Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2017-08-02 (C)

 

 

DATE :

18 AVRIL 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

M. Carl Hamel, C. d’A.Ass., courtier en assurance

de dommages

Membre

M. Benoit St-Germain, C. d’A.Ass., PAA, CRM,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

SYLVAIN RICARD, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-ACCESSIBILITÉ DE TOUT DOCUMENT OU RENSEIGNEMENT PERSONNEL PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS

(Art. 142 du Code des professions)

___________________________________________________________________________    

 

 

[1]       Le 13 février 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») se réunit pour instruire la plainte logée contre l’intimé dans le présent dossier.

 

[2]       Me Marie-Josée Belhumeur, ès qualités de syndic, est présente et représentée par Me Claude G. Leduc.  Quant à l’intimé, il est présent et représenté par Me Caroline Drouin.

 

[3]       Dès le début de l’audition, nous sommes informés par Me Leduc qu’une entente est intervenue et que l’intimé plaidera coupable à une plainte modifiée. Les modifications visent le retrait des 6 chefs relatifs à la mauvaise tenue de dossier de l’intimé qui sont fusionnés en un seul chef, soit le chef 15. Malgré sa numérotation, il est bon de souligner que la plainte modifiée ne comporte que 9 chefs d’accusation.

 

[4]       À la demande de la partie plaignante, une ordonnance est rendue par le Comité en vertu de l’article 142 du Code des professions.

 

I.          La plainte modifiée et le plaidoyer de culpabilité de l’intimé

 

 

[5]       Une fois les modifications autorisées par le Comité, l’intimé enregistre son plaidoyer de culpabilité sur chacun des chefs de la plainte modifiée, laquelle se lit maintenant comme suit :

 

« Assurée M. A.

1.     Le ou vers le 3 juin 2016, a permis que la mère de l’assurée M. A. contrefasse la signature de cette dernière sur un document attestant que les montants des couvertures pour les biens et la responsabilité de l’assurée ont été révisés avec M. A. pour le contrat d’assurance des entreprises no E1603176101-001-P émis par Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurance générale, pour la période du 1er juin 2016 au 1er juin 2017, le tout en contravention avec les articles 9, 15 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2.     Le ou vers le 3 août 2016, a fait défaut d’exécuter le mandat reçu de l’assurée M. A. en ne procédant pas au changement d’adresse auprès de l’assureur Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurance générale, pour le contrat d’assurance des entreprises no E1603176101-001 P en vigueur du 1er juin 2016 au 1er juin 2017, le tout en contravention avec l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3.     (…) maintenant inclus au chef 15

 

Assuré N. P.

4.     Le ou vers le 29 juillet 2016, a contrefait la signature de son assuré N. P. sur une demande de suppression d’un véhicule automobile au contrat d’assurance automobile no A14543494LPA émis par Aviva pour la période du 24 septembre 2015 au 24 septembre 2016, le tout en contravention avec les articles 9,15 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

5.     (…) maintenant inclus au chef 15

 

Assuré Centre mécanique F. B. / F. B.

6.     Le ou vers le 12 mai 2016, a permis qu’un représentant non autorisé de l’assurée Centre mécanique F. B / F. B. signe le formulaire « visite de l’assuré renouvellement » attestant que l’assurée a reçu des explications quant à la « règle proportionnelle » et n’a pas voulu de protections supplémentaires pour son contrat d’assurance des entreprises no 800385349 émis par Royal Sun Alliance (RSA) pour la période du 15 mai 2016 au 15 mai 2017, le tout en contravention avec les articles 9, 15, 37(1) et 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

7.     (…) maintenant inclus au chef 15

Assurée 9287-XXXX Québec inc.

8.     Le ou vers le 12 mai 2016, a permis qu’un représentant non autorisé de l’assurée 9287-XXXX Québec inc. signe le formulaire « visite de l’assuré renouvellement » attestant que l’assurée a reçu des explications quant à la « règle proportionnelle » et n’a pas voulu de protections supplémentaires pour le contrat d’assurance des entreprises no 886203 émis par L’Unique Assurances générales pour la période du 20 mars 2016 au 20 mars 2017, le tout en contravention avec les articles 9, 37(1) et 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

9.     (…) maintenant inclus au chef 15

 

Assurée F. C.

10.  Le ou vers le 13 octobre 2015, a émis un certificat d’assurance confirmant la couverture de certaines activités de l'assurée F.C. alors qu’il savait que ces activités n’étaient pas couvertes par le contrat d’assurance des entreprises no HAR 81391511 émis par Aviva pour la période du 2 juin 2015 au 2 juin 2016, le tout en contravention avec l’article 37(9) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

11.  (…) maintenant inclus au chef 15

 

Assuré A. C.

12.  Le ou vers le 22 août 2016, a incité son assuré A. C. à signer un document destiné à son assureur Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurance générale pour le contrat d’assurance habitation no R1657238101 attestant du changement d’un réservoir d’eau chaude, tout en sachant que son assuré n’avait pas l’intention de faire ce changement, le tout en contravention avec l’article 37(11) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Assurée S. D.

13.  Le ou vers le 3 juin 2016, a permis que le conjoint de l’assurée S. D. contrefasse la signature de cette dernière sur le formulaire « visite de l’assuré renouvellement » attestant que l’assurée a reçu des explications quant à la « règle proportionnelle » et n’a pas voulu de protections supplémentaires pour son contrat d’assurance des entreprises no E1602596701-01P émis par Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurance générale pour la période du 1er juin 2016 au 1er juin 2017, le tout contravention avec les articles 9, 15, 37(1) et 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

14.  (…) maintenant inclus au chef 15

 

Tenue de dossier : assurés M.A., N.P., Centre mécanique F.B./F.B., 9287-XXXX Québec inc., F.C., S.D.  

15.  Entre les ou vers les mois de janvier 2011 et août 2016, a négligé ses devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités en n’ayant pas une tenue de dossier que l’on est en droit de s’attendre de la part d’un représentant en assurance de dommages en ne notant pas au dossier des assurés M.A., N.P., Centre mécanique F.B./F.B., 9287-XXXX Québec inc., F.C., S.D., notamment les rencontres, les communications téléphoniques, les conseils donnés, les décisions prises et les instructions reçues, le tout en contravention avec les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, des articles 16, 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome ; »

 

[6]       Séance tenante, le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a déclaré celui-ci coupable des infractions reprochées.

 

 

[7]       Quant aux chefs 1, 4, 6, 8 et 13, l’intimé est coupable d’avoir contrevenu à l’article 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Cette dernière disposition prévoit :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

              1o d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente; »

 

[8]       Sur le chef 2, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Cet article stipule ce qui suit :

 

 

« Art. 26. Le représentant en assurance de dommages doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer. Il doit également informer son client lorsqu’il constate un empêchement à la continuation de son mandat. »

 

 

[9]       Relativement au chef 10, l’intimé est coupable d’avoir contrevenu à l’article 37 (9) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui édicte :

 

« Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

9o de participer à la confection ou à la conservation d’une preuve ou d’un document qu’il sait être faux; »

 

 

 

[10]    Sur le chef 12, l’intimé est déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 37 (11) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages qui stipule :

 

« « Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

11o de conseiller ou d’encourager un client à poser un acte qu’il sait être illégal ou frauduleux; »

 

[11]    Finalement, l’intimé est déclaré coupable, quant au chef 15, d’avoir enfreint l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome :

 

« Art. 21. Les dossiers clients qu’un cabinet, un représentant autonome ou une société autonome inscrit dans la discipline de l’assurance de dommages doit tenir sur chacun de ses clients dans l’exercice de ses activités doivent contenir les mentions suivantes:

 

1° son nom;

 

2° le montant, l’objet et la nature de la couverture d’assurance;

 

3° le numéro de police et les dates de l’émission du contrat et de la signature de la proposition, le cas échéant;

 

4° le mode de paiement et la date de paiement du contrat d’assurance;

 

5° la liste d’évaluation des biens de l’assuré transmise par celui-ci, le cas échéant.

 

Tout autre renseignement ou document découlant des produits vendus ou des services rendus recueillis auprès du client doit également y être inscrit ou déposé. »

 

[12]    Considérant ce qui précède, un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits.

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[13]    Les pièces documentaires P-1 à P-10 sont introduites en preuve de consentement.

 

[14]    Me Leduc nous brosse un tableau sommaire du dossier.

 

[15]     Dûment assermenté, l’intimé témoigne afin de nous expliquer les circonstances entourant la commission des infractions.

 

[16]    Il découle des faits exposés que l’intimé a fait preuve d’un grand laxisme dans l’exercice de ses activités de même que dans la tenue de ses dossiers.

 

 

[17]    Toutefois, l’intimé n’avait pas d’intention malveillante, il a appris de ses erreurs et a la ferme intention de s’amender.

 

III.        Recommandations communes sur sanction

 

[18]    Les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes, à savoir :

 

      Chef no 1 : une radiation de 2 mois;

 

      Chef no 2 : une amende de 2 000 $;

 

      Chef no 4 : une radiation de 2 mois;

 

      Chef no 6 : une réprimande;

 

      Chef no 8 : une réprimande;

 

      Chef no 10 : une radiation de 3 mois;

 

      Chef no 12 : une radiation de 3 mois et une amende de 2 000 $;

 

      Chef no 13 : une radiation de 1 mois;

 

      Chef no 15 : une amende de 5 000 $;

 

      La condamnation de l’intimé aux déboursés.

 

 

[19]    Les périodes de radiation seront purgées de façon concurrente entre elles pour une radiation totale de 3 mois.

 

[20]    Un avis de radiation sera publié aux frais de l’intimé et ce dernier bénéficiera d’un délai de 12 mois pour payer les amendes de 9 000 $ en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs.

 

[21]    Les parties souhaitent également que le Comité recommande au Conseil d’administration de la ChAD l’obligation pour l’intimé de suivre et de réussir, le cours suivant de formation professionnelle :

 

 « Assurance des entreprises : Évolution des obligations et des pratiques »

 

[22]    En résumé, les parties recherchent la radiation du certificat de l’intimé pendant une période de 3 mois, des amendes totalisant la somme de 9 000 $ plus les déboursés et la recommandation au Conseil d’administration que l’intimé suive un cours de formation.

[23]    Me Leduc nous remet un document signé par les parties et les procureurs qui est intitulé « Plaidoirie de culpabilité et Recommandations communes sur sanctions ». Ce document explique pour quelles raisons les parties nous suggèrent d’imposer les sanctions ci-haut décrites à l’intimé.

 

[24]    Quant aux facteurs aggravants, le document des parties relate les éléments suivants :

 

      La gravité objective des infractions;

 

      Qu’il s’agit d’infractions qui se situent au cœur de la profession;

 

      Ces infractions mettent en péril la protection du public;

 

      L’un des gestes a été posé à l’insu de l’une de ses clientes;

 

      Le caractère répétitif des infractions.

 

 

[25]    Quant aux facteurs atténuants dont doit bénéficier l’intimé, les parties soulignent :

 

      L’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé;

 

      La collaboration de l’intimé à l’enquête du syndic;

 

      Ses regrets et son repentir;

 

      L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité;

 

      L’absence de risque de récidive;

 

      L’absence de conséquence sur les clients.

 

 

[26]    Afin d’appuyer la recommandation commune, le procureur du syndic nous réfère notamment aux précédents jurisprudentiels suivants :

 

        Racicot c. Monette, 2017 QCCDCF 59 (CanLII)

 

        ChAD c. Boilard, 2006 CanLII 63937 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Phaneuf, 2017 CanLII 48009 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Houle, 2017 CanLII 90569 (QC CDCHAD)

        OACIQ c. Gosseau, 2017 CanLII 6487 (QC OACIQ)

 

        ChAD c. Normand, 2015 CanLII 73874 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Lacombe, 2014 CanLII 70912 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Lambert, 2014 CanLII 65645 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Harvey, 2013 CanLII 70421 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Gauthier, 2013 CanLII 70025 (QC CDCHAD)

 

        ChAD c. Bruneau, 2013 CanLII 6874 (QC CDCHAD)

 

[27]    Me Drouin nous confirme que la sanction suggérée est juste et appropriée dans les circonstances du présent dossier.  

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        Les recommandations communes

 

 

[28]    La jurisprudence établit depuis longtemps l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[1].

 

[29]    Plus récemment, soit au mois d’octobre 2016, la Cour suprême confirmait que les recommandations communes sont essentielles au bon fonctionnement de la justice[2].

 

[30]    Dans cet arrêt important, la Cour suprême précise que le Comité doit faire preuve de retenue lorsque les procureurs des parties présentent une recommandation commune sur sanction.

 

[31]    Ci-après quelques extraits pertinents :

 

« [40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.

 

[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.

 

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. »

 

(nos soulignements)

 

[32]    Dans l’affaire Ungureanu[3] , le Tribunal des professions décrit lui aussi quelle est la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire :

[21Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(nos soulignements)

 

[33]    En fait, lorsqu’une suggestion commune est formulée par des avocats d’expérience, notre marge de manœuvre est excessivement limitée. Autrement dit, il est pratiquement impossible de l’écarter, à moins qu’elle soit contraire à l’intérêt public ou au bon fonctionnement de notre système de justice disciplinaire.

 

B)       Décision

 

[34]    La recommandation commune formulée par les parties est entérinée séance tenante par le Comité.

 

[35]     Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[4], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants : 

 

        en premier lieu, la protection du public ;

 

        ensuite, la dissuasion du professionnel de récidiver; et

 

        l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;

 

        et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

 

[36]    Or, nous sommes d’avis que la suggestion commune des parties tient compte de la gravité objective des infractions et, d’autre part, qu’elle assure la protection du public sans punir outre mesure l’intimé.

 

[37]    Quant aux frais, l’intimé devra assumer les frais et déboursés de l’instance.

 

[38]    L’intimé bénéficiera d’un délai de 12 mois pour acquitter les amendes de 9 000 $, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Sylvain Ricard sur les chefs nos 1, 2, 4, 6, 8, 10, 12, 13 et 15 de la plainte modifiée;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 4 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 6 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 8 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 10 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (9o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 12 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (11o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 13 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 15 de la plainte modifiée pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

 

Sur le chef n1 :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire de 2 mois;

Sur le chef n2 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n4 :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire de 2 mois;

Sur le chef n6 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sur le chef n8 :

IMPOSE à l’intimé une réprimande;

Sur le chef n10 :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire de 3 mois;

Sur le chef n12 :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire de 3 mois ainsi que le paiement d’une amende de 2 000 $;

Sur le chef n13 :

IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire de 3 mois;

Sur le chef n15 :

IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;

ORDONNE que les périodes de radiation temporaire susdites soient purgées de façon concurrente entre elles pour une période de radiation totale de 3 mois;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel un avis de la présente décision;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés incluant les frais de publication de l’avis de radiation temporaire;

RECOMMANDE au Conseil d’administration de la CHAD d’imposer à l’intimé l’obligation de suivre et de réussir, dans un délai de 12 mois, le cours suivant :

 

« Assurance des entreprises : Évolution des obligations et des pratiques »

PRONONCE une ordonnance de non publication, de non diffusion et de non divulgation de tout renseignement ou information permettant d’identifier l’assuré, le tout suivant l’article 142 du Code des professions ;

DÉCLARE que ledit cours ne donnera pas droit à des unités de formation continue (UFC), le tout conformément au deuxième alinéa de l’article 10 du Règlement sur la formation continue de la Chambre de l’assurance de dommages;

ACCORDE à l’intimé un délai de 12 mois pour acquitter les amendes, calculé à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision, le tout en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Carl Hamel, C. d’A.Ass., courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Benoit St-Germain, C. d’A.Ass., PAA,

CRM, courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Caroline Drouin

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 13 février 2018

 



[1]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP) et Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[2] R. c. Anthony-Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII);

[3]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[4]  2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants;

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