Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2019-08-03(C)

 

DATE :

24 septembre 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Jacques D’Aragon, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Anne-Marie Hurteau, MBA, FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages du Québec

Partie plaignante

c.

DANNY MASSY, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION EN RADIATION PROVISOIRE RENDUE SÉANCE TENANTE LE 12 SEPTEMBRE 2019

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE

NON-ACCESSIBILITÉ DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT D’IDENTIFIER LES CLIENTS,  LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 29 août 2019 et le 12 septembre 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition d’une requête en radiation provisoire modifiée dans le dossier numéro 2019-08-03(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Sylvie Poirier et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Maxime Chevalier ;

 

I.          La plainte

 

[3]       La plainte reproche à l’intimé plusieurs gestes graves et sérieux, soit plus particulièrement :

 

 

      D’avoir accepté des mandats pour la souscription de contrats d’assurance sur des risques pour lesquels il n’était pas autorisé en vertu de sa certification (chefs 1, 7, 9 et 14) ;

      D’avoir fait défaut de rendre compte à ses clients de l’inexécution de ses mandats (chefs 3, 8, 11, 13, 16 et 19) ;

      D’avoir émis de fausses attestations de couverture d’assurance (chefs 2, 10, 12, 15 et 18) ;

      D’avoir entravé l’enquête du syndic et d’avoir fait défaut de lui remettre les documents requis pour son enquête (chef 20) ;

      D’avoir fait des déclarations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur ses clients (chef 4), ainsi que des assureurs (chef 6) ;

      D’avoir fait défaut d’exécuter le mandat reçu et accepté de ses clients (chef 17) ;

      De ne pas avoir fait preuve de disponibilité et de ne pas avoir respecté ses rendez-vous (chef 7) ;

[4]       C’est sur la foi de ces allégations et, plus particulièrement, des faits constatés durant son enquête que le syndic a jugé opportun de déposer une requête en radiation provisoire contre l’intimé ;

[5]       Toutefois, avant d’aborder la question de la requête en radiation provisoire, il y a lieu d’examiner la validité de la signification des procédures ;

 

 

II.         Signification des procédures

 

[6]       Dès l’ouverture de l’audience, soit le 29 août 2019, le procureur de l’intimé, Me Chevalier, a présenté une demande de remise au motif que les procédures n’avaient pas été dûment signifiées à son client, ne lui permettant pas ainsi de se préparer adéquatement pour présenter une défense à l’encontre de la requête en radiation provisoire ;

[7]       Cette demande de remise fut rejetée, séance tenante, pour les motifs ci-après exposés ;

[8]       Suivant la preuve administrée, il appert que suite à diverses tentatives de signification dont, notamment, la prise d’un rendez-vous entre l’intimé et l’huissier au cours duquel l’intimé a fait défaut de se présenter, les procédures disciplinaires lui furent finalement signifiées sous l’huis de la porte, conformément à l’article 116 du Code de procédure civile[1] ;

[9]       La légalité de cette signification ne fait pas de doute ;

[10]    L’article 132 du Code des professions[2], dont les dispositions s’appliquent devant le Comité de discipline[3], prévoit que la signification de la plainte doit se faire conformément aux dispositions du Code de procédure civile[4] ;

[11]    Plus particulièrement, l’article 133 C. prof. requiert que la requête en radiation provisoire soit signifiée à l’intimé avec un avis de deux (2) jours francs ;

[12]    Enfin, l’article 139 C.p.c. exige que toute demande introductive d’instance soit signifiée par huissier ;

[13]    En cas d’impossibilité de signifier en mains propres, le document peut être laissé dans un endroit approprié sous pli cacheté (art. 116 C.p.c.) ;

[14]    Cette façon de faire a été reconnue par d’autres conseils de discipline, notamment dans l’affaire Psychologues c. Alimi[5] :

[3]    Le Conseil constate l’absence de l’intimé. La plainte, la requête ainsi que l‘avis d’audition ont été signifiés le 6 février 2017, les laissant dans un endroit approprié, soit en les fixant, sous pli cacheté, sur la porte de son domicile, conformément à l’article 116 du Code de procédure civile. Une tentative de lui signifier les procédures au lieu de son dernier emploi fut infructueuse, l’intimé ayant cessé de travailler à cet endroit il y a deux mois. L’intimé n’a pas non plus donné suite aux messages texto laissés par l’huissier sur son cellulaire.

[4]    Une requête en radiation provisoire doit être instruite et décidée d’urgence, tel que le prescrit l’article 133 du Code des professions.

[5]    Considérant les significations dûment exécutées et les dispositions de l’article 144 du Code des professions, le Conseil procède, en l’absence de l’intimé, à l’audition de la requête.  (Nos soulignements)

 

[15]    Enfin, la Cour d’appel, dans l’affaire Labelle c. Deslauriers[6], a reconnu qu’un comité de discipline peut procéder « ex parte » lorsque l’intimé fait défaut de se présenter malgré le fait qu’il fut informé de la date d’audition de la requête en radiation provisoire ;

[16]    À cela s’ajoute le fait que la jurisprudence exige qu’il n’y ait pas de faute de négligence ou d’insouciance de la part de celui qui réclame un ajournement[7] ;

 

[17]    À cet égard, la théorie des « mains propres » s’applique à la personne qui formule une demande de remise, ainsi cette dernière ne doit avoir rien à se reprocher quant aux faits entourant la signification[8] ;

[18]    En l’espèce, l’intimé n’avait pas fait ses changements d’adresse auprès de l’Autorité des marchés financiers (A.M.F.), rendant ainsi plus difficile la signification des procédures ;

[19]    Mais il y a plus, l’intimé a fait défaut de se présenter au rendez-vous qui avait été fixé avec l’huissier pour la remise des documents ;

[20]    En désespoir de cause, les procédures lui furent donc signifiées sous l’huis de la porte, conformément à l’article 116 C.p.c. ;

[21]    Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de remise formulée par l’intimé fut rejetée par le Comité de discipline, le 29 août 2019 ;

[22]    C’est ainsi qu’un premier témoin fut entendu au soutien de la requête en radiation provisoire, soit le syndic, Me Belhumeur ;

[23]    Par contre, afin de permettre à l’intimé et à son procureur de se préparer adéquatement, le contre-interrogatoire de ce premier témoin et la suite des procédures furent reportés au 12 septembre 2019 ;

 

III.        La requête en radiation provisoire

 

[24]    Les faits à l’origine du dépôt de la requête en radiation provisoire sont énoncés et précisés aux divers paragraphes de la requête ;

 

      Suite à une plainte d’un client reprochant à l’intimé d’avoir émis une fausse attestation d’assurance (par. 7) pour sa ferme, une enquête fut ouverte par le syndic (par. 8 et 31 à 38) ;

      D’ailleurs, lors d’un entretien téléphonique avec le syndic adjoint, l’intimé a reconnu que la demande de souscription pour cette ferme aurait été refusée par l’assureur et qu’aucune autre souscription n’avait été obtenue au moment où il a émis cette attestation d’assurance (part. 9 et 10) ;

      Enfin, alors que le syndic adjoint a demandé, tant verbalement que par lettres, à l’intimé de répondre à ses demandes de renseignements et de fournir les documents requis, celui-ci a omis ou négligé de répondre, alléguant à chaque fois divers prétextes et délais, sans jamais effectivement répondre aux demandes du Bureau du syndic (par. 12 à 15, 17, 18 et 20 à 28) ;

      Au cours de l’enquête du syndic, d’autres clients se plaignent d’avoir reçu de fausses attestations d’assurance (par. 19) ;

      Évidemment, les agissements de l’intimé ont causé de nombreux troubles et inconvénients à ses clients, lesquels se sont retrouvés sans couverture d’assurance (par. 37, 42, 43, 45, 49, 55, 62 et 69) ;

      D’ailleurs, l’intimé aurait émis, à plusieurs reprises, de fausses attestations d’assurance (par. 46, 47, 52, 53, 56, 59 et 66) ;

      Enfin, la plupart des services offerts par l’intimé concernaient des risques pour lesquels il n’était pas autorisé en vertu de sa certification (par. 71) ;

      À cela s’ajoute le fait que l’intimé a fait défaut de fournir les renseignements et documents requis par le syndic, faisant ainsi entrave à son enquête (par. 72) et l’empêchant de poursuivre celle-ci de façon diligente (par. 73 et 74) ;

      Cela dit, le syndic conclut qu’à défaut d’une ordonnance de radiation provisoire, le public sera à risque si l’intimé continue de pratiquer (par. 75 à 80) ;

[25]    Bref, c’est en raison de ces faits pour le moins troublants qu’une requête en radiation provisoire fut déposée contre l’intimé ;

[26]    Suivant les allégations de la requête, la protection du public semble donc, « à première vue », à risque ;

 

IV.       La preuve au soutien de la requête

 

A)        Par le syndic

 

[27]    Le témoignage du syndic et les pièces documentaires[9] produites au cours de celui-ci ont permis d’établir « prima facie » les faits suivants :

      L’intimé a émis, à plusieurs reprises, de fausses attestations d’assurance (pièces R-5, R-23, R-30, R-31, R-32, R-33, R-34, R-38, R-39 et R-43) ;

      Ce faisant, ses clients se sont retrouvés sans couverture d’assurance ;

      La plupart des services offerts par l’intimé l’ont été dans des domaines pour lesquels il n’était pas certifié (R-1) ;

      L’intimé a refusé, omis ou négligé systématiquement de répondre aux demandes de renseignements formulées par le syndic et le syndic adjoint et de fournir les documents exigés, faisant ainsi entrave au travail de ceux-ci (pièces R-7, R-8, R-11, R-12, R-14, R-15 et R-19) ;

      En pratique, l’intimé alléguait divers prétextes (pièce R-18) pour expliquer son défaut de répondre, en plus de demander des extensions de délais (pièces R‑9, R-17, R-18 et R-20), sans jamais répondre aux demandes du syndic ;

      Enfin, l’intimé a fait plusieurs fausses déclarations visant à induire en erreur ses clients (pièces R-44 à R-46), leur créancier (pièce R-39) ou leur notaire (pièces R-31, R-32 et R-34) ;

 

B)       Par l’intimé

 

[28]    L’intimé a témoigné lors de la demande de remise, cependant, lors de l’audition de la requête en radiation provisoire, il n’a pas témoigné et n’a produit aucune pièce documentaire, ni fait entendre aucun témoin ;

[29]    En conséquence, la preuve « prima facie » présentée par le syndic est demeurée non contredite, à l’exception de quelques questions lors du contre-interrogatoire de Me Belhumeur, lesquelles visaient à vérifier l’étendue de son enquête ;

[30]    Bref, l’intimé n’a pas offert de preuve à l’encontre de celle présentée par le syndic ;

[31]    C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra déterminer le bien-fondé de la requête en radiation provisoire ;

 

V.        L’argumentation

 

A)   Par le syndic

 

[32]    Me Poirier plaide, au nom du syndic, que la preuve documentaire et testimoniale permet au Comité de conclure :

1)     Que la plainte fait état de reproches graves et sérieux ;

2)     Que ces infractions portent atteinte à la raison d’être de la profession ;

3)     Que l’intimé a, « prima facie », commis les actes reprochés ;

4)     Que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à pratiquer ;

 

[33]    À l’appui de ses prétentions, l’avocate du syndic dépose les décisions suivantes :

      Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 80 (CanLII) ;

      Bouchard c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2017 QCTP 34 (CanLII) ;

      Terjanian c. Dentistes, 2013 QCTP 34 (CanLII) ;

      Talbot c. Champagne, 2015 QCCQ 6677 (CanLII) ;

[34]    Essentiellement, Me Poirier plaide que la requête en radiation provisoire n’est pas uniquement fondée sur l’infraction d’entrave mais également sur les infractions concernant les fausses attestations d’assurance ;

[35]    Selon elle, la pratique de l’intimé va à l’encontre des règles les plus élémentaires de l’exercice de la profession ;

[36]    À son avis, l’intimé constitue un danger pour ses clients et le public en général ;

[37]    En conséquence, elle conclut en soulignant que la protection du public serait à risque si l’intimé devait être autorisé à poursuivre ses activités professionnelles ;

 

B)       Par l’intimé

 

[38]    De son côté, Me Chevalier plaide, au nom de l’intimé, qu’une requête en radiation provisoire ne doit pas être accordée de façon automatique ;

[39]    Se fondant sur l’affaire Chartrand c. Conseil de discipline de l’Ordre des chimistes du Québec[10], il plaide que le Comité doit vérifier si le syndic est, dans les faits, empêché de poursuivre son enquête[11] ;

[40]    Ainsi, si d’autres solutions s’offrent à lui pour obtenir les informations demandées, alors l’ordonnance de radiation ne devrait pas être émise[12] ;

[41]    Bref, ce ne sont pas tous les cas d’entrave qui justifient l’imposition d’une mesure aussi exceptionnelle[13] ;

[42]    Cela dit, Me Chevalier plaide que l’intimé ne présente pas un danger immédiat et que le syndic peut poursuivre son enquête sans les documents ;

 

[43]    Subsidiairement, il suggère d’imposer une mesure moins draconienne, telle une limitation d’exercice ;

[44]    À ce sujet, il donne comme exemple l’affaire CHAD c. Belzile[14] dans laquelle le Comité a jugé suffisant pour la protection du public que le travail des intimés soit encadré par un autre courtier en assurance de dommages[15] ;

[45]    Enfin, Me Chevalier plaide que le syndic n’a pas fait la démonstration que son client était animé d’une intention malhonnête ;

[46]    Il cite à l’appui de cet argument l’affaire CHAD c. Hallé[16] ;

[47]    Comme autre argument, Me Chevalier plaide que l’enquête du syndic n’est pas assez complète pour conclure qu’il y a une preuve « prima facie » de la commission des infractions ;

[48]    À son avis, dans l’état actuel du dossier, il est prématuré de procéder à la radiation provisoire de l’intimé ;

[49]    Il ajoute que le syndic n’a même pas rencontré son client; cela dit, il suggère une inspection professionnelle pour vérifier si, effectivement, la pratique de l’intimé constitue un danger pour le public ;

[50]    Pour l’ensemble de ces motifs, il requiert le rejet de la requête en radiation provisoire ;

 

C)       Réplique du syndic

 

[51]    Me Poirier souligne au Comité que le syndic n’a pas à faire le tour de l’ensemble des assureurs afin de vérifier tous et chacun des dossiers ;

[52]    De plus, à son avis, la preuve de l’intention coupable découle de la fabrication et de l’usage des fausses attestations d’assurance émises par l’intimé ;

[53]    Enfin, elle insiste sur le fait que la requête en radiation provisoire n’est pas fondée seulement sur l’infraction d’entrave ;

[54]    Finalement, elle conclut que le manque d’organisation de l’intimé, celui-ci pratiquant principalement à l’intérieur de divers cafés internet, ne permet pas de conclure à la viabilité d’une simple limitation d’exercice au lieu d’une radiation provisoire ;

[55]    Finalement, à son avis, la demande de radiation provisoire n’est pas prématurée, au contraire, elle est urgente ;

VI.       Analyse et décision

 

A)   La preuve par ouï-dire

 

[56]    Au cours de l’audition de la requête en radiation provisoire, le Comité a constaté que la majorité de la preuve du syndic était constituée de ouï-dire ;

[57]    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’en matière de radiation provisoire, la preuve par ouï-dire est permise, tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Alipoor c. Pinet[17] :

[105]      Il ressort de la décision du Comité qu'elle ne s'écarte pas de ces principes pour avoir admis en preuve, le témoignage de Madame Pinet, syndique adjointe, qui rapportait les faits recueillis dans le cadre de l'enquête qu'elle a menée.

[106]      La décision du Comité est bien dirigée en droit. Elle applique les principes qui se dégagent de la jurisprudence et de la doctrine concernant l’admissibilité d’une preuve par ouï-dire au stade de l’audience devant le Comité pour une radiation provisoire.

[107]      De plus, il appert de la décision que le témoignage de la syndique adjointe est corroboré par la preuve documentaire recueillie dans le cadre de l’enquête, il est supporté par le témoignage de deux promettants acheteurs sur des chefs traitant de l'appropriation des fonds qui, indépendamment des autres chefs de la plainte, suffisent pour justifier la radiation provisoire en vertu de l'article 27 du Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ. (Nos soulignements)

 

[58]    Cela dit, il convient d’examiner un dernier point avant de passer à l’étude proprement dite de la requête en radiation provisoire, soit le chef d’accusation no. 20 concernant l’entrave au travail du syndic ;

 

B)       L’entrave

 

[59]    Parmi les accusations portées contre l’intimé, on retrouve un chef lui reprochant d’avoir fait entrave au travail du syndic (chef 20) ;

[60]    Or, l’article 130(4) du Code des professions[18] prévoit que l’entrave au travail du syndic constitue un motif pour requérir la radiation provisoire d’un professionnel ;

[61]    Par contre, une infraction d’entrave n’entraîne pas de façon automatique la radiation provisoire du professionnel, tel qu’en décidait le Tribunal des professions dans l’affaire Benhaim[19] :

[56]    La jurisprudence de notre tribunal a toujours considéré le mécanisme de la radiation provisoire comme une mesure draconienne et exceptionnelle[5].

[57]    Seul l’impératif de protection immédiate du public peut justifier d’exclure un professionnel de la pratique alors qu’il n’a pas encore été condamné pour les infractions qui lui sont reprochées.

[58]    L’ajout de l’entrave au paragraphe 4 de l’article 130 C. prof. n’a pas modifié fondamentalement les conditions d’application d’une demande de radiation provisoire.

[59]    Le Conseil a, avec raison, souligné que le paragraphe 4 de l’article 130 C. prof., qui prévoit la possibilité de demander la radiation provisoire en cas d’entrave à l’enquête du syndic, ne  confère pas un pouvoir absolu au syndic lorsqu’il dépose une plainte d’entrave.

[63]     Le Conseil, dans son analyse de la gravité des infractions, détermine qu’il ne peut uniquement se contenter de prendre acte que l’entrave est en soi une infraction grave qui donne lieu à la possibilité d’une radiation provisoire, il doit examiner les gestes concrets posés par l’appelant et leur importance pour l’avancement de l’enquête.

[64]     Jusque-là, la démarche du Conseil doit être qualifiée d’irréprochable sur le plan des principes. (Nos soulignements)

 

[62]    Évidemment, toute infraction susceptible de compromettre la protection du public[20], incluant l’entrave au travail du syndic, pourra entraîner la radiation provisoire du professionnel, s’il existe un risque pour la protection du public, si le professionnel continue à exercer sa profession[21] ;

[63]    Il convient maintenant d’examiner si la requête en radiation provisoire répond aux critères établis par la jurisprudence ;

 

6.1      Les critères pour l’émission d’une ordonnance

[64]    Dans un premier temps, rappelons que la requête en radiation provisoire constitue une « mesure d’exception », suivant la Cour suprême dans l’arrêt Finney[22];

[65]    De plus, dans ce cas particulier, « une justice de haute qualité est exigée »[23];

[66]    Tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’affaire Bohémier[24] :

« […] un comité saisi d’une telle demande de radiation provisoire doit donc procéder en toute impartialité, avec sérénité et circonspection »[25]

[67]    Cela dit, dans une autre affaire concernant l’avocate Bohémier[26], le Tribunal des professions établissait les paramètres suivant lesquels une ordonnance de radiation provisoire peut être émise :

[10] En raison du contexte juridique dans lequel se situe une demande de radiation provisoire, le fardeau s’imposant au plaignant en est un de présentation, et non de persuasion, qui doit établir à première vue (« prima facie ») suffisamment d’éléments qui permettent au comité de conclure que la protection du public exige de rendre l’ordonnance.[3]

[11] Il s’agit donc pour le comité d’évaluer et d’apprécier une preuve factuelle qui démontre à première vue (« prima facie ») la perpétration des infractions reprochées, d’une part, et d’autre part, de s’assurer que cette preuve tombe sous l’une ou l’autre des situations prévues à l’article 130 du Code.

[12] Le comité doit enfin juger si, au terme de la prise en compte de cette preuve, et aussi, du point de vue du professionnel visé, le cas échéant, la protection du public exige la radiation provisoire et immédiate.

[13] Il doit s’agir de reproches graves et sérieux.

[14] En dépit du caractère quelque peu sommaire de l’instruction et de la procédure en général relatives à une demande de radiation provisoire, le professionnel n’est pas pour autant privé de faire valoir son point de vue qui doit tendre à démontrer à première vue (« prima facie ») que la nature des reproches qui lui sont faits ne risque pas de compromettre la protection du public[4].

[15] Au stade de la demande d’ordonnance de radiation provisoire, il ne s’agit donc pas pour le comité de décider si le professionnel a commis les actes reprochés mais plutôt de vérifier si à première vue il paraît les avoir commis.

[16] Cette proposition a pour corollaire que le professionnel, en contestation de la demande de radiation provisoire, ne doit pas s’évertuer à démontrer qu’il n’est pas coupable des actes reprochés, mais plutôt de s’attarder à établir, à ce stade, que la protection du public n’est pas compromise s’il continue à exercer sa profession.

[17] En somme, l’instruction d’une demande de radiation provisoire n’est ni le lieu ni le moment de débattre la culpabilité ou de l’innocence du professionnel au regard des actes reprochés. (Nos soulignements)

[68]    Bref, une requête en radiation provisoire n’a pas pour objet de faire reconnaître la culpabilité d’un professionnel[27];

[69]    C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles une preuve par ouï-dire est admissible dans le cadre d’une requête en radiation provisoire[28], puisque le fardeau de preuve du syndic se limite à démontrer, à première vue (prima facie), et non de façon prépondérante, que le professionnel a commis les actes reprochés;

[70]    Pour conclure sur ce sujet, il convient de résumer les critères devant guider le Comité de discipline lors de l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire, tel qu’établi par la jurisprudence[29] :

1)    La plainte doit faire état de reproches graves et sérieux;

2)    Ces reproches doivent porter atteinte à la raison d’être de la profession;

3)    Une preuve à première vue (« prima facie ») démontre que le professionnel a commis les gestes reprochés;

4)    La protection du public risque d’être compromise si le professionnel continue à exercer la profession;

[71]    C’est à la lumière de ces principes que sera examinée et analysée la preuve au soutien de la requête ;

 

6.2      La preuve au soutien de la requête

[72]    Tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Desrochers c. Lebel[30], il est d’une importance capitale d’établir à l’aide de faits concrets que l’intimé présente, pour le moment présent et pour le futur, un « risque » pour la protection du public[31];

[73]    Concernant cette notion de risque et la façon de l’apprécier, le Tribunal des professions écrivait, dans Mailloux c. Médecins[32] :

[81] Il faut aussi retenir de l'article 130 le terme « risque » au sujet duquel dans Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des)[27],le Tribunal souligne qu'il connote l'idée d'un danger éventuel par opposition à une ferme conviction ou une certitude que le danger se réalisera si le professionnel continue d'exercer sa profession. (Nos soulignements)

[74]    Évidemment, dans l’évaluation de ce risque, le Comité tiendra compte, en premier lieu, de la gravité et du sérieux des infractions reprochées;

[75]    Pour conclure sur ce point, le Comité se réfère, encore une fois, à l’affaire Benhaim[33], dans laquelle le Tribunal des professions déclarait :

[77]    La radiation provisoire doit demeurer tributaire d’un risque de compromission de la protection du public dans l’immédiat. Celle-ci doit être évaluée concrètement afin de maintenir l’équilibre entre les attentes légitimes en matière de protection du public et les droits d’un professionnel de pouvoir opposer un point de vue juridique différent, sans se voir privé provisoirement de l’exercice de sa profession avec les conséquences qui en découlent sur sa réputation et sur le plan économique. (Nos soulignements)

 

[76]    Le débat étant maintenant situé, il convient de rappeler les faits pertinents à l’origine du dépôt de la requête en radiation provisoire :

      L’intimé a émis, à plusieurs reprises, de fausses attestations d’assurance ;

      Il fait systématiquement obstacle au travail du syndic en refusant ou en négligeant de répondre à ses demandes de renseignements et de fournir les documents requis ;

      Il n’hésite pas à pratiquer dans des domaines pour lesquels il n’est pas dûment certifié ;

      Il fait de fausses déclarations à ses clients dans le but de les induire en erreur ;

[77]    C’est en tenant compte de cette preuve que le Comité devra déterminer si la situation justifie la radiation provisoire de l’intimé ;

 

6.3            La gravité des infractions

[78]    La plainte reproche à l’intimée plusieurs infractions dont la gravité et le sérieux ne font pas de doutes, soit :

      D’avoir émis de fausses attestations d’assurance (chefs 2, 10, 12, 15 et 18) ;

      D’avoir fait entrave à l’enquête du syndic et d’avoir fait défaut de lui remettre les documents requis pour compléter son enquête (chef 20) ;

      D’avoir accepté des mandats pour la souscription de contrats d’assurance sur des risques pour lesquels il n’est pas autorisé en vertu de sa certification (chefs 1, 7, 9 et 14) ;

      D’avoir fait des déclarations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur ses clients (chef 4) ainsi que des assureurs (chef 6) ;

[79]    Ce type d’infraction va au cœur même de la profession de représentant en assurance de dommages, laquelle impose à ceux-ci :

      L’obligation d’agir avec intégrité[34] et probité[35] ;

      De ne pas faire des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur[36] ;

      De ne pas émettre de fausses attestations d’assurance[37] ;

      De ne pas faire entrave au travail du syndic[38] ;

      De ne pas agir dans des domaines pour lesquels ils ne sont pas certifiés[39] ;

[80]    La preuve prima facie démontre que l’intimé a fait défaut d’agir avec intégrité et probité et que ses actes illégaux ont porté préjudice au public et à la profession ;

[81]    De plus, il fait systématique entrave au travail du syndic, mettant ainsi directement en péril la protection du public[40] ;

[82]    Cela étant dit, la gravité et le sérieux des infractions reprochées à l’intimé ne font pas de doute ;

 

6.4      L’atteinte à la raison d’être de la profession

[83]    Par ses faits et gestes, l’intimé a laissé ses clients sans couverture d’assurance, portant ainsi atteinte à la raison d’être de la profession de courtier en assurance de dommages[41] ;

[84]    En faisant preuve d’un manque total d’intégrité et en faisant défaut de s’acquitter de ses obligations professionnelles scrupuleusement et honnêtement, l’intimé a manqué à ses principaux devoirs comme professionnel, portant ainsi atteinte à la profession et à la protection du public ;

 

6.5            La preuve à première vue

[85]    Tel que relaté au paragraphe 27 de la présente décision, le Comité dispose d’une preuve qui, « à première vue », démontre que les gestes reprochés ont été commis par l’intimé ;

[86]    Mais il y a plus, cette preuve « prima facie » n’a pas été contredite d’aucune façon par l’intimé ;

[87]    Celui-ci ayant choisi de ne pas témoigner, ni d’offrir aucune preuve à l’encontre de la preuve du syndic ;

[88]    En conséquence, le Comité conclut que le syndic s’est déchargé de son fardeau de preuve ;

 

6.6      L’évaluation du risque

[89]    Dans le cadre d’une requête en radiation provisoire, le syndic a le fardeau d’établir qu’il existe un risque immédiat pour la protection du public si le professionnel continue d’exercer sa profession[42] ;

[90]    Cette évaluation doit se fonder sur des faits concrets démontrant que l’intimé constitue, pour le présent et le futur, un « risque » pour la protection du public[43] ;

[91]    Alors que l’intimé savait que l’élément déclencheur de la requête en radiation provisoire était son refus de fournir les renseignements et les informations requises par le syndic, il n’a fait aucun effort pour répondre aux demandes du syndic ;

[92]    C’est ainsi que malgré deux (2) journées d’audition tenues sur une période de deux (2) semaines, il était toujours en défaut de répondre au syndic au moment de la dernière journée d’audition ;

[93]    De l’avis du Comité, ce manque de collaboration et, surtout, cette insouciance face à ses obligations déontologiques, démontrent, sans l’ombre d’un doute, que l’intimé constitue un « risque » pour la protection du public ;

[94]    Concernant l’importance de répondre aux demandes de renseignement en provenance du syndic, le Comité estime qu’il convient de réitérer les propos qu’il tenait dans l’affaire Kotliaroff[44] :

 

D. L’entrave et la protection du public

[59] Suite aux amendements de 2008, l’article 130 du Code des professions se lit dorénavant comme suit :

 

130.  La plainte peut requérir la radiation provisoire immédiate de l'intimé ou la limitation provisoire immédiate de son droit d'exercer des activités professionnelles:

 

 4° lorsqu'il lui est reproché d'avoir contrevenu à l'article 114 ou au deuxième alinéa de l'article 122. (Nos soulignements)

 

[60] À cet égard, il sied de citer de larges extraits de l’arrêt Coutu c. Pharmaciens :

 

[42] Cette exigence s’inscrit dans la mission des ordres professionnels, dont la principale fonction est d’assurer la protection du public, entre autres, en contrôlant l’exercice de la profession par leurs membres.

[…]

[45] La personne qui décide de devenir membre d’un ordre professionnel s’oblige, d’une part, à reconnaître cette mission et, d’autre part, à y participer dans l’exercice de sa profession.  Dans ce contexte, il est sujet à l’inspection professionnelle et à une enquête du syndic.

[46] Ce pouvoir accordé au syndic aux termes de l’article 122 C. prof. n’est pas limité.  Il y est précisé que dans les circonstances qui y sont mentionnées, le syndic peut « faire une enquête […] et exiger qu’on [lui] fournisse tout renseignement et tout document relatif à cette enquête ».

[…]

[50] Le but de l’enquête du syndic n’est pas d’établir la culpabilité du professionnel.  Elle vise avant tout à lui permettre de déterminer s’il y a matière à plainte après qu’il eût obtenu une connaissance complète des faits.

[51] Dans sa décision sur culpabilité, le Comité écrit ce qui suit à propos du syndic :

« [59] Son mandat et ses pouvoirs sont élevés mais ils sont à la hauteur de sa mission. »

[52] Le Comité aurait pu ajouter que le pouvoir d’enquête du syndic doit aussi être apprécié en tenant compte de ses responsabilités, entre autres, lorsqu’il décide de porter une plainte disciplinaire.  Une telle décision ne peut pas être prise à la légère.

[53] Dans l’arrêt Pharmascience, le juge LeBel, au nom de la majorité, sous le titre « Nécessité d’une interprétation souple de leurs pouvoirs de surveillance pour l’exécution de leurs fonctions », écrit :

« Dans ce contexte, on doit s’attendre à ce que les personnes dotées non seulement du pouvoir mais aussi du devoir d’enquêter sur la conduite d’un professionnel disposent de moyens suffisamment efficaces pour leur permettre de recueillir toutes les informations pertinentes afin de déterminer si une plainte doit être portée.  Comme on l’a vu, le Code des professions attribue à un fonctionnaire indépendant, le syndic, la charge d’enquêter et de se prononcer sur la nécessité de déposer une plainte devant le comité de discipline.  Le juge Dalphond, alors à la Cour supérieure, décrivait clairement le rôle capital dévolu par le législateur à cet acteur dans Parizeau c. Barreau du Québec, [1997] R.J.Q. 1701, p. 1708 :

La clé de voûte au niveau du contrôle de la profession est le syndic, qui joue un double rôle : celui d’enquêteur doté de pouvoirs importants  (art. 122 du code)  et  celui de dénonciateur ou plaignant devant le comité de discipline (art. 128 du code). »

[54] En matière disciplinaire, où l’exercice d’une profession doit être vu comme un privilège, nier au syndic le pouvoir de contraindre le professionnel qui est l’objet d’une enquête de le rencontrer, aurait pour effet de permettre une brèche importante dans la finalité de la déontologie et de la discipline qui est la protection du public.

[55] Le syndic a non seulement le pouvoir, mais, dans certains cas, il a le devoir de rencontrer le professionnel.  Même si celui-ci peut être contraint de témoigner devant le Comité de discipline (art. 147 C. prof.), il faut éviter que le syndic doive porter plainte pour connaître la version du professionnel.

[56] Bien que dans plusieurs cas le seul échange de correspondance soit suffisant, il demeure que le pouvoir de communiquer verbalement avec le professionnel et éventuellement de le rencontrer sont des composantes essentielles du pouvoir d’enquête accordé au syndic, et ce, pour lui permettre d’exercer pleinement son rôle.

[57] Le Tribunal s’est déjà penché sur les pouvoirs du syndic d’un ordre professionnel.  Ainsi, dans Roy c. Médecins (Ordre professionnel des), le Tribunal écrit :

« Contrairement à l’accusé en droit pénal qui n’est jamais tenu de répondre aux questions de policiers et ne peut être contraint de témoigner à l’enquête préliminaire ou au procès, le professionnel a l’obligation de collaborer avec le syndic dans le cadre de son enquête (art. 122 du Code des professions), et il est un témoin contraignable devant le Comité de discipline (art. 149).  Le syndic a accès à ses dossiers et peut l’interroger relativement à l’objet de son enquête.  Il prend donc connaissance d’une bonne partie de la preuve grâce aux pouvoirs que lui confère le Code des professions.  Il peut également, lors de l’audition, forcer le professionnel à répondre à ses questions. […] »

(Soulignement ajouté)

[58] L’intimé a raison d’insister pour dire que ce n’est pas le professionnel qui doit définir les modalités de l’enquête d’un syndic.  Celui-ci doit demeurer libre de mener son enquête comme il l’entend.  S’il abuse ou s’il est négligent dans l’exercice de ce pouvoir, le professionnel ou d’autres intéressés ne sont pas privés de recours.

[61] Quant à la profession de courtier en assurance de dommages, il faut se référer à la décision Duclos :

[15] L’infraction consistant à entraver la syndic dans le cadre des fonctions qui lui sont dévolues par la loi constitue une infraction dont la gravité objective ne fait plus aucun doute puisque le pouvoir d’enquête du syndic constitue la pierre d’assise du système professionnel;

[16] D’ailleurs, la gravité objective particulièrement élevée de ce genre d’infraction a été reconnue à de nombreuses reprises par le Tribunal des professions;

[17] Dans le même ordre d’idée, la jurisprudence produite par la syndic souligne très clairement la gravité d’un tel geste ;

[18] À cet égard, qu’il nous soit permis d’en citer certains extraits, soit :

Larosée, dossier no 1999-05-02 (C) :

«Le défaut de répondre au syndic a toujours été considéré par notre comité comme étant une faute grave et le comité a rendu des sanctions plus sévères que celle qui nous est proposée. Toutefois, dans le cas qui nous est soumis, l’intimé a proposé, comme c’est son droit, une objection en droit quant au bien-fondé de la plainte. Évidemment, nous n’avons pas à lui en ternir rigueur.

À la suite de notre décision sur la culpabilité, l’intimé a répondu.» (p. 1)

Lambert, dossier no 2000-01-04 (C) :

«Le défaut de répondre aux membres du comité de surveillance ou au syndic constitue une faute excessivement grave et est toujours considéré comme tel par les comités de discipline. En effet, le service de surveillance et le département du syndic sont essentiellement voués à la protection du public. Refuser de répondre à leurs demandes dans le délai imparti paralyse les fonctions de ces départements et empêche ces derniers d’exercer leur rôle de protection du public.» (p. 2)

Angelone, dossier no 2004-01-03 (C) :

 «[2] Notre comité a toujours été très sévère pour le défaut de répondre ou le fait de répondre dans un délai inacceptable aux demandes du syndic;

 [3] Il faut rappeler que le syndic est la personne la plus importante de l’organisation professionnelle car c’est elle qui, par son intervention, peut corriger les lacunes des membres et ainsi s’acquitter de la lourde tâche de la protection du public. Le défaut de répondre paralyse le syndic dans son action.» (p. 1)

[19] À la lumière de ces décisions, de même que celles du Tribunal des professions, la gravité objective très élevée de cette infraction ne fait pas l’ombre d’un doute et, en conséquence, le Comité devra en tenir compte pour l’imposition de la sanction;

[20] Enfin, la Cour suprême, dans l’affaire Pharmascience inc. c. Binet, 2006 C.S.C. 48, rappelait l’obligation pour les professionnels et même pour les tiers de collaborer à l’enquête du syndic, sous peine de sanction;

 

[95]    Pour l’ensemble de ces motifs, une ordonnance de radiation provisoire sera émise contre l’intimé ;

 

6.7      La publication d’un avis

[96]    Suivant l’article 133 C. prof., le Comité doit décider s’il fait publier ou non un avis de sa décision dans le journal le plus susceptible d’être lu par la clientèle de l’intimé ;

[97]    Dans le cas d’une décision imposant une mesure provisoire, cet avis doit comprendre, en plus du nom de l’intimé, un résumé des faits qui lui sont reprochés ;

[98]    Le principal but de la publication d’un avis de la décision est la protection du public et, sauf circonstances exceptionnelles, la jurisprudence constante établit qu’elle sera ordonnée ;

[99]    De l’avis du Comité, lorsqu’il s’agit de la publication d’une décision imposant une radiation provisoire, il ne peut y avoir de circonstances suffisamment exceptionnelles pour justifier une dispense de publication ;

[100] Conclure autrement équivaudrait à nier la nécessité et le bien-fondé de l’ordonnance de radiation provisoire ;

[101] La finalité de la publication de l’avis est d’informer le public qu’un professionnel est devenu inhabile, à la suite d’une ordonnance de radiation provisoire et qu’en conséquence, pour sa protection, il ne doit plus faire affaire avec ce dernier ;

[102] Pour ces motifs, le Comité ordonnera la publication d’un avis de radiation dans le « Journal de Montréal » ;

 

 

VII.     Conclusion

 

[103] Le Comité tient à souligner que le droit d’exercer une profession n’est pas sans limite, il doit être exercé dans le respect des règles déontologiques[45] ;

[104] À ce sujet, il convient de rappeler les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Roy[46] :

[42]           Replacé dans cette perspective, le droit que l’intimé peut invoquer ici est d’une portée plus restreinte. Il ne s’agit pas, en fin de compte, d’un quelconque droit substantiel d’exercer la profession d’ingénieur, mais plutôt d’un « droit à l’application régulière de la loi » (par analogie par exemple à l’affaire Sam Lévy & Associés inc. c. Mayrand) en tant que membre d’un ordre professionnel. Et une chose est sûre : personne ne peut revendiquer le droit de mal exercer, ou d’exercer de façon incompétente, une activité professionnelle régie par le Code. La protection du public dont sont garants les ordres professionnels s’y oppose. (Nos soulignements)

 

[105] Enfin, concernant la présence d’une intention malhonnête chez l’intimé lors de la confection et de l’utilisation de fausses attestations d’assurance, il y a lieu de rappeler les conclusions de la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[47] :

[52]    Le Comité de discipline a utilisé des mots très forts pour décrire les gestes posés par Daigneault:  stratagème, maquillage, faux et usage de faux.   Et, avec égards pour l'avis de la juge de première instance, il a eu raison.   La distinction proposée par la juge ne tient pas la route.   Il est de l'essence même d'un faux d'être fabriqué dans l'intention qu'il soit employé ou qu'on y donne suite, de quelque façon que ce soit, comme authentique, au préjudice de quelqu'un.  C'est exactement ce qui s'est passé ici puisque les documents ont servi à l'obtention d'un prêt hypothécaire dépassant le prix de vente de l'immeuble.  D'ailleurs, Daigneault ne s'en cachait pas:  le prix de vente était artificiellement gonflé pour faciliter la tâche des acheteurs en vue d'obtenir du financement.

(Nos soulignements)

 

[106] C’est en considérant tous ces éléments, tant factuels que légaux, que le Comité n’a pas hésité, le 12 septembre 2019, à ordonner la radiation provisoire de l’intimé.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE, EN DATE DU 12 SEPTEMBRE  2019 :

 

ACCUEILLE la requête en radiation provisoire modifiée;

ORDONNE la radiation provisoire de l’intimé jusqu’à ce que jugement final intervienne sur la plainte ;

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans le Journal de Montréal ;

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-accessibilité de tout renseignement ou information permettant d’identifier les clients, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions ;

DÉCLARE que l’audition de la plainte sera confiée à une autre division du Comité de discipline ;

LE TOUT, frais à suivre, sauf les frais de publication de l’avis, lesquels seront à la charge de l’intimé.

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

M. Jacques D’Aragon, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

Mme Anne-Marie Hurteau, M.B.A., FPAA, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

Me Sylvie Poirier

Procureure de la partie plaignante

 

Me Maxime Chevalier

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audience : 29 août 2019 et 12 septembre 2019

 



[1]    RLRQ, c. C-25.01;

[2]    RLRQ, c. C-26;

[3]    Art. 368 et 376 LDPSF (RLRQ, c. D-9.2);

[4]    RLRQ, c. C-25.01;

[5]    2017 CanLII 21612 (QC OPQ);

[6]    1998 (CanLII) 13257 (QC CA);

[7]    Joris Immobilier c. G. Huneault Immobilier inc., 2010 QCCQ 8675 (CanLII), par. 96;

[8]    Ibid., par. 97;

[9]    Pièces R-1 à R-47;

[10]   2018 QCCS 4869 (CanLII);

[11]   Ibid., par. 61 à 65;

[12]   Ibid., par. 62;

[13]   Ibid., par. 63;

[14]   2013 CanLII 86023 (QC CDCHAD);

[15]   Ibid., par. 70 à 73;

[16]   2011 CanLII 36726 (QC CDCHAD);

[17]   2011 QCCQ 15421 (CanLII);

[18]   R.L.R.Q., c. C-26;

[19]   Benhaim c. Médecins, 2017 QCTP 83 (CanLII), demande de contrôle judiciaire rejetée, 2019 QCCS 1443 (CanLII);

[20]   Art. 130(3) C.prof.;

[21]   St-Pierre c. Notaires, 2010 QCTP 79 (CanLII), par. 30 et 31;

[22]   Barreau du Québec c. Finney, 2004 CSC 36 (CanLII);

[23]   Kane c. Conseil d’administration de l’U.C.-B., [1980] 1 R.C.S. 1105, p. 1113;

[24]   Bohémier c. Avocats, 2006 QCTP 103 (CanLII);

[25]   Ibid., par. 52;

[26]   Bohémier c. Avocats, 2005 QCTP 140 (CanLII);

[27]   Lebel c. Kanafani, 2011 QCCQ 14885 (CanLII), permission d’appeler refusée, 2013 QCCA 200 (CanLII);

[28]   Alipoor c. Pinet, op. cit., note 10, par. 98 à 113;

[29]   Mailloux c. Médecins, 2009 QCTP 80, par. 126; Choquette c. Avocats, 2014 QCTP 1;

[30]   2014 QCCQ 802 (CanLII);

[31]   Ibid, par. 55 à 64;

[32]   2009 QCTP 80 (CanLII);

[33]   Benhaim c. Médecins, 2017 QCTP 83 (CanLII);

[34]   Art. 9 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5);

[35]   Ibid., art. 37(5);

[36]   Ibid., Art. 15;

[37]   Ibid., art. 15, 37(1), 37(5) et 37(7);

[38]   Ibid., art. 34 et 35;

[39]   Ibid., art. 2 et 17;

[40]   CHAD c. Kotliaroff, 2009 CanLII 20048 (QC CDCHAD);

[41]   Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, 1990 CanLII 59 (CSC);

[42]   Benhaim c. Médecins, 2017 QCTP 83 (CanLII), par. 74 et 77;

[43]   Mailloux c. Médecins, 2009 QCTP 80 (CanLII);

[44]   CHAD c. Kotliaroff, 2009 CanLII 20048 (QCCDCHAD);

[45]   Parent c. C.S.F., 2007 QCCQ 1412 (CanLII), par. 44;

[46]   Comité exécutif de l’Ordre des ingénieurs du Québec c. Roy, 2011 QCCA 1707 (CanLII);

[47]   2003 CanLII 32934 (QC CA);

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