Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

Chambre de l’assurance de dommages

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2016-10-02(C)

 

DATE :

16 mai 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me CLAUDE G. LEDUC, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MARCO D’ONOFRIO

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

[1]       Le 1er mars 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte numéro 2016-10-02(C);

 

[2]       Le syndic ad hoc se représentait seul et, de son côté, l’intimé assurait personnellement sa défense ;

 

[3]       Le 5 décembre 2017, l’intimé a été reconnu coupable[1] des infractions suivantes :

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées aux chefs 4, 6, 32, 35, 36, 41, 47, 48, 54, 57, 67, 69, 71, 73, 80 et 82 pour avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages   (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

 

 

 

[4]       Plus précisément, l’intimé fut reconnu coupable de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, à 16 occasions différentes, en accordant du financement pour les primes d’assurance de clients par l’entremise d’une de ses compagnies (Jytico), sans informer ses clients des liens financiers qui l’unissaient à cette compagnie, vu son statut d’administrateur et d’actionnaire à Jytico ;

[5]       Cela dit, les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

 

 

I.          Représentations sur sanction

 

A)        Par le syndic

 

[6]       D’entrée de jeu, le syndic souligne qu’il entend requérir une amende de 3 000 $ par chef, pour un total de 48 000 $ ;

[7]       Cette demande est fondée sur plusieurs motifs, dont les principaux sont les suivants :

      L’intimé a un antécédent disciplinaire ;

      Ce type d’infraction entraîne habituellement l’imposition d’une amende ;

 

[8]       À l’appui de ses prétentions, le syndic soumet une série de jurisprudence, soit :

      ChAD c. Cianculli, 2010 CanLII 20034 ;

      ChAD c. D’Onofrio, 2018 CanLII 2057 ;

      ChAD c. Lareau et PGQ, 2013 CanLII 46535 ;

      ChAD c. Lareau, 2013 CanLII 33424 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Larose, 2017 CanLII 45018 ;

      ChAD c. Lévesque, 2017 CanLII 55107 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Lévesque, 2017 CanLII 92834 (QC CDCHAD) ;

      ChAD c. Pham, 2010 CanLII 40394 ;

 

[9]       Mais il y a plus, le syndic prétend que le Comité n’est pas autorisé à se servir du principe de la globalité de la sanction afin de réduire le montant total des amendes à une somme globale moindre que l’amende minimale sur chacun des chefs d’accusation ;

[10]    Il fonde cet argument sur la jurisprudence suivante :

      R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC) ;

      A.M.F. . Cottone, 2013 QCCQ 6716 (CanLII) ;

      D.P.C.P. c. Labrecque, 2017 QCCQ 12038 (CanLII) ;

D.P.C.P. c. Bédard, 2017 QCCQ 7437 (CanLII) ;

 

[11]    De façon plus particulière, le syndic réfère aux passages suivants de l’affaire A.M.F. c. Cottone[2] :

[47]        Les auteurs Hugues Parent et Julie Desrosiers, dans leur ouvrage La Peine, Traité de droit criminel, tome 3, en discutant de la capacité de payer une amende en matière criminelle, identifient deux exceptions où le juge n'est pas tenu de s'en assurer. L'une de ces exceptions est le cas où une amende minimale est prévue. Selon ces auteurs, le juge ne pouvant pas diminuer une amende minimale sa seule discrétion pourra s'exercer dans sa décision d'augmenter le montant d'amende et pourra alors considérer la capacité de payer. (Nos soulignements)

 

[12]    Enfin, il termine en soulignant que, dans l’affaire Bédard[3], la Cour du Québec a conclu qu’une amende minimale de 10 841 $ constitue une « peine cruelle et inusitée » qui contrevient à l’article 12 de la Charte canadienne, tout en précisant que l’intimé, n’étant pas un « accusé » au sens de la Charte, il ne peut invoquer cette jurisprudence ;

[13]    En conséquence, il demande au Comité d’imposer à l’intimé une amende totale de 48 000 $, sans aucune réduction ;

 

B)       Par l’intimé

[14]    De son côté, l’intimé plaide que les amendes suggérées par le syndic sont démesurées, eu égard aux faits du dossier ;

[15]    Il souligne que son seul objectif était d’accommoder ses clients et qu’il n’a jamais eu d’intention malveillante ;

[16]    D’autre part, il considère que les avantages financiers qu’il a pu tirer de cette situation sont minimes, soit environ un profit net de 2 % pour un financement se situant entre 1 000 $ et 3 000 $ ;

[17]    Pour le financement de primes plus élevées, il orientait ses clients vers une autre entreprise spécialisée en financement de primes d’assurances, soit Primaco ;

[18]     Cela dit, il trouve odieux qu’on lui demande de payer une amende de 48 000 $, alors qu’il est celui qui a dénoncé cette situation au Bureau du syndic, laquelle demande d’enquête a entraîné la condamnation de sa soeur[4] et de son ex-employé Clemente[5] ;

[19]    En conséquence, il suggère au Comité de lui imposer une sanction juste et raisonnable ;

 

II.       Analyse et décision

A)        Le principe de la globalité

[20]    Suivant la thèse avancée par le syndic, le Comité n’est pas autorisé à se servir du principe de la globalité de la sanction afin de réduire le montant total des amendes à une somme globale inférieure à l’amende minimale ;

[21]    Dans les faits, l’amende minimale étant de 2 000 $ par chef, cela représente un montant global de 32 000 $, vu les 16 chefs d’accusation pour lesquels l’intimé fut reconnu coupable ;

[22]    En conséquence, suivant cette théorie, la sanction idéale se situerait entre 48 000 $ et 32 000 $ et le Comité ne pourrait se servir du principe de la globalité pour réduire la totalité des amendes à une somme globale inférieure à un montant de 32 000 $, vu l’amende minimale de 2 000 $ par chef ;

[23]    Pour les motifs ci-après exposés, le Comité ne peut souscrire à la thèse proposée par le syndic ;

[24]    Dans un premier temps, contrairement à la jurisprudence soumise par le syndic, ni le Code des professions (RLRQ, c. C-26), ni la L.D.P.S.F. (RLRQ, c. D-9.2), ni les règlements de la ChAD ne prévoient l’imposition d’une « amende minimale obligatoire » pour une infraction à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

[25]    La seule disposition de la L.D.P.S.F. qui impose une « amende minimale obligatoire » est celle que l’on retrouve à l’article 378 L.D.P.S.F., lequel prévoit :

378.  En cas de non-respect des dispositions de l’un des articles 18192935 ou 36, le comité ne peut imposer de réprimande ni une amende inférieure à 5 000 $.

[26]    Pour toutes les autres infractions disciplinaires, on doit se référer au régime général prévu par l’article 376 L.D.P.S.F., lequel édicte :

376. Les dispositions du Code des professions (chapitre C-26) relatives à l’introduction et à l’instruction d’une plainte ainsi qu’aux décisions et sanctions la concernant, à l’exclusion du paragraphe c du premier alinéa de l’article 156 de cette loi, s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, aux plaintes que reçoit le comité de discipline.

Le comité peut imposer une amende d’au moins 2 000 $ et d’au plus 50 000 $ pour chaque infraction. Dans la détermination de l’amende, le comité tient compte du préjudice causé aux clients et des avantages tirés de l’infraction. (Nos soulignements)

 

[27]    Cela dit, l’article 156 C. prof. prescrit une série de sanctions qui vont de la simple réprimande jusqu’à la révocation permanente du permis, en passant par des amendes et des radiations temporaires qui peuvent varier suivant la gravité des infractions ;

[28]    La seule disposition imposant une amende minimale obligatoire et une radiation minimale obligatoire est celle prévue par le deuxième alinéa de l’article 156 pour les cas d’infractions de nature sexuelle ;

[29]    Une autre exception est celle concernant l’obtention d’un permis professionnel sur la base de faux documents ou renseignements, la sanction obligatoire étant alors la révocation du permis[6] ;

[30]    Enfin, pour les cas d’appropriation, le troisième (3e) alinéa de l’article 156 C. prof. exige « au moins la radiation temporaire » ;

[31]    Cela dit, la jurisprudence a évolué depuis l’arrêt R. c. M. (C.A.) [7] rendu en 1996 par la Cour suprême ;

[32]    De fait, même en matière de « peines minimales obligatoires », la Cour suprême reconnaît dorénavant que le principe de globalité ou de totalité s’applique comme tout autre principe faisant partie des principes généraux de détermination de la peine[8] ;

[33]    Même en matière de suramende compensatoire, laquelle est définie comme une « contribution minimale obligatoire », le juge doit tenir compte du principe de la totalité[9] ;

[34]    Au-delà de ces considérations, l’argument mis de l’avant par le syndic doit échouer puisqu’il n’existe pas « d’amende minimale obligatoire » pour une infraction à l’article 10(2) du Code de déontologie ;

[35]    De plus, la jurisprudence du Tribunal des professions permet de résoudre cette difficulté ;

[36]    À cet égard, il convient de citer, comme premier exemple, l’affaire Seyer[10] et, plus particulièrement, les extraits suivants :

Les chefs 8 et 9 ont amené une radiation temporaire de 2 mois. Le chef 8 reprochait une vente sur simple demande et sans contrôle ou ordonnance, alors que le chef 9, pour cette même vente, reproche la non inscription au dossier.

Les autres chefs pour lesquels la culpabilité a été retenue ont fait l'objet d'une réprimande au motif de la globalité de la peine. (p. 9)

Reste la théorie de la globalité: il faut tenir compte du total cumulatif des sanctions afin d'éviter que la sanction globale ne soit excessive. Il ne faut pas oublier que c'est un individu, fautif il est vrai, qui est condamné, mais il demeure un individu. Confronté, comme ici, à plusieurs infractions, en examinant le fardeau des sanctions imposées, il y a lieu de les moduler en tenant compte de cet individu.

Ainsi, sur le 1er chef, concernant l'association dans un but mercantiliste, la vente sans contrôle de médicaments exigeant une ordonnance, le bénéfice encaissé, la durée de la faute, une amende de 6 000,00 $ et une radiation temporaire d'un an sera imposée.

Sur le chef 3, concernant le non respect de l'entente avec le M.A.P.A.Q. une amende de 2 000,00 $.

Sur le chef 6, concernant la concurrence déloyale, une réprimande eu égard au principe de la globalité de la peine.

Sur le chef 8, concernant une vente sans ordonnance, une radiation temporaire de deux (2) mois.

Sur le chef 9, concernant une non inscription au dossier et pour tous les autres chefs sur lesquels la culpabilité a été retenue, une réprimande sur chaque chef eu égard au principe de la globalité de la peine. (p. 10 et 11) (Nos soulignements)

 

[37]    Il ressort de ce jugement que le Comité, pour respecter le principe de la globalité de la sanction, peut imposer sur le premier chef une amende et, ensuite, des réprimandes sur les autres chefs de même nature ;

[38]    Dans le même ordre d’idées, le Tribunal des professions, dans l’affaire Normandin[11], reconnaissait la validité de cette méthode, dans les termes suivants :

[21]     Le Comité motive ainsi sa décision:

"Sur les chefs #11 à #16 et #18 à #20

Le Comité retient le témoignage de l'intimée qui ignorait qu'il lui était interdit d'exiger le paiement de ses honoraires avant qu'ils ne soient rendus et facturés. L'infraction mérite l'amende. Cependant, parce qu'il s'agit de premières infractions et que la réhabilitation de l'intimée semble assurée, l'amende minimale sera imposée sur les chefs #11, #12 et #13 et, considérant la globalité de la sanction, une réprimande sera imposée sur chacun des chefs #14, #15, #16, #18, #19 et #20.

Sur les chefs #21, #22, #23, #24, #25, #26 et #27

Les infractions méritent à l'intimée l'amende. Compte tenu qu'il s'agit de premières infractions de l'intimée, mais qu'elles ont un caractère répétitif, l'amende minimale sera imposée sur les chefs #21, #22 et #23 et, considérant la globalité de la sanction, une réprimande sera imposée sur chacun des chefs #24, #25, #26 et #27."[12]

[22]     Le Comité a d'abord déterminé globalement que le nombre de chefs excluait la réprimande comme sanction sur chacun des chefs. Ayant choisi l'amende, il s'est rendu compte que l'amende minimale prévue par la loi sur chacun des chefs résulterait en une sanction globale de 10 200$.  Il a donc conclu comme il l'a fait, décidant que pour avoir dix fois requis des avances sur ses honoraires et pour avoir sept fois négliger de donner suite à une demande du syndic, la professionnelle méritait plutôt une sanction de la nature d'une amende globale de 3 600$. Il a traduit cette sanction globale comme elle apparaît au dispositif de sa décision sur sanction.  Cette sanction est parfaitement adaptée aux faits et aux facteurs mis de l'avant par chacune des parties. (Nos soulignements)

 

[39]    Finalement, dans une autre affaire, soit Dion c. Comptables professionnels agréés[12], le Tribunal des professions entérinait ce principe pour les motifs suivants :

 

[31]   Le Conseil condamne chacun des appelants à une amende de 5 000 $ sur le chef 1 et une réprimande sur chacun des autres chefs « pour tenir compte de la globalité de la sanction et du fait qu'il s'agit du même manquement répété d'une année à l'autre ». Les appelants sont également condamnés au paiement des déboursés.

[60]   À cet égard, l'intimé plaide que c'est à juste titre que le Conseil a tenu compte de la gravité de l'infraction de même que de l'absence de remords des appelants. Il rappelle que chacun des appelants s'est vu imposer une seule amende de 5 000 $, les neuf autres déclarations de culpabilité ayant été sanctionnées par une réprimande.

[61]   La sanction imposée par le Conseil n'est ni injuste ni déraisonnable. Le montant de 5 000 $ est certes plus élevé que dans les précédents portés à l'attention du Tribunal où le montant des amendes variaient entre 1 500 $ et 3 000 $. Fait à noter cependant, dans certains de ces précédents, il y avait autant d'amendes que de chefs et ce, même si le reproche impliquait le même client pour quelques exercices financiers consécutifs.

[62]   Les appelants n'ont pas convaincu le Tribunal que le Conseil n'a pas suffisamment tenu compte des facteurs subjectifs et atténuants et qu'il en résulte une pondération incorrecte menant à une erreur significative. Par conséquent, le Tribunal ne relève dans les moyens soulevés aucune erreur manifeste et dominante lui permettant d'intervenir. (Nos soulignements)

 

[40]    Cette méthode est d’ailleurs conforme aux enseignements de la Cour d’appel en matière de sanction disciplinaire ;

[41]    En effet, suivant l’arrêt Pigeon c. Proprio Direct inc.[13], chaque infraction doit faire l’objet d’une sanction distincte[14] ;

[42]    Cela étant établi, qu’arrive-t-il lorsque le Comité considère qu’il serait contre-indiqué d’imposer une simple réprimande pour une infraction dont la gravité objective commande l’imposition d’une amende ?

[43]    Encore une fois, la jurisprudence du Tribunal des professions répond à cette question ;

[44]    Dans l’affaire L’Heureux c. Paquin[15], le Tribunal applique le principe de la globalité de la sanction en soulignant qu’il est du devoir du Comité d’intervenir si le montant total des amendes est déraisonnable :

Par ailleurs, la globalité des sanctions, imposées sur plusieurs chefs doit être analysée quant à leur justesse et à leur convenance de la même façon qu’elle doit l’être pour chacun des chefs. Ainsi, si la somme des amendes fait en sorte que le professionnel en sera réduit à la ruine, il y a lieu pour le Comité de discipline d’en tenir compte et pour le Tribunal des professions d’intervenir si le Comité de discipline a omis d’en tenir compte. (Nos soulignements)

 

[45]    Mais il y a plus, le Tribunal des professions reconnaît que le Comité de discipline possède une très large discrétion pour établir les « conditions et modalités » de la sanction[16], à l’exception du fait qu’une période de radiation ne peut jamais être rétroactive[17] ;

[46]    En conclusion, le Comité est d’avis qu’en présence d’une sanction comprenant plusieurs amendes, il a non seulement le droit, mais l’obligation de réduire le montant total des amendes à une somme globale afin d’éviter d’imposer à l’intimé une sanction accablante et purement punitive ;

[47]    D’ailleurs, dans le dossier de la sœur de l’intimé, le montant total des amendes (94 000 $) fut réduit à une somme globale de 20 000 $[18] ;

[48]    Dans le cas de son ex-employé, le montant des amendes (84 000 $) fut réduit à la somme de 20 000 $[19] ;

[49]    Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité ne peut entériner la thèse suggérée par le syndic et, encore moins, les sanctions monétaires qui en découlent ;

[50]    Cette question étant réglée, il convient de déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimé ;

 

B)       La sanction appropriée

[51]    Dans un premier temps, il y a lieu de souligner que l’antécédent disciplinaire[20] allégué par la partie plaignante à l’encontre de l’intimé ne constitue pas un antécédent disciplinaire en semblable matière ;

[52]    En effet, l’intimé n’a jamais été condamné auparavant pour une infraction à l’article 10(2) du Code de déontologie ;

[53]    Par conséquent, ni l’amende minimale, ni la réprimande ne doivent être écartées d’emblée par le Comité ;

[54]    Par contre, cet antécédent peut être considéré comme un facteur accroissant le risque de récidive chez l’intimé[21] ;

[55]    Toutefois, vu les changements apportés à la pratique de l’intimé et, surtout, la prise de conscience de ses obligations déontologiques, le Comité estime que les risques de récidive sont faibles, sinon pratiquement nuls ;

[56]    Deuxièmement, un autre motif justifiant d’écarter la suggestion d’une amende supérieure à l’amende minimale réside dans l’absence de volonté chez l’intimé de transgresser la norme déontologique[22] ;

[57]    En effet, la preuve non contredite démontre que l’objectif de l’intimé était d’accommoder ses clients dont le profil économique ne permettait pas d’obtenir du crédit suivant les canaux réguliers ;

[58]    Bref, la preuve ne démontre pas qu’il était animé d’un esprit de mercantilisme ;

[59]    Au contraire, il semble plutôt avoir enfreint la règle déontologique par simple méconnaissance et sans aucune intention malveillante ;

[60]    Voilà autant de facteurs atténuants justifiant le Comité de s’écarter de la suggestion du syndic d’imposer une amende supérieure à l’amende minimale ;

[61]    Par contre, le Comité est d’avis que chaque infraction doit être sanctionnée par une amende de 2 000 $, en tenant compte des facteurs suivants :

      La gravité objective des infractions ;

      Le caractère répétitif des infractions ;

      L’exemplarité et la dissuasion ;

      La gradation des sanctions ;

      L’admission des faits ;

      Les conséquences déjà subies ;

      La collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ;

      Le contexte des infractions ;

      L’absence d’intention malveillante ;

[62]    De plus, cette sanction est conforme au principe de la parité des sanctions[23] ;

[63]    En effet, lorsque plusieurs professionnels sont accusés de la même infraction, l’objectif de la parité des sanctions exige que l’on prenne compte des peines imposées aux « co-accusés » de l’intimé, sous réserve des facteurs propres à chacun des dossiers[24] ;

[64]    Cela dit, la sœur de l’intimé, pour les mêmes infractions, s’est vu imposer une amende de 2 000 $ par chef, laquelle fut réduite à une somme globale de beaucoup inférieure[25] ;

[65]    Le Comité estime que le dossier de l’intimé ne contient pas d’élément particulier ou différent lui permettant de s’écarter du principe de la parité des sanctions ;

[66]    L’antécédent disciplinaire de l’intimé ne concernait pas une infraction à l’article 10(2) du Code de déontologie et, d’autre part, même s’il n’a pas plaidé coupable dans le présent dossier, il n’a jamais nié les faits, sa défense se limitant à faire valoir sa bonne foi et son ignorance de la règle déontologique ;

[67]    Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé se verra imposer une amende de 2 000 $ sur chacun des chefs 4, 6, 32, 35, 36, 41, 47, 48, 54, 57,67, 69, 71, 73, 80 et 82, pour un total de 32 000 $ ;

[68]    Enfin, conformément au principe de la globalité des sanctions, le montant total des amendes sera réduit à une somme globale de 10 000 $ ;

 

C)       Les déboursés

[69]    Le Tribunal des professions reconnaît que le Comité de discipline bénéficie d’une large discrétion au moment d’imposer les frais à l’intimé et qu’il peut prendre en considération plusieurs facteurs, tel que souligné dans l’affaire Jondeau c. Acupuncteurs[26] :

[82]           L'article 151 du Code reconnaît au Comité de discipline la discrétion de condamner le plaignant ou l'intimé aux déboursés ou de les partager dans la proportion qu'il doit indiquer.

[83]           Le Comité se trouve dans une bien meilleure position que le Tribunal pour jauger la mesure des déboursés que devrait assumer l'une ou l'autre des parties à l'instance disciplinaire.

[84]           La pertinence des témoignages et des éléments de preuve, la facture des dépositions des témoins, la nature des chefs d'infraction et les difficultés de preuve qu'ils peuvent poser, et toutes autres considérations susceptibles d'avoir un impact sur le déroulement de l'instance disciplinaire constituent non limitativement autant de facteurs que le Comité est à même au premier plan d'évaluer lorsqu'il s'agit d'exercer sa discrétion aux fins d'adjuger les déboursés. (Nos soulignements)

 

[70]    Cela dit, considérant que l’intimé faisait l’objet d’une plainte qui, à l’origine, comptait 83 chefs d’accusation, et qu’il fut acquitté de la majorité de ceux-ci (80%), dans les circonstances, le Comité est d’avis qu’il ne devrait être condamné au paiement que de 20% des frais ;

[71]    À cela s’ajoute le fait que l’intimé a accepté le dépôt de toutes les pièces documentaires et qu’il a admis les faits essentiels de la plainte, évitant ainsi la présence de nombreux témoins échelonnée sur plusieurs journées d’audition ;

[72]    Pour ces motifs, l’intimé se verra condamné à payer uniquement 20% des déboursés du dossier.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes:

 

      Chefs 4, 6, 32, 35, 36, 41, 47, 48, 54, 57, 67, 69, 71, 73, 80 et 82 :

 

     Une amende de 2 000 $ sur chacun des chefs

 

Considérant le principe de la globalité des sanctions, RÉDUIT le montant total des amendes (32 000 $) à une somme globale de 10 000 $ ;

 

CONDAMNE l’intimé au paiement de 20% des déboursés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.V.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

 

Me Claude G. Leduc (agissant personnellement comme syndic ad hoc)

Partie plaignante

 

M. Marco D’Onofrio (se représentant seul)

Partie intimée

 

Date d’audience : 1er mars 2018  

 



[1]     2017 CanLII 90570 (QC CDCHAD);

[2]     2013 QCCQ 6716 (CanLII);

[3]     D.D.C.P. c. Bédard, 2017 QCCQ 7437 (CanLII); voir également  D.D.C.P. c. Labrecque, 2017 QCCQ 12038 (CanLII);

[4]     ChAD c. D’Onofrio, 2018 CanLII 2057 (QC CDCHAD);

[5]     ChAD c. Clemente, 2018 CanLII 2056 (QC CDCHAD);

[6]     Art. 56 C. prof., voir l’affaire Émond c Avocats, 2010 QCTP 6 (CanLII);

[7]     [1996] 1 R.C.S. 500, 1996 CanLII 230 (CSC);

[8]     R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S., 455, 2000 CSC 18 (CanLII), voir les par. 23, 27 et 33;

[9]     R. c. Cloud, 2016 QCCA 567 (CanLII), par. 73 et 75;

       R. c. Boudreau, 2016 QCCA 1907 (CanLII), par. 179 à 184 ;

[10]    Seyer c. Saucier, 1996 CanLII 12146 (QC TP);

[11]    Normandin c. Orthophonistes et audiologistes, 2002 QCTP 20 (CanLII);

[12]    2014 QCTP 79 (CanLII);

[13]    2003 CanLII 45825 (QC CA);

[14]    Ibid., par. 49;

[15]    1993 CanLII 9197 (QC TP);

[16]    OIIQ c. Labelle, 2005 CanLII 31276 (QC TP);

       Lambert c. Agronomes, 2012 QCTP 39 (CanLII);

[17]    Latulippe c. Médecins, 1998 QCTP 1687 (CanLII);

       Comptables agréés c. Latraverse, 2010 QCTP 25 (CanLII);

[18]    ChAD c. D’Onofrio, 2018 CanLII 2057 (QC CDCHAD);

[19]    ChAD c. Clemente, 2018 CanLII 2056 (QC CDCHAD);

[20]    ChAD c. D’Onofrio, 2013 CanLII 62089 (QC CDCHAD);

[21]    Dentistes c. Dupont, 2005 QCTP 7 (CanLII);

[22]    Morand c. McKenna, 2011 QCCA 1197 (CanLII), par. 47;

[23]    Saine c. Legros, 1998 QCTP 1627 (CanLII);

       Laliberté c. Plante, 1991 CanLII 8411 (QCTP);

[24]    Dufour c. Infirmières et infirmiers, 2009 QCTP 54 (CanLII);

[25]    ChAD c. D’Onofrio, 2018 CanLII 2057 (QC CDCHAD);

       Laliberté c. Plante, 1991 CanLII 8411 (QCTP);

[26]    2006 QCTP 87 (CanLII);

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