Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2016-10-02(C)

 

DATE :

5 décembre 2017

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me CLAUDE G. LEDUC, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

MARCO D’ONOFRIO

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]       Le 30 octobre 2017, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2016-10-02(C) ;

 

[2]       Le syndic ad hoc se représentait seul, quant à l’intimé Marco D’Onofrio, ce dernier assurait personnellement sa défense ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant 79 chefs d’accusation[1] ;

 

[4]       De façon générale, le syndic ad hoc reproche à l’intimé d’avoir négligé ses responsabilités à titre de président et principal dirigeant du cabinet D’Onofrio et Associés inc. ;

 

 

               Directives

 

[5]       Dans un premier temps, on le blâme pour ne pas avoir mis en place des directives ou des procédures claires pour la gestion des comptes créditeurs des clients (chef 2) ;

 

               Détournement de fonds

[6]       De façon plus particulière, la plainte reproche à l’intimé d’avoir permis et/ou toléré, par son inaction et/ou son défaut de supervision et d’encadrement, que soient détournées plusieurs sommes d’argent représentant les primes d’assurance de divers clients ;

[7]       Il s’agit des chefs 3, 5, 7 à 31, 33, 34, 37 à 40, 42 à 46, 49 à 53, 56, 59 à 66, 68, 70, 72, 75 à 79, 81 et 83 ;

[8]       Les infractions s’échelonnent sur une période qui s’étend de 2009 à 2012 et sont composées de divers montants totalisant plus de 30 000 $ ;

[9]       Il convient de noter que ces détournements de fonds sont le résultat d’un stratagème mis en place par son ex-associée, Mme Lina D’Onofrio, et son ex-employé, M. Silvano Clemente ;

[10]    Plus particulièrement, Mme Lina D’Onofrio a reconnu sa culpabilité à 72 chefs de détournement de fonds et à 18 chefs de conflit d’intérêts[2] ;

[11]    Quant à M. Silvano Clemente, celui-ci a plaidé coupable à 60 chefs de détournement de fonds et à 38 chefs de défaut de rendre compte[3] ;

[12]    Dans le cas de l’intimé Marco D’Onofrio, celui-ci clame son innocence au motif qu’il n’était pas au courant de ces infractions, ayant même été à l’origine de la plainte qui fut l’élément déclencheur de l’enquête du syndic ;

 

      Conflit d’intérêts

[13]    Finalement, la plainte reproche également à l’intimé de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, à plusieurs occasions, en accordant du financement pour les primes d’assurance de clients par l’entremise d’une de ses compagnies (Jytico) sans informer ses clients des liens financiers qui l’unissaient à cette compagnie, vu son statut d’administrateur et d’actionnaire de Jytico ;

[14]    Il s’agit des chefs 4, 6, 32, 35, 36, 41, 47, 48, 54, 57, 67, 69, 71, 73, 80 et 82 ;

[15]    L’intimé plaide non coupable à ces infractions et prétend avoir agi de bonne foi et avoir omis de divulguer ses intérêts par inadvertance et sans aucune malice ;

 

II.         La preuve

 

[16]    Toutes les pièces documentaires (P-1 à P-94) furent déposées de consentement afin d’équivaloir à témoignage[4]  ;

[17]    Mais il y a plus, les faits à l’origine de la plainte ne sont pas contestés par l’intimé ;

[18]    Celui-ci reconnaît l’exactitude des faits allégués aux divers chefs d’accusation, sa défense consiste plutôt à prétendre qu’il n’a pas participé aux infractions de détournement de fonds et que celles-ci furent commises à son insu par son ex-associée, Lina D’Onofrio, et son ex-employé, Silvano Clemente, lesquels ont d’ailleurs plaidé coupable auxdites infractions ;

[19]    En conséquence, vu les admissions de l’intimé quant à l’exactitude des divers éléments factuels allégués dans la plainte, il ne reste qu’à examiner les moyens de défense proposés par l’intimé ;

[20]    Cela dit, l’intimé a fait entendre Mme Lina D’Onofrio et il a également donné sa version des faits ;

[21]    Brièvement résumé, ces deux (2) témoignages ont permis d’établir les faits suivants :

      Mme Lina D’Onofrio s’occupait de la comptabilité du cabinet ;

      L’intimé était en charge de l’aspect souscription du cabinet ;

      Quoique l’intimé était président et principal dirigeant du cabinet, il se fiait entièrement à sa sœur, Lina D’Onofrio, pour toutes les questions touchant à la facturation et à la perception des primes ;

      À chaque année, les états financiers étaient préparés par une firme de comptables professionnels ;

      Essentiellement, le stratagème mis en place par Mme Lina D’Onofrio et M. Silvano Clemente consistait à prendre les montants versés en trop par certains clients pour les créditer au compte d’autres clients pour payer leurs primes, alors que les deux (2) clients n’avaient aucun lien entre eux ;

      Ce faisant, le courtier Silvano Clemente pouvait toucher sa commission et le cabinet recouvrait le montant des primes impayées ;

[22]    De plus, le témoignage de l’intimé a mis en lumière les faits suivants :

      À la suite du départ du courtier Silvano Clemente avec plus d’une centaine de dossiers-clients, il a fait parvenir à ces derniers une facture pour leurs primes d’assurance impayées ;

      À sa grande surprise, plusieurs clients l’ont informé qu’ils avaient payé leurs primes d’assurance directement à M. Clemente ;

      Devant ces faits plutôt troublants, celui-ci a signalé la situation à la ChAD ;

      C’est au cours de l’enquête du syndic de la ChAD qu’il apprend l’existence du stratagème mis en place par sa sœur, Lina D’Onofrio, et M. Clemente ;

      Mais il y a plus, il apprend alors que le syndic a l’intention de lui imputer une responsabilité à titre de principal dirigeant du cabinet pour avoir permis et/ou toléré cette situation par son inaction et/ou son défaut de supervision et d’encadrement ;

      Bref, c’est le cas classique de « l’arroseur arrosé » ;

[23]    L’intimé, à titre de « sonneur d’alarme », trouve particulièrement injuste qu’on tente maintenant de lui imputer une responsabilité déontologique pour les actes commis par son ex-associée et son ex-employé et dont il n’avait pas connaissance ;

[24]    C’est pourquoi il plaide non coupable et qu’il conteste vigoureusement les accusations déposées contre lui ;

[25]    C’est à la lumière de ces faits que le Comité devra examiner et décider du bien-fondé de la plainte ;

 

III.        Motifs et dispositif

 

3.1    Directives (chef no. 2)

 

[26]    Le chef 2 de la plainte reproche à l’intimé d’avoir négligé ses responsabilités à titre de président et principal dirigeant de son cabinet en ne mettant pas en place des directives ou des procédures claires pour la gestion des comptes créditeurs des clients ;

[27]    Le syndic appuie cette prétention sur un antécédent disciplinaire de l’intimé (P‑94) ;

[28]    À cet égard, le syndic se réfère au chef 2 de cette décision disciplinaire[5], lequel reprochait à l’intimé les infractions suivantes :

2.  Durant les mois d’octobre à décembre 2008, a négligé ses responsabilités à titre de courtier responsable du cabinet Joseph D’Onofrio et associés inc., en laissant son service de la comptabilité à des personnes n’ayant pas les compétences requises et n’ayant pas eu la formation adéquate, sans qu’il n’y ait de directives ou de procédures claires mises en place, le tout en contravention avec les articles 16 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

[29]    À l’époque, l’intimé avait enregistré un plaidoyer de culpabilité et le Comité lui avait imposé une amende de 2 000 $ sur le chef 2 ;

[30]    De l’avis du syndic, suite à cette décision disciplinaire, l’intimé aurait dû mettre en place des directives ou des procédures claires pour la gestion des comptes créditeurs des clients du cabinet ;

[31]    La période visée par le présent chef 2 est de mars 2009 à septembre 2013, soit du début des présentes infractions jusqu’à la décision du Comité de discipline[6] rendue en septembre 2013 ;

[32]    Lors de l’audition de 2013, l’un des considérants à l’appui de la recommandation commune formulée par les parties était « l’instauration d’un nouveau manuel de procédures » ;

[33]    Aujourd’hui, quatre (4) ans plus tard, le syndic prétend que l’intimé aurait dû également « mettre en place des directives ou des procédures claires pour la gestion des comptes créditeurs des clients » ;

[34]    De l’avis du Comité, l’intimé doit être acquitté du chef 2 de la présente plainte pour les motifs ci-après exposés ;

[35]    Premièrement, aucune des dispositions législatives ou réglementaires alléguées au soutien du chef 2 n’impose à l’intimé l’obligation de « mettre en place des directives ou des procédures claires pour la gestion des comptes créditeurs des clients » ;

[36]    En l’absence d’une norme écrite imposant clairement une telle obligation déontologique[7], le Comité considère que le syndic aurait dû faire une preuve par expert afin de démontrer que l’instauration et la mise en place de telles directives et/ou procédures constitue une norme de pratique et que le défaut de le faire constitue un accroc aux règles de l’art[8] ;

[37]    A cet égard, le Comité fait siennes les conclusions de la Cour du Québec dans l’affaire Laurin c. Chauvin[9] :

[73]     Le chef no 7 concerne la mauvaise tenue de dossier.  Selon l'appelant, le syndic n'aurait pas fait la preuve des éléments constitutifs du manquement déontologique.  L'appelant prétend également que les articles mentionnés dans le libellé du chef no 7 n'édictent pas de normes de conduite concernant la tenue de dossiers.  Au soutient de cet argument, l'appelant s'appuie sur une décision rendue par l'honorable juge Lina Bond, qui écrit:

"[27]   Pour conclure à la culpabilité de l’appelant, le Comité de surveillance doit démontrer par une preuve prépondérante qu’il est d’usage de fournir ces renseignements aux assureurs et la malhonnêteté ou négligence de l’appelant dans l’exercice de ses activités.

[…]

[30]    À l’audition, le Tribunal s’interroge sur le pouvoir du Comité de déclarer l’appelant coupable d’un manquement aux usages dans le domaine de l’assurance, qui ne sont d’ailleurs pas définis à l’article 155, alors qu’aucune preuve n’a été faite des renseignements « qu’il est d’usage » de fournir aux assureurs, ni des faits emportant la négligence de l’appelant." [19]

[74]    Dans son mémoire, l'intimée écrit sur l'application des principes découlant de cette décision de la juge Bond:

" Le chef n° 7 ne vise nullement cette situation.  Il tombe tellement sous le sens commun qu'un professionnel doit tenir et maintenir un dossier pour chacun de ses clients, qu'une preuve d'expert n'aurait pu être reçue pour établir cette norme. " [20] 

[75]    Le tribunal analysera ce motif d'appel sous l'angle de la décision raisonnable simpliciter.  En effet, il s'agit d'une question mixte se trouvant au cœur de l'expertise du Comité, puisqu'il s'agit d'évaluer la tenue de dossier de l'appelant en regard des normes généralement admises dans l'exercice de la profession.

[76]      Les motifs du Comité relativement à ce chef se lisent:

"Chef no 7:

L'intimé, dans les circonstances du cas en l'espèce, se devait d'agir avec professionnalisme.  En effet, dès le moment où un professionnel accepte un mandat, il se doit de l'exécuter avec compétence.  Ceci implique qu'il prenne des notes à son dossier des éléments importants de celui-ci et y consigne les dates d'événements.  Or, la preuve a révélé que l'intimé, lorsque questionné sur le dossier en cause, n'a pas été en mesure de fournir les informations requises.  Le dossier révèle en effet de sa part des réponses imprécises quant à des éléments qu'il aurait dû noter à son dossier tels les dates d'événements.  Ainsi, lui a-t-il été impossible de préciser en détail ses démarches et interventions ainsi que le moment de celles-ci.  L'intimé sera déclaré coupable sur ce chef." [21]

(mise en gras ajoutée)

[77]    Le chef no 7 réfère à l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et notamment l'article 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.  Ces articles se lisent ainsi:

16.  Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

Il doit agir avec compétence et professionnalisme."

37.  Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment:

  1°    d'exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

[…] "

[78]    Même si le libellé du chef no 7 n'utilise aucunement l'expression de "ce qui est généralement admis dans l'exercice de la profession", le tribunal est néanmoins d'avis qu'implicitement, le comportement de l'appelant doit être examiné à l'égard de la pratique admise dans la profession

[79]   L'intimée semble suggérer, en utilisant les termes «il tombe tellement sous le sens commun», qu'il serait de connaissance judiciaire qu'un professionnel doit tenir un dossier pour chacun de ses clients.  Toutefois, le chef porté contre l'appelant, tel que rédigé, lui reproche d'avoir fait défaut d'agir avec compétence et professionnalisme en négligeant notamment un certain nombre d'éléments reliés à la tenue de dossier

[80]  De plus, une lecture des motifs du Comité permet de constater qu'il ne s'agit pas réellement de l'obligation de ternir un dossier qui est en cause, mais de la manière dont ce dossier doit être tenu.  On ne peut que constater que ce qui est réellement reproché à l'appelant ne peut être dissocié de la pratique constituant l'usage dans le domaine de l'assurance. 

[81]  Le tribunal est d'avis que le principe décrit précédemment dans l'extrait de la décision Bigaouette rendue par la juge Bond trouve application.  En effet, en tant que tel, c'est véritablement un manquement aux usages du domaine qui est reproché.  Il n'est pas suffisant de prétendre qu'un professionnel doit tenir un dossier pour chacun de ses clients, encore faut-il une preuve de l'usage. 

[82]  Le tribunal considère que les éléments constitutifs de l'infraction constituant le chef no 7 n'ont pas été prouvés et que la décision du Comité est déraisonnable. (Nos soulignements)

 

[38]    Dans le présent dossier, on reproche à l’intimé la manière dont son cabinet tenait sa comptabilité, sans faire la preuve des normes qu’aurait dû appliquer ce dernier ;

[39]    À la décharge du syndic, celui-ci, au cours de sa plaidoirie, a fait référence à l’édition « commentée » du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et plus particulièrement aux commentaires suivants que l’on retrouve sous l’article 2 du Code, soit :

2. Le représentant en assurance de dommages doit s’assurer que lui-même, ses mandataires et ses employés respectent les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2) et celles de ses règlements d’application.

Le représentant a le devoir de s’assurer que lui-même, ses employés et ses mandataires (ceux qui le représentent ou qui agissent pour lui) respectent la Loi et ses règlements. Il faut ici insister sur l’importance pour le représentant d’avoir lu la Loi et ses règlements, dont le présent Code, et de s’y référer le cas échéant.

Cela implique que le représentant doit mettre en place des politiques et des procédures claires afin d’assurer une formation et un encadrement adéquat du personnel. Il doit aussi mettre en place des moyens de contrôler continuellement la qualité des services qu’il rend.

Bien que les employés bénéficiant de droits acquis, soit les employés visés par l’article 547 de la Loi, puissent poser des actes de courtage, le représentant certifié supervisant ces derniers demeure responsable des manquements commis par ceux-ci devant le Comité de discipline. La faute déontologique de l’employé devient la faute personnelle du représentant. (Nos soulignements)

 

[40]    Cela dit, le syndic a plaidé que l’intimé connaissait ou aurait dû connaître la norme déontologique à laquelle il était astreint ;

[41]    En théorie, cet argument n’est pas sa valeur, par contre, en pratique, cette version « commentée » n’a pas été déposée en preuve devant le Comité de discipline ;

[42]    Il est bien connu que les membres du Comité de discipline ne sont pas autorisés à pallier aux lacunes de la preuve en se référant à leurs connaissances académiques ou pratiques[10] ;

[43]    De façon plus précise, le Tribunal des professions déclarait, dans l’arrêt Malo c. Infirmières[11] :

[24]    Il est essentiel et fondamental qu'un professionnel à qui on reproche un manquement déontologique, sache par la preuve, quel aurait dû être le bon comportement et quelle est la pratique reconnue et recommandée à ce sujet. Cette preuve est essentielle pour le Comité qui doit décider si l'écart entre le comportement reproché et le comportement adéquat est si grand qu'il constitue une faute déontologique.

[]

[26]    Mais, il est important de souligner que  dès qu'il peut y avoir une discussion sur la question de savoir si le comportement va à l'encontre des pratiques de la profession, le débat doit être tranché par les trois membres du Comité et ne peut l'être à la lumière des connaissances particulières de deux d'entre eux en l'absence de preuve. Leurs compétences particulières servent à mieux comprendre une telle preuve et non à la constituer. (Nos soulignements)

 

[44]    L’édition « commentée » du Code de déontologie est sûrement un guide essentiel pour la pratique professionnelle des membres de la Chambre, encore faut-il qu’il soit légalement introduit en preuve pour que le Comité puisse s’y référer[12] ;

[45]    Dans les circonstances, il est impossible pour le Comité de tenir compte de l’édition « commentée » du Code de déontologie sans faire accroc aux règles de preuve et, par ricochet, au droit de l’intimé à une défense pleine et entière[13] ;

[46]    Pour conclure sur ce point, il y a lieu de souligner que l’avant-propos de l’édition « commentée » du Code de déontologie comprend aussi la mise en garde suivante :

MISE EN GARDE

Les commentaires n’engagent pas le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages qui est un tribunal indépendant. Le genre masculin n’est utilisé que pour alléger le texte et s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes. (Nos soulignements)

 

[47]    En conséquence, vu le défaut de produire l’édition « commentée » du Code de déontologie ou, encore mieux, une preuve par expert pour établir la norme de pratique, l’intimé doit être acquitté, le syndic ne s’étant pas déchargé de son fardeau de preuve[14] ;

[48]    Mais il y a plus, au moment de l’audition de la première plainte disciplinaire en juillet 2013, le syndic n’a pas exigé de l’intimé que celui-ci s’engage à « mettre en place des directives ou des procédures claires pour la gestion des comptes créditeurs des clients » ;

[49]    L’eut-il fait, alors le présent Comité aurait pu conclure à la culpabilité de l’intimé pour avoir fait défaut de respecter son engagement ;

[50]    De la même façon, la décision antérieure (P-94) ne comporte pas d’ordonnance visant à obliger l’intimé à « mettre en place de telles directives ou procédures » ;

[51]    Bref, en l’absence d’une preuve par expert démontrant que les normes de pratique généralement reconnues exigent « de telles directives ou procédures », il est impossible de conclure à la culpabilité de l’intimé sur le chef 2 ;

[52]    Le Comité comprendrait mieux la position du syndic, si l’intimé avait fait l’objet d’une inspection[15] ou d’une vérification[16] lui imposant l’obligation de mettre en place de telles directives[17] et que celui-ci aurait refusé de suivre les recommandations découlant de cette inspection[18], mais tel n’est pas le cas ;

[53]    Pour l’ensemble de ces motifs et, plus particulièrement, vu l’absence d’une preuve par expert, le Comité a l’obligation de conclure que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et, en conséquence, l’intimé sera acquitté des infractions reprochées au chef 2 de la plainte ;

 

          3.2    Détournement de fonds

[54]    De manière plus ciblée, la plainte reproche à l’intimé d’avoir permis et/ou toléré, par son inaction et/ou son défaut de supervision et d’encadrement, que soient détournées plusieurs sommes d’argent représentant les primes d’assurance de divers clients ;

[55]    Il s’agit des chefs 3, 5, 7 à 31, 33, 34, 37 à 40, 42 à 46, 49 à 53, 56, 59 à 66, 68, 70, 72, 75 à 79, 81 et 83 ;

[56]    Ces infractions sont le résultat d’un stratagème mis en place par son ex-associée, Lina D’Onofrio, et son ex-employé, Silvano Clemente ;

[57]    De façon générale, l’intimé plaide que ces infractions ont été commises à son insu ;

[58]    Cette affirmation est confirmée par la preuve testimoniale et documentaire ;

[59]    D’ailleurs, le syndic ne conteste pas cette affirmation, il plaide plutôt que l’intimé a fait preuve de négligence en faisant défaut de mettre en place des directives et/ou des procédures pour la gestion des comptes créditeurs des clients et, d’autre part, que l’intimé a fait preuve d’aveuglement volontaire en ne cherchant pas à se renseigner ;

[60]    Plus précisément, le syndic reproche à l’intimé d’avoir permis et/ou toléré, par son inaction et/ou son défaut de supervision ou d’encadrement, que soient détournés les montants allégués aux divers chefs d’accusation, lesquels totalisent plus de 30 000 $ sur une période qui s’étend de 2009 à 2012 ;

[61]    Concernant l’allégation suivant laquelle l’intimé aurait fait preuve de négligence, rappelons que la négligence ne se présume pas et que celle-ci doit être prouvée[19] ;

[62]    Ce grief ne sera pas retenu contre l’intimé, vu l’absence de preuve par expert démontrant que l’intimé aurait fait preuve de négligence dans l’exercice de ses fonctions de principal dirigeant du cabinet ;

[63]    Il reste donc à déterminer si l’intimé a permis et/ou toléré, par son inaction et/ou son défaut de supervision et d’encadrement, que soient détournées des sommes importantes ;

[64]    Encore une fois, il n’y a pas de preuve par expert démontrant la norme déontologique applicable en pareilles circonstances ;

[65]    De l’avis du Comité, il ne suffit pas d’alléguer que l’intimé :

      A permis et/ou toléré par son inaction et/ou ;

      Son défaut de supervision et d’encadrement ;

      Le détournement des certaines sommes d’argent ;

[66]    Encore faut-il le prouver!

[67]    Rappelons que ces infractions de détournement de fonds ont été commises à l’insu de l’intimé et que, n’eut été de sa plainte à la ChAD contre son ex-employé, Silvano Clemente, cette fraude n’aurait jamais été mise à jour ;

[68]    Dans les circonstances, il est impossible de conclure que l’intimé a « permis et/ou toléré par son inaction » la commission de ces infractions ;

[69]    Comment peut-on « permettre ou tolérer » une situation dont on ignore même l’existence ?

[70]    De toute évidence, l’intimé ne peut être reconnu coupable de cette infraction ;

[71]    Il reste donc à déterminer si l’intimé, « par son défaut de supervision ou d’encadrement », a permis le détournement des diverses sommes d’argent alléguées à la plainte ;

[72]    Au risque de nous répéter, le syndic n’a pas établi par une preuve d’expert les règles de « supervision ou d’encadrement » qu’un « principal dirigeant » de cabinet aurait dû suivre en pareilles circonstances ;

[73]    L’intimé n’ayant pas connaissance du stratagème mis en place par son ex-associée, Lina D’Onofrio, et son ex-employé, Silvano Clemente, celui-ci aurait-il dû agir de façon préventive en envoyant à chaque mois des notes de services à ses associés et employés leur rappelant :

      Qu’ils ne sont pas autorisés à voler l’argent des clients ;

      Qu’ils ne sont pas autorisés à utiliser le solde créditeur de certains clients afin de payer le solde débiteur d’autres clients ;

      Qu’ils ne sont pas autorisés à mettre en place un stratagème visant à détourner des sommes d’argent à leur profit ;

[74]    Poser la question, c’est y répondre ;

[75]    De l’avis du Comité, un dirigeant de cabinet n’a pas à rappeler à ses associés et employés que ceux-ci doivent agir de façon honnête et intègre puisque cela va de soi ;

[76]    D’autre part, il est douteux de croire que la mise en place d’une supervision et d’un encadrement plus serré aurait permis de mettre à jour ce stratagème ;

[77]    En effet, même l’enquête du syndic a pris quatre (4) ans avant d’être complétée, celle-ci ayant débuté en 2012 par le signalement de l’intimé à la ChAD pour finalement se conclure par le dépôt de la plainte disciplinaire en octobre 2016 ;

[78]    Bref, on ne peut dire qu’il s’agissait d’une situation qui sautait aux yeux ;

[79]    D’ailleurs, durant toutes les années d’existence de cette fraude, les états financiers du cabinet étaient préparés par une firme de comptables professionnels[20] qui, eux aussi, n’ont pas su déceler le stratagème mis en place par l’ex-associée et l’ex-employé de l’intimé ;

[80]    Peut-on réellement reprocher à l’intimé de ne pas avoir fait preuve d’une plus grande vigilance dans les circonstances, alors que ses propres comptables professionnels n’ont pas été en mesure de détecter cette fraude ?

[81]    Le Comité voit difficilement comment il pourrait imposer à l’intimé une telle obligation et, surtout, conclure à sa culpabilité sur cette base ;

[82]    D’ailleurs, dans l’affaire Champagne[21], dans laquelle un notaire était accusé d’avoir détourné à son profit plusieurs montants, celui-ci fut acquitté d’un des chefs d’accusation par le Tribunal des professions au motif que :

-   7 a) et b):

 

         On reproche  au notaire  d'avoir fait  une déclaration fausse lors de la remise du rapport annuel.

 

         Il faut  souligner que,  selon la preuve, cette déclaration a été préparée  par un  comptable  agréé,  vérificateur  des  livres  en fidéicommis. On  ne peut  que constater  que la vérification a été mal faite car autrement toutes les erreurs décelées par le syndic auraient été trouvées  et il  faut s'étonner  que  le  vérificateur  n'ait  pas apporté une  attention particulière  aux cartes  établies au  nom  des compagnies de l'intimé. Ce n'est cependant pas ce vérificateur qui est accusé et  on doit accepter comme défense de diligence raisonnable que le  notaire   se  croyait   justifié  de  signer,  vu  le  rapport  du vérificateur. Celui-ci  n'était pas  son employé  et il  n'y a  aucune preuve de  collusion entre l'intimé et le vérificateur. L'acquittement est donc maintenu.[22] (Nos soulignements)

 

[83]    Évidemment, il ne s’agit pas d’une infraction identique à celles dont fait l’objet l’intimé, par contre, cela démontre qu’il s’agit d’un moyen de défense valable ;

[84]    Toujours dans le dossier Champagne, celui-ci fut, par contre, reconnu coupable des détournements de fonds commis par sa secrétaire à son insu et hors de sa connaissance, en raison du fait que le syndic avait réussi à démontrer que le notaire signait les chèques préparés par sa secrétaire, par conséquent, il avait été négligent et se trouvait, par le fait même, à avoir participé à cette fraude ;

[85]    Dans le présent cas, il n’existe aucune preuve démontrant une quelconque participation de l’intimé aux gestes commis par son ex-associée ou son ex-employé ;

[86]    D’ailleurs, ce stratagème fut élaboré et exploité, à son insu et à celui de sa firme de comptables ;

[87]    Si l’on devait suivre le raisonnement prôné par le syndic, cela équivaudrait à transformer une infraction de responsabilité stricte en une simple infraction de responsabilité absolue[23] ;

[88]    De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Chauvin c. Beaucage[24], a reconnu que la doctrine de l’alter ego n’exclut pas la possibilité de présenter une défense de diligence raisonnable[25] ;

[89]    De l’avis du Comité, l’intimé a fait preuve de diligence raisonnable puisque dès qu’il a constaté des anomalies dans la facturation établie par son ex-employé, Silvano Clemente, il a pris des mesures pour contrer celles-ci et faire un signalement à la ChAD ;

[90]    Pour la période visée par les infractions, soit de 2009 à 2012, il est douteux de penser que la mise en place de divers systèmes de contrôle plus élaborés aurait permis de prévenir ou de mettre à jour la fraude dont a été victime l’intimé ;

[91]    Il est de commune renommée que même les grandes institutions financières se font régulièrement arnaquer malgré l’existence de nombreuses mesures de contrôle et de l’armée de comptables dont elles disposent ;

[92]    Dans les circonstances, il est difficile de concevoir en quoi l’intimé aurait été négligent ou aurait manqué à son devoir de supervision, alors que cette fraude a été perpétrée à son insu et d’une manière telle que même sa firme de comptables n’a pas été en mesure de découvrir celle-ci ;

[93]    Il reste maintenant à aborder la question de l’aveuglement volontaire ;

[94]    Suivant le syndic, l’intimé aurait fait preuve d’aveuglement volontaire et, en conséquence, il serait responsable de la commission des infractions par son ex-associée et son ex-employé ;

[95]    Suivant la Cour suprême[26], la doctrine de l’aveuglement volontaire ne s’applique que dans la mesure où l’accusé entretenait des doutes et qu’il a préféré fermer les yeux :

[21] L’ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d’infractions particulières.  Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea.  La doctrine de l’ignorance volontaire impute une connaissance à l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire.  Voir Sansregret c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 570, et  R. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55.  Comme l’a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), « [p]our conclure à l’ignorance volontaire, il faut répondre par l’affirmative à la question suivante : L’accusé a‑t‑il fermé les yeux parce qu’il savait ou soupçonnait fortement que s’il regardait, il saurait? » (Nos soulignements)

 

[96]    L’ensemble de la preuve démontre que les infractions ont été commises hors de la connaissance de l’intimé et sans aucune participation de sa part ;

[97]    D’ailleurs, dès l’instant où l’intimé a entretenu des doutes concernant les agissements de son ex-employé, Silvano Clemente, celui-ci a fait un signalement à la ChAD ;

[98]    Ce n’est qu’au moment de l’enquête du syndic qu’il fut informé de l’ampleur de la fraude commise par ce dernier et son ex-associée ;

[99]    Dans les circonstances, la doctrine de l’aveuglement volontaire ne peut être opposée à l’intimé pour tenter de rechercher sa responsabilité déontologique ;

[100] Mais il y a plus, tout dernièrement, la Cour d’appel acquittait une dame qui était accusée d’avoir aidé son conjoint à commettre des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières ;

[101] Il s’agit de l’affaire Desbiens c. Autorité des marchés financiers[27] ;

[102] En l’espèce, l’accusée plaidait que les infractions avaient été commises hors de sa connaissance et sans aucune participation de sa part[28] ;

[103] À cet égard, il est particulièrement intéressant de noter les questions de droit identifiées par la Cour d’appel :

[22]        Le 19 décembre 2016, l’appelante a été autorisée à débattre devant notre Cour des deux questions de droit suivantes :

         Tenant pour avéré le fait que la requérante ignorait totalement les gestes commis par l’auteur des méfaits, peut-on conclure que tous les éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 208 de la Loi sur les valeurs mobilières […] ont été prouvés hors de tout doute raisonnable (par exemple, en se référant aux obligations légales échouant aux administrations des sociétés commerciales en vertu du C.c.Q. et de la Loi sur les sociétés par actions).

         L’article 208 L.V.M., lequel crée une norme de responsabilité pénale secondaire s’apparentant à l’alinéa 21(1)b) C.cr., exige-t-il la preuve d’une intention coupable? À cet égard, les commentaires du juge Wagner aux paragraphes 44 à 47 de l’arrêt La Souveraine, compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers s’avèrent-ils déterminants? (Nos soulignements)

 

[104] Après avoir étudié ces questions, la Cour d’appel acquitte l’appelante pour les motifs suivants :

[33]        L’appelante ne conteste pas que ces opérations sont assimilables à un placement d’une valeur et qu’aucun prospectus n’avait été établi au préalable. Mais est-ce que la seule signature par l’appelante de documents corporatifs de Services à l’usage du Registraire des entreprises, où elle affirme en être la présidente ou dirigeante et administratrice à compter de juin 2002 et l’actionnaire unique à compter de 2007[28] suffit pour conclure qu’elle a aidé Services à procéder illégalement au placement d’une valeur en quatre occasions entre 2006 et 2009?

[34]        L’aurait-elle plutôt « aidé » en n’assumant pas les responsabilités décrites dans ces documents? La juge de la Cour supérieure conclut que l’appelante a fait défaut de « s’informer ou de s’opposer en temps utile aux gestes de son conjoint », ce qui a eu l’effet « de provoquer une violation de la loi par son conjoint »[29]. L’intimée partage cette position.

[35]        Mais ce n’est pas de cela que l’appelante est accusée.

[36]        Il est vrai que la LVM vise à protéger le public et constitue une « mesure corrective » qui doit recevoir une interprétation large et libérale[30], il n’en demeure pas moins que, dans le cadre de toute poursuite pénale, le poursuivant a l’obligation de faire une preuve hors de tout doute raisonnable des éléments essentiels d’une infraction.

[37]        La seule signature des documents corporatifs de Services par l’appelante ne peut, dans les circonstances de l’espèce, constituer une « aide » à commettre l’infraction édictée à l’article 11 LVM, ce que reconnaît, en définitive, l’intimée. Des déclarations fausses, incomplètes ou trompeuses peuvent donner lieu à des poursuites pénales en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales[31]mais le débat à l’étude est tout autre. Il est reproché à l’appelante, en quatre occasions identifiées qui n’ont rien à voir avec la signature des documents destinés au Registraire des entreprises, d’avoir été la complice d’infractions par omission commises par Services.

[38]        Voyons donc ce qu’il en est de cette prétendue aide apportée par l’appelante à Services, par son inaction, et qui la rendrait complice des infractions. (Nos soulignements)

 

[105] Poursuivant son analyse de la situation, la Cour d’appel conclut comme suit :

[46]        L’appelante est administratrice de Services depuis juin 2002, présidente depuis 2004; les infractions dont elle serait complice se sont produites entre 2006 et 2009. Les reproches visent les transactions intervenues entre Services et le couple Beaumont, à l’insu de l’appelante (Jean Desbiens se déclarant sans droit autorisé à agir au nom de Services), transactions pour lesquelles elle n’a, selon la preuve, signé aucun document ni participé à quelque rencontre.

[47]        Les Beaumont n’ont jamais rencontré ni parlé à l’appelante, tel qu’il appert de leur témoignage; ils ne la connaissent pas. L’appelante a donné sa version des faits dans un affidavit où elle affirme n’avoir jamais eu connaissance de ces transactions. M. Desbiens témoigne qu’il n’a jamais informé l’appelante de ces discussions et ententes.

[48]        Tout cela a donc été fait par un mandataire non autorisé par Services, hors la connaissance de l’appelante et sans que celle-ci ne pose ni n’omette de poser de gestes susceptibles d’aider Services dans la commission de l’infraction. Même si l’appelante avait lu les documents corporatifs qu’elle a signés au fil des ans et questionné son conjoint, de temps à autre, sur le genre de travail qu’il effectuait, rien n’aurait empêché celui-ci d’utiliser illégalement Services pour convaincre les Beaumont d’investir dans un véhicule de placement sans avoir de prospectus. Jean Desbiens gérait ses affaires en solo, à sa façon, et ne rendait de comptes à personne.

[49]        Le juge Marc Lesage écrivait à ce sujet avec à-propos, en accueillant le recours en dommages des Beaumont contre Jean Desbiens en raison de ses fausses représentations :

[60]      C'est M. Desbiens qui a leur confiance. Ce n'est pas la défenderesse SFPGQS, ni Nathalie Desbiens, ni Michelle Desbiens, qui agissent auprès des demandeurs. C'est M. Desbiens qui gère les placements, les sort d'un fonds pour les remettre dans un autre[38].

[50]        Or, non seulement les Beaumont ont-ils été trompés par Jean Desbiens et seulement par lui, mais ses faits et gestes ne peuvent être attribués à Services qui ne les a jamais autorisés de quelque manière, ce qui n’est pas contesté. Services aurait dû être acquittée. Partant, la condamnation sommaire de Services par le juge de première instance[39], sur un chef d’accusation, ne peut faire de l’appelante une complice des infractions commises par Jean Desbiens, ce dont elle n’est pas accusée. (Nos soulignements)

 

[106] Cela dit et au-delà des principes établis par l’arrêt Desbiens, il demeure néanmoins que le syndic ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve en faisant défaut d’établir par une preuve par expert les règles de « supervision et d’encadrement » que l’intimé aurait dû implanter pour éviter un détournement de fonds commis à son insu, sans sa participation et alors que ses propres comptables n’ont pas été en mesure de le détecter, ni de le prévenir ;

[107] En conséquence et pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé sera acquitté des infractions reprochées aux chefs 3, 5, 7 à 31, 33, 34, 37, 40, 42 à 46, 49 à 53, 56, 59 à 66, 68, 70, 72, 75 à 79, 81 et 83 ;

 

          3.3    Conflit d’intérêts         

[108] Finalement, la plainte reproche également à l’intimé de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, à plusieurs occasions, en accordant du financement pour les primes d’assurance de clients par l’entremise d’une de ses compagnies (Jytico) sans informer ses clients des liens financiers qui l’unissaient à cette compagnie, vu son statut d’administrateur et d’actionnaire de Jytico ;

[109] Il s’agit des chefs 4, 6, 32, 25, 35, 41, 47, 48, 54, 57, 67, 69, 71, 73, 80 et 82 ;

[110] L’intimé plaide non coupable à ces infractions et prétend avoir agi de bonne foi et avoir omis de divulguer ses intérêts par inadvertance et sans aucune malice ;

[111] La preuve établit clairement que l’intimé n’a jamais dévoilé à ses clients les intérêts qu’il détenait dans la compagnie Jytico, ni obtenu leur consentement à cet égard ;

 

[112] D’ailleurs, l’intimé n’a pas nié ces faits, ni cherché à les minimiser ;

 

[113] Sa défense consiste plutôt à prétendre qu’il était de bonne foi et qu’il s’agissait d’un service offert à ses clients qui ne pouvaient bénéficier de crédit par les voies traditionnelles ;

 

[114] La défense de bonne foi ne constitue pas une défense recevable en droit disciplinaire[29] ;

 

[115] Cela dit, malgré « l’absence d’intention malicieuse » de l’intimé, il demeure néanmoins qu’en faisant défaut de divulguer à ses clients ses intérêts dans Jytico et/ou d’obtenir leur consentement, ce dernier s’est placé en situation de conflit d’intérêts ;

 

[116] L’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) est particulièrement clair sur cette question :

10. Le représentant en assurance de dommages doit éviter de se placer, directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant est en conflit d’intérêts:

1°  lorsque les intérêts en présence sont tels qu’il peut être porté à privilégier certains d’entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés;

2°  lorsqu’il obtient un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel, pour un acte donné.

(Nos soulignements)

 

[117] Concernant l’interprétation de cette disposition, il convient de se référer aux affaires suivantes :

 

      ChAD c. Lareau, 2013 CanLII 33424 (QC CDChAD) ;

      ChAD c. Lévesque, 2017 CanLII 55107 (QC CDChAD) ;

[118] Tel que le soulignait le vice-président, Me Daniel Fabien, dans l’affaire Lévesque[30], il n’est pas illégal de financer des primes d’assurance[31], encore faut-il que le client soit dûment informé de la situation et qu’il y consente ;

[119] Dans le présent dossier, les clients n’ont jamais été informés des liens qui unissaient l’intimé à la compagnie Jytico et, par conséquent, ils n’ont pas fourni un consentement éclairé au moment d’obtenir leur financement ;

[120] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé sera reconnu coupable des infractions reprochées aux chefs 4, 6, 32, 35, 36, 41, 47, 48, 54, 57, 67, 69, 71, 73, 80 et 82 pour avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

[121] En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’encontre de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

AUTORISE le retrait des chefs 1, 55, 58 et 74 ;

ACQUITTE l’intimé des infractions reprochées au chef 2 ;

ACQUITTE l’intimé des infractions reprochées aux chefs 3, 5, 7 à 31, 33, 34, 37 à 40, 42 à 46, 49 à 53, 56, 59 à 66, 68, 70, 72, 75 à 79, 81 et 83 ;

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées aux chefs 4, 6, 32, 35, 36, 41, 47, 48, 54, 57, 67, 69, 71, 73, 80 et 82 pour avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation ;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction ;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, B.A.A., courtier en assurance de dommages

Membre        

 

____________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

 

Me Claude G. Leduc (agissant personnellement comme syndic ad hoc)

Partie plaignante

 

M. Marco D’Onofrio (se représentant seul)

Partie intimée

 

Date d’audience : 30 octobre 2017

 

 

 



[1]    La plainte originale comprenait 83 chefs d’accusation mais celle-ci fut amendée afin d’y retirer les chefs 1, 55, 58 et 74;

[2]    Plainte no. 2016-10-03(C);

[3]    Plainte no. 2016-07-01(C);

[4]    Laurin c. Chauvin, 2006 QCCQ 6115 (CanLII);

[5]    ChAD c. d’Onofrio, 2013 CanLII 62089 (QC CDChAD);

[6]    Ibid.;

[7]    Acupuncteurs c. Jondeau, 2006 QCTP 86 (CanLII);

[8]    ChAD c. Cloutier, 2007 CanLII 54103 (QC CDChAD);

[9]    Op. cit., note 4;

[10]   Dupéré-Vanier c. Camirand-Duff, 2001 QCTP 8 (CanLII);

[11]   2003 QCTP 132 (CanLII);

[12]   Médecins c. Garber, 2012 QCTP 48 (CanLII);

[13]   Chad c. Cloutier, 2007 CanLII 54103 (QC CDChAD), par. 184 à 187;

[14]   Vaillancourt c. Avocats, 2012 QCTP 126 (CanLII);

[15]   Art. 107 LDPSF;

[16]   Art. 114.1 LDPSF;

[17]   Art. 115.9(2) LDPSF;

[18]   Acupuncteurs c. Hotte, 2017 CanLII 38203 (QC OAQ);

[19]   Gonshor c. Morin, ès qualités (Dentistes), 2001 QCTP 32 (CanLII), par. 48 et 49;

[20]   Voir le témoignage de l’intimé et les états financiers déposés en preuve;

[21]   [1992] DDCP 268, 1992 CanLII 8382 (QCTP);

[22]   Op. cit., note 20, p. 35 et 36;

[23]   Voir, par analogie, l’arrêt Martel c. Tribunal des professions, 1994 CanLII 5310 (QC CA);

[24]   2008 QCCA 922 (CanLII);

[25]   Ibid., par. 88;

[26]   R. c. Briscoe, [2010] 1 R.C.S. 411, 2010 CSC 13 (CanLII);

[27]   2017 QCCA 1690 (CanLII);

[28]   Ibid., par. 14 et 15;

[29]   Notaires c. Morin, 2007 QCTP 85 (CanLII);

[30]   2017 CanLII 55107 (QC CDChAD);

[31]   Ibid., par. 57 à 61;

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