Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2018-09-05(C)

 

DATE :

13 décembre 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

CATHERINE USEREAU, courtier en assurance de dommages des particuliers (inactive)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE

NON- DIFFUSION DE TOUS RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS ET

FINANCIERS CONCERNANT LES ASSURÉS, LE TOUT

SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 13 novembre 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2018-09-05(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc, et, de son côté, l’intimée assurait seule sa défense ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant un seul chef d’accusation, soit :

 

1.   Le ou vers le 10 février 2014, a fait défaut de respecter le secret des renseignements personnels de l’assuré G.P., en communiquant à un tiers, A.M., des renseignements concernant l’état du paiement de sa prime d’assurance, l’annulation du contrat d’assurance et les procédures de recouvrement en cours dans le dossier de l’assuré G.P., sans avoir obtenu le consentement de l’assuré G.P., en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 23 et 24 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[4]       L’intimée ayant enregistré un plaidoyer de culpabilité dès réception de la plainte, soit le 18 septembre 2018, les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction;

 

II.         Les faits

[5]       Essentiellement, la preuve[1] démontre que l’intimée aurait dévoilé à sa cliente (A.M.) des informations concernant l’état du dossier d’assurance de l’ex-conjoint (G.P.) de celle-ci, sans le consentement de ce dernier (chef 1) ;

[6]       De plus, il appert de la preuve que ces informations n’ont pas été transmises dans le but de nuire à l’assuré (G.P.), mais uniquement pour permettre à sa cliente (A.M.) de prendre une décision éclairée quant aux diverses options qui s’offraient à elle ;

[7]       La preuve n’a pas permis d’établir que l’intimée avait agi de mauvaise foi, ni qu’elle était animée d’intentions malveillantes ;

[8]       Cela dit, le Comité verra à déterminer la sanction juste et raisonnable à la lumière de ces faits ;

 

III.        Argumentation

 

A)        Par le syndic

 

[9]       Me Leduc, au nom du syndic, suggère d’imposer à l’intimée une amende de 3 000 $ ;

[10]    À l’appui de ses prétentions, le procureur dépose une série de jurisprudence démontrant que les sanctions imposées pour ce type d’infractions vont habituellement de la réprimande jusqu’à des amendes qui peuvent varier entre des montants de 2 000 $ à 3 000 $ et, de façon exceptionnelle, jusqu’à la radiation ;

[11]    Il s’agit des affaires suivantes :

      CHAD c. Delorme, 2017 CanLII 90572 (QC CDCHAD) (réprimande) ;

      CHAD c. Bédard, 2012 CanLII 43780 (QC CDCHAD) (2 000 $) ;

      CHAD c. Gagnon, 2004 CanLII 57006 (QC CDCHAD) (2 500 $) ;

      CHAD c. Tardif, 2010 CanLII 66016 (QC CDCHAD) (2 500 $) ;

      CHAD c. Chouiter, 2018 CanLII 55203 (QC CDCHAD) (2 500 $) ;

      CHAD c. Laperrière, 2016 CanLII 53908 (QC CDCHAD) (3 000 $) ;

      CHAD c. Pham, 2011 CanLII 101166 (QC CDCHAD) (1 mois) ;

[12]    À cela s’ajoute le fait que le syndic plaide en faveur de l’augmentation du montant des amendes en se fondant non seulement sur l’inflation, mais plus particulièrement sur le caractère dissuasif et exemplaire que doit revêtir toute sanction ;

 

B)       Par l’intimée

 

[13]    De son côté, l’intimée demande au Comité de faire preuve de clémence en considérant, d’une part, sa situation financière et, d’autre part, son abandon de la pratique ;

[14]    De plus, elle insiste sur le fait qu’elle n’a pas agi de mauvaise foi et qu’elle n’était animée d’aucune intention malveillante ;

[15]    En conséquence, elle suggère l’imposition d’une simple réprimande ;

[16]    Enfin, si le Comité devait conclure à l’imposition d’une amende, elle demande un délai de paiement de 12 mois ;

 

IV.       Analyse et décision

 

A)   L’augmentation des amendes

 

[17]    Malgré les différents facteurs atténuants dont devrait bénéficier l’intimée, la poursuite suggère l’imposition d’une amende de 3 000 $ ;

[18]    Elle fonde sa demande sur l’obligation d’augmenter substantiellement les sanctions afin de dissuader les autres membres de la profession de commettre ce type d’infraction[2] ;

[19]    Il s’agit d’une demande légitime[3], cependant, « On ne peut infliger à une personne une peine totalement disproportionnée à la seule fin de dissuader ses concitoyens de désobéir à la loi . » [4]

[20]    Bref, avant toute chose, une sanction doit être proportionnelle à l’infraction commise et, surtout, elle doit être individualisée au cas particulier de l’intimée ;

[21]    Le Tribunal des professions rappelait ce principe dans l’affaire Adle c. Médecins[5] :

[65]        L’augmentation de la durée de la période de radiation temporaire à des fins de dissuasion générale, sans égard à la proportionnalité et à l’individualisation, pourrait constituer une erreur justifiant une intervention du tribunal d’appel. La Cour d’appel du Québec en matière criminelle a qualifié d’erreur de droit et de principe l’imposition d’une peine plus sévère afin de transmettre un message dissuasif, alors que le délinquant ne méritait pas une telle peine. L’imposition d’une sanction en droit disciplinaire doit également être individualisée et proportionnelle. (Nos soulignements)

 

[22]    Encore récemment, le Tribunal des professions[6] insistait sur l’importance de rendre des sanctions proportionnelles à la faute et individualisées au cas particulier de l’intimé :

[28]    Il appartient au Conseil de soupeser les facteurs objectifs et subjectifs propres à chaque professionnel. Comme le mentionne la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault, la sanction imposée doit coller aux faits du dossier puisque chaque cas en est un d’espèce.

[32]    Il est reconnu par le Tribunal des professions que les gestes qui touchent le cœur même de l’exercice de la profession entraînent généralement une période de radiation temporaire, ce qui n’exclut pas l’exercice de pondération et d’individualisation que le Conseil se doit de faire dans le cadre de l’imposition d’une sanction. (Nos soulignements)

 

[23]    En résumé, le Comité ne peut imposer une sanction disproportionnée simplement pour répondre au principe de la dissuasion générale, sans égard aux circonstances particulières de l’affaire[7] ;

 

B)       La sanction appropriée

 

[24]    De l’avis du Comité, sans minimiser la gravité objective du bris de confidentialité commis par l’intimée, il faut toutefois considérer que celle-ci doit bénéficier de plusieurs facteurs atténuants, dont les suivants :

      L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité dès la signification de la plainte ;

      Sa bonne foi et son absence d’intention malveillante ;

      L’absence d’antécédents disciplinaires ou même de plainte en 20 ans de pratique ;

      Ses remords et regrets exprimés lors de l’audition ;

[25]    À ces différents facteurs s’ajoute le fait que l’intimée a renoncé à pratiquer et qu’elle a décidé de réorienter sa carrière ;

[26]    Enfin, on ne peut passer sous silence le fait que la situation financière de l’intimée n’est probablement plus celle qu’elle avait auparavant puisqu’elle gagne maintenant sa vie en faisant de l’entretien ménager ;

[27]    Dans les circonstances, le Comité estime qu’une amende de 2 000 $ sera amplement suffisante pour assurer, d’une part, la protection du public et, d’autre part, pour refléter la gravité objective de l’infraction, sans punir outre mesure l’intimée ;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion de tous renseignements nominatifs et financiers concernant les assurés, le tout suivant l’article 142 du Code des professions ;

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

DÉCLARE l’intimée coupable de l’infraction reprochée et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:               pour avoir contrevenu à l’article 24 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1 de la plainte;

IMPOSE à l’intimée la sanction suivante :

Chef 1 :              une amende de 2 000 $

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés ;

ACCORDE à l’intimée un délai de paiement de 12 mois pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés, ladite somme sera payable en 12 versements égaux et mensuels débutant le 31e jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

M. Bruno Simard, courtier en assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Catherine Usereau (personnellement)

Partie intimée

 

Date d’audience : 13 novembre 2018

 

 

 



[1]    Pièces P-1 à P-3;

[2]    Gilbert. c. Morgan, 1995 CanLII 10887 (QC TP);

[3]    Roy c. ACAIQ, 2005 CanLII 23435 (QC CQ), par. 51;

[4]    R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15 (CanLII), par. 45;

[5]    2018 QCTP 12 (CanLII) ;

[6]    2018 QCTP 12 (CanLII) ;

[7]    Brais c. R., 2016 QCCA 356 (CanLII), par. 19 à 25;

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