Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2017-03-01 (C)

 

DATE :

26 octobre 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Vice-président

Mme Maryse Pelletier, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

GEORGETTE BAZINET, C. d’A.Ass., courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX

PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

[1]          Le 19 septembre 2018, le Comité se réunit pour procéder à l’audition sur sanction dans le présent dossier. À cette fin, le syndic de la ChAD est représenté par Me Julie Piché et l’intimée, par Me Sonia Paradis. 

[2]          Précisons que le 9 avril 2018, l’intimée a plaidé coupable au chef suivant de la plainte amendée contre elle, à savoir :

 « 3. À Yamachiche, entre les mois de septembre et octobre 2012, à l’occasion du renouvellement du contrat d’assurance des entreprises Intact Assurance numéro 355-0707A, l’Intimée a fait défaut de prendre les moyens requis pour que les garanties offertes répondent aux besoins de l’assurée 9229-Québec inc., (…) en ne validant pas les recettes générées par l’assurée 9229-Québec inc., contrevenant ainsi aux articles 16 et 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

[3]          L’intimée fut déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, étant spécifiquement précisé, que l’intimée a uniquement fait preuve de négligence et non pas de malhonnêteté.  

[4]          Notons que l’intimée fut acquittée de toutes les autres infractions alléguées contre elle dans le présent dossier[1].

[5]          Les procureurs des parties nous informent qu’il n’y aura pas de preuve à administrer de part et d’autre et qu’une recommandation commune sera présentée au Comité.

I.          Recommandations communes sur sanction

 

[6]          Me Piché déclare au Comité que les parties se sont entendues sur la sanction suivante, à savoir :

 

 

      Chef no 3 : une amende de 2 000 $;

 

      Condamner l’intimée à 20 % des débours du dossier.

 

[7]          L’avocate du syndic nous remet un document signé par les parties et les procureurs qui explique pour quelles raisons les parties nous recommandent d’imposer la sanction ci-haut décrite.

[8]           Quant aux facteurs aggravants, les parties insistent sur les suivants :

 

      l’expérience de 20 ans de l’intimée au moment de l’infraction;

 

      que la faute est au cœur de l’exercice de la profession;

 

      et finalement, la gravité objective de celle-ci.

 

[9]          Quant aux facteurs atténuants dont doit bénéficier l’intimée, on nous souligne :

 

      l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimée ;

 

      son plaidoyer de culpabilité à la première occasion ;

 

      l’absence d’intention malhonnête;

 

      l’absence de préjudice;

 

      le peu de chance de récidive;

 

      qu’il s’agit d’un acte isolé.

 

[10]       Afin d’appuyer la recommandation commune, le procureur du syndic nous réfère aux précédents jurisprudentiels suivants :

 

        ChAD c. Higgins, 2016 CanLII 87219 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Coursol, 2017 CanLII 55116 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Drouin, 2018 CanLII 72170 (QC CDCHAD)

 

[11]       Me Paradis nous confirme que la sanction suggérée est juste et appropriée dans les circonstances.  

 

II.         Analyse et décision

 

A)        Les recommandations communes

 

 

[12]       La jurisprudence a établi à maintes reprises l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[2]. Plus récemment, la Cour suprême confirmait que les recommandations communes sont essentielles au bon fonctionnement de la justice[3].

[13]       Dans cet arrêt, la Cour suprême précise que le Comité doit faire preuve de retenue lorsque les procureurs des parties présentent une recommandation commune sur sanction. Ci-après quelques extraits pertinents de cet arrêt important, à savoir :

 

« [40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.

 

[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.

 

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. »

 

(nos soulignements)

 

[14]       Dans l’affaire Ungureanu[4] , le Tribunal des professions décrit lui aussi quelle est la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire :

[21Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(nos soulignements)

[15]       En réalité, lorsqu’une suggestion commune est formulée par des avocats d’expérience, notre marge de manœuvre est excessivement limitée. Autrement dit, il est pratiquement impossible de l’écarter, à moins qu’elle soit contraire à l’intérêt public ou au bon fonctionnement de notre système de justice disciplinaire.

 

B)       Décision

 

[16]       La recommandation commune formulée par les parties est entérinée séance tenante par le Comité.

[17]        Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants : 

 

        en premier lieu, la protection du public ;

 

        ensuite, la dissuasion du professionnel de récidiver; et

 

        l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

 

        et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

[18]       Or, nous sommes d’avis que la suggestion commune des parties tient compte de la gravité objective de l’infraction et, que d’autre part, elle assurera la protection du public.

[19]       Quant aux frais, l’intimée devra assumer 20 % des frais et déboursés de l’instance.

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

IMPOSE à l’intimée une amende de 2 000 $;

CONDAMNE l’intimée à 20 % des déboursés;

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de tous les renseignements personnels contenus aux pièces déposées en preuve rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions.

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Vice-président du Comité de discipline

 

__________________________________

Mme Maryse Pelletier, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Sonia Paradis

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

19 septembre 2018

 



[1] Voir ChAD c. Bazinet, 2018 CanLII, 72172 (QCCDCHAD);

[2]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP) et Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[3] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 QCTP 5 (CanLII);

[4]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[5]  2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants;

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