Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

No:

2018-09-01(A)

 

 

 

DATE :

24 février 2020

 

 

 

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Président-suppléant

Mme Diane D. Martz, agente en assurance de dommages

Membre

 

 

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

 

 

VALÉRIE BOISVERT (3B), inactive et sans mode d’exercice comme agent en assurance de dommages des particuliers

 

Partie intimée

 

 

 

 

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

 

[1]       Le 12 décembre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2018-09-01(A) ;

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Sylvie Poirier et, de son côté, l’intimée Boisvert a été dûment convoquée pour l’audition sur sanction mais elle était absente et non représentée ;

[3]       Lors de l’audience sur sanction, Mme Céline Lachance membre du comité était absente. La présente décision est donc rendue par les deux membres du Comité restants, et ce, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, (L.R.Q., c.D-9.2);

[4]       Le 31 juillet 2019, l’intimée Boisvert a été déclarée coupable[1], principalement d’avoir exercé ses activités professionnelles d’une façon négligente et insouciante en contrevenant à plusieurs dispositions énoncées au Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c.D-9.2, r.5) et dans la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c.D-9.2);

[5]       Dans ces circonstances, la partie poursuivante a été autorisée à procéder par défaut, le tout conformément au 2e alinéa de l’article 144 du Code des professions ;

 

I.  Représentations sur sanction

 

[6]       D’entrée de jeu, Me Poirier a précisé qu’elle n’avait aucune preuve supplémentaire à soumettre dans le cadre de l’audition sur sanction;

[7]       Elle a suggéré au Comité l’imposition des sanctions suivantes à l’intimée Boisvert :

     Chefs 1, 4 et 7 :    Des radiations temporaires de 6 mois purgées d’une façon concurrente;

 

     Chefs 2, 6 et 8 :    Une amende de 3 000 $ sous chaque chef, ce qui totalise 9 000$;

 

 

     Chef 9 :                Une amende de 2 000 $;

 

 

     Chef 10 :              Une amende de 2 000 $;

 

 

     Chef 11 :              Une amende de 3 500$;

 

 

     Chef 12 :              Une réprimande;

 

 

     Chef 13 :              Une radiation temporaire de 30 jours, concurrente aux autres périodes de                             radiation temporaire imposées sous les autres chefs;

 

     Chef 14 :              Une radiation temporaire de 3 mois consécutive aux autres périodes de                               radiation temporaire imposées sous les autres chefs;

 

[8]       En résumé, la partie plaignante a suggéré l’imposition d’amendes totalisant 16 500$, des radiations temporaires d’une durée totale de 9 mois et une réprimande;

[9]       Me Poirier a également demandé au Comité d’émettre une ordonnance de publication d’un avis de la décision du Comité qui impose les radiations temporaires, une condamnation au paiement des frais inhérents à l’instance et au paiement des frais de publication;

[10]    À cette fin, l’avocate du syndic a suggéré au Comité de considérer les facteurs aggravants suivants :

 

      La multitude d’infractions commises par l’intimée auprès de plusieurs clients pendant une période de plusieurs mois;

 

      Toutes les infractions commises par l’intimée, sont au cœur de l’exercice de la profession de courtier;

 

      La gravité objective des infractions qui ont compromis sérieusement la protection du public;

 

      L’intimée a manqué d’une façon flagrante à ses devoirs professionnels les plus élémentaires ;

 

      Elle a exercé ses activités professionnelles d’une façon négligente et insouciante;

 

      L’intimée exerçait sa profession depuis plusieurs années ;

 

      Elle a manifesté une absence de considération et une indifférence à l’égard du processus disciplinaire mis en place par le Législateur pour assurer l’encadrement de la profession et la protection du public;

 

      Aucune reconnaissance de ses fautes professionnelles;

 

      Une absence d’excuses et de repentir de la parte de l’intimée;

 

      Un risque de récidive élevé, si l’intimée reprend l’exercice de la profession de courtier;

 

      Les sanctions imposées par le Comité doivent être suffisamment sévères pour permettre d’atteindre les objectifs de dissuasion et d’exemplarité.

 

 

[11]    Par ailleurs, Me Poirier a mentionné un seul facteur atténuant, soit l’absence d’antécédents disciplinaires;

[12]    Elle a précisé que les sanctions qui sont suggérées par la partie plaignante s’inscrivent parfaitement dans la fourchette de celles qui sont habituellement imposées dans des cas semblables;

[13]    Afin d’appuyer ses représentations et suggestions au sujet des sanctions, Me Poirier a déposé et commenté les décisions suivantes :

Chefs nos. 1, 4 et 7 :

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur le défaut d’exécuter un mandat confié par des clients et de l’existence de « découverts d’assurances »:

     CHAD c. Verret, 2019 CanLII 47053 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Gauthier, 2013 CanLII 70025 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Roch, 2017 CanLII 30959 (QC CDCHAD);

     CHAD c. André, 2017 CanLII 84808 (QC CDCHAD);;

     CHAD c. Bouffard, 2017 CanLII 33224 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Chantal, 2018 CanLII 78426 (QC CDCHAD);

     CHAD c. César-Mathieu, 2017 CanLII 45019 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Chapleau, 2018 CanLII 103157 (QC CDCHAD);

 

Chefs nos. 2, 6 et 8:

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur le défaut de rendre compte :

     CHAD c. Verret, 2019 CanLII 47053 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Vaval, 2016 CanLII 66957 (QC CDCHAD);

     CHAD c. César-Mathieu, 2017 CanLII 45019 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Jodoin, 2013 CanLII 23443 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Chantal, 2018 CanLII 78426 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Gauthier, 2013 CanLII 70025 (QC CDCHAD);

 

Chef no. 9 :

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur la tenue adéquate de dossiers :

     CHAD c. Roch, 2017 CanLII 30959 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Vaval, 2016 CanLII 66957 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Trépanier, 2018 CanLII 38255 (QC CDCHAD);

 

Chef no. 10 :

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur le défaut de disponibilité envers les clients :

     CHAD c. Forgues, 2019 CanLII 62600 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Fequet, 2019 CanLII 104542 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Gauthier, 2013 CanLII 70025 (QC CDCHAD);

 

Chefs nos.11, 12 et 13 :

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur le défaut d’agir en conseillère consciencieuse :

     CHAD c. Gingras, 2018 CanLII 110961 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Lachapelle-Couturier, 2019 CanLII 12917 (QC CDCHAD);

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur les notes d’information inexactes au dossier des clients :

     CHAD c. Trépanier, 2018 CanLII 38255 (QC CDCHAD);

     CHAD c. César-Mathieu, 2017 CanLII 45019 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Jodoin, 2013 CanLII 23443 (QC CDCHAD);

 

Chef no. 14:

  Au sujet de la fourchette des sanctions portant sur la non collaboration avec le bureau du syndic :

     CHAD c. Mayer, 2019 CanLII 39766 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Gignac, 2014 CanLII 76158 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Charron, 2019 CanLII 40971 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Bogne, 2019 CanLII 70819 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Boudreault, 2008 CanLII 19077 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Lambert, 2014 CanLII 65645 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Vézina, 2014 CanLII 4584 (QC CDCHAD);

     OACIQ c. Riendeau, 2017 CanLII 11683 (QC OACIQ); Riendeau c. Deschamps 2018 QCCQ 5664 (CanLII).

 

 

      II.   Analyse et décision

 

[14]    Tel que l’a établi la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[2] , la sanction doit atteindre les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession;

[15]    Précisons que les infractions commises par l’intimée Boisvert sont sérieuses et elles ne doivent pas être banalisées par le Comité;

[16]    À ce sujet, le Comité aimerait également rappeler aux représentants en assurance de dommages les règles professionnelles suivantes énoncées par Me Patrick de Niverville dans la décision Verret [3] :

[56]   À cet égard, il y a lieu de rappeler que les courtiers en assurance de dommages « sont plus que de simples vendeurs » [21] et qu’ils ne peuvent se contenter de jouer le seul rôle de « remplisseur de formulaires » [22]; 

[57]   Ainsi, le courtier en assurance de dommages est un professionnel reconnu qui est non seulement le mandataire de son client, mais également son conseiller ;

[17]    Le droit d’exercer une profession, n’est pas sans contrainte. Il doit être exercé dans le respect des devoirs et des règles déontologiques[4];

[18]    Les représentants en assurance de dommages doivent se conformer aux devoirs[5] qui leur incombent afin de préserver une bonne image professionnelle auprès du public;

[19]    Par ailleurs, au sujet de l’importance pour un professionnel de collaborer avec le Bureau du syndic, le Comité doit référer au jugement Weigensberg c. Chimistes [6] qui énonce clairement le contenu de cette obligation déontologique, dont le respect par les professionnels est essentiel un fonctionnement efficace du système disciplinaire;

[20]    Une sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir un professionnel, mais vise plutôt à corriger un comportement fautif tout en protégeant le public[7], ce qui est un facteur primordial;

[21]    Ainsi, dans le présent dossier, le Comité a considéré toutes les circonstances tant aggravantes qu’atténuantes afin d’imposer une sanction proportionnelle à la gravité de l'infraction[8] qui n’a pas un caractère punitif;

[22]    Le Comité doit également s'assurer de particulariser la sanction en prenant en compte les caractéristiques de chaque dossier, car chaque cas en est un d’espèce;

[23]    Le Comité a analysé la jurisprudence déposée par la partie plaignante. Les sanctions qui ont été suggérées s’inscrivent correctement dans la fourchette de celles qui sont généralement imposées pour le type de manquements déontologiques reprochés à l’intimée Boisvert;

[24]    Toutefois, il est utile de rappeler que les précédents jurisprudentiels ne sont pas des carcans et ils ne sont pas contraignants. Le Comité peut s’en écarter sans commettre d’erreur[9];

[25]    Dans le présent dossier, le Comité prend en compte le fait que l’intimée Boisvert n’avait pas d’antécédents disciplinaires;

[26]    En ce qui a trait à l’imposition des amendes, le Comité applique le principe de la progression des sanctions;

[27]    Conséquemment, le Comité impose sous les chefs 2, 6, 8, 9 et 10 le montant minimal d’une amende prévu par la Loi.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

IMPOSE à l’intimée Boisvert les sanctions suivantes :

 

Chefs 1, 4 et 7 :       Des radiations temporaires concurrentes de six (6) mois;

 

Chefs 2, 6 et 8 :        Une amende de 2 000 $ sous chaque chef;

 

Chefs 9 et 10 :         Une amende de 2 000 $ sous chaque chef;

 

Chef 11 :       Une amende de 2 500$;

 

Chef 12 :        Une réprimande;

 

Chef 13 :        Une radiation temporaire concurrente de 30 jours;

 

Chef 14 :        Une radiation temporaire de trois (3) mois, consécutive aux radiations temporaires imposées sous les autres chefs;

 

La durée totale des périodes de radiation temporaire est de neuf (9) mois et les amendes totalisent 12 500$.

 

DÉCLARE que les trois (3) périodes de radiation temporaire d’une durée de six (6) mois imposées sous les chefs 1, 4 et 7 devront être servies concurremment;

 

DÉCLARE que la période de radiation de 30 jours imposée sous le chef 13 doit être servie concurremment à celles qui sont imposées sous les chefs 1, 4 et 7;

DÉCLARE que la période de radiation temporaire d’une durée de trois (3) mois imposée sous le chef 14 doit être servie d’une façon consécutive aux autres périodes de radiation imposées sous les autres chefs 1, 4, 7 et 13;

DÉCLARE que lesdites radiations temporaires seront exécutoires à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée Boisvert, le cas échéant;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de la ChAD de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision, conformément à l’article 156 du Code des professions, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée Boisvert;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les frais et déboursés;

ACCORDE à l’intimée Boisvert un délai de quinze (15) mois pour acquitter en versements mensuels égaux et consécutifs le montant total des amendes, soit 12,500$ et tous les frais et déboursés inhérents à la présente instance. Le délai est calculé à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimée Boisvert est en défaut de payer à l’échéance de l’un ou l’autre des versements susdits, elle perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

___________________________________

Me Yves Clermont, avocat

Président-suppléant

 

___________________________________

Mme Diane D. Martz agente en assurance de dommages

Membre

 

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

Madame Valérie Boisvert

Partie intimée (absente et non représentée)

 

Date d’audience : Le 12 décembre 2019

 

 



[1] ChAD c. Boisvert, 2019 CanLII 104031 (QC CDCHAD);

[2] 2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants.

[3] CHAD c. Verret, 2019 CanLII 47053 (QC CHAD); (Les références mentionnées dans la décision ont été omises).

[4] Comité exécutif de l’Ordre des ingénieurs du Québec c. Roy, 2011 QCCA 1707 (CanLII); ChAD c. Robert, 2019 CanLII 120602 (QC CDCHAD), par. 17.

[5] ChAD c. Sevigny, 2019 CanLII 112815 (QC CHAD), par. 20.

[6] 2019 QCTP 90 (CanLII) (Jugement cité dans la décision ChAD c. Robert, 2019 CanLII 120602, par. 15).

[7] Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII); voir également Duplantie c. Notaires, 2003 QCTP 105 (CanLII); Royer c. Rioux, 2004 CanLII, 76507 (QC CQ).

[8] OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ), par. 42 et ss..

[9] Voir notamment ChAD c. Verret, 2019 CanLII 47053 (QC CHAD), par. 42 à 44; Chbeir c. Médecins(Ordre professionnel des), 2017 QCTP 4 (CanLII).

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