Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

2017-12-02(C)

 

DATE :

10 août 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Yves Clermont, avocat

Président suppléant

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.

courtier en assurance de dommages

M. François Vallerand, C. d’A.A.

courtier en assurance de dommages

Membre

 

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

CAROLE CHAPLEAU, courtier en assurance de dommages des particuliers (4B)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-DIFFUSION

DE TOUT RENSEIGNEMENT OU DOCUMENT PERMETTANT D’IDENTIFIER

LES ASSURÉS MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET AUX PIÈCES

DÉPOSÉES EN PREUVE LE TOUT CONFORMÉMENT

À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., C. C-26)

 

 

[1]       Le 13 juin 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2017‑12‑02(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc et, de son côté, l’intimée se représentait seule ;

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée Chapleau fait l’objet d’une plainte comportant neuf (9) chefs d’accusation, soit :

 

Dans le cas des assurés M.-L. G. & R.T.

 

1.             Entre les ou vers les 11er février et 7 mars 2016, a fait défaut d'ecuter le mandat que lui avait confié l'assurée M.-L. G., soit de supprimer du contrat d'assurance habitation numéro R31-0606 émis par Intact compagnie d'assurance aux noms des assurés M.-L. G. et R.T., l'assuré désigné R.T. et l'emplacement n° 3 audit contrat, le tout en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2.            Le ou vers le 7 mars 2016, a été négligente dans l'exercice de ses activités, lors de la reprise du renouvellement du contrat d'assurance habitation numéro R31-0606 émis par Intact compagnie d'assurance aux noms des assurés M.-L. G. et R.T. pour le terme du 25 février 2016 au 25 février 2017, en supprimant l'assuré désigné R.T. et l'emplacement n° 3 audit contrat, sans le consentement de R.T., le tout en contravention avec les articles 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

3.            Entre les ou vers les 25 février et 2 mars 2016, a été négligente dans l'exercice de ses activités, en laissant la propriété de l'assuré R.T. sans protection d'assurance, le tout en contravention avec les articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4.             Le ou vers le 2 mars 2016, n'a pas recueilli personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d'identifier les besoins de l'assuré R.T. pour la protection de sa propriété, le tout en contravention avec l'article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

5.             Avant le ou vers le 2 mars 2016, et avant la conclusion du contrat d'assurance habitation numéro 017 643 039 émis par L'Unique assurances générales inc. au nom de l'assuré R.T., n'a pas décrit le produit proposé à l'assuré en relation avec ses besoins et ne lui a pas précisé la nature de la garantie offerte, le tout en contravention avec l'article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

6.             Le ou vers le 2 mars 2016, a été négligente dans l'exercice de ses activités lors de la souscription auprès de L'Unique assurances générales inc. d'un contrat d'assurance habitation pour la propriété de l'assuré R.T., en ne communiquant pas à l'assureur les renseignements qu'il est d'usage de lui fournir, notamment que la propriété avait été achetée en 2011, qu'elle comprenait deux (2) logis et qu'il y avait un créancier sur le risque, le tout en contravention avec les articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

7.             Entre les ou vers les 16 septembre et 27 octobre 2016, alors que L'Unique assurances générales inc. modifie le contrat d'assurance habitation numéro 017 643 039 émis au nom de l'assuré R.T., a fait défaut d'informer l'assuré R.T. que sa protection d'assurance pour sa propriété passait d'une formule générale de luxe à une formule standard générale, le tout en contravention des articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

8.             Depuis le ou vers le mois de septembre 2016, a fait des déclarations fausses ou trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur en affirmant notamment que les assurés M.-L. G. et R.T. s'étaient laissés en bons termes, que M.-L. G était autorisée à agir pour l'assuré R.T. et que ce dernier était à ses côtés, au moment de recueillir les renseignements pour supprimer l'assuré désigné R.T. et la propriété de R.T. du contrat d'assurance habitation numéro R31-0606 émis par Intact compagnie d'assurance et pour la souscription du contrat d'assurance habitation auprès de L'Unique assurances générales inc., le tout en contravention avec l'article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

Dans le cas de l'assuré K.P.

 

9.             Le ou vers le 5 juillet 2016, lors de la souscription d'un contrat d'assurance habitation auprès de Promutuel Réassurance, a fait défaut d'identifier correctement les besoins de l'assuré K.P., souscrivant pour celui-ci un contrat d'assurance Copropriétaires pour une unité de condominium, alors que l'assuré n'était que locataire, le tout en contravention avec l'article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[4]       L’intimée Chapleau a plaidé coupable à tous les chefs d’accusation de la plainte, librement et volontairement ;

[5]       Le Comité a pris acte de son plaidoyer de culpabilité et l’a déclarée coupable, séance tenante;

[6]       Ensuite, la partie plaignante a procédé aux représentations sur sanction ;

 

II.         Preuve sur sanction

 

[7]       Lors de l’audience, de consentement, le procureur de la partie plaignante a déposé en preuve les pièces P-1 à P-3 en liasse;

[8]       Me Leduc a exposé d’une façon détaillée la trame factuelle du présent dossier qui porte essentiellement sur le traitement négligent des dossiers d’assurance habitation de quelques assurés par l’intimée Chapleau;

[9]       Ensuite, Me Leduc a fait les recommandations sur sanction suivantes :

- Chef 1 : une amende de 2 000 $ ;

 

- Chef 2 : une amende de 2 500 $ ;

 

- Chef 3 : une suspension de permis d’une durée de trente (30) jours ;

 

- Chef 4 : une amende de 2 000 $ ;

 

- Chef 5 : une amende de 2 500 $ ;

 

- Chef 6 : une amende de 3 000 $ ;

 

- Chef 7 : une amende de 2 000 $ ;

 

- Chef 8 : une amende de 2 500 $ ;

 

- Chef 9 : une amende de 2 000 $.

 

[10]    Ainsi, la somme des amendes totalise 18 500 $;

[11]    Me Leduc a reconnu que la somme des amendes totalisant 18 500 $ était élevée, mais nettement justifiée dans les circonstances du présent dossier disciplinaire;

[12]    Par ailleurs, Me Leduc a mentionné qu’il avait discuté des sanctions disciplinaires avec l’intimée Chapleau, avant la tenue de l’audience;

[13]    Me Leduc a suggéré que le montant des amendes soit réduit à 8 000 $, en tenant compte, notamment, du principe de la globalité des sanctions;

[14]    De son côté, l’intimée Chapleau ne s’est pas opposée à cette suggestion ;

[15]    Toutefois, Me Leduc a insisté sur l’imposition de la radiation temporaire de trente (30) jours en regard du chef 3 de la plainte, car le manquement qui y est visé se situe au cœur de la profession de courtier en assurances de dommages et met en péril la protection du public ;

[16]    À l’appui de ses prétentions sur sanction, le syndic a soumis des décisions suivantes :

     CHAD c. Laberge, 2015 CanLII 92806 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Michel Huard, 2017 CanLII 47415 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Laberge, 2015 CanLII 53401 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Daoust, 2017 CanLII 3835 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Trépanier, 2018 CanLII 38255 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD);

     CHAD c. Girard, 2018 CanLII 2136 (QC CDCHAD);

 

III.        Analyse et décision

 

[17]    Comme les faits sont énoncés clairement dans la plainte et qu’ils ne sont pas contestés par l’intimée, le Comité ne reprendra pas la trame factuelle;

[18]    Par son plaidoyer de culpabilité, l’intimée Chapleau a reconnu que les manquements reprochés dans la plainte ont été commis et qu’ils constituent des fautes
déontologiques [1] ;

[19]    Toutefois, rappelons que la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel. Elle vise plutôt la protection du public[2] ;

[20]    Tel que l’a établi la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[3], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants :

1.    la protection du public;

2.    la dissuasion du professionnel de récidiver;

3.    l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession;

4.    le droit du professionnel d’exercer sa profession (le droit de « gagner sa vie »).

 

[21]    Le Comité a également considéré les principes énoncés dans la décision ChAD c. Kalume[4] rendue récemment par le président du comité de discipline de la ChAD, Me Patrick De Niverville. Cette décision synthèse énonce clairement plusieurs règles applicables en matière de détermination de la sanction disciplinaire;

[22]    La sanction disciplinaire imposée doit être proportionnelle au manquement reproché au professionnel[5], mais elle doit aussi être individualisée en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres au dossier dont le Comité est saisi;

[23]    Le Comité tient à souligner que les sanctions suggérées par le syndic s’inscrivent parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour des infractions semblables ;

[24]    Toutefois, le Comité insiste également sur le fait que le présent dossier constitue un cas particulier pour lequel le principe de l’individualisation de la peine doit s’appliquer entièrement ;

[25]    L’intimée Chapleau a été uniquement négligente, mais la gravité objective des infractions commises par l’intimée justifie clairement l’imposition d’une brève période de radiation et des amendes. Ces sanctions collent aux faits du présent dossier;

[26]    En effet, la nature de ces manquements touche au cœur même de l’exercice de la profession de courtier en assurances de dommages des particuliers;

[27]    Par ailleurs, le Comité considère que les sanctions à imposer à l’intimée Chapleau doivent tenir compte des facteurs atténuants suivants :

  Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

  Sa bonne collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire;

  L’absence d’antécédents disciplinaires;

Les manquements disciplinaires reprochés à l’intimée dans le présent dossier sont des actes isolés;

  L’absence de malveillance de sa part ;

  L’expression d’un repentir sincère lors de l’audience;

  Un faible risque de récidive de sa part.

[28]    Quand un Comité applique le principe de la globalité de la sanction, il doit se demander si la sanction, lorsque vue globalement, est appropriée, juste et adéquate[6];

[29]    La situation financière difficile de l’intimée Chapleau conduit le Comité à considérer l’application du principe de la globalité de la sanction afin d’éviter de l’accabler et de la punir outre mesure[7] ;

[30]    Le Comité réduit la somme des amendes à 6 000$, considérant le principe de la globalité de la sanction;

[31]    Le Comité ne saurait trop insister sur un autre principe bien établi en jurisprudence suivant lequel :

« L’exercice d’une profession n’est pas un droit absolu mais un privilège accordé aux professionnels qui s’engagent à en respecter toutes les obligations prescrites par le législateur. »[8]

[32]    En terminant, le Comité souhaite vivement que l’intimée Chapleau tirera une sérieuse leçon sur le plan professionnel de l’expérience qu’elle a vécue dans le cadre du processus disciplinaire, car il s’agit d’un rappel à l’ordre très clair.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur chacun des neuf (9) chefs d’accusation de la plainte ;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 à 9 de la plainte, plus particulièrement comme suit :  

Chef 1 : Pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 2 : Pour avoir contrevenu à l’article 37(6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 3 : Pour avoir contrevenu à l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 4 : Pour avoir contrevenu à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LRQ, c. D-9.2);

Chef 5 : Pour avoir contrevenu à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LRQ, c. D-9.2);

Chef 6 : Pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 7 : Pour avoir contrevenu à l’article 37(4o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 8 : Pour avoir contrevenu à l’article 37(7o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

Chef 9 : Pour avoir contrevenu à l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 9 de la plainte;

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 : Une amende de 2 000 $;

Chef 2 : Une amende de 2 500 $;

Chef 3 : Une radiation temporaire de 30 jours;

Chef 4 : Une amende de 2 000 $;

Chef 5 : Une amende de 2 500 $;

Chef 6 : Une amende de 3 000 $;

Chef 7 : Une amende de 2 000 $;

Chef 8 : Une amende de 2 500 $;

Chef 9 : Une amende de 2 000 $;

 

RÉDUIT le montant des amendes totalisant 18 500 $ à une somme globale de 6 000 $, considérant le principe de la globalité de la sanction ;

ORDONNE la publication d’un avis de radiation temporaire de trente (30) jours, le tout au frais de l’intimée;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés inhérents au dossier ;

ACCORDE à l’intimée un délai de 36 mois afin d’acquitter le montant des amendes, les frais de publications et des déboursées en 36 versements mensuels égaux et consécutifs, débutant le 31e jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE qu’en cas de défaut d’effectuer un paiement mensuel dans le délai requis, l’intimée perdra le bénéfice du terme et toutes les sommes alors dues seront payables immédiatement, sans autre avis ni délai;

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion de tout renseignement ou document permettant d’identifier les assurés mentionnés dans la plainte, le tout conformément à l’article 142 du Code des professions (R.L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Yves Clermont, avocat

Président-suppléant

 

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.

courtier en assurance de dommages,

Membre

 

 

____________________________________

M. François Vallerand, C. d’A.A

courtier en assurances de dommages

Membre

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Carole Chapleau (se représentait seule)

Partie intimée

 

Date d’audience : 13 juin 2018

 

 



[1]  Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII).

[2]  Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII); Mailloux c. Deschênes, 2015 QCCA 1619 (CanLII).

[3]  Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA); voir également : Ordre des ingénieurs du Québec c. Gilbert, 2016 QCCA 1323 (CanLII).

[4]  ChAD c. Kalume, 2017 CanLII 30963 (QC CDCHAD);

[5]  Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII);

[6]  Kenny c. Baril, 1993 CanLII 9195 (QC TP); Chénier c. comptables agréés 1998 QC TP 1659 CanLII.

[7]  Voir notamment : ChAD c. Lévesque, 2017 CanLII 92834 (QC CDCHAD).

[8]  David c. Denturologistes, 2000 QC TP 65 (CanLII).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.