Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

2018-09-06(C)

 

 

DATE :

26 juin 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

Mme France Laflèche, C. d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

 

MICHEL CHANTAL (4A), inactif et sans mode d’exercice

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

Ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-divulgation des renseignements personnels et financiers portant sur les assurés mentionnés dans la plainte et dans les pièces documentaires déposées en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions.

 

 

[1]       Le 6 mai 2019, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition d’une plainte numéro 2018-09-06(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Éric Lemay ;

 

 

 

I.          La plainte

[3]       L’intimé Chantal plaide coupable aux 2 chefs énoncés dans la plainte suivante :

            Dans le cas de l’assuré J.V.

1.         Le ou vers le 5 juillet 2012 et vers l’automne 2016, s’est placé directement ou indirectement dans une situation potentielle ou réelle de conflit d’intérêts et/ou en non‑respect de son obligation d’indépendance professionnelle, en empruntant de l’assuré J.V. les montants de 9 251,57 $ et de 500 $, agissant ainsi à la fois comme représentant en assurance de dommages et comme débiteur de cet assuré, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 10 et 19 du Code de déontologie des représentants en assurance des dommages ;

Dans le cas des assurés J-M.B., D.C., F.D., B.G. et J.S.

2.         Entre le ou vers le début de l’année 2017 et ce jour, s’est placé directement ou indirectement dans une situation potentielle ou réelle de conflit d’intérêts et/ou en non‑respect de son obligation d’indépendance professionnelle, en empruntant des assurés J-M.B., D.C., F.D., B.G. et J.S. des montants totalisant la somme de 8 100 $, agissant ainsi à la fois comme représentant en assurance de dommages et comme débiteur de ces assurés, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 10 et 19 du Code de déontologie des représentants en assurance des dommages ;

[4]       Séance tenante, le Comité a pris acte de son plaidoyer et l’a déclaré coupable des chefs 1 et 2 de la plainte et d’avoir ainsi enfreint l’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance des dommages ;

 

[5]        Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction.

II.         Recommandation commune sur sanction

[6]       Le procureur du syndic, Me Leduc a déposé en preuve sous la cote SP-1 une décision sur sanction rendue par le Comité dans le dossier 2018-01-01(C) qui concerne l’intimé Chantal[1];

 

[7]       À son avis, il ne s’agit pas d’un véritable antécédent disciplinaire. Toutefois, cette décision du Comité constitue nettement un facteur aggravant ;

 

[8]       Après avoir pu examiner la situation financière et personnelle difficile de l’intimé Chantal, Me Leduc a expliqué au Comité que les parties se sont entendues sur l’imposition des sanctions suivantes, à savoir :

        Chef 1 : une radiation de 12 mois et une amende totale de 4 000 $ ;

        Chef 2 : une radiation de 12 mois et une amende totale de 10 000 $ ;

        Que les deux (2) périodes de radiation susvisées soient purgées de façon concurrente entre elles pour une radiation totale de 12 mois ;

        Que l’intimé Chantal puisse bénéficier d’un délai de quatre (4) ans pour acquitter la somme globale de 7 000 $, les frais et les déboursés du dossier sans intérêt, en 48 versements égaux, consécutifs et mensuels ;

        Si l’intimé est en défaut de payer à l’échéance l’un ou l’autre des versements mensuels susvisés, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

[9]       Me Leduc a insisté sur la gravité objective des infractions énoncées dans la plainte, la répétition des manquements, leur durée et la longue expérience professionnelle de l’intimé Chantal ;

 

[10]    Me Leduc a mentionné également que l’intimé avait quitté définitivement le domaine des assurances de dommages. Il a trouvé un emploi dans un autre domaine d’activités;

 

[11]    Quant au procureur de l’intimé, Me Lemay, il a confirmé que son client était d’accord avec les sanctions recommandées.

 

III.        Analyse et motifs

 

[12]    Dans le présent dossier, les faits sont simples. Ils sont énoncés clairement dans les chefs d’accusation de la plainte. Par conséquent, le Comité ne reprendra pas la trame factuelle;

 

[13]    Les manquements reprochés à l’intimé Chantal sont des infractions graves objectivement qui se situent au cœur de l’exercice de la profession de courtier en assurances de dommages ;

 

[14]    L’intimé Chantal en agissant comme il l’a fait s’est placé plusieurs fois dans une situation de conflit d’intérêts réelle ou potentielle qui lui permettait de faire primer ses intérêts personnels et financiers au détriment des intérêts des six (6) assurés mentionnés dans la plainte;

 

[15]    Cette situation s’est produite au moins sept (7) fois et pendant plusieurs années;

 

[16]    La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault a établi que la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants[2] :

 

           La protection du public;

           La dissuasion du professionnel de récidiver;

         L’exemplarité à l’égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

           Le droit du professionnel d’exercer sa profession.

 

[17]    Par son plaidoyer de culpabilité, l’intimé Chantal a reconnu que les manquements reprochés dans la plainte ont été commis et qu’ils constituent des fautes déontologiques[3];

 

[18]    Le Comité souhaite vivement que l’intimé tire de son expérience disciplinaire une sérieuse leçon sur le plan professionnel ;

 

[19]    Par ailleurs, tel que l’a déjà mentionné la Cour d’appel du Québec, la sanction en droit disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel, mais vise à assurer la protection du public[4];

 

[20]    Tous les intervenants du domaine de l’assurance doivent respecter les obligations professionnelles et déontologiques prescrites par le législateur ;

 

A) La recommandation commune

 

[21]    La jurisprudence récente en matière de recommandations communes[5] et plus particulièrement l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[6], ont réitéré que la discrétion d’un Comité de discipline en cette matière est plutôt limitée ;

 

[22]    À cet égard, mentionnons que le Tribunal des professions a exprimé clairement l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[7]:

 

« [21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d’en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d’un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d’expérience devrait être respectée à moins qu’elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice. »

          (notre soulignement)

 

[23]    Le Comité conclut qu’en considérant l’ensemble des circonstances particulières du présent dossier, les sanctions suggérées par les parties sont justes, raisonnables et appropriées au cas de l’intimé Chantal;

 

[24]    D’une part, elles prennent en compte la gravité objective des infractions et, d’autre part, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ;

 

[25]    Au surplus, les sanctions suggérées sont semblables à celles imposées par le Comité pour des infractions similaires[8];

 

[26]    En ce qui a trait au principe de la globalité des sanctions, les tribunaux[9] et les auteurs de doctrine [10] ont défini clairement les pourtours de ce principe ;

 

[27]    Mentionnons que l’intimé Chantal vit une situation difficile sur les plans personnel et financier;

 

[28]    La recommandation commune formulée par les parties est donc entérinée sans réserve par le Comité ;

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non‑divulgation des renseignements personnels et financiers portant sur les assurés mentionnés dans la plainte et dans les pièces documentaires déposées en preuve, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions ;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Chantal sous les chefs 1 et 2 ;

DÉCLARE l’intimé Chantal coupable des chefs 1 et 2 pour avoir contrevenu à l’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, c. D-9.2, r.5 ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits ;

IMPOSE à l’intimé Michel Chantal les sanctions suivantes :

Sous le chef 1 : Une radiation temporaire de 12 mois et une amende de 4 000 $ ;

Sous le chef 2 : Une radiation temporaire de 12 mois et une amende de 10 000 $ ;

RÉDUIT les amendes susvisées à la somme totale de 7 000$ en considérant le principe de la globalité des sanctions ;

ACCORDE à l’intimé un délai de quatre (4) ans pour acquitter les amendes totalisant 7 000$, les frais et les déboursés du dossier en 48 versements mensuels égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé Chantal est en défaut de payer à l’échéance l’un ou l’autre des paiements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés de la plainte no. 2018-09-06(C);

DÉCLARE que les deux (2) périodes de radiation d’un (1) an pour les chefs 1 et 2 devront être purgées d’une façon concurrente à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

ORDONNE la publication de l’avis de radiation aux frais de l’intimé à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé.

 

 

 

 

 

 

 

___________________________________

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant

 

___________________________________

Mme Chantal Yelle, courtier en assurance de dommages          

 

___________________________________

Mme France Laflèche, courtier en assurance de dommages

Membre

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Éric Lemay

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 6 mai 2019

 



[1] CHAD c. Chantal, 2018 CanLII 78426 (QC CHAD).

[2] Pigeon c. Daigneault 2003 CanLII 32934 (QCCA); Voir également : Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnels des) 2005 QCTP 137 (CanLII).

[3] Castiglia c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 CanLII; Pivin c. Inhalothérapeutes 2002 QCTP 32 (CanLII).

[4] Thibault c. Da Costa 2014 CanLII 2347 (QCCA); Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619.

[5] Voir notamment Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII); Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82189 (QCTP).

[6] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII).

[7] Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII).

[8] CHAD c. Ayotte, 2007 CanLII 72587; CHAD c. Larose, 2017 CanLII 45018.

[9] Voir notamment : Kenny c. Dentistes, 1993 CanLII 91995 (QC TP); Brochu c. Médecins, 2002 CanLII 2 (QC TP).

[10]) P. de Niverville, La sentence en matière disciplinaire (une revue approfondie de la jurisprudence), dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, 2000, vol. 137; P. Bernard, La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, 2004, vol. 206.

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