laquelle deviendra exécutoire à compter de la remise en vigueur de son certificat;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a son domicile professionnel, le tout conformément à l’article 156 du Code des professions;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de suspension et de radiation temporaire.

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

 

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M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

 

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Mme Nadia Ndi, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Viviane Pierre-Sigouin

Procureure de la partie plaignante

 

Mme Mélanie Robert (absente)

Partie intimée

 

Date d’audience : 19 février 2020

 



[1]        Chad c. Robert, 20198 CanLII 120602 (QC CDCHAD);

[2]        Pharmascience c. Binet2006 CSC 48 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 513;

[3]        Administrateurs agréés c. L’Écuyer, [2005] QCTP 48;

Baran c. Comeau1999 QCTP 39 (CanLII), 1999 QCTP 039;

     Michaud c. Médecins[1994] D.D.C.P. 256 (T.P.)

     Bond c. Pharmaciens D.D.E. 86D-145 (T.P.)

     Simoni c. Podiatres , [2002] QCTP 091;

[4]        Op. cit., note 2;

[5]        Dentistes c. Dupont2005 QCTP 7 (CanLII);

[6]        Notaires c. Huneault2005 QCTP 53 (CanLII);

[7]        Laliberté c. Huneault2006 QCCA 929 (CanLII);

[8]        2007 QCCDBQ 94 (CanLII);

[9]        Thibault c. Van Rensselaer2006 CanLII 53426 (QC CDBQ);

[10]      2008 CanLII 76863 (QC CDCHAD);

[12]      [1994] D.D.O.P. 256 (T.P.);

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