Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-11-02(C)

 

DATE :

27 novembre 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Vice-président

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

ANLY CHARLES, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX

PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

[1]          Le 23 octobre 2019, le Comité se réunit pour procéder à l’audition sur sanction dans le présent dossier. À cette fin, le syndic de la ChAD est représenté par Me Valérie Déziel et l’intimé, par Me Patrick Garneau. 

[2]          Le 12 septembre 2019, l’intimé a été déclaré coupable des chefs d’accusation suivants, à savoir :

 « 1. À Montréal, entre les ou vers les 8 mai et 29 août 2015, a exercé ses activités de manière négligente, en omettant de donner suite au mandat que lui avait confié l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc., soit de réduire le montant d’assurance pour le bâtiment au contrat d’assurance des entreprises Lloyd’s no [...] souscrit auprès de GroupAssur inc., en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

 

2. À Montréal, entre les ou vers les 24 août et 14 octobre 2015, a exercé ses activités de manière négligente, en omettant de traiter le renouvellement du contrat d’assurance des entreprises Lloyd’s no [...] souscrit auprès de GroupAssur inc. émis au nom de l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc. et venant à échéance le 14 octobre 2015, en contravention avec les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance des dommages;

 

 3. À Montréal, vers mars et avril 2018, a représenté à l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc. que l’assureur avait refusé de réduire le montant d’assurance pour le bâtiment au contrat d’assurance des entreprises Lloyd’s no [...] souscrit auprès de GroupAssur inc. en cours de terme, alors que ce n’était pas le cas, en contravention avec les articles 25 et 37(4) Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 4. À Montréal, entre septembre 2014 et octobre 2015, a été négligent dans la tenue du dossier de l’assurée 9xxx-xxx9 Québec inc., en faisant défaut d’y inscrire l’ensemble de ses démarches et interventions, notamment les rencontres, les communications téléphoniques, les conseils donnés, les décisions prises et les instructions reçues, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ c. D-9.2), les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) et les articles 19 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (RLRQ c. 9.2, r.2); »

 

[3]          Dans l’ordre, l’intimé a été déclaré coupable d’avoir enfreint les articles 26, 37 (1o) et du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages de même que l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

[4]          Relativement à l’article 37 (1o) et du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, précisons que l’intimé a uniquement fait preuve de négligence et non pas de malhonnêteté.  

[5]          Notons aussi que l’intimé a plaidé coupable au chef 4 de la plainte[1].

[6]          Les procureurs des parties nous informent qu’il n’y aura pas de preuve à administrer de part et d’autre et qu’une recommandation commune sera présentée au Comité.

I.          Recommandation commune sur sanction

 

[7]          Me Déziel déclare au Comité que les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes, à savoir :

 

 

       Chef no 1 : une amende de 2 500 $;

 

       Chef no 2 : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 3 : une amende de 2 500 $;

 

       Chef no 4 : une amende de 2 500 $.

 

       Réduire le total des amendes à 6 000 $;

 

       Condamner l’intimé aux débours du dossier.

 

[8]          L’avocate du syndic nous remet un document signé par les parties et les procureurs qui expliquent pour quelles raisons les parties nous recommandent d’imposer la sanction ci-haut décrite.

[9]           Quant aux facteurs atténuants, Me Déziel insiste sur les éléments suivants :

 

       le plaidoyer de culpabilité sur le chef 4;

 

       les impairs de l’intimé ne visent qu’un seul client;

 

       aucun bénéfice personnel pour l’intimé;

 

       qu’il s’agit d’un acte isolé.

 

[10]       Quant aux facteurs aggravants, on nous souligne :

 

       la gravité objective des infractions;

 

       qu’il s’agit d’infractions au cœur de la profession;

 

       la mise en péril du public;

 

       la grande expérience de l’intimé;

 

       l’antécédent disciplinaire de l’intimé[2];

 

       l’absence de repentir et un certain préjudice au client.

 

[11]       Afin d’appuyer la recommandation commune, le procureur du syndic nous réfère notamment aux précédents jurisprudentiels suivants :

 

         ChAD c. Marchand, 2018 CanLII 52153 (QC CDCHAD)

 

         ChAD c. Chapleau, 2018 CanLII 103157 (QC CDCHAD)

 

         ChAD c. Coursol, 2017 CanLII 55116 (QC CDCHAD)

 

         ChAD c. Dupuis-Richard, 2018 CanLII 78589 (QC CDCHAD)

 

 

[12]       Me Garneau nous confirme que la sanction suggérée est juste et appropriée dans les circonstances. Il rajoute que l’intimé a offert une bonne collaboration à l’enquête du syndic et qu’aujourd’hui, il exerce ses activités à l’aide d’un système informatisé de tenue de notes.

[13]       Quant à l’amende globale de 6 000 $ plus les déboursés, Me Garneau demande au Comité d’accorder à l’intimé un délai de 12 mois pour les payer.

[14]       Après discussion entre les procureurs, il est convenu que M. Charles pourra payer l’amende et les déboursés en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs et que si jamais l’intimé devait être en défaut, il perdra alors le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

[15]       Le Comité fait droit à cette demande puisqu’elle est tout à fait raisonnable dans les circonstances.  

 

II.         Analyse et décision

 

A)        La recommandation commune

 

[16]       La jurisprudence a établi à maintes reprises l’importance qu’un comité de discipline doit accorder à une recommandation commune[3].

[17]       La Cour suprême maintient que la recommandation commune est essentielle au bon fonctionnement de la justice[4].

[18]       Dans cet arrêt, la Cour suprême établit que le Comité doit faire preuve de retenue lorsque les procureurs des parties présentent une recommandation commune sur sanction. Ci-après quelques extraits pertinents de cet arrêt important, à savoir :

 

« [40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.

 

[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.

 

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. »

 

(nos soulignements)

 

[19]       En réalité, lorsqu’une suggestion commune est formulée par des avocats d’expérience, notre marge de manœuvre est très limitée. En vérité, il est pratiquement impossible de l’écarter, à moins qu’elle soit contraire à l’intérêt public ou au bon fonctionnement de notre système de justice disciplinaire.

 

B)       Décision

 

[20]       La recommandation commune formulée par les procureurs des parties est entérinée séance tenante par le Comité.

[21]        Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants : 

 

         en premier lieu, la protection du public ;

 

         ensuite, la dissuasion du professionnel de récidiver; et

 

         l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

 

         et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

[22]       Or, nous sommes d’avis que la suggestion commune des parties tient compte de la gravité objective des infractions commises et, que d’autre part, elle assurera la protection du public.

[23]       Quant aux frais, l’intimé devra payer tous les frais et déboursés de l’instance et, tel que ci-haut mentionné, il bénéficiera d’un délai de 12 mois pour les payer.

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions.

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Sur le chef n1 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $;

Sur le chef n2 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n3 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $;

Sur le chef n4 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $;

CONSIDÉRANT le principe de la globalité de la sanction, RÉDUIT le total des amendes ci-haut mentionnées à la somme globale de 6 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les frais et déboursés;

ACCORDE à l’intimé un délai de 12 mois pour acquitter les amendes, frais et déboursés, le tout en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Vice-président du Comité de discipline

 

__________________________________

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Valérie Déziel

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Patrick Garneau

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

23 octobre 2019

 



[1] Voir la décision sur culpabilité : ChAD c. Charles, 2019 CanLII 104161 (QC CDCHAD);

[2]   ChAD c. Charles, 2011 CanLII 3155 (QC CDCHAD);

[3]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP) et Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[4] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 QCTP 5 (CanLII);

[5]  2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants;

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