Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2019-08-01(C)

 

DATE :

Le 15 juin 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Benoît St-Germain, C.d’A.Ass., PAA, CRM

Membre

M. Michaël Léveillée, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

JOSÉE MARCHAND, inactive et sans mode d’exercice

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION  DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 12 février 2020, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2019-08-01(C);

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Michel Marsolais ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant trois (3) chefs d’accusation, soit :

 

1.   Entre les ou vers les 25 mars et 10 avril 2019, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance automobile no J43-0052 pour l’assurée E.F.-L. auprès d’Intact Compagnie d’assurance, pour la période du 29 mars 2019 au 29 mars 2020, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur, en ce que :

 

a.   dans le compu-quote, elle a omis d’inscrire que l’assurée avait subi une perte totale en mai 2017, alors qu’elle en avait été informée;

 

b.   dans la proposition d’assurance, à la case 9B concernant les sinistres antérieurs, elle a omis d’inscrire que l’assurée avait subi une perte totale en mai 2017, alors qu’elle en avait été informée;

 

c.   dans la proposition d’assurance, à la case 9A concernant les condamnations antérieures, elle a inscrit que l’assurée n’avait eu aucune condamnation en vertu du Code de la route (L.R.O. 1990, c. H.8) dans les 6 dernières années, alors qu’elle savait ou devait savoir que telle information était fausse;

 

d.   elle a affirmé au souscripteur d’Intact Compagnie d’assurance que le véhicule assuré était dans le stationnement depuis le 25 février 2019, alors qu’elle savait ou devait savoir que telle information était fausse;

 

e.   elle a affirmé au souscripteur d’Intact Compagnie d’assurance que le véhicule assuré n’avait pas subi de dommages depuis le 25 février 2019, alors qu’elle savait ou devait savoir que telle information était fausse;

contrevenant ainsi à chacune de ces occasions aux articles 15, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5);

 

2.   Le ou vers le 25 mars 2019, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance automobile no J43-0052 pour l’assurée E.F.-L. auprès d’Intact Compagnie d’assurance, pour la période du 29 mars 2019 au 29 mars 2020, a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente et/ou a fait une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur l’assurée E.F.-L. :

 

a.   en soumettant au conjoint de l’assurée une prime de 1 347 $, en sachant que ladite prime ne tenait pas compte de la perte totale subie en mai 2017;

 

b.   en affirmant au conjoint de l’assurée que cette dernière était maintenant assurée pour son véhicule, alors qu’elle savait ou devait savoir que l’assureur n’avait pas encore accepté le risque;

 

en contravention avec les articles 15, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5);

 

3.   Entre les ou vers les 25 mars et 10 avril 2019, a fait défaut d’exécuter le mandat que lui avait confié l’assurée E.F.-L., soit de procéder à la mise en vigueur du contrat d’assurance automobile no J43-0052 auprès d’Intact Compagnie d’assurance, laissant ce risque à découvert, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.5).

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des infractions reprochées ;

[5]       Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

 

II.         Preuve sur sanction

 

[6]       Les pièces P-1 à P-6 furent déposées de consentement ;

[7]       De plus, l’intimée a témoigné pour sa défense ;

[8]       L’ensemble de cette preuve a permis d’établir que ;

      L’intimée a omis de transmettre à l’assureur les informations nécessaires à l’appréciation du risque (chef 1) ;

      L’intimée a exercé ses activités de façon négligente (chef 2) ;

      L’intimée, par son défaut de remplir adéquatement son mandat, a laissé sa cliente sans couverture d’assurance durant une période de 15 jours (chef 3) ;

[9]       Par ailleurs, cette preuve a également permis d’établir que :

      L’intimée n’était pas de mauvaise foi ;

      Il s’agit d’erreurs commises par omission sans intention de nuire ;

      La cliente de l’intimée n’a pas subi de préjudice, l’assureur ayant accepté de couvrir le risque rétroactivement ;

[10]    C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra déterminer le bien-fondé des recommandations communes des parties ;

 

III.        Recommandations communes

 

[11]    Les parties suggèrent d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

 

          Chef 1 :                        une radiation de 12 mois

          Chef 2 :                        une radiation de 12 mois

          Chef 3 :            une radiation de 6 mois

 

[12]    Selon Me Leduc, ces sanctions tiennent compte des facteurs aggravants suivants :

      La mise en péril de la protection du public ;

      Le fait que ces gestes se situent au cœur de l’exercice de la profession ;

      L’antécédent disciplinaire de l’intimée[1] ;

[13]    Quant aux facteurs atténuants, les parties ont considéré les circonstances suivantes :

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

      Sa bonne collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ;

      Sa bonne foi et son absence d’intention malveillante ;

      L’absence de préjudice pour l’assurée ;

[14]    Enfin, les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette de sanction habituellement imposée pour ce type d’infraction, tel qu’il appert des décisions suivantes :

          Chefs 1 et 2 :

      ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 ;

      ChAD c. Marchand, 2018 CanLII 52153 ;

      ChAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 ;

Chef 3 :

      ChAD c. Rigas, 2016 CanLII 53907 ;

[15]    Finalement, le procureur de l’intimée tient à préciser que Mme Marchand n’a jamais eu aucune intention malhonnête et que les gestes posés sont le résultat d’une faute par omission ;

[16]    Cela dit, les parties demandent au Comité d’entériner leur recommandation commune ;

 

IV.       Analyse et décision

 

[17]    Compte tenu de la jurisprudence en matière de recommandations communes[2] et plus particulièrement de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[3], le Comité entend entériner celles-ci ;

[18]    De plus, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[4] :

[21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements)

 

[19]    Cela dit, le Comité considère que les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au cas de l’intimée ;

[20]    D’une part, elles tiennent compte de la gravité objective des infractions et, d’autre part, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ;

[21]    Pour ces motifs, les sanctions suggérées par les parties seront entérinées par le Comité de discipline.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

DÉCLARE l’intimée coupable des infractions reprochées et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:     pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5);

Chef 2:     pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5);

Chef 3:     pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 3 de la plainte;

 

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 :    une radiation de 12 mois

Chef 2 :    une radiation de 12 mois

Chef 3 :    une radiation de 6 mois

 

ORDONNE que les périodes de radiation temporaire imposées sur les chefs 1, 2 et 3 soient purgées de façon concurrente entre elles, pour une radiation totale de 12 mois ;

DÉCLARE que les périodes de radiation seront exécutoires à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée ;

ORDONNE la publication d’un avis de radiation temporaire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée ;

PRONONCE une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels permettant d’identifier les assurés mentionnés aux pièces déposées en preuve en vertu de l’article 142 du Code des professions;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés incluant, le cas échéant, les frais de publication de l’avis de radiation temporaire.

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

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M. Benoît St-Germain, C.d’A.Ass., PAA, CRM Membre        

 

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M. Michaël Léveillée, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Michel Marsolais

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 12 février 2020

 



[1]    ChAD c. Marchand, 2018 CanLII 52153 (QC CDCHAD);

[2]   Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII) ;

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP) ;

[3]   R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII) ;

[4]   Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

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