Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2017-11-05(C)

 

DATE :

22 mai 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Philippe Jones, courtier en assurance de

dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

JOSÉE MARCHAND, courtier en assurance de dommages des particuliers (4B)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION

ET NON-DIFFUSION DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS AUX

PIÈCES DÉPOSÉES EN PREUVE EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

 

[1]       Le 13 mars 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») se réuni pour procéder à l’instruction de la plainte portée contre l’intimée dans le présent dossier.

 

[2]       Le syndic est représenté par Me Julie Piché.

 

[3]       Quant à l’intimée, elle est représentée par Me Sophie Dormeau.

 

[4]       L’intimée plaide coupable aux 4 chefs d’accusation de la plainte suivante :

 

 

« 1.    À Laval, entre les ou vers les 18 octobre et 17 novembre 2016, dans le cadre du traitement du renouvellement du contrat d’assurance automobile émis au nom de X.K., pour le terme du 17 octobre 2016 au 17 octobre 2017, l’Intimée a agi avec négligence dans l’exécution de son mandat en ne donnant pas suite aux instructions reçues de l’assuré, soit d’annuler le contrat d’assurance automobile no A33991043601 émis par Groupe Ledor inc. après avoir replacé le risque auprès de Promutuel Vallée du St Laurent aux termes du contrat d’assurance no A5111625001, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 26, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

2.       À Laval, à compter du 2 octobre 2016, l’Intimée a fait défaut de rendre compte du mandat confié par l’assuré G.F., en omettant de lui transmettre un avis de fin de mandat après avoir été informée par L’Unique Assurances générales inc. du non-renouvellement du contrat d’assurance automobile no 014220498, contrevenant ainsi aux articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

3.       À Laval, le ou vers le 2 novembre 2016, l’Intimée a fait défaut d’exécuter le mandat que lui avait confié l’assuré D.É., soit de supprimer le véhicule Subaru Legacy GT 2012 du contrat d’assurance automobile no A510476630 émis par Promutuel Vallée du St-Laurent, en procédant plutôt à l’annulation complète dudit contrat, créant un découvert sur les deux autres véhicules de l’assuré, et ce, pour la période du 28 octobre 2016 au 4 janvier 2017, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 26, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

 

4.       À Laval, le ou vers le 6 novembre 2016, dans le cadre du renouvellement du contrat d’assurance automobile no A5111551001 émis par Promutuel Vallée du St Laurent, l’Intimée a agi avec négligence dans l’exécution de son mandat en ne faisant pas suivre à l’assureur les coordonnées bancaires de l’assuré F.C., lui faisant ainsi perdre le bénéfice du paiement par prélèvements mensuels offert par cet assureur, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 26, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

         

[5]       Séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité et la déclare coupable des infractions reprochées.

 

[6]       Sur les chefs 1 et 3, l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages[1], lequel se lit comme suit :

« Art. 26. Le représentant en assurance de dommages doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer. Il doit également informer son client lorsqu’il constate un empêchement à la continuation de son mandat. »

[7]       Quant au chef 2, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37 (4°) du même Code de déontologie, soit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

(…)

4° de faire défaut de rendre compte de l’exécution de tout mandat; »

 

[8]       Relativement au chef 4, en raison de sa négligence uniquement, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37 (1°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, soit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

(…)

1° d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente; »

 

[9]       Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien des chefs de la plainte.

 

[10]    Par la suite, nous sommes informés par les procureurs des parties qu’une entente est intervenue et que la sanction fera l’objet d’une recommandation commune.

 

I.          Preuve sur sanction

 

[11]    Le procureur du syndic, avec le consentement de Me Dormeau, dépose en preuve les pièces P-1 à P-7 inclusivement.

[12]    La pièce P-2, soit l’attestation de droit de pratique émanant de l’AMF, nous fait voir que l’intimée exerce des activités dans la discipline du courtage d’assurance des particuliers depuis le 1er mai 2004. Bref, Mme Marchand avait 12 ans d’expérience au moment de la commission des infractions.

[13]    En 2016, l’intimée est congédiée du cabinet Deslauriers et associés en raison, semble-t-il, des infractions décrites à la plainte. Depuis, elle œuvre au sein du cabinet C.J.P. d’Aragon, courtier d’assurance inc. et tout se déroule bien.

[14]    À l’aide des pièces, Me Piché nous brosse un tableau des circonstances entourant la commission de chacune des infractions.

II.       Recommandation commune sur sanction

[15]    Les parties recherchent l’imposition des sanctions suivantes à l’intimée, à savoir :

             Chef 1 : une amende de 2 000 $;

             Chef 2 : une radiation temporaire de 60 jours;

             Chef 3 : une radiation temporaire concurrente de 60 jours;

             Chef 4 : une amende de 2 000 $;

             Un avis de radiation temporaire devra être publié aux frais de l’intimée           et tous les déboursés du présent dossier seront à sa charge.

[16]    Les parties s’entendent également pour que l’intimée puisse bénéficier d’un délai de 18 mois pour payer les amendes et déboursés du dossier. Cependant, si l’intimée devait faire défaut, il est entendu entre les parties qu’elle perdra alors le bénéfice du terme.

[17]    À l’appui de cette suggestion, les parties nous soumettent qu’ils ont pris en considération les facteurs atténuants suivants :

             L’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimée;

             Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

             L’absence de préjudice sur le chef 1;

             La courte période et durée des infractions;

             La bonne collaboration de l’intimée à l’enquête;

             Un faible risque de récidive.

[18]    Les parties appuient également leur suggestion sur les facteurs aggravants suivants :

             Les infractions commises se situent au cœur de la profession;

             L’intimée avait 12 ans d’expérience à l’époque;

             Sur le chef 3, les 2 découverts de garantie d’assurance;

             Quant au chef 4, la perte par l’assuré du bénéfice de payer par             versements mensuels.

[19]    En plus des facteurs qui précèdent, les procureurs des parties auraient également pris en considération le congédiement de l’intimée lors de l’élaboration de leur recommandation commune.

[20]    Les parties concluent à la justesse de leur recommandation commune en nous référant aux critères de détermination et objectifs de la sanction disciplinaire tels qu’établis par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[2] et par la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[3].

III.      Analyse et décision

[21]     Considérant que les manquements déontologiques de l’intimé ont entraîné son congédiement par son ancien cabinet, le Comité s’est questionné sur les conséquences qui pourraient résulter de la radiation temporaire du certificat de l’intimée auprès de son employeur actuel.

[22]    Interrogée sur cette éventualité par le vice-président, Mme Marchand nous a confirmé que son cabinet actuel n’entend pas prendre de mesure disciplinaire à son égard en raison de la radiation de son certificat et que son lien d’emploi avec le cabinet sera maintenu.

[23]    Rassuré par cette déclaration de l’intimée, séance tenante, le Comité a entériné la recommandation commune des parties.

[24]    En effet, le Tribunal des professions a établi l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[4] :

« [21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. »

(nos soulignements)

[25]    Considérant la jurisprudence en matière de recommandations communes[5] et plus particulièrement les enseignements récents de la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook, notre marge de manœuvre est plutôt restreinte lorsque nous sommes saisis d’une recommandation commune présentée par des procureurs d’expérience.

[26]    En fait, pour écarter une suggestion commune, il faudrait conclure que la sanction proposée est contraire à l’intérêt public.

[27]    Certes, la sanction dans sa globalité peut paraître sévère, mais pour paraphraser la Cour d’appel, « la sanction infligée n'est pas déraisonnable du simple fait qu'elle est (…) sévère; elle le devient lorsqu'elle est si sévère (…) qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier[6]»

[28]    Pour l’ensemble de ces motifs, la recommandation commune des parties est ratifiée par le Comité.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée Josée Marchand sur chacun des chefs d’accusation de la plainte;

 

DÉCLARE intimée coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE intimée coupable du chef 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (4°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE intimée coupable du chef 3 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE intimée coupable du chef 4 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37 (1°) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

IMPOSE à l’intimée Josée Marchand les sanctions suivantes:

 

Chef 1:   une amende de 2 000 $;

 

Chef 2:   une radiation temporaire de 60 jours;

 

Chef 3:   une radiation temporaire de 60 jours;

 

Chef 4:   une amende de 2 000 $;

 

ORDONNE que les périodes de radiation temporaire imposées sur les chefs 2 et 3 soient purgées de façon concurrente entre elles, pour une radiation totale de 60 jours;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée à son domicile professionnel un avis de la présente décision;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de radiation temporaire;

ACCORDE à l’intimée un délai de 18 mois pour acquitter les amendes et déboursés, le tout en 18 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimée est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, elle perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

 

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M. Philippe Jones, courtier en assurance de dommages

Membre

 

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M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

 

 

 

 

Me Julie Piché

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sophie Dormeau

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 13 mars 2018

 



[1]   RLRQ, chapitre D-9.2, r. 5;

[2]    2003 QCCA 32934;

[3]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII);

[4]    Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII) ;

[5]    Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII) ;

     Gauthier c. Médecins, 2013 CanLII 82819 (QCTP) ;

[6]   Ibid., note 2, au paragraphe 36;

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