Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-02-01 (C)

 

 

DATE :

10 janvier 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Maryse Pelletier, C.d’A.A., courtier en

assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

PASCAL LACHAPELLE-COUTURIER, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

 

[1]       Les 25 et 26 octobre 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre l’intimé.

 

[2]       Me Sylvie Poirier représente le syndic et l’intimé est représenté par Me Philippe Charlebois.

 

 

I.          La plainte

 

 

[3]       À la demande du syndic, le Comité autorise le retrait des chefs 4 et 6. Suite au retrait de ces derniers chefs,  le syndic reproche ce qui suit à l’intimé :

 

« 1. Le ou vers le 30 mai 2016, a agi avec négligence et n’a pas agi en conseiller consciencieux en n’identifiant pas les besoins de M.L. et en ne lui fournissant pas tous les renseignements nécessaires ou utiles quant à l’assurance des biens de son commerce en cours de transport, couverts par le contrat d’assurance des entreprises émis par Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurance sous le no E33513976401, en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D‑9.2) et les articles 9, 37(1), 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

2. Le ou vers le 30 mai 2016 et par la suite, a agi avec négligence en ne donnant pas suite à l’instruction reçue de M.L. de vérifier la possibilité de résilier le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès des Lloyd’s sous le no 1763‑9667, compte tenu que son entreprise avait cessé ses opérations, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

3. Le ou vers le 30 mai 2016 et par la suite, a fait défaut de rendre compte à N.G., assurée additionnelle au contrat d’assurance des entreprises émis par Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurance sous le no E3313976401, de la suppression de la garantie couvrant ses biens, en contravention avec les articles 9, 25, 26, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

4. (…);

5. Le ou vers le 2 juin 2016, a fait une déclaration fausse, trompeuse ou de nature à induire en erreur en affirmant à M.L. que les biens étaient assurés lors du sinistre et de ne pas s’inquiéter, alors que les biens en cours de transport n’étaient pas visés par une garantie au contrat d’assurance des entreprises émis par Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurance sous le no E33513976401, en contravention avec l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

6. (…). »

 

II.         La preuve documentaire

 

[4]       Sauf quant aux pièces P-37 et P-38, les parties conviennent de déposer en preuve de consentement et sans autre formalité les pièces documentaires P-1 à P-48. En défense, les pièces I-01 à I-012 sont également introduites en preuve avec l’accord de la partie plaignante.

 

 

III.        Le contexte

 

 

[5]       L’assurée du cabinet de l’intimé, Mme Lacoste, témoigne. Elle nous relate principalement qu’en 2016, elle est propriétaire d’une entreprise qui exploite un salon de bronzage dans un local commercial loué qui est situé sur le boulevard Laurier à McMasterville sur la Rive-Sud de Montréal.

 

[6]       Or, au mois de mai 2016, Mme Lacoste est évincée du local par le locateur de l’immeuble.

 

[7]       Au lieu de relocaliser son commerce afin de continuer son opération dans un nouvel espace commercial, Mme Lacoste décide de prendre une pause, de suspendre l’exploitation de son commerce et de déménager ses équipements et appareils de bronzage afin de les entreposer.

 

[8]       Afin de procéder au déménagement de ses équipements, elle entend retenir les services d’une entreprise qui verra à désassembler les appareils de bronzage afin qu’ils puissent être transportés et entreposés.

 

[9]       Quant au transport des équipements du local dont elle est évincée jusqu’à l’endroit où ils seront entreposés, elle nous explique au cours de son témoignage qu’elle avait l’intention de louer un camion mais qu’elle ne croyait pas avoir la classe de permis appropriée pour le conduire. Ce n’est qu’au moment de la location du camion qu’elle réalisera qu’elle pourra le conduire jusqu’à destination compte tenu de la dimension et du poids de celui-ci.

 

[10]    Le 30 mai 2016, Mme Lacoste communique avec son cabinet de courtage en assurances de dommages, soit Chapdelaine assurances, pour aviser son courtier de ce qu’elle entend faire et aussi pour obtenir une couverture d’assurance appropriée dans les circonstances.

 

[11]    Le courtier avec qui elle fait affaire habituellement est absent. C’est donc l’intimé qui prend l’appel. Cet appel est enregistré et nous écoutons cet entretien téléphonique séance tenante lors de l’instruction de la plainte.

 

[12]    Voici ce que nous retenons de cette conversation d’une durée d’environ 9 minutes :

 

        L’intimé prend l’appel. Mme Lacoste lui mentionne qu’elle a un salon de bronzage et qu’elle téléphone pour les aviser qu’elle loue un camion pour déménager ses machines et qu’elle a été informé d’aviser son assureur;

 

        L’intimé lui demande qui est l’assurée. Mme Lacoste répond le Salon Sun Palace;

 

        Elle remarque également, puisqu’elle a sorti ses documents d’assurance avant l’appel, que le nombre de lits de bronzage mentionné dans les documents, ne concorde pas avec la réalité;

 

        L’intimé questionne Mme Lacoste et lui dit : « Quand vous dites que vous les déménagez? » Ce à quoi Mme Lacoste répond qu’elle ferme son commerce parce qu’elle s’est fait évincer et qu’elle n’a pas l’intention de se relocaliser pour l’instant;  

 

        L’intimé lui demande à quel endroit elle entend entreposer son équipement et Mme Lacoste lui dit qu’elle loue le lendemain un camion et qu’elle engage des personnes expérimentées qui verront à prendre soin de ses machines pour les sortir. Elle rajoute qu’elle loue un camion 20 pieds et les personnes qu’elle engage vont défaire les machines et les mettre dans le camion et par la suite, qu’elle verra à les transporter dans un garage qui lui appartient;

 

        L’endroit où les biens seront entreposés est situé à St-Césaire sur la route 112;

 

        L’intimé vérifie si la maison à St-Césaire lui appartient et Mme Lacoste lui confirme que oui et qu’elle a un grand garage à cet endroit où elle entrepose des biens;

 

        Aux questions de l’intimé, Mme Lacoste affirme qu’elle est seule à avoir accès au garage et que la maison est un triplex avec un grand garage;

 

        L’intimé affirme alors qu’il devra mentionner à l’assureur que les biens seront temporairement à cette adresse jusqu’au moment où elle décide, le cas échéant, de relocaliser son commerce ou sinon, de vendre ses machines;

 

        L’intimé mentionne par la suite qu’il va aviser l’assureur du déménagement, que pour l’instant la situation est temporaire et qu’on ne connait pas l’avenir;

 

        Il est alors question du nombre de machines à bronzer (9) et d’un facial qui devront apparaitre au contrat;

 

        Mme Lacoste avise l’intimé qu’un appareil appartenant à Mme Gauthier doit être retiré du contrat d’assurance puisque Mme Gauthier a quitté le commerce avec sa machine;

 

        Mme Lacoste mentionne alors à l’intimé qu’elle paye une prime pour l’assurance responsabilité et qu’elle comprend qu’il n’y a plus de risque que des clients se blessent ou quoi que ce soit puisqu’elle a cessé ses opérations;

 

        L’intimé déclare à ce sujet que la protection d’assurance responsabilité a plus ou moins lieu d’être en raison de la cessation des activités de l’entreprise et qu’il va aviser l’assurance de cette situation;

 

         Il est encore question du nombre d’appareils qui doivent figurer sur la police;

 

        Mme Lacoste déclare alors à l’intimé qu’elle va se rendre au cabinet pour signer les documents et ainsi mettre à jour son dossier. L’intimé lui dit de passer dans une heure afin de lui permettre de préparer les documents et de parler à l’assureur.

 

 

[13]    Le 30 mai 2016, Mme Lacoste signe un document préparé par l’intimé[1] lequel est intitulé « Confirmation d’une demande de modification ».

 

[14]    Le 30 mai 2016 également Mme Lacoste réserve auprès de Location Delvan un camion qu’elle est autorisée à conduire.

 

[15]     Le déménagement a lieu le 1er juin 2016. Les spécialistes retenus par Mme Lacoste chargent le camion. Alors que Mme Lacoste conduit le véhicule dans un rang afin de se rendre à destination, elle perd le contrôle du camion pour éviter de frapper un chien.

 

[16]    En fait, lorsqu’elle freine, le camion verse sur le côté. Mme Lacoste est légèrement blessée à cause de l’accident et est transportée par ambulance à l’hôpital.

 

[17]    Le 2 juin 2016, Mme Lacoste communique par téléphone avec l’intimé notamment afin de l’informer du sinistre. À son avis, elle n’aura qu’à payer une franchise de 2 500 $ pour couvrir les dommages au camion.

 

[18]    Quant à l’équipement et les machines qu’elle transportait, Mme Lacoste est d’avis que tout est une perte totale.

 

[19]    L’intimé avise son assurée qu’il va initier le processus de réclamation auprès de l’assureur et qu’un expert en sinistre va sûrement communiquer avec elle afin d’obtenir sa version des faits.

 

[20]    Cette conversation téléphonique est déposée en preuve[2]. Ci-après l’essentiel de cet entretien entre l’intimé et son assurée :

 

        Mme Lacoste explique à l’intimé que ses spécialistes ont uniquement placé l’équipement et ses machines à bronzage (lits) dans le camion qu’elle a loué et conduit pour se rendre à son garage;

 

        Or, l’intimé croyait que ses spécialistes avaient non seulement démantelé et placé tout le matériel dans le camion mais qu’ils s’étaient également occupé du transport jusqu’à destination;

 

        Mme Lacoste informe l’intimé que Location Delvan doit se rendre à l’endroit où se trouve le camion, soit Remorquage Loyer à St-Jean Baptiste, pour le récupérer et évaluer les dommages;

 

        L’intimé demande à son assurée si elle avait accepté de prendre l’assurance de Location Delvan et Mme Lacoste répond par l’affirmative;

 

        Selon Location Delvan, malgré l’assurance, elle serait responsable du coût du remorquage et des autres frais reliés à l’accident;

 

        L’intimé tente de rassurer Mme Lacoste sur ces questions;

 

        Lorsque l’intimé lui demande qu’en est-il de l’équipement? Mme Lacoste l’informe que tout est scrap et se retrouve dans un container chez Remorquage Loyer à St-Jean Baptiste;

 

        Ses ordinateurs, imprimantes et autre matériel informatique seraient également une perte totale;

 

        L’intimé informe que la prochaine étape est celle de la réclamation;

 

        Mme Lacoste doit obtenir le rapport de police;

 

        L’intimé mentionne à son assuré qu’il pourra lire avec elle son contrat de location;

 

        Selon l’intimé, quant aux dommages à leur véhicule, Location Delvan doit prendre le relai relativement à cet accident;

 

        L’intimé termine en disant « nous on assurait vraiment l’équipement ça fait que sur ça je ne suis pas inquiet. »

 

[21]    Le 8 juin 2016, l’intimé retourne un appel de Mme Lacoste. Mme Lacoste l’informe que l’assureur lui dit que sa réclamation n’est probablement pas couverte.

 

[22]    Le 14 juin 2016, alors que Mme Lacoste souhaite parler à l’intimé, son appel est transféré à Mme Marie-France Carra du cabinet Chapdelaine assurances.

 

[23]    Mme Lacoste informe Mme Carra qu’une madame Colin de l’assureur vient tout juste de communiquer avec elle afin de l’informer que l’assureur nie couverture.

 

[24]      C’est alors que Mme Carra confirme à Mme Lacoste qu’effectivement le sinistre ne fait pas l’objet d’une garantie d’assurance puisque le cargo n’était pas couvert sur la police. Selon Mme Carra, la garantie se limitait à couvrir les biens une fois rendus à la nouvelle adresse puisque Mme Lacoste n’aurait jamais demandé de couvrir les biens assurés pendant le transport considérant qu’elle avait engagé des professionnels.

 

[25]    Bref, lors de son entretien initial avec Mme Lacoste, l’intimé  a cru que cette dernière faisait affaire avec des professionnels du déménagement. Ainsi, il n’y avait aucune nécessité de couvrir le cargo ou les biens pendant le transport.

 

[26]    Finalement, l’assureur aurait offert une indemnité de 10 000 $ à Mme Lacoste pour le cargo.

 

[27]    Selon la preuve documentaire, une couverture d’assurance cargo spécifique qui convenait aux besoins de Mme Lacoste était disponible[3] et aurait pu être obtenue par l’intimé.

 

IV.       Analyse et décision

 

 

Le chef 1

 

 

[28]    L’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers stipule ce qui suit :

 

 « Art. 27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux. »

 

[29]    Au chef 1, le syndic reproche essentiellement à l’intimé d’avoir mal identifié les besoins en assurance de Mme Lacoste quant aux biens de son entreprise en cours de transport.

 

[30]    Après avoir entendu la preuve, le Comité vient à la conclusion que la partie plaignante s’est amplement déchargée de son fardeau de prouver que l’intimée a fait défaut de bien identifier les besoins de son assurée.

 

[31]    En défense, l’intimé reconnait à peu de mots près qu’il a mal identifié les besoins de Mme Lacoste puisqu’il nous dit qu’il a compris qu’elle ferait affaire avec des déménageurs professionnels. Or, il n’en est rien, puisque les renseignements que l’assurée donne à l’intimé le 30 mai 2016 ne sont pas difficiles à déchiffrer. Elle va louer un camion. Les professionnels qu’elle engage ne sont pas des transporteurs mais plutôt une main d’œuvre retenue pour démanteler et embarquer les lits de bronzage et autres équipements dans le camion qu’elle va louer et qui sera conduit par l’assurée ou une autre personne.  

 

[32]    Dans les circonstances, il nous apparait que l’intimé a été négligent puisqu’il était facile de constater lors du premier entretien téléphonique que le transport serait exécuté par l’assurée et non pas par des déménageurs professionnels[4]

 

[33]    Un courtier en assurance de dommages doit toujours bien écouter les informations et renseignements transmis par son client afin de bien identifier les besoins de celui-ci. Pourquoi? Pour lui offrir une couverture d’assurance qui sera pertinente à ses besoins en fonction des circonstances.

 

[34]    En défense, l’intimé plaide qu’il peut y avoir erreur sans que celle-ci constitue forcément  une faute déontologique.

 

[35]    À notre avis, cette prétention ne peut être retenue au motif que l’obligation prévue à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers en est une qui se situe au cœur de la profession de courtier en assurance de dommages. L’intimé a l’obligation de bien recueillir les renseignements, ce qu’il n’a pas fait dans la présente affaire.

 

[36]    Autrement dit, Mme Lacoste a communiqué avec un courtier en assurance de dommages parce qu’elle voulait s’assurer qu’il n’y aurait aucun imbroglio dans le cadre de ce qu’elle voulait faire, soit tout simplement déménager par elle-même son équipement d’une adresse à une autre.

 

[37]      Pour les motifs qui précèdent, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

 

[38]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

Le chef 2

 

[39]    L’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages prévoit ce qui suit :

 

 « Art. 26. Le représentant en assurance de dommages doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer. Il doit également informer son client lorsqu’il constate un empêchement à la continuation de son mandat. »

 

 

[40]    Sous le chef 2, le syndic reproche à l’intimé d’avoir agi avec négligence en ne donnant pas suite à l’instruction de l’assurée de vérifier la possibilité de résilier la contrat d’assurance responsabilité civile de l’entreprise compte tenu du fait que les activités de celle-ci étaient temporairement interrompues.

 

[41]    Dans son plan d’argumentation daté du 26 octobre 2018, l’intimé reproduit les passages pertinents de sa conversation téléphonique du 30 mai 2016, à 13h19, avec Mme Lacoste[5].

 

[42]    À la page 9, deuxième paragraphe du plan d’argumentation, on peut lire l’affirmation suivante de Mme Lacoste :

 

« 5 :40 : ML : l’autre chose, c’est que moi je paye beaucoup, très cher ici mes assurances parce que là j’assure des gens euh…tsé la responsabilité de brûlures, de je sais pas quoi, quelqu’un se pète la marboulette ben là il n’y a plus personne qui va se péter la marboulette, plus personne qui va se brûler… »

 

[43]    Manifestement, Mme Lacoste se questionne sur la pertinence de garder en vigueur la garantie d’assurance responsabilité alors que les activités de l’entreprise sont suspendues.

 

[44]    Suite à ce questionnement de Mme Lacoste, voici ce que l’intimé lui répond :

 

 

 « PLC : vous avez raison, votre responsabilité civile qui était reliée à vos activités n’a plus ou moins lieu d’être faque euh…vous avez raison que l’assureur va être au courant de ça, j’avoue que je ne sais pas comment il va réagir, mais il y a pas de mal avec ça je vais lui mentionner exactement ce que vous me dites… »

 

(notre emphase)

 

[45]    Or, vu le passage qui précède, il est évident à nos yeux que l’intimé a compris qu’il doit vérifier auprès de l’assureur s’il existe une possibilité ou non de résilier la garantie d’assurance responsabilité civile.

[46]    Comment interpréter autrement l’affirmation de l’intimé lorsqu’il dit à Mme Lacoste : « je vais lui mentionner exactement ce que vous me dites… ».

[47]    En défense, l’intimé soutient aussi qu’il ne peut pas être déclaré coupable sous ce chef puisqu’à partir de la mi-juin le dossier du Salon Sun Palace avait été transféré à Mme Carra.

[48]    Ce moyen est mal fondé. En effet, si l’intimé ne pouvait pas donner suite aux instructions de Mme Lacoste, il devait la prévenir qu’il ne pouvait pas s’y conformer, comme le prévoit spécifiquement l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, ce qu’il n’a manifestement pas fait.

[49]    Vu ce qui précède, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[50]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur l’autre disposition règlementaire alléguée au soutien de ce chef.

Le chef 3

 

[51]    L’article 37 (4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages prévoit ce qui suit :

 

 « Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

(…)

4°  de faire défaut de rendre compte de l’exécution de tout mandat; »

 

 

[52]    Le syndic reproche sous ce chef à l’intimé d’avoir fait défaut de rendre compte à l’assurée additionnelle Nancy Gauthier de la suppression de la garantie d’assurance couvrant ses biens.

[53]     En défense, l’intimé nous soumet ce qui suit :

        Mme Lacoste ne lui donne pas les coordonnées de Mme Gauthier;

 

        Il ne trouve pas les coordonnées de Mme Gauthier dans le dossier de souscription;

 

        Lors de sa rencontre du 30 mai 2016 avec Mme Lacoste, il a demandé à celle-ci de lui donner les coordonnées de Mme Gauthier, ce qu’elle ne pouvait pas faire;

 

        Il a discuté avec ses collègues du cabinet afin de savoir quoi faire mais sans succès;

 

[54]    Bref, l’intimé plaide qu’il a fait preuve de diligence raisonnable et qu’il ne pouvait faire plus dans les circonstances.

[55]    L’application en droit disciplinaire de la défense de diligence raisonnable est reconnue. La Cour d’appel, dans l’arrêt Chauvin c. Beaucage[6], discute de ce moyen de défense dans les termes suivants :

 « [88]   En matière de responsabilité stricte, comme en l'espèce, la défense de diligence raisonnable est admissible.  Elle repose sur les épaules du contrevenant qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l'événement en cause. »

[56]    Or, dans la présente affaire, est-ce que l’intimé a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter la commission de l’infraction? Nous croyons que non.

[57]    En effet, la preuve ne démontre aucunement que l’intimé fait des recherches sérieuses afin de trouver les coordonnées de Mme Gauthier. De plus, il n’insiste pas auprès de Mme Lacoste pour qu’elle s’exécute et lui fournisse les renseignements.

[58]    L’intimé n’utilise même pas le moteur de recherche Google ou un autre outil de recherche sur internet afin de retracer Mme Gauthier par les mots clés Nancy, Gauthier, bronzage, spray tan, etc. À notre avis, en l’absence d’une telle preuve, il est clair que la défense de diligence raisonnable de l’intimé ne peut être retenue puisque l’intimé n’a pas pris toutes les mesures raisonnables qui s’imposaient pour retracer Mme Gauthier.

[59]    Mais il y a plus. Dans l’hypothèse où une recherche sur internet aurait été infructueuse, l’intimé aurait toujours pu transmettre un avis à la dernière adresse connue de Mme Gauthier, soit le local sis au 89, boulevard Laurier, à McMasterville[7].   

[60]    Pour ces motifs, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 37 (4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[61]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

Le chef 5

 

[62]    L’article 37 (7o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages prévoit ce qui suit :

 

 « Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

(…)

7°  de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur; »

 

 

[63]    Le syndic reproche sous ce chef à l’intimé d’avoir fait une déclaration fausse, trompeuse ou de nature à induire en erreur Mme Lacoste lorsqu’il lui aurait affirmé le 2 juin 2016 que ses biens étaient assurés lors du sinistre et de ne pas s’inquiéter.

[64]    En d’autres mots, le syndic allègue que l’intimé aurait menti à Mme Lacoste le 2 juin 2016. Or, ce chef nécessite la preuve d’une intention coupable[8] de la part du syndic.

[65]    Après une réécoute de cet entretien téléphonique, nous n’avons pas été en mesure de déceler une intention coupable ou malveillante dans les informations que l’intimé donne à Mme Gosselin au sujet du fait que ses biens étaient assurés.

[66]    En fait, nous sommes d’opinion que l’intimé croyait encore, à ce moment, que les biens de Mme Lacoste étaient assurés. Bien sûr, l’affirmation de l’intimé à ce sujet était erronée.

[67]    Toutefois, nous ne pouvons pas venir à la conclusion que dans son esprit, l’intimé mentait ou qu’il voulait induire en erreur son assurée.

[68]    Étant donné que l’intention de tromper Mme Lacoste est un élément essentiel de l’infraction, basé sur notre appréciation de la preuve, le Comité acquitte l’intimé de l’infraction décrite au chef 5 de la plainte.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 3 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation de la plainte;

ACQUITTE l’intimé de l’infraction décrite au chef 5 de la plainte;

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Maryse Pelletier, C.d’A.A., courtier en

assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

Me Philippe Charlebois

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 25 et 26 octobre 2018

 



[1] Pièce P-12;

[2] Pièce P-16;

[3] Voir la pièce P-46;

[4] D’ailleurs, la note prise par l’intimé à ce sujet à la pièce I-3, soit l’assurée « va faire déménager par des professionnels tout son équipement demain » est étonnante puisque non conforme au contenu de l’entretien téléphonique;

[5] Pièce I-9;

[6] 2008 QCCA 992 (CanLII);

[7] Voir par analogie ChAD c. Barr, 2009 CanLII 16021 (QC CDCHAD);

[8] Renaud c. Barreau du Québec, 2003 QCTP 111 (CanLII), Constantine c. Avocats, QCTP 16 (CanLII), ChAD c. Gosselin, 2103 CanLII 23442 (QC CDCHAD), ChAD c. Picard, 2015 CanLII 24520 (QC CDCHAD) et ACAIQ c. Savard, 2009 CanLII 92325 (QC OACIQ);

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