Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2017-05-01(A)

 

DATE :

9 août 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de

dommages

Membre

M. Dominic Roy, FPAA, agent en assurance de

dommages

Membre

 

 

Me KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

PHILIPPE DUPUIS-RICHARD, agent en assurance de dommages des particuliers (3B) inactif

 

Partie intimée

 

-et-

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante en reprise d’instance

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le 2 mai 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») se réunit pour procéder à l’instruction de la plainte portée contre l’intimée dans le présent dossier.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur, partie plaignante en reprise d’instance, est représentée par Me Claude G. Leduc.

 

[3]       Quant à l’intimé, il est présent et représenté par Me Emy-Jade Viens.

 

[4]       Nous sommes informés qu’une entente est intervenue entre les parties.

 

 

[5]       Une plainte modifiée datée du 2 mai 2018 est déposée au dossier et l’intimé enregistre son plaidoyer de culpabilité sur chacun des 4 chefs d’accusation qui se lisent comme suit :

 

 

« Dans le dossier de N.L.D.

(Police automobile n° 444-5854 couvrant la période du 12 avril 2016 au 12 avril 2018)

 

1.       Le ou vers le 5 mai 2016, lors d’un appel de sa cliente N.L.D. concernant la souscription par celle-ci du contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) portant le n° B5A 532799 pour la période du 5 mai 2016 au 5 mai 2021, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux et/ou a manqué de transparence :

 

a. en ne recueillant pas tous les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins de sa cliente, notamment en ne lui demandant pas pour combien de temps elle pensait conserver le véhicule Kia Rio 2012, afin de lui procurer un produit d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) d’une durée répondant à ses besoins;

 

b. en n’informant pas sa cliente du rôle de Cime Cabinet d’assurances inc. comme administrateur du programme ni du rôle de Cimaco comme compagnie de financement de prime avec laquelle elle devait signer un contrat de crédit variable;

 

c. en n’expliquant pas ou en ne décrivant pas convenablement à sa cliente le contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) et en ne lui précisant pas convenablement la nature de la garantie offerte, par exemple qu’en cas de perte totale, la F.P.Q. 5 couvre la différence entre l’indemnité payée par l’assureur primaire et la valeur majorée du véhicule, que l’indemnité versée par la F.P.Q. 5 se calcule à partir de la valeur du véhicule au jour du sinistre et qu’elle est majorée selon un calcul très précis indiqué au contrat ou encore qu’en cas de perte partielle, la F.P.Q. 5 ne s’applique pas et que l’indemnisation se fait alors en valeur dépréciée;

 

d. en n’expliquant ou en ne décrivant pas convenablement à sa cliente le contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) et en ne lui précisant pas convenablement la nature de la garantie offerte, par exemple que le véhicule doit absolument être remplacé pour obtenir cette indemnité ou qu’en cas de perte partielle, la F.P.Q. 5 s’appliquera si les pièces doivent être remplacées;

 

e. en n’avisant pas sa cliente que si elle choisit de faire financer la prime d’assurance au montant de 1 087,82 $ du contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5), des frais de financement de 413,38 $ s’ajoutent, pour un grand total de 1 501,20 $ étalé en paiements mensuels de 25,02 $ pendant 60 mois;

 

le tout en contravention avec les articles 16, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 22, 25 et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Dans le dossier de P.-O. R.

(Police automobile n° 462-7136 couvrant la période du 6 mai 2016 au 6 mai 2018)

 

2.       Le ou vers le 6 mai 2016, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile portant le n° 462-7136 pour la période du 6 mai 2016 au 6 mai 2018 par son client P. O.R., a manqué d’intégrité et/ou a placé ses intérêts personnels avant ceux de son client et/ou a fait défaut d’exécuter son mandat avec transparence et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux :

 

a. en lui proposant à deux reprises l’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) en utilisant d’autres termes tels que « super protection » et « protection complète » afin de lui laisser croire qu’il s’agit d’un autre produit et que celui-ci accepte de la souscrire, alors qu’il avait déjà clairement refusé;

 

b. en émettant l’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) malgré les nombreux refus du client, et ce, sous l’appellation de « protection complète »;

 

c. en informant son client que s’il souscrit à l’assurance de remplacement (F.P.Q. 5), il peut lui remettre un chèque de 150 $, alors que cette promotion vise la F.P.Q. 1 et non la F.P.Q. 5;

 

d. en n’informant pas son client que la police d’assurance n° 462-7136 inclut la protection F.A.Q. 33 (assistance routière) au coût de 35 $ par année, donc 70 $ pour deux ans, sans même vérifier avec le client s’il a besoin de ce produit;

 

e. en ne recueillant pas tous les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins de son client afin de lui proposer le produit qui lui convient le mieux, notamment en ne lui demandant pas s’il s’agit d’un achat ou d’une location ni de quelle manière il finance cet achat ou location;

 

le tout en contravention avec les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 10, 19, 26, 37(4), 37(5), 37(6) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Dans le dossier de G.S.

(Police automobile n° 569-8047 couvrant la période du 5 avril 2016 au 5 avril 2018)

 

3.       Le ou vers le 6 mai 2016, lors d’un appel de sa cliente G.S., a manqué d’intégrité et/ou a fait défaut d’exécuter son mandat avec transparence et/ou a exercé ses activités de façon négligente en ajoutant l’avenant F.A.Q. 33 (assistance routière) sans en informer la cliente, alors que celle-ci n’avait pas besoin de cette protection étant membre du CAA-Québec, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 25 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Dans le dossier de F.L.

(Police automobile n° 590-3848 couvrant la période du 11 mars 2016 au 11 mars 2018)

 

4.       Le ou vers le 10 mai 2016, lors d’un appel de son client F.L. concernant la souscription par celui-ci du contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) portant le n° B5A 532983 pour la période du 12 mai 2016 au 12 mai 2019, a placé ses intérêts personnels avant ceux de son client et/ou a fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire son client en erreur et/ou a manqué de transparence et/ou a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux :

 

a. en ne l’informant pas que l’avenant valeur à neuf (F.A.Q. 43) était également disponible et en ne comparant pas ce produit avec l’assurance de remplacement (F.P.Q. 5), ce qui aurait permis au client de prendre une décision éclairée sur le produit qui lui convenait le mieux, favorisant ainsi la F.P.Q. 5 qui faisait alors l’objet d’un concours au sein de son employeur lui donnant 15 $ par contrat F.P.Q. 5 vendu;

 

b. en lui laissant croire qu’il devait décider avant le 12 mai 2016, date de prise de possession du nouveau véhicule, s’il prenait l’assurance de remplacement (F.P.Q. 5), après quoi il ne serait plus admissible au produit offert mais à un autre qui n’a pas les mêmes conditions et dont les montants sont moins avantageux, alors que le client avait droit à 120 jours pour prendre sa décision;

 

c. en n’informant pas son client du rôle de Cime Cabinet d’assurances inc. comme administrateur du programme ni du rôle de Cimaco comme compagnie de financement de prime avec laquelle il devait signer un contrat de crédit variable;

 

d. en n’expliquant ou en ne décrivant pas convenablement à son client le contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5) et en ne lui précisant pas convenablement la nature de la garantie offerte, par exemple que le véhicule doit absolument être remplacé pour obtenir cette indemnité ou qu’en cas de perte partielle, la F.P.Q. 5 s’appliquera si les pièces doivent être remplacées;

 

e. en n’avisant pas son client que s’il choisit de faire financer la prime d’assurance au montant de 1 161,94 $ du contrat d’assurance de remplacement (F.P.Q. 5), des frais de financement de 257,18 $ s’ajoutent, pour un grand total de 1 419,12 $ étalé en paiements mensuels de 39,42 $ pendant 36 mois;

 

le tout en contravention avec les articles 16 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 15, 19, 22, 25, 37(6) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

         

[6]       Séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclare coupable des infractions reprochées.

 

[7]       Sur le chef 1, M. Dupuis-Richard est déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers[1], lequel se lit comme suit :

« Art. 28. Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d’un contrat d’assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

  Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s’il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions. »

 

[8]       Quant au chef 2, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 37 (7°) du même Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, soit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

(…)

 7° de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur; »

 

[9]       Relativement aux chefs 3 et 4, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 25 du même Code de déontologie, soit :

 

« Art. 25. Le représentant en assurance de dommages doit exécuter avec transparence le mandat qu’il a accepté. »

 

[10]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives ou règlementaires alléguées au soutien de chacun des chefs de la plainte modifiée.

 

[11]    Nous sommes par ailleurs informés par les procureurs des parties qu’une recommandation commune sur sanction sera soumise au Comité.

 

I.          Preuve sur sanction

 

[12]    Le procureur du syndic, avec le consentement de Me Viens, dépose en preuve les pièces P-1 à P-5.

[13]    Ces pièces nous font voir que l’intimé a admis tous les faits reprochés contre lui.

[14]    M. Dupuis-Richard ne travaille plus dans le domaine de l’assurance de dommages et souhaite dorénavant exercer des activités dans le domaine de l’aménagement paysager.

[15]    Son employeur, La Compagnie d’assurance Bélair inc., est à l’origine de la plainte logée contre l’intimé auprès de l’AMF.

II.       Recommandation commune sur sanction

[16]    Les parties recherchent l’imposition des sanctions suivantes, à savoir :

             Chef 1 : une amende de 2 000 $;

             Chef 2 : une amende de 4 000 $;

             Chef 3 : une amende de 2 000 $;

             Chef 4 : une amende de 2 000 $;

             Le paiement de tous les déboursés.

[17]    Les parties s’entendent également pour que l’intimé puisse bénéficier d’un délai de 18 mois pour payer les amendes et déboursés du dossier.

[18]    À l’appui de cette suggestion, les parties nous soumettent qu’ils ont pris en considération les facteurs atténuants suivants :

             L’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

             Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

             La bonne collaboration de l’intimé à l’enquête;

             Un faible risque de récidive.

[19]    Les parties appuient également leur suggestion sur les facteurs aggravants suivants :

             La nature et la gravité objective des infractions commises qui mettent             en péril la protection du public;

             Le caractère répétitif des infractions;

             Le préjudice aux assurés.

[20]    Les parties concluent à la justesse de leur recommandation commune en nous référant aux critères de détermination et objectifs de la sanction disciplinaire tels qu’établis par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[2] et par la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[3].

III.      Analyse et décision

[21]    Le Tribunal des professions a établi l’importance et l’utilité des recommandations communes dans l’affaire Ungureanu[4] :

« [21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. »

(nos soulignements)

[22]    Considérant la jurisprudence en matière de recommandations communes[5] et plus particulièrement les enseignements récents de la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook, notre marge de manœuvre est plutôt restreinte lorsque nous sommes saisis d’une recommandation commune présentée par des procureurs d’expérience.

[23]    En fait, pour écarter une suggestion commune, il faudrait conclure que la sanction proposée est contraire à l’intérêt public.

[24]    Certes, la sanction dans sa globalité peut paraître sévère, mais pour paraphraser la Cour d’appel, « la sanction infligée n'est pas déraisonnable du simple fait qu'elle est (…) sévère; elle le devient lorsqu'elle est si sévère (…) qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier[6]»

[25]    Pour l’ensemble de ces motifs, la recommandation commune des parties est ratifiée par le Comité.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Philippe Dupuis-Richard sur chacun des chefs d’accusation de la plainte modifiée;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (7°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 3 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 4 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

IMPOSE à l’intimé Philippe Dupuis-Richard les sanctions suivantes:

 

Chef 1:   une amende de 2 000 $;

 

Chef 2:   une amende de 4 000 $;

 

Chef 3:   une amende de 2 000 $;

 

Chef 4:   une amende de 2 000 $;

 

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés;

ACCORDE à l’intimé un délai de 18 mois pour acquitter les amendes et déboursés, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

 

____________________________________

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de dommages

Membre

 

____________________________________

M. Dominic Roy, FPAA, agent en assurance de dommages

Membre        

 

 

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Emy-Jade Viens

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 2 mai 2018

 



[1]   RLRQ, chapitre D-9.2;

[2]    2003 QCCA 32934;

[3]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII);

[4]    Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII) ;

[5]    Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII) ;

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP) ;

[6]   Ibid., note 2, au paragraphe 36;

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