Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2018-06-01 (C)

 

 

DATE :

17 décembre 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Bruno Simard, courtier en assurance de

dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

ERIC NINETTE LELE BOGNE, courtier en assurance de dommages (4A), inactive

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

 

[1]       Le 10 octobre 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour disposer de la plainte logée contre l’intimée.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur agit pour elle-même et Mme Bogne se représente seule.

 

 

I.          La plainte

 

 

[3]       Le 19 juin 2018, le syndic dépose la plainte suivante contre l’intimée :

 

« 1. Entre mai et juin 2018, a entravé directement ou indirectement le travail du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages en faisant défaut de répondre à ses demandes dans le cadre d’une enquête concernant un autre représentant, en contravention avec l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c.D-9.2) et les articles 34 et 35 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5). »

 

II.         La preuve documentaire

 

[4]       Les parties conviennent de déposer en preuve de consentement et sans autre formalité les pièces documentaires P-1 à P-8.

 

[5]       La preuve présentée par le syndic est essentiellement documentaire. Vu ce qui précède, le Comité permet à Me Belhumeur de commenter chacune des pièces afin d’éclairer le Comité.

 

 

III.        Le contexte

 

 

[6]       Tel qu’il appert de la pièce P-1, soit l’attestation de droit de pratique émise par l’Autorité des marchés financiers (« l’AMF »), il est établi que l’intimée détient un certificat à titre de courtier en assurance de dommages au sein du cabinet AVANTAGE CERTIFIÉ EN ASSURANCES : ACEA INC. du 25 juin 2015 au 30 juin 2016 et du 13 juillet 2016 au 6 novembre 2017.

 

[7]       Le 7 novembre 2017, l’Autorité des marchés financiers (« l’AMF ») sollicite devant le Tribunal administratif des marchés financiers des ordonnances de suspension d’inscriptions, de nomination de nouveau dirigeant-responsable et de reprise de dossiers client, livres et registres à l’encontre de Avantage Certifié en Assurances : Acea inc. (« Acea »)[1].  

 

[8]       Selon la preuve obtenue par l’AMF, l’intimée ne se serait pas présentée au cabinet Acea pour y travailler depuis le mois de janvier 2017.

 

[9]       Toujours le 7 novembre 2017, le Tribunal des marchés financiers accorde séance tenante les demandes de l’AMF et rend les ordonnances sollicitées par cette dernière.

 

[10]    Le 29 mars 2018, le Tribunal des marchés financiers rend les motifs écrits à l’appui de sa décision rendue verbalement le 7 novembre 2017.

 

[11]    C’est à compter de cette dernière date, soit le 29 mars 2018 que le syndic est informé de la décision P-2 et que Me Belhumeur débute son enquête.

 

[12]    Dans le cadre de cette enquête, Me Belhumeur veut s’entretenir avec l’intimée.

 

[13]    Le 14 mai 2018, Mme Sylvie Campeau laisse un message dans la boîte vocale téléphonique de l’intimée.

 

[14]    Quelques minutes après avoir laissé son message, Mme Campeau transmet une lettre par  courriel à l’intimée lui demandant d’entrer en contact avec elle.

 

[15]    L’intimée ne rappelle pas Mme Campeau.

 

[16]    Le 22 mai 2018, Mme Campeau transmet par courriel à l’intimée une lettre questionnaire dans laquelle elle pose plusieurs questions à l’intimée au sujet de Acea et son dirigeant M. Outman El Jibari.

 

[17]    Cette dernière lettre questionnaire est également transmise par Purolator à l’intimée. Toutefois, l’intimée n’en prendra pas possession et l’envoi sera retourné à l’expéditeur avec la mention « Non-Réclamé ».

 

[18]    Il s’ensuit que la lettre questionnaire demeure sans réponse.

 

[19]    Le 4 juin 2018, Me Belhumeur met en demeure l’intimée de répondre à ses questions au plus tard le 7 juin 2018, à défaut de quoi, des procédures disciplinaires seront engagées. Cette mise en demeure est transmise par courriel à l’intimée.

 

[20]    Le 12 juin 2018, François Doyon, huissier de justice, signifie personnellement à l’intimée la lettre questionnaire initialement transmise par courriel et Purolator. Cette lettre prévoit maintenant que l’intimée doit répondre au plus tard le lundi 18 juin 2018, à défaut de quoi, des procédures disciplinaires seront intentées.

 

[21]    Fait important, le procès-verbal de signification de M. Doyon établit que la lettre questionnaire a été remise en mains propres à l’intimée. Ce procès-verbal crée une présomption de faits que l’intimée a reçu la lettre questionnaire.

 

[22]    N’ayant pas reçu le questionnaire dûment rempli par l’intimée en date du 18 juin 2018, Me Belhumeur dépose une plainte d’entrave contre l’intimée le 19 juin 2018.

 

[23]    La plainte est signifiée à l’intimée le 23 juin 2018.

 

[24]    Le 3 juillet 2018, Me Belhumeur reçoit finalement les réponses aux questions énoncées dans sa lettre questionnaire. Bref, l’intimée lui répond finalement.

 

[25]    En défense, l’intimée explique qu’elle n’a pas vérifié sa boîte de courriels personnels et qu’elle n’a donc pas reçu les demandes du syndic. Elle n’a pas reçu non plus les demandes transmises via Purolator et par huissier. Ce n’est que lors de la signification de la plainte qu’elle a réalisé que le syndic voulait obtenir des réponses de sa part, ce qu’elle s’est empressée de faire.

 

[26]    L’intimée nous affirme aussi que l’huissier aurait remis le courriel à sa fille. L’intimée fait référence à la lettre questionnaire signifié par M. Doyon le 12 juin 2018 lorsqu’elle parle du courriel. Selon l’intimée, le 12 juin 2018, l’huissier aurait signifié la lettre questionnaire à sa fille.

 

[27]    En contre-interrogatoire l’intimée admet qu’elle résidait, en tout temps pertinent à la présente affaire, à l’adresse qui figure sur la correspondance transmise par le syndic.

 

[28]    Il en va de même pour l’adresse courriel personnelle utilisée par le syndic pour ses transmissions à l’intimée. Il s’agit d’une adresse courriel valide.

 

[29]    En contre-preuve, Me Belhumeur dépose en preuve un résumé d’une conversation téléphonique tenue le 28 août 2018 entre elle-même et M. Doyon.

 

[30]    Selon ce dernier, la lettre questionnaire et la plainte ont été signifiées à la même personne, soit l’intimée.

 

 

IV.       Analyse et décision

 

 

[31]    L’article 34 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages stipule ce qui suit :

 

 « Art. 34. Le représentant en assurance de dommages doit répondre dans les plus brefs délais à toute correspondance provenant du syndic, du cosyndic ou d’un adjoint du syndic dans l’exercice des fonctions qui leur sont dévolues par la Loi ou ses règlements d’application. »

 

(notre soulignement)

 

[32]    Faut-il rappeler l’importance de répondre avec diligence aux demandes de renseignement en provenance du syndic[2] .

 

[33]    Après avoir entendu la preuve, le Comité vient à la conclusion que la partie plaignante s’est amplement déchargée de son fardeau de prouver que l’intimée a fait défaut de répondre aux diverses communications du syndic dans les plus brefs délais.

 

[34]    Par ailleurs, nous sommes d’avis que les explications données par l’intimée lors de l’instruction ne sont pas dignes de foi et manquent de transparence et de crédibilité.

 

[35]    Sans reprendre le témoignage de l’intimée de façon exhaustive, précisons qu’il est étonnant que l’intimée qualifie la lettre questionnaire de courriel lorsqu’elle parle du document prétendument signifié à sa fille en date du 12 juin 2018.

 

[36]    L’intimée nous dit qu’elle n’a pas ouvert les courriels qui lui ont été transmis par le syndic. Alors comment peut-elle savoir que la lettre questionnaire avait pris la forme d’un courriel avant sa signification par huissier?   

 

[37]    D’autre part, aux mois de mai et juin 2018, elle n’est plus rattachée au cabinet Acea. Il en découle qu’elle n’aurait pas à ce moment de boîte de courriels professionnels, uniquement une boîte personnelle. Alors pourquoi ne pas ouvrir ses courriels?

 

[38]    Autant de questions qui demeurent sans réponse et qui viennent miner la crédibilité de l’intimée.

 

[39]    Vu ce qui précède, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 34 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[40]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien de ce chef.

 

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimée Eric Ninette Lele Bogne coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef d’accusation de la plainte;

DEMANDE au secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me Marie-Josée Belhumeur, se représentant seule

Partie plaignante

 

Mme Eric Ninette Lele Bogne, se représentant seule

Partie intimée

 

 

Date d’audience : 10 octobre 2018

 



[1] Pièce P-2;

[2] Voir à ce sujet ChAD c. Gignac, 2014 CanLII 41706 (QC CDCHAD);

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