Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2018-12-02(C)

 

DATE :

11 juin 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Bernard Jutras, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Nadia Ndi, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

JEAN-SÉBASTIEN DOMON, courtier en assurance de dommages (inactif)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-ACCESSIBILITÉ DE TOUT RENSEIGNEMENT, INFORMATION OU DOCUMENT PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET DANS LES PIÈCES DOCUMENTAIRES DÉPOSÉES EN PREUVE, LE TOUT CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 5 avril 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2018-12-02(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Marie-Claude Sarrazin et, de son côté, l’intimé se représentait seul ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant quatre (4) chefs d’accusation, soit :

 

1.   Entre les ou vers les 19 mai et 7 juillet 2015, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance automobile n° 20368158 émis par Assurance Economical, a exercé ses activités professionnelles de manière négligente et/ou a fait une déclaration fausse, trompeuse et/ou susceptible d'induire en erreur, en affirmant aux assurés S.L. et M.D. que l'avenant FAQ 13 C requis par l’assureur pour l'émission dudit contrat, serait retiré lors du renouvellement, en contravention avec les articles 15, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2.   Le ou vers le 29 janvier 2018, dans le cadre d’une réclamation des assurés S.L. et M.D. aux termes du contrat d’assurance automobile n° 20368158 émis par Assurance Economical, a exercé ses activités professionnelles de manière négligente et/ou a fait une déclaration fausse, trompeuse et/ou susceptible d'induire en erreur, en affirmant auxdits assurés que l’assureur aurait dû retirer l’avenant FAQ 13 C lors du 1er renouvellement, en contravention avec les articles 15, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

3.   Les ou vers les 19 et 29 janvier 2018, dans le cadre d’une réclamation des assurés S.L. et M.D. aux termes du contrat d’assurance automobile n° 20368158 émis par Assurance Economical, a eu une conduite qui n’était pas empreinte d’objectivité, de discrétion, de modération et de dignité en faisant part, par courriel adressé à l'assuré S.L., de son insatisfaction à l'égard d’Assurance Economical et en indiquant qu’il considérait cesser sa relation d’affaires avec ledit assureur, en contravention avec l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4.   Le ou vers le 29 janvier 2018, dans le cadre d’une réclamation des assurés S.L. et M.D. aux termes du contrat d’assurance automobile n° 20368158 émis par Assurance Economical, a outrepassé son rôle de représentant en assurance de dommages en se permettant des conseils et commentaires pour lesquels il ne détient ni les connaissances ni les aptitudes, dans un courriel adressé à l'assuré S.L., en contravention avec les articles 16 et 17 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des infractions reprochées ;

[5]       Ce faisant, l’intimé fut déclaré coupable, séance tenante, des quatre (4) chefs de la plainte ;

[6]       Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

 

II.         Les faits

 

[7]       Les faits à l’origine du dossier sont relativement simples ;

[8]       Au début du mois de janvier 2018, les assurés ont présenté une réclamation pour un bris de vitre sur leur véhicule automobile ;

[9]       Leur réclamation fut refusée au motif que leur police d’assurance était sujette à l’avenant FAQ no. 13c qui exclut cette protection lorsque l’assuré a subi deux (2) sinistres de pare-brise en trois (3) ans ;

[10]    De plus, toute demande de retrait de cet avenant doit être référée à l’assureur ;

[11]    Or, l’intimé a été négligent et a induit en erreur ses clients en prétendant que l’avenant FAQ 13c serait retiré au moment du renouvellement de la police (chefs 1 et 2) ;

[12]    Par ailleurs, il a tenté de se justifier en faisant porter la faute sur l’assureur (chef 3) et en conseillant à ses clients de s’adresser à la Cour des petites créances (chef 4) ;

 

III.        Recommandations communes

 

[13]    Me Sarrazin propose, en accord avec l’intimé, d’imposer à ce dernier les sanctions suivantes :

          Chef 1 :                        une radiation de 30 jours

          Chef 2 :                        une radiation de 30 jours

          Chef 3 :                        une radiation de 30 jours

          Chef 4 :                        une radiation de 30 jours

[14]    À cet égard,  la procureure souligne que les radiations imposées sur les chefs 1 et 2 seront purgées de façon concurrente entre elles, il en est de même pour celles imposées sur les chefs 3 et 4, sauf que ces dernières seront purgées de façon consécutive à celles imposées sur les chefs 1 et 2, pour un total de 60 jours ;

[15]    Ces sanctions ont été établies en tenant compte des circonstances aggravantes suivantes :

      La gravité objective des infractions ;

      La mise en péril de la protection du public ;

      L’expérience de l’intimé ;

      Les antécédents disciplinaires de l’intimé[1];

[16]    Quant aux circonstances atténuantes, Me Sarrazin identifie les suivantes :

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé ;

      L’admission des faits par l’intimé ;

      Le faible risque de récidive puisque l’intimé n’a pas l’intention de revenir à la pratique ;

      Les difficultés financières de l’intimé ;

[17]    Enfin, les décisions suivantes furent soumises pour appuyer les recommandations communes :

          Chefs nos. 1 et 2 :

En matière de gravité objective des infractions :

      CHAD c. Houde, 2006 CanLII 53733 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Desrosiers, 2004 CanLII 56994 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Faubert, 2010 CanLII 64056 (QC CDCHAD) ;

 

Pour la fourchette des sanctions :

      CHAD c. Darakoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Huard, 2017 CanLII 47415 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Desrosiers, 2004 CanLII 56994 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Faubert, 2010 CanLII 64056 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Lachance, 2016 CanLII 6242 (QC CDCHAD) ;

 

Chef no. 3:

En matière de gravité objective des infractions :

      CHAD c. Gingras, 2005 CanLII 57456 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Allard, 2002 CanLII 46641 (QC CDCHAD) ;

 

Pour la fourchette des sanctions :

      CHAD c. Gendron, 2002 CanLII 46649 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Gouin, 2017 CanLII 53909 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Bernard, 2019 CanLII 22097 (QC CDCHAD) ;

 

Chef no. 4 :

En matière de gravité objective des infractions :

      CHAD c. Therriault, 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Richer, 2012 CanLII 45339 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Desrosiers, 2004 CanLII 56994 (QC CDCHAD) ;

 

Pour la fourchette des sanctions :

      CHAD c. Charlebois, 2012 CanLII 4128 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Desormiers, 2004 CanLII 56993 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Pham, 2011 CanLII 101166 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Bernard, 2019 CanLII 22097 (QC CDCHAD) ;

 

[18]    Cela dit, les parties demandent au Comité d’entériner les sanctions suggérées ;

 

IV.       Analyse et décision

 

 

A)        Le plaidoyer de culpabilité

 

[19]    Suivant la jurisprudence[2], un plaidoyer de culpabilité équivaut à une reconnaissance que les faits reprochés constituent une faute déontologique ;

[20]    D’ailleurs, dans l’affaire Castiglia c. Frégeau[3], la Cour du Québec écrivait :

[28]        Le Syndic a raison de soutenir que Frégeau, ayant plaidé coupable à l’audition sur culpabilité, il ne peut remettre en question ce plaidoyer qui constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte. À cet égard, le Syndic réfère le Tribunal à l’arrêt de principe de la Cour d’appel de Lefebvre c. La Reine, où la Cour d’appel conclut qu’un plaidoyer de culpabilité consiste à admettre l’ensemble des éléments de l’infraction et que sa peine doit être évaluée à partir de ce fondement.

[29]        Ce même principe a été reconnu par le Tribunal des professions dans Pivin c. Inhalothérapeutes, où le Tribunal confirme qu’un plaidoyer en droit disciplinaire, est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique. (Nos soulignements)

 

[21]    Dans l’arrêt Duquette c. Gauthier[4], la Cour d’appel va même plus loin en déclarant que :

[20]           Le Tribunal est conscient que la décision sur une demande de retrait de plaidoyer procède du pouvoir discrétionnaire du Comité et qu'il s'agit d'une question de droit. Le plaidoyer de culpabilité emporte en soi un aveu que l'accusé a commis le crime imputé, de même qu'un consentement à ce qu'une déclaration de culpabilité soit inscrite sans autre forme de procès. (Nos soulignements)

 

[22]    D’autre part, dans l’affaire Boudreau c. Avocats[5], le Tribunal des professions a reconnu qu’il s’agissait d’un facteur atténuant dont le Comité devait tenir compte :

[25]        Cela dit, d'autres reproches formulés méritent plus d'attention. Selon l'appelant, le Conseil a ignoré les conséquences atténuantes pouvant découler du plaidoyer de culpabilité, surtout lorsqu'il est enregistré, comme ici, à la première occasion. En reconnaissant sa culpabilité, l'appelant admet avoir commis des actes répréhensibles qui constituent une faute déontologique. Ce faisant, l'appelant a permis d'éviter l'instruction de la plainte disciplinaire, imposant notamment à son ex‑cliente les embûches d'un témoignage. L'appelant a raison de reprocher au Conseil d'avoir occulté ce facteur atténuant. (Nos soulignements)

 

B)        La recommandation commune

 

[23]    Compte tenu de la jurisprudence en matière de recommandations communes[6], le Comité entend entériner celles-ci ;

 

[24]    D’ailleurs, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[7]:

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements) 

 

[25]    Cela dit, le Comité estime que les sanctions suggérées reflètent adéquatement les particularités du présent dossier et que celles-ci assurent la protection du public sans pour autant punir outre mesure l’intimé ;

[26]    Pour l’ensemble de ces motifs, les sanctions suggérées par les parties seront entérinées par le Comité.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

          PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ;

DÉCLARE l’intimé coupable de toutes et chacune des infractions reprochées et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:               pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2. r.5) ;

Chef 2:               pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2. r.5) ;

Chef 3:               pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2. r.5) ;

Chef 4:               pour avoir contrevenu à l’article 17 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2. r.5) ;

 

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 4 de la plainte ;

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

 

                   Chef 1 :               une radiation de 30 jours

                   Chef 2 :               une radiation de 30 jours

                   Chef 3 :               une radiation de 30 jours

                   Chef 4 :               une radiation de 30 jours

Les radiations temporaires sur les chefs 1 et 2 devant être purgées de manière concurrente pour une durée de 30 jours ;

Les radiations temporaires sur les chefs 3 et 4 devant être purgées de manière concurrente pour une durée de 30 jours mais de manière consécutive aux périodes de radiation sur les chefs 1 et 2, pour un total de 60 jours ;

Lesdites radiations temporaires seront exécutoires à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé ;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de radiation temporaire, conformément à l’article 156 du Code des professions, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé ;

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-accessibilité de tout renseignement, information ou document permettant d’identifier les assurés mentionnés dans la plainte, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions ;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés incluant, le cas échéant, les frais de publication de l’avis de radiation.

 

 

 

___________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

___________________________________

M. Bernard Jutras, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

___________________________________

Mme Nadia Ndi, CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

Me Marie-Claude Sarrazin

Procureure de la partie plaignante

 

M. Jean-Sébastien Domon (se représentant seul)

Partie intimée

 

Date d’audience : 5 avril 2019

 



[1]    CHAD c. Domon, 2016 CanLII 74877 (QC CDCHAD);

[2]        Pivin c. Inhalothérapeutes2002 QCTP 32 (CanLII);

     Lemire c. Médecins, 2004 QCTP 59 (CanLII);

     Mercier c. Médecins, 2014 QCTP 12 (CanLII);

[3]        2014 QCCQ 849 (CanLII);

[4]        2007 QCCA 863 (CanLII);

[5]        2013 QCTP 22 (CanLII);

[6]        Chan c. Médecins2014 QCTP 5 (CanLII);

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP);

[7]        Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

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