Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2017-08-03(E)

 

DATE :

5 avril 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Valérie Mastrocola, B.A.A., PAA

Membre

M. Gontran Junior Lamontagne

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

IRÈNE GILUNI

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

[1]       Le 30 janvier 2018, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2017-08-03(E);

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me Jean-Simon Britten et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Yves Carignan;

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant deux (2) chefs d’accusation, soit :

 

1.   Entre les ou vers les 26 juin 2014 et 30 juin 2015, l’Intimée a fait preuve de négligence dans le traitement de la réclamation de l’assurée P.P. pour un sinistre survenu le 22 novembre 2013, alors qu’elle n’a pas donné suite aux demandes de suivi de l’assurée et a tardé avant de lui transmettre une offre de règlement, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 10 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c D-9.2, r 4) ;

 

2.   Entre les ou vers les 30 juin et 21 décembre 2015, l’Intimée a fait preuve de négligence dans le traitement de la réclamation de l’assurée P.P. pour un sinistre survenu le 22 novembre 2013, alors qu’elle n’a effectué aucun suivi auprès de l’assurée suivant la transmission de l’offre de règlement du 30 juin 2015, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et aux articles 10 et 58(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c D-9.2, r 4).

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité ;

 

[5]       Après avoir pris acte de celui-ci, le Comité invita les parties à procéder à l’audition sur sanction ;

 

 

II.         Les faits

 

[6]       Les faits à l’origine de la présente plainte sont relativement simples ;

 

[7]       Essentiellement, la preuve démontre que l’intimée a fait preuve de négligence dans le traitement de la réclamation présentée par Mme P.P., en faisant défaut d’assurer un suivi adéquat de celle-ci, malgré plusieurs demandes de l’assurée pendant une période de 12 mois (chef 1) ;

 

[8]       Après 12 mois, l’assurée PP reçoit enfin une première offre de règlement, en juin 2015, et encore une fois, l’intimée n’effectue aucun suivi pour une autre période de six (6) mois ;

 

[9]       Finalement, suite à l’intervention de l’ombudsman de l’assureur AVIVA, Mme P.P. recevra une indemnité, le 30 août 2016, pour un sinistre survenu le 22 novembre 2013 ;

 

[10]    Suivant l’intimée, cette situation est le résultat direct d’une surcharge de travail et d’un manque de ressources ;

 

 

III.        Recommandations communes

 

[11]    Me Britten, de concert avec son collègue de la défense, Me Carignan, informe le Comité que la sanction fait l’objet d’une recommandation commune ;

 

[12]    En l’espèce, les parties suggèrent d’imposer sur le chef 1, une amende de 4 000 $, et sur le chef 2, une réprimande ;

 

[13]    À l’appui de cette recommandation, Me Britten fournit plusieurs précédents jurisprudentiels :

 

      CHAD c. Bilinski, 2016 CanLII 87759 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Paquet, 2013 CanLII 33399 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Lévesque, 2013 CanLII 46531 (QC CDCHAD) ;

      CHAD c. Thériault, 2012 CanLII 21064 (QC CDCHAD) ;

[14]    D’autre part, il souligne au Comité les circonstances atténuantes suivantes :

 

      Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

      L’absence d’antécédents disciplinaires ;

      La surcharge de travail dont était accablée l’intimée au moment des faits reprochés ;

      L’absence d’intention malhonnête de l’intimée ;

[15]    Parmi les facteurs aggravants, il identifie les suivants :

 

      La gravité objective des infractions ;

      Le lien entre les infractions et l’exercice de la profession d’expert en sinistre ;

      La durée des infractions ;

      Les conséquences pour l’assurée ;

      L’expérience de l’intimée ;

[16]    En résumé, les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction et elles tiennent compte, autant des facteurs atténuants que des facteurs aggravants propres au dossier de l’intimée ;

 

[17]    De son côté, Me Carignan insiste sur le caractère atténuant que constitue le stress et la pression que subissait l’intimée en raison d’une énorme surcharge de travail à l’époque des faits reprochés ;

 

[18]    Cela dit, tous les frais du dossier seront à la charge de l’intimée ;

 

 

IV.       Analyse et décision

 

[19]    Compte tenu de la jurisprudence en matière de recommandations communes[1] et plus particulièrement de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Anthony-Cook[2], le Comité entend entériner celles-ci ;

 

[20]    De plus, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité de celles-ci dans l’affaire Ungureanu[3] :

 

[21]        Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectéePour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. (Nos soulignements)

 

[21]    Cela dit, le Comité considère que les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au cas de l’intimée ;

 

[22]    D’une part, elles tiennent compte de la gravité objective des infractions et, d’autre part, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ;

 

[23]    Pour ces motifs, les sanctions suggérées par les parties seront entérinées par le Comité de discipline.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 et 2 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chefs 1 et 2 :        pour avoir contrevenu, à chaque occasion, à l’article 10 du Code de déontologie des experts en sinistre (RLRQ, c. D-9.2, r.4)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 et 2 ;

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 :            une amende de 4 000 $

Chef 2 :            une réprimande

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés.

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

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Mme Valérie Mastrocola, B.A.A., PAA, expert en sinistre, Membre

 

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M. Gontran Junior Lamontagne, expert en sinistre, Membre

 

Me Jean-Simon Britten

Procureur de la partie plaignante

 

Me Yves Carignan

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience : 30 janvier 2018

 

 



[1]    Chan c. Médecins2014 QCTP 5 (CanLII) ;

     Gauthier c. Médecins2013 CanLII 82819 (QCTP);

[2]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII)

 

[3]     Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII); 

 

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