Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2018-05-03(C)

 

DATE :

25 FÉVRIER 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Marie-Eve Racine, courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

JOSÉE VINCENT, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET FINANCIERS CONCERNANT L’ASSURÉE MENTIONNÉE DANS LA PLAINTE ET DANS LES PIÈCES DOCUMENTAIRES DÉPOSÉES EN PREUVE, LE TOUT CONFORMÉMENT À L’ART. 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 13 décembre 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2018-05-03(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Sylvie Poirier et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Sonia Paradis ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant cinq (5) chefs d’accusation, soit :

 

1.      À Montréal, le ou vers le 15 février 2017, à titre de représentante ou de gestionnaire du cabinet 9100-4135 Québec inc., a fait défaut de s’assurer que Mme Joannie Kirouac, une personne ni certifiée ni visée par l’article 547 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, respecte les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et celles de ses règlements d’application, en permettant et/ou en tolérant que celle-ci puisse agir directement dans le dossier de l’assurée J. L. comme courtier en assurance de dommages, sans y être autorisée, à l’occasion d’une demande de renseignements en vue de la location ou l’utilisation d’un véhicule automobile lors d’un séjour en Floride, notamment :

a.      en lui fournissant des renseignements et conseils relativement à l’étendue de l’avenant FAQ 27;

b.      en lui confirmant les garanties prévues à son contrat d’assurance automobile émis par Royal & Sun Alliance du Canada sous le no (XXX);

en contravention avec l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2 et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D‑9.2, r.5);

2.      À Montréal, le ou vers le 15 février 2017, à l’occasion d’une demande de renseignements par l’assurée J. L. concernant les garanties à son contrat d’assurance automobile émis par Royal & Sun Alliance du Canada sous le no (XXX), en vue de la location ou l’utilisation d’un véhicule automobile lors d’un séjour en Floride, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en ne donnant pas à l’assurée les renseignements nécessaires ou utiles, en contravention avec les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D‑9.2, r.5);

3.      À Montréal, le ou vers le 31 mars 2017, à titre de représentante ou de gestionnaire du cabinet 9100-4135 Québec inc., a fait défaut de s’assurer que Mme Joannie Kirouac, une personne ni certifiée ni visée par l’article 547 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, respecte les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et celles de ses règlements d’application, en permettant et/ou en tolérant que celle-ci puisse agir directement dans le dossier de l’assurée J. L. comme courtier en assurance de dommages, sans y être autorisée, à l’occasion d’une demande de soumission pour une substitution de véhicule à son contrat d’assurance émis par Royal & Sun Alliance du Canada sous le no (XXX), notamment :

a.      en recueillant de l’assurée les renseignements nécessaires;

b.      en préparant et en acheminant à Groupe Jetté Assurances inc. la demande de soumission pour les garanties requises;

c.      en confirmant la prime à l’assurée,

en contravention avec l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2 et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D‑9.2, r.5);

4.      À Montréal, le ou vers le 31 mars 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Royal & Sun Alliance du Canada sous le no (XXX) visant la substitution d’un véhicule automobile, a fait défaut de recueillir personnellement les renseignements permettant d’identifier les besoins de l’assurée J. L. afin de lui proposer le produit qui lui convient le mieux, en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D‑9.2, r.5);

5.      À Montréal, les ou vers les 21 et 22 septembre 2017, à titre de représentante ou de gestionnaire du cabinet 9100-4135 Québec inc., a fait défaut de s’assurer que Mme Joannie Kirouac, une personne ni certifiée ni visée par l’article 547 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, respecte les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et celles de ses règlements d’application, en permettant et/ou en tolérant que celle-ci puisse agir directement dans le dossier de l’assurée J. L. comme courtier en assurance de dommages, sans y être autorisée, à l’occasion d’une demande de résiliation du contrat d’assurance automobile émis par Royal & Sun Alliance du Canada sous le no (XXX) et du contrat d’assurance habitation émis par Royal & Sun Alliance du Canada sous le no (XXX), notamment :

a.      en renseignant l’assurée sur les formalités requises;

b.      en informant l’assurée du montant des pénalités applicables pour la résiliation des deux contrats;

c.      en obtenant de l’assurée une demande écrite et signée de résiliation pour chacun des deux contrats;

d.      en transmettant à l’assureur une demande de résiliation pour chacun des deux contrats,

en contravention avec l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 2 et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D‑9.2, r.5);

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de la plainte ;

[5]       Le Comité a donc déclaré l’intimée coupable, séance tenante, des cinq (5) chefs d’accusation mentionnés à la plainte ;

[6]       En conséquence, les parties ont procédé à l’audition sur sanction ;

 

II.         Les faits

 

[7]       Les faits à l’origine de la présente plainte sont relativement simples ;

[8]       L’intimée est propriétaire unique d’un petit cabinet qui opère à l’aide d’une seule employée (Joannie Kirouac), une personne qui n’est ni certifiée, ni visée par l’article 547 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (ci-après, « L.D.P.S.F. ») ;

[9]       Or, alors que l’intimée vivait une situation difficile en raison de l’état de santé précaire de sa mère, laquelle fut hospitalisée à différentes reprises et placée dans divers centres d’hébergement, Mme Kirouac, son employée, s’est permise d’outrepasser ses fonctions en s’occupant du dossier de l’assurée J.L. (chefs 1, 3 et 5) ;

[10]    Par la même occasion, l’intimée a manqué à son devoir de conseil (chef 2) et n’a pas recueilli personnellement les renseignements permettant d’identifier les besoins de sa cliente (chef 4) ;

[11]    C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité devra déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimée ;

 

III.        Argumentation

 

A)        Par le syndic

 

[12]    Me Poirier, au nom du syndic, réclame l’imposition des sanctions suivantes :

 

          Chef 1 :                        une amende de 5 000 $

          Chef 2 :                        une réprimande

          Chef 3 :                        une amende de 5 000 $

          Chef 4 :                        une réprimande

          Chef 5 :                        une amende de 5 000 $

[13]    À l’appui de ses prétentions, Me Poirier réfère le Comité aux décisions suivantes :

      CHAD c. Filato, 2013 CanLII 56996 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Lachance, 2017 CanLII 3836 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Sinigagliese, 2016 CanLII 10284 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Beauregard, 2008 CanLII 62039 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Angelone, 2005 CanLII 57462  (QC CDCHAD) – culpabilité ;

      CHAD c. Angelone, 2005 CanLII 63898 (QC CDCHAD) – sanction ;

      CHAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Tran-Ngoc, 2017 CanLII 78645 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Bonin, 2018 CanLII 38257 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Trépanier, 2018 CanLII 38255  (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Lemelin, 20108 CanLII 102709  (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Verreault, 2012 CanLII 20164 (QC CDCHAD) ;

      AMF c. 9111-3258 Québec inc., 2013 QCCQ 13994 ;

      AMF c. Corporation financière MR inc., 2018 QCTMF 71 ;

[14]    Quant aux facteurs aggravants, Me Poirier suggère au Comité de tenir compte des facteurs suivants :

      La gravité objective des infractions ;

      La mise en péril de la protection du public ;

      Le fait que les infractions se situent au cœur même de l’exercice de la profession ;

      L’expérience de l’intimée, laquelle exerce dans le domaine de l’assurance depuis plus de 30 ans ;

      Le caractère répétitif des infractions, même si celles-ci ne concernent qu’une seule cliente ;

      La position de dirigeante de l’intimée ;

[15]    Parmi les facteurs atténuants, l’avocate du syndic identifie les suivants :

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

      Le fait que les infractions reprochées ne concernent le cas que d’une seule assurée ;

      L’absence de préjudice ou de perte pour l’assurée ;

      L’absence d’antécédents disciplinaires ;

[16]    Enfin, Me Poirier tient à souligner que le syndic a considéré le principe de la globalité des sanctions, d’où le fait qu’une simple amende est réclamée par chef, sans égard aux différents paragraphes des chefs 1, 3 et 5 ;

[17]    Cela dit, l’avocate suggère que les frais du dossier soient à la charge de l’intimée ;

 

B)       Par l’intimée

 

[18]    De son côté, Me Paradis demande au Comité de tenir compte de la situation familiale de l’intimée au moment de la commission des infractions ;

[19]    À son avis, les infractions sont le résultat d’une surcharge de travail due à l’hospitalisation de la mère de l’intimée ;

[20]    Cela dit, l’intimée n’a pas agi de mauvaise foi et elle n’a pas transgressé la norme déontologique de façon volontaire et de manière délibérée ;

[21]    Il s’agit d’un malheureux concours de circonstances qui ne risque pas de se reproduire ;

[22]    De plus, l’intimée a pris les moyens pour éviter la répétition des infractions en engageant son mari, lui-même courtier, afin de superviser Mme Kirouac en son absence ;

[23]    Enfin, Me Paradis souligne la bonne collaboration de l’intimée lors de l’enquête du syndic et du processus disciplinaire ;

[24]    Finalement, elle suggère d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

          Chef 1 :                        une amende de 2 500 $

          Chef 2 :                        une réprimande

          Chef 3 :                        une amende de 2 500 $

          Chef 4 :                        une réprimande

          Chef 5 :                        une amende de 2 500 $

[25]    À l’appui de ses prétentions, Me Paradis dépose les décisions suivantes :

      Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII) ;

      CHAD c. Sinigagliese, 2016 CanLII 10284 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Beauregard, 2008 CanLII 62039 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Lanouette et al., 2011 CanLII 73321 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Gouin, 2016 CanLII 53909 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Mercier, 2012 CanLII 18796 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Drouin, 2018 CanLII 72170 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Gagné, 2018 CanLII 38256 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. D’Onofrio, 2018 CanLII 52114 (QC CDCHAD) ;

 

[26]    Pour terminer, elle insiste sur le fait que les sanctions doivent être proportionnelles à la faute commise et qu’elles ne doivent pas viser à simplement punir l’intimée ;

 

IV.       Analyse et décision

 

[27]    De l’avis du Comité, les sanctions suggérées par le Bureau du syndic ne tiennent pas suffisamment compte du caractère isolé des infractions, lesquelles ne concernent qu’une seule cliente ;

[28]    À cela s’ajoute le fait que les infractions sont le résultat de circonstances exceptionnelles et qu’elles ont été commises alors que l’intimée vivait une situation particulièrement difficile en raison de l’état de santé précaire de sa mère ;

[29]    Bref, ces infractions ne risquent pas de se répéter et, d’ailleurs, l’intimée a pris des mesures précisément pour remédier à cette situation ;

[30]    Dans les circonstances, le Comité considère que les sanctions suggérées par la partie plaignante sont punitives, en plus de ne pas être proportionnelles aux fautes commises ;

[31]    Cela dit, le Comité estime que les sanctions suggérées par l’avocate de l’intimée sont plus représentatives de la gravité réelle des infractions et des circonstances particulières dans lesquelles celles-ci furent commises ;

[32]    En conséquence, en prenant appui sur les affaires Thériault[1], Beauregard[2] et Gagné[3], le Comité imposera les sanctions suivantes :

          Chef 1 :                        une amende de 2 500 $

          Chef 2 :                        une réprimande

          Chef 3 :                        une amende de 2 500 $

          Chef 4 :                        une réprimande

          Chef 5 :                        une amende de 2 500 $

[33]    De l’avis du Comité, ces sanctions ont l’avantage de tenir compte des facteurs et principes suivants :

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

      Les circonstances particulières et exceptionnelles dans lesquelles les infractions ont été commises ;

      L’absence de risque de récidive ;

      Le repentir exprimé par l’intimée ;

      Le caractère isolé des infractions ;

      Les mesures mises en place par l’intimée pour remédier à cette situation ;

      La globalité des sanctions ;

      La parité des sanctions ;

      L’individualisation des sanctions ;

      La responsabilité morale de l’intimée ;

[34]    Finalement, le Comité considère que d’imposer des sanctions totalisant 15 000 $ aurait eu pour effet de donner à celles-ci un caractère purement punitif sans tenir compte des circonstances exceptionnelles de l’affaire.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 à 5, plus particulièrement comme suit :

Chef 1a) et b) :      pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

Chef 2 :                   pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

Chef 3a), b) et c) : pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

Chef 4 :                   pour avoir contrevenu à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2)

Chef 5 :                   pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5)

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 5 ;

 

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

 

Chef 1 :                   une amende de 2 500 $

Chef 2 :                   une réprimande

Chef 3 :                   une amende de 2 500 $

Chef 4 :                   une réprimande

Chef 5 :                   une amende de 2 500 $

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-divulgation des renseignements personnels et financiers concernant l’assurée mentionnée dans la plainte et dans les pièces documentaires déposées en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions ;

 

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés du dossier ;

 

ACCORDE à l’intimée un délai de paiement de 12 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, le tout calculé à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

 

____________________________________

Mme Marie-Eve Racine, courtier en assurance de dommages

Membre        

 

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M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Sylvie Poirier

Procureure de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :  13 décembre 2018

 

 

 

 

 

 



[1] CHAD c. Thériault, 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD), voir par. 36 à 38;

[2] CHAD c. Beauregard, 2008 CanLII 62039 (QC CDCHAD), voir par. 17 et 18;

[3] CHAD c. Gagné, 2018 CanLII 38256 (QC CDCHAD), voir par. 23 à 31;

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