Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2019-08-02(C)

 

DATE :

4 mars 2020

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Serge Meloche, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MAHAMED AL GASS DABO, inactif et sans mode d’exercice

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 5 décembre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2019-08-02(C) ;

 

[2]       La partie plaignante agissait personnellement et, de son côté, l’intimé était absent et non représenté ;

 

[3]       De plus, l’intimé a confirmé qu’il serait absent, en conséquence, la partie plaignante fut autorisée à procéder par défaut ;

 

 

I.          La plainte

 

[4]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant deux (2) chefs d’accusation se lisant comme suit :

 

1.   Dans la province de Québec, entre les ou vers les 27 novembre 2017 et 13 août 2018, n’a pas agi avec intégrité, en soumettant 120 réclamations à Financière Manuvie, en vertu du contrat d’assurance collective no 39610 souscrit par son employeur Meloche Monnex assurance et services financiers inc., visant le remboursement de sommes totalisant 8 228 $, alors que les soins réclamés pour lui-même ou un membre de sa famille n’ont jamais été prodigués, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c D-9.2.) et les articles 9, 37(1), 37(7) et 37(9) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c D-9.2, r. 5);

 

2.   Le ou vers le 14 août 2019, à l’occasion d’une conversation téléphonique avec le syndic de la Chambre de l’assurance de dommages, a entravé directement ou indirectement le travail d’enquête, en dissimulant des informations et/ou en lui donnant des informations fausses ou incomplètes, en contravention avec l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c. D-9.2) et l’article 35 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5).

 

[5]       Dès réception de la plainte, l’intimé a enregistré, par écrit, le 30 septembre 2019, un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de « tous les chefs contenus à la plainte disciplinaire » ;

[6]       Cela dit, l’intimé fut déclaré coupable, séance tenante, et le syndic a alors procédé aux représentations sur sanction ;

 

 

II.         Preuve sur sanction

[7]       Les pièces documentaires P-1 et P-2 furent produites, cependant, il convient de s’attarder surtout à la pièce P-2 concernant une décision de l’Autorité des marchés financiers (ci-après, « l’AMF ») refusant à l’intimé le renouvellement de son certificat ;

[8]       Concernant les faits reprochés au premier chef, il appert de la décision de l’AMF que :

      L’intimé fut congédié de son cabinet, le 22 janvier 2019 ;

      Son cabinet lui reprochait d’avoir effectué des demandes frauduleuses de remboursement de frais médicaux auprès de l’assureur La Financière Manuvie, en vertu de son contrat d’assurance collective ;

      Le nombre de demandes frauduleuses de remboursement est particulièrement élevé, soit 120 demandes sur une période de huit (8) mois et demi ;

      Le total des réclamations frauduleuses s’élève à la somme de 8 228 $ ;

[9]       Finalement, l’AMF conclut que l’intimé, par ses faits et gestes, a démontré qu’il ne possédait pas la probité nécessaire pour exercer des activités de représentant ;

[10]    En conséquence, la demande de renouvellement du certificat de l’intimé fut refusée ;

[11]    Quant au deuxième chef d’accusation, celui-ci concerne le fait que l’intimé aurait entravé le travail du syndic en dissimulant certaines informations et en lui fournissant des informations fausses ou incomplètes ;

III.        Argumentation

[12]    Vu le plaidoyer de culpabilité de l’intimé, la partie plaignante demande au Comité d’imposer les sanctions suivantes :

          Chef 1 :            une radiation permanente

          Chef 2 :            une radiation de 30 jours

[13]    À cet égard, le syndic souligne plusieurs circonstances aggravantes, soit les suivantes :

      La gravité objective des infractions ;

      La mise en péril de la protection du public ;

      Le caractère répétitif des infractions ;

      L’intention malhonnête sous-jacente aux infractions ;

      Le manque de probité de l’intimé ;

      L’absence de remboursement des sommes ;

      L’atteinte à l’image de la profession ;

      Le caractère prémédité des infractions ;

      La volonté de l’intimé de transgresser la norme déontologique ;

[14]    Quant aux circonstances atténuantes, celles-ci sont peu nombreuses et se limitent aux suivantes :

      L’intimé a plaidé coupable dès la première occasion ;

      Il n’a pas d’antécédents disciplinaires ;

[15]    Vu l’absence de l’intimé lors de l’audition, aucune autre circonstance atténuante ne fut présentée en preuve ;

[16]    À l’appui des sanctions suggérées, le syndic réfère le Comité aux précédents jurisprudentiels suivants :

      ChAD c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Janvier, 2016 CanLII 19676 (QC CDCHAD) ;

      Chad c.  Kalume, 2017 CanLII 30963 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c.  Jacob, 2017 CanLII 37840 (QC CDCHAD) ;

[17]    De façon plus particulière, le syndic indique au Comité que dans l’affaire Darkaoui, il s’agissait de 33 appropriations pour lesquelles l’intimée s’était vu imposer une période de radiation de dix (10) ans, alors que dans le présent dossier, l’intimé s’est illégalement approprié divers montants à 120 reprises, d’où la suggestion de lui imposer une radiation permanente ;

[18]    Finalement, le syndic demande qu’un avis de la présente décision soit publié aux frais de l’intimé ;

 

IV.       Analyse et décision

4.1      Le plaidoyer de culpabilité

[19]    Rappelons qu’en matière disciplinaire, l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité constitue une reconnaissance du caractère malhonnête des gestes posés et de l’intention coupable nécessaire à la commission d’une telle infraction[1] ;

[20]    De plus, un plaidoyer de culpabilité équivaut à une reconnaissance que les faits reprochés constituent une faute déontologique[2] ;

[21]    D’ailleurs, dans l’affaire Castiglia c. Frégeau[3], la Cour du Québec écrivait :

[28]    Le Syndic a raison de soutenir que Frégeau, ayant plaidé coupable à l’audition sur culpabilité, il ne peut remettre en question ce plaidoyer qui constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte. À cet égard, le Syndic réfère le Tribunal à l’arrêt de principe de la Cour d’appel de Lefebvre c. La Reine, où la Cour d’appel conclut qu’un plaidoyer de culpabilité consiste à admettre l’ensemble des éléments de l’infraction et que sa peine doit être évaluée à partir de ce fondement.

[29]   Ce même principe a été reconnu par le Tribunal des professions dans Pivin c. Inhalothérapeutes, où le Tribunal confirme qu’un plaidoyer en droit disciplinaire, est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique(Nos soulignements)

 

[22]    Dans l’arrêt Duquette c. Gauthier[4], la Cour d’appel va même plus loin en déclarant que :

[20]   Le Tribunal est conscient que la décision sur une demande de retrait de plaidoyer procède du pouvoir discrétionnaire du Comité et qu'il s'agit d'une question de droit. Le plaidoyer de culpabilité emporte en soi un aveu que l'accusé a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans autre forme de procès(Nos soulignements)

 

[23]    Cela étant établi, il convient maintenant de déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimé ;

 

4.2      Les critères en matière de sanction

 

[24]    Dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], la Cour d’appel précise les objectifs visés par la sanction disciplinaire :

[37]    La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier.   Chaque cas est un cas d'espèce.

[38]    La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants:  au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), 1998 QCTP 1687 (CanLII)[1998] D.D.O.P. 311Dr J. C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al1995 CanLII 5215 (QC CA)[1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns1994 CanLII 127 (CSC)[1994] 1 R.C.S. 656).

[39]    Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier.   Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, …   Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement.   La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire. (Nos soulignements)

 

[25]    Dans le même ordre d’idées, la Cour d’appel, dans l’affaire Pigeon c. Proprio Direct inc. [6], rappelle l’importance de la justice par les pairs :

[27]    Quant à l'expertise du Comité de discipline, comme le souligne mon collègue le juge Chamberland dans l'arrêt François Pigeon c. Stéphane Daigneault, précité, elle ne fait pas de doute. En effet, le Comité est composé, majoritairement, de gens du milieu du courtage immobilier (art. 131 de la Loi) qui connaissent intimement ce secteur d'activités économiques. Le législateur a donc voulu une justice par des pairs, conscient qu'en matière de déontologie les normes de comportement attendues sont généralement mieux définies par des personnes qui oeuvrent dans le secteur et qui peuvent mesurer à la fois les intérêts du public et les contraintes d'un secteur économique donné (Pearlman c. Manitoba Law Society1991 CanLII 26 (CSC)[1991] 2 R.C.S. 869). Par contre, le juge oeuvrant à la chambre civile de la Cour du Québec se voit conférer compétence dans des domaines très variés; il ne saurait prétendre posséder une expertise particulière en matière de discipline professionnelle et, encore moins, en matière de courtage immobilier. Ce deuxième facteur milite encore une fois en faveur d'un degré de retenue quant à l'interprétation des normes de conduite propres au courtier et l'imposition des sanctions appropriées.

[28]     En ce qui concerne l'objet de la Loi, l'article 66 précise que la principale mission de l'Association consiste à «assurer la protection du public par l'application des règles de déontologie et l'inspection professionnelle de ses membres». À cet effet, l'Association doit constituer un comité de discipline (art. 108 de la Loi). Clairement, le législateur a voulu d'abord et avant tout confier la protection du public à l'Association agissant, notamment, par le syndic et le Comité de discipline.

 

4.3      Les facteurs à considérer

 

[26]    Suivant la Cour d’appel[7], « en matière de discipline professionnelle, l’objectif primordial dans l’attribution d’une sanction est celui de la protection du public »[8] ;

[27]    Sur cette question, il convient également de se référer à l’arrêt Marston c. A.M.F. [9] , dans lequel la Cour d’appel faisait état de l’importance de certains critères :

[67]    Dans un article intitulé La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, Me Pierre Bernard rappelle les objectifs visés par la sanction disciplinaire :

Revenons au droit disciplinaire. On a vu jusqu'à présent ce qui semblait être les objectifs que cible la sanction disciplinaire, soit :

-    protéger le public;

-    dissuader le professionnel de recommencer;

-    décourager les autres d'agir de la même façon.

Ce sont là ce qu'on voit comme étant mentionné le plus souvent, mais on a pu voir qu'on attribue également d'autres objectifs à la sanction. À l'occasion on mentionne aussi d'autres objectifs qui sont :

-    maintenir le bon renom de la profession;

-     écarter quelqu'un qui serait incapable de bien servir l'intérêt public;

-     préserver la confiance du public;

-     punir;

-     ou encore réhabiliter le professionnel.

[68]    Plus loin, l'auteur ajoute :

En ce sens, un comité de discipline a amorcé une réflexion qui peut s'avérer intéressante pour nous. En effet, dans Avocats (Corp. professionnelle des) c. Schneiberg le comité de discipline disait :

Les facteurs subjectifs doivent être utilisés avec soin. On ne doit pas leur accorder une importance telle qu'ils prévalent sur la gravité objective de l'infraction puisqu'ils portent sur la personnalité de l'intimé alors que la gravité objective porte sur l'exercice de la profession.

L'auteur MacKenzie dont on a parlé plus haut, citant une cause de la Cour d'appel d'Angleterre portant sur une affaire disciplinaire, faisait la même analyse :

The court of appeal held that because the main purpose of imposing penalty in discipline cases is not punishment, but rather the maintenance of public confidence in the profession, mitigating circumstances are entitled to less weight than they would be in a criminal case.

(...)

Pour parvenir à une décision sur la sanction, avant donc de l'individualiser en lui appliquant les facteurs, il faut considérer :

-    la finalité du droit disciplinaire, c'est-à-dire la protection du public. Cette protection est en relation avec la nature de la profession, sa finalité et avec la gravité de l'infraction;

-     l'atteinte à l'intégrité et à la dignité de la profession;

-     la dissuasion qui vise autant un individu que l'ensemble de la profession;

-     l'exemplarité.

Cet exercice est donc antérieur à l'individualisation.

Cette nécessité de s'intéresser d'abord à l'infraction comme telle et ensuite seulement à la personnalité du professionnel trouve un appui important dans les commentaires que faisait Me Mario Goulet, qui disait ceci dans son volume au sujet des critères subjectifs :

Dans un domaine du droit administratif qui vise à protéger le public et non à punir, la gravité objective d'une faute donnée ne devrait jamais être subsumée au profit de circonstances atténuantes relevant davantage de la personnalité du praticien que de l'exercice de sa profession.[29]

[69]    L'AMF a imposé une sanction que la juge de première instance qualifie de sévère, mais l'appelant ne me convainc pas qu'elle est déraisonnable. L'absence de conséquences fâcheuses pour les investisseurs et le caractère isolé de sa faute ne constituent pas des éléments suffisants pour occulter la gravité objective de la faute de l'appelant, son impact sur l'intégrité et la dignité de sa discipline, sur le caractère dissuasif associé à une sanction disciplinaire et son effet sur la protection du public. (Nos soulignements)

 

[28]    C’est à la lumière de ces principes que le Comité déterminera la sanction appropriée au cas de l’intimé ;

 

4.4      Facteurs objectifs et subjectifs

 

[29]    Le jugement rendu par le Tribunal des professions dans l’affaire Brochu c. Médecins[10] résume les critères objectifs et subjectifs dont le Comité de discipline doit tenir compte :

[25]    On reconnaît quatre critères objectifs:  entre autres, la nature de l'infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, le degré de préméditation et la relation de l'infraction avec l'exercice de la profession (Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, 2000, pp. 147 ss., Me Patrick de Niverville).

[45]    Les critères subjectifs concernent évidemment la personne du professionnel.  Sur ce point, la jurisprudence fait référence aux critères suivants: la présence ou l'absence d'antécédents disciplinaires ; l'âge, l'expérience et la réputation du professionnel ; le risque de récidive ; la dissuasion, le repentir et les chances de réhabilitation du professionnel ; sa situation financière; les conséquences pour le client (Sylvie Poirier, La discipline professionnel au Québec, Éd. Blais, 1998, pp. 172-173 ; Patrick de Niverville, La sentence en matière disciplinaire, pp. 149-171).

[57]    Au cours des années, le Tribunal des professions a identifié d'autres critères qui doivent être pris en considération au moment de l'imposition d'une sanction.  Me de Niverville, dans son étude Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, (2000 pp. 174 ss.), en identifie quatre:  l'autorité des précédents, la parité des sanctions, la globalité des peines et l'exemplarité positive.  Selon l'appelant, le Comité n'en a pas tenu compte. (Nos soulignements)

 

[30]    Cela dit, le Tribunal des professions conclut comme suit :

[69]    Il faut rappeler que le rôle du Comité ne consiste pas à sanctionner seulement un comportement mais à imposer une sanction à un professionnel qui a eu un comportement fautif.  L'attention se porte aussi sur l'individu en fonction du geste qu'il a posé et du type de personne qu'il est.  La nature, la gravité et les circonstances de l'infraction constituent des éléments essentiels, tout comme le sont les éléments propres à la personnalité du professionnel, lorsqu'il s'agit de déterminer la sanction appropriée.  À cet égard, il faut chercher à réaliser un savant dosage entre les facteurs aggravants et les facteurs atténuants.  Le Comité doit pondérer l'ensemble des facteurs atténuants et aggravants, tant objectifs que subjectifs, afin de déterminer la sanction juste, raisonnable et appropriée au cas du professionnel devant lui. (Nos soulignements)

 

4.4.1 Les facteurs objectifs

 

A)        La nature de l’infraction

 

[31]    La gravité objective des infractions commises par l’intimé ne fait aucun doute ;

[32]    Il s’agit d’infractions qui se situent au plus haut niveau des échelons puisqu’elles constituent des infractions d’appropriation ;

[33]    Cela dit, ce type d’infractions commande l’imposition d’une sanction particulièrement importante pour, d’une part, refléter la gravité objective de celles-ci et, d’autre part, assurer la protection du public ;

 

B)   Les circonstances de l’infraction

 

[34]    Le degré de préméditation entourant la commission des infractions constitue un facteur nettement défavorable à l’intimé ;

[35]    En effet, la preuve comporte de nombreux éléments permettant de conclure à un haut degré de préméditation de l’intimé puisqu’il a mis en place un stratagème lui permettant de soutirer, à 120 reprises, divers remboursements auxquels il n’avait pas droit ;

 

C)   Le lien avec l’exercice de la profession

 

[36]     Les infractions commises par l’intimé sont directement liées à l’exercice de sa profession de courtier en assurance, ajoutant ainsi un facteur aggravant à son dossier ;

[37]    En l’espèce, l’intimé a utilisé ses connaissances dans le domaine des assurances pour commettre ses infractions, ce qui ajoute à la gravité de ses actes ;

 

4.4.2 Les facteurs subjectifs

[38]    Les critères subjectifs concernent la personne du professionnel et, dans le cas de l’intimé, ceux-ci sont de plusieurs ordres ;

 

A) Absence d’antécédents disciplinaires

 

[39]    À notre avis, le seul facteur atténuant en faveur de l’intimé est l’absence d’antécédents disciplinaires ;

[40]    Quant à son plaidoyer de culpabilité, celui-ci, de l’avis du Comité, constitue un facteur neutre dans le cas de l’intimé, pour les motifs suivants ;

[41]    L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité est habituellement précédé d’une prise de conscience de la gravité des actes commis, suivi d’une volonté d’amender son comportement afin d’éviter la répétition de tels actes ;

[42]    Dans le cas de l’intimé, en l’absence de son témoignage, le Comité n’a pas été en mesure de constater une véritable prise de conscience et, encore moins, une volonté d’amender son comportement pour l’avenir ;

 

4.4.3 Autres facteurs

A)        L’autorité des précédents

 

[43]    Tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’arrêt Courchesne c. Castiglia[11], l’analyse des précédents en semblables matières est un exercice périlleux puisque chaque cas est un cas d’espèce :

[83]        L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction.   Le reproche est mal fondé.   La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.   L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.   Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre.   En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. (Nos soulignements)

 

[44]    D’ailleurs, la Cour suprême, dans l’affaire Lacasse[12], rappelait que les fourchettes de peine ne sont pas des carcans et que les tribunaux de première instance jouissent d’une large discrétion au moment d’imposer la peine la plus appropriée au cas de l’accusé :

[57]  (…) Toutefois, ces fourchettes ne devraient pas être considérées comme des « moyennes », encore moins comme des carcans, mais plutôt comme des portraits historiques à l’usage des juges chargés de déterminer les peines. Ces derniers demeurent tenus d’exercer leur pouvoir discrétionnaire dans chaque espèce.

[58]   (…) La détermination d’une peine juste et appropriée est une opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique. (…) Encore une fois, tout dépend de la gravité de l’infraction, du degré de responsabilité du délinquant et des circonstances particulières de chaque cas.

[60]   Autrement dit, les fourchettes de peines demeurent d’abord et avant tout des lignes directrices et elles ne constituent pas des règles absolues : Nasogaluak, par. 44. En conséquence, une dérogation à une fourchette de peines n’est pas synonyme d’erreur de droit ou de principe (…).

[67]  Tout comme la fourchette elle-même, les catégories qui la composent sont des outils visant en partie à favoriser l’harmonisation des peines. Cependant, une dérogation à une telle fourchette ou catégorie ne constitue pas une erreur de principe et ne saurait à elle seule justifier d’office l’intervention d’une cour d’appel, à moins que la peine infligée ne s’écarte nettement et sans motif de celles prévues. En effet, en l’absence d’une erreur de principe, une cour d’appel ne peut modifier une peine que si celle-ci est manifestement non indiquée.

[69]   J’estime pour ma part que c’est à tort que la Cour d’appel a appliqué de manière stricte la fourchette de peines. En affirmant que la peine aurait dû se situer non pas dans la gamme inférieure des peines de la troisième catégorie, mais plutôt dans la deuxième catégorie, la Cour d’appel a substitué son appréciation à celle du juge de première instance, sans avoir déterminé pour autant que la peine en cause était manifestement non indiquée. Ce faisant, elle a eu tort d’appliquer le mécanisme des fourchettes de peines comme s’il s’agissait d’un carcan. Les fourchettes de peines doivent demeurer, en tout état de cause, qu’un outil parmi d’autres destinés à faciliter la tâche des juges d’instance. (Nos soulignements)

 

[45]    Cela dit, le Tribunal des professions a reconnu à plusieurs reprises qu’un comité n’est pas lié par les précédents jurisprudentiels et qu’il bénéficie d’une large discrétion pour imposer la sanction appropriée ;

[46]    Il en est ainsi dans Laurion c. Médecins[13], dans laquelle le Tribunal des professions écrit :

[14]    Un conseil de discipline est une instance spécialisée, formée en partie de pairs bien placés pour évaluer la sanction qui doit être imposée à un membre de leur profession.  Il jouit d’une large discrétion et sa décision sur sanction doit faire l’objet de déférence.  Règle générale, la retenue de l’instance d’appel s’impose.

[24]    D’ailleurs, pour des infractions de même nature, la jurisprudence varie de la simple réprimande, parfois assortie d’amende, jusqu’à une radiation provisoire de deux ans.  Il n’existe pas de sanction uniforme pour une infraction donnée.  Une sanction doit être individualisée en fonction de la personnalité du professionnel et des circonstances particulières du dossier.

[25]    Le principe d’individualisation de la sanction entraîne nécessairement un certain degré de disparité dans les sanctions infligées.  L’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes peut favoriser un écart important dans la détermination d’une sanction.  Quoiqu’il en soit, même si les précédents judiciaires doivent être considérés, la jurisprudence ne peut demeurer statique. (Nos soulignements)

 

[47]    Cela étant dit, le cas de l’intimé est un cas d’espèce, nécessitant l’imposition d’une sanction individualisée, pour lequel il n’existe pas de précédents ;

 

B)   La gradation des sanctions

 

[48]    Un autre principe en matière de sanction consiste à imposer une sanction minimale pour une première infraction, il s’agit du principe de la gradation des sanctions[14] ;

[49]    Par contre, la jurisprudence reconnaît certaines exceptions qui permettent d’imposer une sentence maximale même pour une première infraction ;

[50]    La Cour suprême, dans l’affaire Cartaway Resources Corp.[15], rappelait l’importance d’imposer une peine exemplaire et dissuasive même en présence d’une première infraction : 

60. À mon avis, rien dans la compétence relative à l’intérêt public de la Commission que notre Cour a examinée dans Asbestos, précité, ne l’empêche de tenir compte de la dissuasion générale lorsqu’elle prononce une ordonnance. Au contraire, il est raisonnable de considérer qu’il s’agit d’un facteur pertinent, voire nécessaire, dans l’établissement d’ordonnances de nature à la fois protectrice et préventive. La juge Ryan l’a d’ailleurs reconnu dans sa dissidence : [traduction] « La notion de dissuasion générale n’est ni punitive ni réparatrice. Une pénalité qui se veut généralement dissuasive est celle qui vise à décourager ou à empêcher les autres de se livrer à de tels comportements » (par. 125).

61.  Le Nouveau Petit Robert (2003) définit ainsi le mot « préventif » : « [q]ui tend à empêcher (une chose fâcheuse) de se produire ». Une pénalité qui se veut généralement dissuasive est celle qui vise à empêcher une chose de survenir; elle décourage les autres de se livrer à des actes fautifs semblables. En un mot, une mesure de dissuasion générale constitue une mesure préventive. On peut donc raisonnablement reconnaître la dissuasion générale comme un facteur pertinent, parmi d’autres, dans l’infliction d’une peine sous le régime de l’art. 162. L’importance respective du facteur de la dissuasion générale variera selon l’infraction à la Loi et la situation de la personne accusée de l’avoir commise. (Nos soulignements)

 

[51]    Le Comité est d’avis, dans les circonstances, que seule une radiation permanente pourra atteindre l’objectif d’exemplarité et de dissuasion générale nécessaire pour assurer la protection du public et empêcher que d’autres représentants soient portés à commettre des infractions semblables ;

[52]    Ainsi, même si la sanction ne doit pas viser la punition du professionnel, il n’en demeure pas moins qu’elle peut être exemplaire et dissuasive, tel que le rappelait le Tribunal des professions dans l’affaire Lambert[16] :

«Il est acquis qu’une sanction disciplinaire n’a pas à être punitive mais qu’elle peut être exemplaire et dissuasive (...)»[17]

 

[53]    La Cour d’appel exprimait une opinion semblable dans l’affaire Pigeon c. Daigneault[18] :

[38] La sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef, la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession (...); (Nos soulignements)

 

[54]     Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité estime que seule une radiation permanente saura remplir cet objectif d’exemplarité;

[55]    De plus, la Cour d’appel reconnaissait, dans l’arrêt Paquette[19], que le principe de la gradation des sanctions doit céder le pas lorsque la protection du public est en jeu :

[4]    Le Comité de discipline, à nouveau saisi de la question, a déclaré l'appelant coupable des actes reprochés le 22 septembre 1987, et le 6 janvier 1988 a prononcé contre lui une sentence de radiation de deux mois. Cette décision, portée en appel par les deux parties, fut confirmée le 10 août 1989 par le Tribunal des professions, mais qui substitua une radiation permanente à la radiation temporaire.

[25]    Il est vrai que l'appelant, malgré ces interventions, n'a jamais été suspendu. Toutefois, la gradation des sanctions, qui constitue l'un des critères d'évaluation de la justesse d'une sanction disciplinaire, ne peut être préférée, en l'espèce, à la protection de la santé publique. En effet, l'appelant a clairement manifesté, depuis 1972, une croyance inflexible en une thérapie à risque, dont la valeur thérapeutique est totalement niée par la Corporation professionnelle. D'ailleurs, l'appelant a fait tenir aux juges de la formation, pendant le délibéré, un ouvrage « La médecine de l'espoir », dont il est l'auteur, et qui expose sa profonde conviction dans l'application de la thérapie donatienne. (Nos soulignements)

 

[56]    Ce principe fut d’ailleurs réitéré par la Cour d’appel, en 2015, dans l’affaire Mailloux[20] ;

[57]    En conséquence, malgré le fait qu’il s’agit d’une première infraction, le Comité considère que seule une radiation permanente pourra assurer la protection du public ;

 

C)   L’image de la profession

 

[58]    De plus, il y a lieu d’insister que l’intimé, par ses faits et gestes, a gravement nui à l’image et à la réputation de l’ensemble de la profession ;

[59]    À cet égard, le Comité fait sienne l’opinion émise par le Tribunal des professions dans l’affaire Starks c. Dentistes[21] :

[20]    Le Comité appuie sa décision sur sanction sur le sérieux de l'infraction qui ternit l'image de la profession auprès du public et l'existence d'un antécédent disciplinaire de l'appelant relatif à un acte de même nature et pour lequel il s'était vu imposer une amende.

[] 

[22]    Le Tribunal ne peut considérer cette sentence déraisonnable en l'espèce vu la gravité de l'infraction, l'antécédent connu, même s'il n'est pas contemporain, et l'effet négatif de l'acte posé par un professionnel sur l'image de sa profession auprès du public. (Nos soulignements)

 

[60]    Dans les circonstances, il s’agit d’un autre motif justifiant l’imposition d’une sanction exemplaire et dissuasive vu la gravité des actes posés par l’intimé ;

 

4.5      Le droit de gagner sa vie

 

[61]    Le Comité se doit de préciser que le « droit du professionnel d’exercer sa profession » ne doit pas se faire au détriment de la protection du public ;

[62]    D’ailleurs, la Cour d’appel, dans l’arrêt Mailloux c. Deschênes[22], déclarait :

[145]    En matière de discipline professionnelle, l’objectif primordial dans l’attribution d’une sanction est celui de la protection du public. Par ailleurs, en vertu du paragraphe g) du premier alinéa de l’article 156 du Code des professions, la limitation ou la suspension du droit d’exercer des activités professionnelles constitue une des sanctions que peut imposer un conseil de discipline au même titre que la radiation temporaire ou permanente ou l’imposition d’une amende. Devant le Conseil de discipline, l’intimé a admis que la sanction demandée relativement à la limitation de prescrire des neuroleptiques ne se retrouvait pas dans la jurisprudence antérieure du Conseil de discipline du Collège des médecins. (Nos soulignements)

 

[63]    De la même façon, la Cour d’appel, dans l’arrêt Comité exécutif de l’Ordre des ingénieurs c. Roy[23], précisait les limites de ce droit comme suit :

[40]    On évoque parfois dans ce contexte le « droit de gagner sa vie ».  À mon sens, les deux notions se recoupent mais ne se confondent pas.  A priori, le « droit de gagner sa vie » signifie simplement le droit de tout citoyen de se livrer à une activité économique licite, dans une profession ou autrement, pour en tirer un gain matériel. Le droit d’exercer une profession réglementée comporte comme exigence préalable et additionnelle, en général sinon dans tous les cas, le fait pour l’intéressé de satisfaire à certaines conditions précises d’appartenance à un corps professionnel. Possède le « droit de gagner sa vie » en exerçant telle ou telle profession celui qui remplit ces conditions. Cela explique qu’on a pu écrire il y a déjà longtemps :

… celui qui fait seulement exercer le droit de se livrer à toute activité non défendue n’a pas un droit acquis à la continuation de cette activité. C’est pourquoi, dans toutes les lois où l’on crée de nouvelles professions fermées ou de nouvelles activités assujetties à un permis, il est nécessaire, si l’on veut respecter les droits acquis selon la notion populaire, par opposition à la notion juridique, de conférer le droit acquis par la loi, parce que, autrement, il n’y en a pas.

Cela explique aussi que, plus récemment, les tentatives de subsumer le « droit d’exercer une profession » sous certains droits généraux et constitutionnellement protégés se soient heurtées à la résistance de la jurisprudence. Ainsi, dans l’arrêt Atalla c. Québec (Procureur général), le juge Nuss écrivait:

Contrairement à ce qu’avance l’appelant, la jurisprudence rejette une interprétation de liberté absolue et inconditionnelle à l’exercice d’une profession. Les droits visés à l’article 7 [de la Charte canadienne des droits et libertés] ne peuvent s’étendre au droit d’exercer la profession de son choix sans aucune contrainte.

Le même raisonnement vaut pour diverses dispositions de la CDLP et tout indique que cette façon de voir les choses a reçu l’aval de la Cour suprême du Canada.

[41]    En principe, une personne qui se conforme à toutes les conditions prévues par la loi – par exemple, celles énoncées par l’article 46 du Code et que la loi fixe pour l’inscription au tableau d’un ordre professionnel – pourra saisir le tribunal pour obtenir la sanction du droit que lui accorde la loi – par exemple, celui d’être inscrit au tableau. Mais encore faut-il que toutes ces conditions soient remplies et lorsque l’une des conditions en jeu concerne la compétence de l’intéressé, le jugement que porte l’ordre professionnel sur sa conformité initiale ou ultérieure avec cette condition (c’est-à-dire le jugement des pairs de l’intéressé) a nécessairement beaucoup de poids.

[42]    Replacé dans cette perspective, le droit que l’intimé peut invoquer ici est d’une portée plus restreinte. Il ne s’agit pas, en fin de compte, d’un quelconque droit substantiel d’exercer la profession d’ingénieur, mais plutôt d’un « droit à l’application régulière de la loi » (par analogie par exemple à l’affaire Sam Lévy & Associés inc. c. Mayrand) en tant que membre d’un ordre professionnel. Et une chose est sûre : personne ne peut revendiquer le droit de mal exercer, ou d’exercer de façon incompétente, une activité professionnelle régie par le Code. La protection du public dont sont garants les ordres professionnels s’y oppose. (Nos soulignements)

 

[64]    Plus récemment, la Cour suprême, dans l’arrêt Green[24], précisait que ce droit est sujet aux restrictions imposées au professionnel, par la loi et la réglementation :

[49]    Monsieur Green soutient également que les règles contestées qui exposent un avocat à une suspension sont déraisonnables parce que son [traduction] « droit issu de la common law » d’exercer la profession d’avocat ne peut lui être enlevé en l’absence d’un texte législatif clair. Cet argument ne me convainc pas. Le droit d’exercer la profession d’avocat n’est ni issu de la common law ni un droit de propriété, mais plutôt un droit conféré par la loi qui est tributaire des principes énoncés dans la Loi et des Règles adoptées par le Barreau. Comme la Cour l’a déjà conclu, « la Société du Barreau a les pleins pouvoirs pour déterminer les personnes qui peuvent exercer le droit dans la province, les conditions ou exigences qui leur sont imposées et, ce qui est peut‑être le plus important, les moyens de faire respecter ces conditions ou exigences » : Pearlman, p. 886. Le Barreau n’a pas porté atteinte aux droits de l’appelant. Il fait seulement ce que la loi exige qu’il fasse, soit réglementer la formation des avocats dans l’intérêt public. (Nos soulignements)

[65]    En résumé, le droit de tout individu d’exercer sa profession doit céder le pas devant la protection du public ;

4.6      Le caractère punitif de la sanction

 

[66]    À prime abord, l’imposition d’une radiation permanente pour une première infraction semble conférer à cette sanction disciplinaire un caractère punitif ;

[67]    Par contre, toute sanction a nécessairement un caractère punitif, tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’affaire Normandin[25] :

[18]    Cette décision et d'autres, au même effet, ne peuvent être interprétées comme signifiant que la sanction, en droit disciplinaire, doit être vidée de tout caractère punitif. Autrement dit, quoique son premier objectif soit la protection du public, une sanction disciplinaire a nécessairement, au moins de façon incidente, un caractère punitif. Ce volet punitif peut d'ailleurs être, dans un cas exceptionnel, la seule façon de protéger le public(Nos soulignements)

 

[68]    C’est ainsi que la Cour d’appel écrivait, dans l’arrêt Da Costa[26], écrivait :

[63]    L’argument est fondé sur l’idée que les amendes imposées ont un effet punitif. Or, l’intimé n’est pas « pénalisé pour avoir tenté de se défendre », pour la raison que l’amende ne vise pas à le pénaliser ou à le punir. Il faut se pencher sur l’objet et non sur l’effet de la loi. C’est que la Cour suprême a dit dans Brosseau. La loi peut certes avoir un effet punitif, mais celui-ci n’est qu’accessoire. Le régime disciplinaire peut et même doit être d’application immédiate, car il vise la protection du public. (Nos soulignements)

 

4.7      Une sanction par infraction

[69]    La plainte reproche à l’intimé deux (2) infractions distinctes, identifiées comme suit :

      Appropriation (chef 1) ;

      Entrave (chef 2) ;

[70]    Par contre, puisqu’il s’agit de deux (2) infractions distinctes, chacune d’entre elles devra faire l’objet d’une sanction distincte[27] ;

 

4.9    Conclusions

[71]    En conséquence, l’intimé se verra imposer pour chacune des infractions les sanctions suivantes :

      Appropriation : une radiation permanente

      Entrave: une suspension de 30 jours

[72]    Le Comité impose ces sanctions en tenant compte des facteurs suivants :

      La gravité des infractions ;

      La protection du public ;

      Le préjudice subi par l’assureur et l’employeur de l’intimé ;

      Le caractère prémédité des actes ;

      Le lien direct des infractions avec l’exercice de la profession ;

      Le risque de récidive ;

      L’atteinte à l’image de la profession et les effets néfastes des gestes posés par l’intimé sur l’ensemble des membres de la profession, à court et moyen terme ;

[73]    Enfin, un avis de la présente décision fera l’objet d’une publication dans un journal local ;

[74]    De plus, tous les frais de l’instance seront à la charge de l’intimé, incluant les frais de publication de l’avis de radiation.

 


PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ;

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées, plus particulièrement comme suit :

Chef 1:        pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

Chef 2 :       pour avoir contrevenu à l’article 35 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 :       une radiation permanente

Chef 2 :       une période de radiation temporaire de 30 jours

DÉCLARE que les périodes de radiation devront être purgées de façon concurrente ;

ORDONNE la publication d’un avis de radiation permanente dès la signification de la présente décision à l’intimé ;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de radiation permanente.

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

M. Serge Meloche, courtier en assurance de dommages

Membre

Me Marie-Josée Belhumeur

Partie plaignante

 


 

M. Mahamed Al Gass Dabo (absent et non représenté)

Partie intimée

 

Date d’audience : 5 décembre 2019

 

 

 



[1]    Tribunal – Avocats – 5, [1987] D.D.C.P. 251;

[2]    Pivin c. Inhalothérapeutes2002 QCTP 32 (CanLII);

     Lemire c. Médecins2004 QCTP 59 (CanLII);

     Mercier c. Médecins2014 QCTP 12 (CanLII);

[5]     2003 CanLII 32934 (QC CA);

[6]     2003 CanLII 45825 (QC CA);

[7]     Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619 (CanLII);

[8]     Ibid., par. 145;

[9]     2009 QCCA 2178 (CanLII);

[10]    2002 QCTP 2 (CanLII);

[11]   2009 QCCA 2303 (CanLII);

[12]   R. c. Lacasse, 2015 CSC 64 (CanLII);

[13]   2015 QCTP 59 (CanLII);

[14]   St-Laurent c. ACAIQ, 2001 CanLII 21978 (QC CQ);

[15]   2004 CSC 26 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 672;

[16]    Lambert c. Infirmières et infirmiers, 1997 CanLII 17405 (QC TP);

[17]   Ibid., p. 27;

[18]   Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

[19]   Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec,

     1995 CanLII 5215 (QC CA);

[20]   Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619 (CanLII), par. 145;

[21]   2002 QCTP 37 (CanLII) ; voir également Bélanger c. Infirmières et infirmiers, 2010 QCTP 78 (CanLII), par. 64 à 75;

[22]   2015 QCCA 1619 (CanLII) ;

[23]   2011 QCCA 1707 (CanLII) ;

[24]   Green c. Société du Barreau du Manitoba, 2017 CSC 20 (CanLII) ;

[25]      Normandin c. Orthophonistes et audiologistes, 2002 QCTP 20 (CanLII);

[26]      Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII);

[27]      Pigeon c. Proprio Direct inc., 2003 CanLII 45825 (QC CA);

     Pigeon c. Paiement, 2008 QCCQ 7494, conf. en appel, 2010 QCCA 961 (CanLII);

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