Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-06-01(C)         

 

 

DATE :

26 juillet 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Bruno Simard, courtier en assurance de

dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

 

ERIC NINETTE LELE BOGNE, courtier en assurance de dommages (4A), inactive

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

 

[1]       Le 17 décembre 2018[1], l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 34 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, lequel stipule ce qui suit :

« Art. 34. Le représentant en assurance de dommages doit répondre dans les plus brefs délais à toute correspondance provenant du syndic, du cosyndic ou d’un adjoint du syndic dans l’exercice des fonctions qui leur sont dévolues par la Loi ou ses règlements d’application. »

 

[2]       Bref, l’intimée a entravé le travail du syndic en négligeant de répondre avec diligence aux demandes de ce dernier.

 

[3]       Le 11 avril 2019, nous sommes réunis afin de procéder à l’audition sur sanction.

 

[4]       Me Belhumeur est présente et Mme Bogne aussi. Chacune d’elles feront des représentations sans avocat.

 

[5]       Me Belhumeur nous avise qu’elle n’a pas de preuve à administrer.

 

[6]       Quant à l’intimée, elle a de la difficulté à comprendre de quelle manière elle doit procéder.

 

[7]       Suivant la règle établie par la Cour d’appel dans l’arrêt Ménard c. Gardner[2], le vice-président du Comité assiste l’intimée en lui fournissant des explications sur le processus et l’administration de la preuve.

 

 

I.  Preuve de l’intimé sur sanction 

 

 

[8]       Suite aux observations du vice-président, l’intimée décide de témoigner. Dûment assermentée, elle déclare ce qui suit :

 

            Elle est sans emploi en ce moment;

            Elle se considère monoparentale et elle aurait 4 enfants à sa charge;

            Pour elle, il y a une grande différence entre une radiation de son certificat pour 30 jours ou 60 jours;

            Avec une radiation de 30 jours, elle pourra probablement se trouver un emploi;

            Toutefois, si elle est radiée pour une période de 60 jours, elle aura beaucoup de difficulté à trouver un cabinet qui sera disposé à attendre 60 jours avant qu’elle ne puisse débuter son travail.  

 

II.         Représentations sur sanction du syndic

 

 

[9]       Me Belhumeur sollicite la radiation temporaire du certificat de l’intimée pour une période de 60 jours.

 

[10]    Comme Mme Bogne est présentement inactive, cette période de radiation de 60 jours serait exécutoire uniquement lors de la remise en vigueur du certificat de l’intimée.

 

[11]    De plus, selon Me Belhumeur, un avis de la décision de radiation devrait être publié et l’intimée doit assumer les frais et déboursés de l’instance qui se chiffrent présentement à une somme d’environ 450 $. Le syndic est toutefois disposé à accorder un délai d’un (1) an à l’intimée pour payer les frais et déboursés.

 

[12]    À titre de facteurs aggravants, Me Belhumeur attire notre attention sur les éléments suivants :

 

            La gravité objective de l’infraction commise;

            La mise en péril de la protection du public;

            Le caractère répétitif des gestes posés;

            Les explications peu crédibles fournies par l’intimée;

            L’absence de repentir qui rend le risque de récidive élevé;

            Un manque de respect flagrant pour le processus disciplinaire.

[13]    À titre de facteur atténuant, le syndic n’en voit qu’un seul, l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimée.

 

[14]    Afin d’appuyer sa suggestion de radiation de 60 jours, Me Belhumeur fait référence à de nombreux précédents jurisprudentiels[3].

 

III.        Représentations sur sanction de l’intimé

 

 

[15]    L’intimée réitère qu’une suspension de 30 jours à la remise en vigueur de son certificat lui apparait juste et raisonnable dans les circonstances.  

 

[16]    Tandis qu’une radiation temporaire de 60 jours sera plus problématique et l’empêchera fort probablement de se trouver un emploi dans le domaine du courtage d’assurance.

 

   

 

IV.       Analyse et décision

 

 

[17]    Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[4], la sanction doit atteindre les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

[18]    Le Comité doit également s'assurer de particulariser la sanction en tenant compte des caractéristiques de chaque dossier.

[19]    Par ailleurs, le Comité doit tenir compte de toutes les circonstances tant aggravantes qu’atténuantes afin d’imposer une sanction proportionnelle à la gravité de l'infraction[5].

[20]    Ici, nous sommes saisis d’un dossier dans lequel l’intimée a fait défaut de répondre à son syndic malgré les nombreuses demandes transmises par Me Belhumeur.

[21]    Inutile de dire que cette infraction est d’une grande gravité objective[6].

[22]    À titre de facteurs atténuants, précisons que suite à la signification de la plainte, l’intimée a finalement répondu aux questions de Me Belhumeur. Bien plus, l’intimée n’était pas visée par l’enquête du syndic, celle-ci ciblait plutôt le dirigeant du cabinet Avantage Certifié en Assurances : Acea inc.

[23]    De plus, nous sommes d’opinion que l’intimée a appris une leçon dans le cadre du présent dossier. Aujourd’hui, elle sait qu’elle doit répondre sans délai à toutes les questions et demandes du syndic de la ChAD.  

[24]    Quelle période de radiation temporaire serait juste et appropriée dans les circonstances?

[25]    Une analyse des précédents en matière d’entrave au travail d’un syndic nous indique que lorsqu’il s’agit d’une première infraction, la radiation temporaire ou suspension du permis du professionnel est généralement de 30 jours[7].

[26]    Nous sommes également d’avis que la radiation temporaire du certificat de l’intimée pour une période de plus de 30 jours n’est pas appropriée dans les circonstances puisque selon le témoignage de l’intimée, une telle durée de radiation aura pour effet de l’empêcher de se trouver un nouvel emploi dans le domaine du courtage en assurance de dommages.

[27]    Rappelons que la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel mais vise plutôt à corriger un comportement fautif tout en protégeant le public[8].

[28]    Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité impose donc une radiation temporaire du certificat de l’intimée pour une période de 30 jours, laquelle sera exécutoire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée.

[29]    Un avis de radiation temporaire devra également être publié, aux frais de l’intimée,  à compter de la remise en vigueur de son certificat.

[30]    Finalement, considérant la situation financière difficile de l’intimée, elle bénéficiera d’un délai de 12 mois pour payer les frais et déboursés.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

IMPOSE à l’intimée Eric Ninette Lele Bogne la sanction suivante :

 

     Chef 1 : une radiation temporaire de 30 jours;

 

DÉCLARE que la période de radiation susdite sera exécutoire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

 

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de radiation temporaire, conformément aux dispositions de l’article 156 du Code des professions, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

 

CONDAMNE l’intimée au paiement des frais et déboursés, incluant les frais de publication de l’avis de radiation temporaire;

 

ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour acquitter les frais et déboursés, le tout en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimée est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, elle perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain,  C. d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Marie-Josée Belhumeur

Partie plaignante

 

Mme Eric Ninette Lele Bogne

Partie intimée

 

 

Date d’audience : 11 avril 2019

 

 



[1] ChAD c. Bogne, 2018 CanLII 127646 (QC CDCHAD);

[2] 2012 QCCA 1546 (CanLII);

[3] Notamment ChAD c. Boudreault, 2008 CanLII 76863 (QC CDCHAD), ChAD c. Gignac, 2014 CanLII 76158 (QC CDCHAD), Riendeau c. Deschamps, 2018 QCCQ 5664 (CanLII) et Thibault c. Van Rensselaer, 2006 CanLII 53426 (QC CDBQ);

[4] 2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants ;

[5] OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ);

[6] ChAD c. Kotliaroff, 2009 CanLII 20048 (CD CHAD);

[7] ChAD c. Gignac, 2014 CanLII 76158 (QC CDCHAD), OACIQ c. Safdar, 2016 CanLII 74002 (QC OACIQ), OACIQ c. Vo, 2018 CanLII 28790 (QC OACIQ), OACIQ c. Kénol, 2013 CanLII 88083 (QC OACIQ), ChAD c. Kotliaroff, 2009 CanLII 40928 (QC CDCHAD) et OACIQ c. Tétrault, 2016 CanLII 60400 (QC OACIQ);

[8] Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII) et Duplantie c. Notaires, 2003 QCTP 105 (CanLII);

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