Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2018-04-01(C)

 

DATE :

5 février 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

M. François Vallerand, C.d’A.Ass., courtier en assurance

de dommages

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages

Membre

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

DIANE RICHARD, courtier en assurance de dommages (4A)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE ET CE, EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

 

 

[1]       Les 6 et 7 novembre 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») est réuni pour procéder à l’audition de la plainte dans le présent dossier.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur, syndic, est représentée par Me Sylvie Poirier. Quant à l’intimée, elle est présente et non représentée par avocat.

 

I.          La plainte  

 

[3]       L’intimée Diane Richard est visée par 22 chefs d’accusation, à savoir :

 

  « Dans le cas de l’assurée D.P.

1. Le ou vers le 7 juillet 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F02 0169, visant une substitution pour un véhicule neuf Jeep Cherokee 2017, a fait à l’assurée D. P. une représentation fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur, en identifiant l’assurance de remplacement (FPQ 5) comme une protection valeur à neuf, en contravention avec les articles 15 et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

2. Le ou vers le 7 juillet 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F02 0169, visant une substitution pour un véhicule neuf Jeep Cherokee 2017, a été négligente dans sa tenue de dossier en ne notant pas au dossier de l’assurée D. P. l’objet et la teneur de leurs échanges téléphoniques, les informations et conseils donnés ni les instructions reçues, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2), les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (RLRQ c. D-9.2, r.2);

Dans le cas de l’assurée I. P.

3. Le ou vers le 6 mars 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F38 5369, visant une substitution pour un véhicule neuf Chevrolet Spark 2016, a fait défaut d’exécuter avec transparence le mandat de l’assurée I. P. d’obtenir des soumissions d’assurance automobile avec et sans l’avenant valeur à neuf (FAQ 43), en indiquant à sa soumission la prime pour l’assurance de remplacement (FPQ 5) plutôt que celle demandée avec l’avenant valeur à neuf, en contravention avec les articles 9, 25 et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

4. Le ou vers le 6 mars 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F38 5369, visant une substitution pour un véhicule neuf Chevrolet Spark 2016, a fait à l’assurée I. P. une représentation fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur, en lui proposant l’assurance de remplacement (FPQ 5) comme une protection valeur à neuf, en contravention avec les articles 15 et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

5. Le ou vers le 6 mars 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F38 5369, visant une substitution pour un véhicule neuf Chevrolet Spark 2016, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en n’informant pas l’assurée I. P. de toutes les garanties disponibles à son contrat, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas de l’assuré J. A.

6. Le ou vers le 11 juillet 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F65-2302, visant l’ajout d’une roulotte hybride Starcraft Traveller 2002, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux envers l’assuré J. A., en omettant de lui fournir tous les renseignements nécessaires ou utiles quant aux protections disponibles et de lui préciser la nature des garantie offertes, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

7. Le ou vers le 11 juillet 2017, à l’occasion d’une demande de modification au contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F65-2302, visant l’ajout d’une roulotte hybride Starcraft Traveller 2002, a été négligente dans sa tenue de dossier en ne notant pas au dossier de l’assuré J. A. la teneur des échanges téléphoniques, les informations et conseils donnés, les décisions prises et instructions reçues,  les démarches effectuées ni le refus du risque par un assureur et le motif, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2), les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (RLRQ c. D-9.2, r.2);

Dans le cas de l’assurée S. G. F.

8. Le ou vers le 16 mars 2017, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance automobile émis par Intact Compagnie d’assurance sous le no F46-7735, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux envers l’assurée S. G. F., dûment représentée par sa mère S. F. à cette fin, en ne lui offrant pas l’avenant 41-INOV pour la suppression de franchise en cas de délit de fuite, en contravention avec l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas des assurés S.A. D. et M. D.

9. Le ou vers le 2 mars 2017, a été négligente dans sa tenue de dossier en ne notant pas au dossier des assurés S.A. D. et M. D. l’appel reçu d’Intact Compagnie d’assurance l’avisant de son intention de se retirer du risque et du délai accordé pour le replacer avant que le contrat d’assurance habitation émis sous le no R53-9395 ne soit résilié pour motif d’aggravation du risque, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2), les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5) et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (RLRQ c. D-9.2, r.2);

10. Entre les ou vers les 2 et 13 mars 2017, a fait défaut de rendre compte aux assurés S.A. D. et M. D. de l’intention d’Intact Compagnie d’assurance de résilier le contrat d’assurance habitation émis sous le no R53 9395 pour motif d’aggravation du risque, en contravention avec les articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

11. Entre les ou vers les 2 et 21 mars 2017, à la suite de l’avis d’Intact Compagnie d’assurance de son intention de résilier le contrat d’assurance habitation émis sous le no R53-9395 pour motif d’aggravation du risque, a négligé les devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités en ne faisant aucune démarche pour tenter de replacer le risque auprès d’un autre assureur, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas de l’assuré M. A.

12. Le ou vers le 18 juillet 2017, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels du client M. A. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, la copie d’un reçu pour fin d’impôt émis au client par Groupe DPJL inc. et identifiant ses nom et adresse, le numéro de son contrat d’assurance habitation et le nom de l’assureur ainsi que le montant de la prime payée, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas de l’assuré P. P.

13.          Le ou vers le 18 juillet 2017, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels du client P. P. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, un formulaire de consentement à la communication de renseignements et modifications indiquant le nom du client et son adresse complète, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas de l’assuré J. P.

14. Le ou vers le 18 juillet 2017, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels du client J. P. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, la copie d’une attestation d’assurance émise au nom du client, sur laquelle se trouve ses nom et adresse, le numéro de son contrat d’assurance automobile, l’identification du véhicule assuré et son numéro de série, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5); 

Dans le cas de l’assurée Succession R. F.

15. Le ou vers le 18 juillet 2017, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels de la cliente Succession R. F. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, trois (3) captures d’écran du dossier de la cliente comportant des renseignements quant au risque assuré et son adresse, les informations sur le bâtiment, le détail des garanties au contrat et la prime, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas de l’assurée S. M.

16. Le ou vers le 18 juillet 2017, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels de la cliente S. M. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, trois (3) captures d’écran du dossier informatique de la cliente sur lesquelles se trouvent ses nom et adresse, le numéro de son contrat d’assurance habitation, des renseignements sur chacun des risques assurés, les informations sur les bâtiments, le détail des garanties au contrat et les primes, ainsi que des informations personnelles concernant la cliente, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas de l’assuré A. G.

17. Le ou vers le 18 juillet 2017, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels du client A. G. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, la copie d’une confirmation d’assurance émise au nom du client, sur laquelle se trouve ses nom et adresse, le numéro de son contrat d’assurance habitation, des renseignements sur le risque assuré, le détail des garanties et la prime, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

Dans le cas du cabinet Groupe DPJL inc. et d’Intact Compagnie d’assurance

18. Le ou vers le 18 juillet 2017, a abusé de la bonne foi de Groupe DPJL inc. et d’Intact Compagnie d’assurance en se transférant vers son adresse courriel personnelle, sans autorisation, la liste des codes d’utilisateurs d’Intact Compagnie d’assurance indiquant les nom et code des utilisateurs et leur niveau d’autorité, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 27, 37 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

19. Le ou vers le 18 juillet 2017, a abusé de la bonne foi de Groupe DPJL inc. en se transférant vers son adresse courriel personnelle, sans autorisation, un formulaire en blanc de confirmation d’assurance portant l’en-tête de Groupe DPJL inc., en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 37 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

20. Le ou vers le 18 juillet 2017, a abusé de la bonne foi de Groupe DPJL inc. en se transférant vers son adresse courriel personnelle, sans autorisation, huit (8) formulaires en blanc de soumission portant l’en-tête de Groupe DPJL inc., en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 37 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

21. Le ou vers le 18 juillet 2017, a abusé de la bonne foi de Groupe DPJL inc. et d’Intact Compagnie d’assurance en se transférant vers son adresse courriel personnelle, sans autorisation, un formulaire en blanc de proposition d’assurance d’Intact Compagnie d’assurance, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 27, 37 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5);

22. Le ou vers le 19 février 2018, a fait entrave aux travaux du syndic et l’a induit en erreur en déclarant faussement que les documents qu’elle s’était transférés le 18 juillet 2017 par courriel du Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle n’étaient que des documents lui appartenant et ne contenant aucun renseignement sur les assurés, en contravention avec l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D 9.2) et les articles 15, 35 et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ c. D-9.2, r.5); »

 

 

 

 

II.         L’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion

 

[4]       Au cours de l’instruction, Me Poirier demande au Comité de rendre une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion des renseignements personnels permettant d’identifier les assurés mentionnés aux pièces déposées en preuve.

[5]       Mme Richard n’a pas d’objection.

[6]       Le Comité rend l’ordonnance sollicitée par la partie plaignante.

III.        La preuve déposée au dossier

 

[7]       Avec le consentement de Mme Richard, les pièces documentaires et audio P-1 à P-53 sont introduites en preuve sans autre formalité.

[8]       Il s’agit essentiellement des notes aux dossiers des assurés mentionnés dans la plainte ainsi que des enregistrements de conversations téléphoniques avec ceux-ci.

[9]       En défense, aucune pièce n’est produite par l’intimée.     

IV.       Le contexte   

 

[10]    L’intimée Diane Richard est un courtier en assurance de dommages comptant plus de 40 ans d’expérience dans le domaine de l’assurance de dommages.

[11]    Depuis 10 ans, elle exerce la profession pour le cabinet Groupe DPJL inc., autrefois le cabinet Assurance Martin & Cyr inc.

[12]    Le 20 juillet 2017, Mme Richard est congédiée notamment au motif que les 17 et 18 juillet 2017, elle aurait transféré par courriel, de son adresse professionnelle à son adresse personnelle, 126 documents en pièces attachées.

[13]    Dans la lettre de congédiement[1] transmise à Mme Marchand, Groupe DPJL inc. allègue que Mme Richard s’est appropriée par courriel la liste des clients du cabinet, les rapports sur les nouvelles affaires et opportunités et d’autres documents confidentiels appartenant au cabinet.

[14]       L’employeur de l’intimée rajoute dans la lettre de congédiement que l’intimée aurait sciemment tenté d’effacer, subséquemment à leur transmission, la preuve reliée au transfert des courriels.

[15]    Le 20 juillet 2017, Groupe DPJL inc. transmet une Demande de retrait de représentant à l’AMF[2] concernant l’intimée.

[16]    Au paragraphe 2 du document P-53, le cabinet doit indiquer les faits et le contexte ayant donné lieu au retrait du représentant. On peut à l’endroit réserver à cette fin :

« Il s’agit d’un congédiement pour cause de transmissions d’informations confidentielles de Groupe DPJL inc. par l’employée vers son adresse courriel personnelle. »

 

[17]    Un peu plus loin dans le formulaire, l’AMF demande au cabinet si, à son avis, la cessation de l’emploi met en cause la protection du public. Groupe DPJL inc. répond par la négative à cette question.

[18]    À la question à savoir si la cessation a/ou va entraîner le dépôt d’une plainte (…) à la Chambre de l’assurance de dommages (…), la réponse de Groupe DPJL inc. est non.

[19]    Le 15 septembre 2017, Mme Ann Otis de l’AMF avise Me Marie-Josée Belhumeur du congédiement de Mme Richard.

[20]    C’est à ce moment que Me Belhumeur débute son enquête.

[21]    Dans le cadre de son enquête, Groupe DPJL inc. remet des dossiers au syndic de la ChAD dans lesquels elle considère que l’intimée aurait failli à ses obligations.

[22]    Certains des chefs d’accusation visent le travail inadéquat de l’intimée alors qu’elle répond aux appels des assurés de Groupe DPJL inc.

[23]    Ce cabinet prend et traite les appels téléphoniques de ses clients à l’aide d’un système de distribution automatique d’appels (« DAA »).

[24]    Suivant ce système, les appels des clients sont distribués automatiquement aux courtiers.

[25]    Le courtier prend les renseignements du client, traite sa demande et lui donne les explications usuelles. Mais il y a plus. Selon les directives de Groupe DPJL inc., c’est au cours de sa conversation que le courtier doit noter de façon détaillée le contenu de la conversation téléphonique et non pas une fois celle-ci terminée.

[26]    Mais pourquoi procéder ainsi?

[27]    Parce qu’une fois l’appel téléphonique terminé, le courtier doit en prendre un autre.

[28]    Autrement dit, un courtier du Groupe DPJL inc. qui exerce la profession en DAA doit traiter en rafales les demandes des clients, et ce, avec peu de temps alloué entre deux appels.

[29]    Mme Richard éprouve de la difficulté à travailler en DAA puisque qu’elle doit prendre ses notes au dossier de l’assuré en temps réel. De plus, une fois l’appel terminé, on ne lui accorde pas suffisamment de temps pour compléter ses notes. Pour cette raison, Mme Richard avoue qu’elle prend des notes manuscrites dans un calepin et les retranscrit plus tard au système lorsque le temps lui permettra.

[30]    C’est à la lumière de ce contexte que nous examinons maintenant les reproches faits à l’intimée.

V.           Analyse et décision

 

[31]    Le syndic allègue que l’intimée a enfreint les dispositions suivantes du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, à savoir :

« Art. 9. Le représentant en assurance de dommages ne doit pas négliger les devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités; il doit s’en acquitter avec intégrité.

  Art. 15. Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

  Art. 23. Le représentant en assurance de dommages doit respecter le secret de tous renseignements personnels qu’il obtient sur un client et les utiliser aux fins pour lesquelles il les obtient, à moins qu’une disposition d’une loi ou d’une ordonnance d’un tribunal compétent ne le relève de cette obligation.

  Art. 27. Le représentant en assurance de dommages ne doit pas abuser de la bonne foi d’un assureur ou user de procédés déloyaux à son endroit.

  Art. 35. Le représentant en assurance de dommages ne doit pas entraver, directement ou indirectement, le travail de l’Autorité, de la Chambre, de l’un de ses comités, du syndic, du cosyndic, d’un adjoint du syndic de la Chambre ou d’un membre de leur personnel.

  Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

                           1° d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

                           (…)

                           4° de faire défaut de rendre compte de l’exécution de tout mandat;

            6o  de faire défaut d’agir en conseiller consciencieux en omettant d’éclairer les         clients sur leurs droits et obligations et en ne leur donnant pas tous les            renseignements nécessaires ou utiles;

             7o  de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en             erreur; »

 

[32]    Le syndic invoque aussi les articles suivants de la Loi sur la distribution de produits et services financiers au soutien de certains chefs de la plainte, à savoir :

« Art. 16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

  Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

  Art. 28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

  Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.

  Art. 85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

  Art.86. Un cabinet veille à ce que ses dirigeants et employés agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

  Art. 87. Un cabinet et ses dirigeants ne peuvent aider ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amener un autre cabinet, un représentant autonome ou une société autonome à enfreindre une disposition de la présente loi ou de ses règlements.

  Art. 88. Un cabinet tient au Québec les dossiers de ses clients conformément aux règlements.

  Il y conserve et rend accessible à l’Autorité, par les moyens que celle-ci indique, tous les documents et tous les renseignements provenant de ses représentants. »

 

[33]    Finalement, sur les chefs qui visent la tenue des dossiers, la plainte fait également référence aux dispositions suivantes du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome :

« Art. 12. Le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome tient des dossiers clients pour chacun de ses clients.

  Art. 21. Les dossiers clients qu’un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome inscrit dans la discipline de l’assurance de dommages doit tenir sur chacun de ses clients dans l’exercice de ses activités doivent contenir les mentions suivantes:

  1°  son nom;

  2°  le montant, l’objet et la nature de la couverture d’assurance;

  3°  le numéro de police et les dates de l’émission du contrat et de la signature de la proposition, le cas échéant;

  4°  le mode de paiement et la date de paiement du contrat d’assurance;

  5°  la liste d’évaluation des biens de l’assuré transmise par celui-ci, le cas échéant.

  Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé. »

 

[34]    Ceci étant dit, les nombreux reproches que le syndic fait à l’encontre de l’intimée sont très graves.

[35]    Sont-ils fondés? C’est ce que nous verrons. 

          5.1    Les chefs 1, 2, 3, 4 et 5 de la plainte

[36]    Considérant que les chefs 1 et 4 sont quasi identiques, sauf quant aux assurés visés, nous les traiterons simultanément.

[37]    Aux chefs 1 et 4, le syndic adjoint reproche essentiellement à l’intimée d’avoir fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur ses assurés, en qualifiant l’assurance de remplacement prévue à l’avenant FPQ no 5 de protection valeur à neuf.

[38]    Ces deux chefs sont mal fondés pour les motifs suivants.

[39]    Commençons par le chef 1 qui concerne l’assurée D.P.

[40]    Nous avons procédé à la réécoute de la conversation téléphonique du 6 mars 2017 entre l’assurée et l’intimée[3].

[41]    Le libellé de ce chef qui stipule que l’intimée a fait une représentation fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur oblige le syndic à prouver l’intention coupable de l’intimée[4]. Bref, que l’intimée avait l’intention de tromper l’assurée.

[42]    Or, nous sommes d’avis que l’intimée n’avait pas l’intention de tromper qui que ce soit.

[43]    Lors de son témoignage, l’intimée affirme que D.P. voulait obtenir un véhicule neuf en cas de perte totale.

[44]    Certes, il y a des différences entre l’avenant valeur à neuf FAQ no 43 et l’assurance valeur de remplacement FPQ no 5.

[45]    Cela étant, est-ce que l’intimée commet une faute déontologique en identifiant l‘assurance valeur de remplacement comme une protection valeur à neuf?

[46]    Nous croyons que non.

[47]    Le choix des mots par l’intimée est peut-être impropre mais, pour le Comité, il s’agit d’un écart qui ne comporte pas la gravité requise pour constituer une faute déontologique.

[48]    Sur cette question, le Comité s’inspire du jugement rendu par le Tribunal des professions dans l’affaire Ayotte c. Gingras[5], où l’on peut lire :

 « Il y a une distinction à faire entre une faute technique et une faute disciplinaire. » (p. 192)

« De l’avis du Tribunal, le Comité de discipline a bien disposé de ce chef de la plainte. Il y a peut-être eu, ici, une faute technique poursuivable en matière civile, mais le Tribunal n’a pas à en décider. Toutefois, il n’y a sûrement pas faute disciplinaire. Rien dans la preuve ne permet de conclure que l’intimé Gingras ne rencontre pas en effet les standards moyens requis en regard du comportement d’un avocat. » (pp. 193 et 194) »

(notre soulignement)

 

[49]    De même, dans l’affaire Prud’Homme c. Gilbert[6], la Cour d’appel discute comme suit du caractère que doit revêtir une faute professionnelle, à savoir :

« [33] Cela signifie-t-il pour autant que, dès que la disposition n'est pas respectée, même au moindre degré, quelles que soient les circonstances, il ne peut y avoir acquittement? Je ne le crois pas. En d'autres termes, je ne peux admettre qu'au moindre écart, sans égard aux circonstances, la faute est consommée.

 

[34] Dans Malo c. Infirmières,2003 QCTP 132 (CanLII), le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

[28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35] Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 :

[72] La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité. »

(notre soulignement)

 

[50]    Le raisonnement qui précède s’applique également au chef 4 de la plainte.

[51]    En conséquence, l’intimée est acquittée des infractions reprochées aux chefs 1 et 4 de la plainte.

[52]    Traitons maintenant du chef 2.

[53]    Relativement à ce chef, le syndic reproche à l’intimée d’avoir été négligente dans sa tenue de dossier en ne notant pas au dossier les informations et conseils donnés ni les instructions reçues[7].

[54]    Notre analyse de la pièce P-3 ne nous convainc pas, de façon prépondérante, que l’intimée a tenu son dossier de façon négligente. Les notes consignées par l’intimée au dossier de l’assurée D.P. en date du 7 juillet 2017 nous apparaissent adéquates, suffisamment précises et compréhensibles.

[55]    L’intimée est en conséquence acquittée des infractions reprochées sous ce chef.

[56]    Le chef 3 vise les demandes de soumissions de l’assurée I.P.

[57]    Dans le cadre de la substitution du véhicule assuré pour un véhicule neuf[8], I.P. demande de lui faire parvenir des soumissions d’assurance automobile avec et sans l’avenant valeur à neuf FAQ no 43.

[58]    Lors de l’entretien téléphonique[9], I.P. demande deux soumissions pour son véhicule neuf, dont une « avec la valeur à neuf ». Elle ne donne jamais le mandat à l’intimée de lui faire une soumission d’assurance automobile avec l’avenant à neuf FAQ no 43, tel que mentionné au chef d’accusation.

[59]    I.P. veut assurer son véhicule neuf et songe à se procurer une protection de type valeur à neuf pour son véhicule.

[60]     L’intimée pouvait donc lui offrir l’un ou l’autre des produits d’assurance.

[61]    De plus, considérant que le véhicule de I.P. remontait à l’année 2016, il est concevable que ce véhicule ne pouvait être assuré en vertu de l’avenant FAQ no 43 puisque cette garantie d’assurance ne couvre que les véhicules neufs.

[62]    Par contre, avec l’assurance FPQ no 5, on peut couvrir des véhicules neufs et usagés[10].

[63]    L’intimée est en conséquence acquittée du chef 3 de la plainte.

[64]    Quant au chef 5, l’intimée est également acquittée et voici pourquoi.

[65]    Au cours de l’entretien téléphonique du 6 mars 2017, I.P. informe l’intimée qu’elle est présentement à son travail. Ce faisant, il est clairement sous-entendu que l’appel doit être de courte durée.

[66]    L’intimée prend les instructions de l’assurée et les renseignements usuels. Sur la question des garanties disponibles au contrat d’assurance, elle affirme à l’assurée qu’elle ne pourra pas lui décrire toutes les garanties dans le document qu’elle va lui faire  parvenir. C’est pourquoi elle invite I.P. à communiquer de nouveau avec elle si elle devait avoir des questions.

[67]    Or, compte tenu des circonstances et du fait que l’assurée est empressée, il nous apparait que cette façon de procéder est tout à fait raisonnable et ne saurait constituer une faute déontologique.

[68]     L’intimée est donc acquittée des infractions décrites au chef 5 de la plainte amendée.

          5.2    Les chefs 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de la plainte

[69]    Relativement au chef 6, le syndic reproche à l’intimée d’avoir fait défaut d’agir en conseiller consciencieux et d’avoir omis de fournir à J.A. tous les renseignements nécessaires ou utiles quant aux protections disponibles et garanties offertes lors de sa demande d’ajout d’une roulotte à son contrat d’assurance.

[70]    Lorsque J.A. communique avec l’intimée, il lui dit ce qui suit :

        Il veut remettre son véhicule Nissan Pathfinder sur la route et résilier l’assurance sur son véhicule Nissan Versa et ne veut plus avoir d’assurance collision sur son véhicule Pathfinder;

        Il veut aussi assurer une roulotte de marque Starcraft, modèle Travel, année 2002, qu’il vient d’acheter;

        Il ne sera pas sur la route plus de 15 jours avec sa roulotte;

        La roulotte est immatriculée à son nom.

 

[71]    Mme Richard lui explique pourquoi elle place le risque avec Leclerc Assurances et Services Financiers et elle lui donne les renseignements usuels, des conseils utiles et elle lui décrit aussi les garanties offertes pour sa roulotte.

[72]    Compte tenu du libellé du chef qui spécifie que c’est à l’occasion de l’ajout de la roulotte que Mme Richard aurait contrevenu à la norme déontologique, après avoir procédé à la réécoute des conversations téléphoniques P-9 et P-10 entre l’intimée et J.A., nous sommes d’avis que l’intimée a agi de façon professionnelle tout au long de ses échanges avec J.A.

[73]    À nos yeux, l’intimée a agi en conseiller consciencieux, tel qu’en fait foi l’écoute des enregistrements.

[74]    L’intimée est en conséquence acquittée des infractions alléguées au chef 6 de la plainte.

[75]    Sur le chef 7, au cours de son témoignage en défense, l’intimée a admis qu’elle avait été négligente dans sa tenue de notes à l’occasion de ses interventions avec l’assuré J.A.

[76]    En effet, nous constatons que les notes de l’intimée sont incomplètes.

[77]    L’intimée est donc déclarée coupable du chef 7 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

[78]    Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

[79]    Le chef 8 reproche à l’intimée de ne pas avoir offert l’avenant 41-INOV à l’assurée S.G.F.

[80]    Ce chef est mal fondé puisque les instructions de S.G.F sont claires. L’étudiante veut uniquement l’assurance de base, rien de surplus. Sa mère est du même avis, elle dit à Mme Richard qu’elle va prendre l’assurance ordinaire.

[81]    À notre avis, dans de telles circonstances, il aurait été mal venu d’offrir l’avenant décrit à la plainte.

[82]    L’intimée est en conséquence acquittée des infractions alléguées à ce chef.

[83]    Quant au chefs 9, 10 et 11, ils concernent les assurés S.A.D. et M.D.

[84]    Le 2 mars 2017,  Mme Caroline Rose d’Intact Assurance communique par téléphone avec l’intimée pour l’informer qu’elle vient d’apprendre que l’assuré M.D. a un plumitif positif.

[85]    Mme Rose demande à l’intimée d’avertir les assurés qu’ils devront se trouver un autre assureur puisqu’Intact considère qu’il s’agit d’une aggravation de risque.

[86]    Toutefois, un peu plus loin au cours de l’entretien, les instructions de Mme Rose changent. L’intimée doit plutôt chercher à savoir qui est M.D.

[87]    Est-il le conjoint de S.A.D.? Est-il copropriétaire de l’immeuble assuré?

[88]    Il est alors convenu que l’intimée fera des vérifications et qu’elles se reparleront au retour de vacances de Mme Rose, le 13 mars 2017.

[89]    Ce dossier sera effectivement mal géré. Pas uniquement par l’intimée mais aussi par les autres intervenants de Groupe DPJL inc.

[90]    Au cours de son témoignage, Mme Richard admet qu’elle a été négligente dans sa tenue de dossier.

[91]    Elle reconnait également qu’entre le 2 et le 13 mars 2017, elle a fait défaut de rendre compte aux assurés.

[92]    L’intimée est donc déclarée coupable des chefs 9 et 10 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[93]    Quant au chef 11, le syndic reproche à l’intimée de ne pas avoir fait de démarche pour tenter de replacer le risque entre le 2 et le 21 mars 2017.

[94]    À notre avis, l’intimée ne pouvait pas replacer le risque entre le 2 et le 21 mars pour les motifs ci-après exposés :

        Entre le 2 et le 13 mars, tel que convenu avec Mme Rose, elle doit faire des vérifications auprès des assurés. L’intimée ne doit absolument pas tenter de replacer le risque durant cette période;

        Le 14 mars, elle parle avec S.A.D. et lui mentionne qu’il est urgent qu’elle parle à son conjoint M.D. au sujet d’une question personnelle[11];

        Le 16 mars, l’intimée tente de rejoindre M.D. et lui laisse un message vocal dans lequel elle affirme que si elle n’est pas en mesure de parler à M.D. à brève échéance le contrat d’assurance habitation sera résilié;

        Le 16 mars également, S.A.D. communique avec Groupe DPJL inc. L’appel n‘est pas transmis à l’intimée mais plutôt à Mme Line Bélanger[12] qui, à l’aide de l’assurée, réalise que M.D. ne doit pas apparaitre comme propriétaire de deux bâtiments qui sont loués par S.A.D.[13];

        Le 20 mars, Mme Richard laisse un message vocal à S.A.D. et lui dit qu’il est urgent de la rappeler;

        Le 21 mars, Mme Richard parle avec l’assurée, l’informe que l’assureur ne veut plus assurer ses bâtiments parce qu’elle est la conjointe de M.D. qui a un antécédent judiciaire et qu’elle fera le nécessaire pour lui trouver de l’assurance;

        Toujours le 21 mars, Mme Richard lui demande son adresse courriel afin de pouvoir lui transmettre une série de questions auxquelles l’assurée devra répondre et lui transmet un courriel à ce sujet le jour même;

        Le 21 mars également, en fin de journée, M.D. rappelle enfin l’intimée;

        Le même jour Mme Richard fait une demande de soumission auprès de Pafco.

 

[95]    En date du 7 avril 2017, Intact n’avait toujours pas résilié la police d’assurance de S.A.D. L’intimée a pris les devants. Elle est alors en communication avec Francine Leduc d’Intact. Cette dernière a mentionné à Mme Richard qu’elle sera informée avant l’annulation de la police[14] .

[96]    À ce moment, l’intimée a obtenu une soumission de Morin Elliot qu’elle doit transmettre pour approbation à la cliente.

[97]    Entre le 13 et le 21 mars 2017, il s’écoule seulement 5 jours ouvrables. Durant cette période, Mme Richard n’a pas tenté de replacer le risque pour une raison fort simple, elle n’avait toujours pas réussi à parler à M. D. et n’avait pas encore avisé S.A.D. des intentions d’Intact.

[98]    L’intimée n’a pas négligé ses devoirs professionnels. Elle s’est assurée qu’elle aurait suffisamment de temps pour obtenir des soumissions sur le marché sous standard en prenant entente avec Intact qu’elle serait avisée avant la résiliation de la police de S.A.D.

[99]    Le Comité acquitte l’intimée des infractions prévues au chef 11.

 

5.3    Les chefs 12, 13 , 14, 15, 16 et 17 de la plainte

[100]  Relativement à chacun des chefs d’accusation 12 à 17, le reproche est identique.

[101] Le syndic soutien que l’intimée a fait défaut de respecter le secret des renseignements des clients M.A., P.P., J.P., Succession R.F., S.M. et A.G. en se transférant par courriel du cabinet Groupe DPJL inc. vers son adresse courriel personnelle, sans y être autorisée, les documents décrits à chacun des chefs. 

[102] Compte tenu de la gravité des reproches, le fardeau de preuve qui repose sur la partie plaignante sur ce chef requiert une preuve claire, convaincante et de haute qualité.

[103] Ce principe jurisprudentiel a été bien défini par le Tribunal des professions dans l’affaire Osman c. Médecins[15], où l’on peut lire :

 « Le procureur du Docteur Osman a raison lorsqu’il affirme la nécessité d’une preuve claire, convaincante et de haute qualité, pour asseoir un jugement de culpabilité relativement à une plainte disciplinaire de la gravité de celle qui pèse contre son client.

(…)

Il n’y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s’acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts (sic) par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi. »

(nos soulignements)

[104] Dans Vaillancourt c. Avocats[16], le Tribunal des professions réitère ce principe important sur la question du fardeau de preuve qui incombe à la partie plaignante en matière disciplinaire[17].

[105] Un des éléments essentiel des infractions est le défaut de respecter le secret des renseignements personnels des clients. Il s’ensuit que pour se décharger de son fardeau de preuve, le syndic doit établir que l’intimée n’a pas protégé le secret des renseignements transférés à sa boîte de courriel. Autrement dit, qu’il y a eu un bris de confidentialité.

[106] Or, le 18 juillet 2017, l’intimée est toujours à l’emploi de Groupe DPJL inc. Elle est uniquement congédiée le 20 juillet 2017, comme on peut le voir de la pièce P-50. L’employeur a beau écrire que la date effective du congédiement est le 18 juillet 2017, il n’en est rien.

[107] Le 18 juillet 2017, alors qu’elle est toujours à l’emploi de Groupe DPJL inc., l’intimée se transfère des courriels contenant des modèles de factures, formulaires de consentement, attestations d’assurance, captures d’écran de dossiers client et confirmations d’assurance.

[108] Or, il n’y a aucune preuve qui vient établir le défaut par l’intimée de respecter le secret des renseignements en sa possession. Bref, tous les renseignements sont demeurés secrets et il n’y a pas de preuve qui vient établir que l’intimée aurait,  directement ou indirectement, dévoilé ou fait connaitre, à qui que ce soit, les renseignements personnels de ses clients.

[109] Bien plus, l’intimée affirme avoir détruit immédiatement[18] des documents transférés qui contenaient des informations personnelles des assurés et cette preuve n’a pas été contredite par la partie plaignante, ni ébranlée en contre-interrogatoire.

[110] Étant donné que le défaut de respecter les secrets des renseignements est un élément essentiel de l’infraction, basé sur notre appréciation de la preuve, et plus particulièrement le témoignage de l’intimée, nous venons à la conclusion que la partie plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau sur ces chefs d’accusation.

[111] Autrement dit, il n’y a pas de preuve devant nous établissant que l’intimée a commis une faute déontologique en se transférant ces courriels.

[112] Les gestes de l’intimée ne contreviennent ni à l’article 16 de la Loi sur la distributions de produits et services financiers et ni à l’article 23 du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages.

[113] Le Comité acquitte l’intimée de toutes les infractions reprochées aux chefs 12 à 17 inclusivement de la plainte.

5.4    Les chefs 18, 19, 20 et 21 de la plainte

[114] Quant à ces chefs d’accusation, le syndic allègue que l’intimée aurait abusé de la bonne foi de Groupe DPJL inc. et/ou d’Intact Compagnie d’assurance en transférant vers sa boîte courriel personnelle certains documents décrits à chacun des chefs.

[115] Or, nous sommes d’avis que le simple fait de se transférer à soi-même par courriel les documents décrits aux chefs ne peut constituer en soi un abus de confiance.

[116] À nos yeux, pour qu’il y ait un abus de confiance, il aurait fallu que l’intimée utilise les documents de manière déloyale ou avec l’intention de tromper Groupe DPJL inc. et/ou Intact ou afin d’en tirer un avantage pécuniaire[19].

[117] Or, l’intimée ne peut pas se servir de la liste des codes d’utilisateurs d’Intact[20] mentionnée au chef 18 autrement que dans un contexte où elle est autorisée à entrer en communication avec Intact. En d’autres mots, le Comité ne voit pas en quoi l’on pourrait recourir à ce document de façon déloyale ou dans le but de nuire à son employeur ou à l’assureur.

[118] Il en va de même pour les chefs 19, 20 et 21. Comment tromper Groupe DPJL inc. avec un formulaire en blanc de confirmation d’assurance? Ou avec un formulaire en blanc de soumission et ce, même s’il porte l’en-tête ou le logo de DPJL?

[119] Posez la question c’est y répondre.

[120] Non seulement l’intimée n’a pas utilisé ces documents dans un but déloyal mais ces documents ne peuvent pas nuire au cabinet de l’intimée, ni à Intact.

[121] Il n’est pas du tout question ici de l’appropriation par l’intimée d’une liste des assurés comportant leurs adresses, numéros de  téléphone ainsi que les dates de renouvellement de leurs polices d’assurance[21].  

[122] Basé sur notre appréciation de la preuve, nous venons à la conclusion que l’intimée n’a pas abusé de la confiance de qui que ce soit en se transférant par courriel les documents décrits aux chefs d’accusation 18 à 21.

[123] Le Comité acquitte l’intimée des infractions reprochées sous ces quatre chefs.  

 5.5   Le chef 22 ou l’accusation d’entrave

[124] Au chef d’accusation 22, le syndic soutient que l’intimée a fait entrave à ses travaux et l’a induit en erreur en lui déclarant faussement que les documents transférés par courriel étaient des documents lui appartenant et qu’ils ne contenaient aucun renseignements sur les assurés.

[125] Qu’en est-il? Est-ce que l’intimée avait l’intention de tromper le syndic dans son enquête?

[126] Pour établir la culpabilité de l’intimée sur ce chef, le syndic se fonde sur la pièce P-52, soit le courriel transmis le 19 février 2018 par l’intimée à Sylvie Campeau, enquêteur au bureau du syndic.

[127] La preuve du syndic repose sur le passage suivant du courriel P-52, à la page 4 du document :

 « Je vous inclus quelques exemples des documents que je me suis transférés et que j’ai conservés. Les formulaires et lettres ont été créés par moi dans mon ordinateur personnel. Je les avaient transférés au bureau afin de les utiliser dans mon travail. Aucun des documents ne contient des renseignements permettant de retracer un client. »

 

(notre soulignement)

 

[128] Le passage que nous avons souligné est déterminant.

[129] Nous comprenons de cet extrait que l’intimée ne dit pas que les courriels qu’elle s’est transmis sont des documents lui appartenant et ne contenant aucun renseignement sur les assurés.

[130]  Elle veut dire qu’elle n’a pas conservé les documents qui contenaient des renseignements personnels. Elle discute des courriels transférés et conservés.

[131] Mme Richard ne traite donc pas de tous les courriels transmis à sa boîte mais uniquement de ceux qui ont été conservés.

[132] C’est d’ailleurs ce que l’intimée nous a expliqué au cours de son témoignage, soit que  les 17 et 18 juillet 2017, elle a détruit les documents qui contenaient les renseignements personnels.

[133] Des exemples des documents conservés sont annexés au courriel P-52.

[134] Mme Richard nous explique que les documents annexés sont des modèles qu’elle a fabriqués au cours des années.

[135] La version des faits de l’intimée à ce sujet est vraisemblable, cohérente et crédible.

[136] L'ensemble de cette preuve non contredite et des circonstances ci-dessus mentionnées, nous permettent de conclure de façon prépondérante que l'intimée n’avait pas l’intention de tromper le syndic dans son courriel du 19 février 2018.

[137] Mme Richard ne faisait que décrire tant bien que mal ce qu’elle a fait.

[138] Le Comité acquitte l’intimée des infractions alléguées sous ce chef.  

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels permettant d’identifier les assurés mentionnés aux pièces déposées en preuve conformément à l’article 142 du Code des professions;

DÉCLARE l’intimée coupable du chef 7 pour avoir enfreint l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 9 et 10 pour avoir enfreint l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

ORDONNE un arrêt des procédures sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien des chefs susdits;

ACQUITTE l’intimée Diane Richard de toutes et chacune des infractions visées par les chefs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22 de la plainte 2018-04-01 (C);

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

 

____________________________________

M. François Vallerand, C.d’A.Ass., courtier en

assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

M. Bruno Simard, courtier en assurances de

dommages

Membre

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Diane Richard, présente et non représentée

Partie intimée

 

Date d’audience : 6 et 7 novembre 2018

 

 



[1] Pièce P-50;

[2] Pièce P-53;

[3] Pièce P-7;

[4] Henry c. Le Comité de surveillance de l’association des courtiers d’assurances de la province de Québec et als., 1998 CanLII 10041 (QCCA) et Renaud c. Avocats, 2003 QCTP 111 (CanLII);

[5] [1995] D.D.O.P. 189 (T.P.)

[6] 2012 QCCA 1544 (CanLII);

[7] Voir la pièce P-3;

[8] Le véhicule est neuf mais il s’agit d’un véhicule 2016, donc de l’année précédente;

[9] Voir la pièce P-8;

[10] Voir la pièce P-6;

[11] À ce moment, M.D. est considéré comme un assuré et c’est pour cette raison que Mme Richard ne peut pas avisé S.A.D. de la problématique relié à l’antécédent judiciaire de son conjoint;

[12] Voir la pièce P-39, page 6;

[13] Il appert qu’en 2011, Groupe DPJL inc. aurait fait une erreur en considérant erronément M.D. comme copropriétaire de certains bâtiments assurée et en le désignant comme assuré. C’est uniquement à compter du 16 mars que Groupe DPJL inc. réalise que M.D. n’est pas un assuré et qu’en conséquence, S.A.D. peut être avisée de l’antécédent judiciaire problématique de son conjoint;

[14] Voir la pièce P-39, à la page 61;

[15] 1994 D.D.C.P. 257. (T.P.) ;

[16] 2012 QCTP 126, aux paragraphes 62 et suivants ;

[17] Voir aussi Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078 (CanLII), aux paragraphes 66 et 67;

[18] Au cours de son témoignage, Mme Richard a affirmé avoir détruit le courriels qui contenaient des renseignements personnels les 17 et 18 juillet 2017;

[19] Voir par analogie ACAIQ c. Chalifour, 1996 CanLII 12496 (QC OACIQ);

[20] Voir la pièce P-46;

[21] Au troisième paragraphe de la lettre de congédiement P-50, il est mentionné que Groupe DPJL inc. a répertorié le transfert par l’intimée de la liste des clients de la Société et des rapports sur les nouvelles affaires et opportunités. Diane Rivard, la rédactrice de cette lettre n’a pas témoigné. À notre avis, il n’a pas été établi, au moyen d’éléments de preuve suffisants, que l’intimée s’était appropriée de tels documents;

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