Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2017-04-02(E)

 

DATE :

5 décembre 2017

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

Mme Élaine Savard, LL. B., FPAA, expert en sinistre

Membre

M. Yvan Roy, FPAA, expert en sinistre

Membre

 

 

ME MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

MÉLANIE TREMBLAY, inactive et sans mode d’exercice comme expert en sinistre

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

[1]          Le 18 septembre 2017, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») rendait une décision sur culpabilité par défaut dans le présent dossier[1] dans laquelle il déclarait l’intimée coupable sur chacun des 10 chefs de la plainte.

[2]          Le 25 octobre 2017, le Comité se réunit de nouveau pour l’audition sur sanction du présent dossier. Le syndic est représenté par Me Julie Piché. Quant à l’intimée, bien que dûment convoquée, elle est absente et non représentée par avocat.

[3]          Vu ce qui précède, le Comité décide de procéder en l’absence de l’intimée.

[4]          Il est utile ici de reproduire les chefs de la plainte pour lesquels l’intimée a été déclarée coupable : 

 

« Cas client N. R.

 

1. À Québec, au mois d’octobre 2016, a créé dans le dossier de réclamation numéro 12246510, un tiers réclamant, soit M.T., alors qu’il s’agissait d’une réclamation en dommages directs seulement, afin de justifier l’émission d’un chèque au montant de 6 350 $, au nom de M.T., le tout en contravention avec les articles 58(1) et 58(6) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

2. À Québec, au mois d’octobre 2016, a exercé ses activités de manière malhonnête en s’appropriant sans droit la somme de 6 350 $, par l’encaissement d’un chèque pour cette somme émis par La Promutuel Rive-Sud au nom du tiers réclamant M.T., créé dans le dossier de réclamation numéro 12246510, le tout en contravention avec les articles 58(1), 58(6) et 58(16) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

 

Cas client Ferme A P

 

3. À Québec, au mois d’octobre 2016, a créé dans le dossier de réclamation numéro 12244193-61, un intervenant, soit le fournisseur de services A.J., estimateur en bâtiment, alors que ce dernier n’est pas intervenu au dossier, afin de justifier l’émission d’un chèque au montant de 1 556 $, au nom de A.J., le tout en contravention avec les articles 58(1) et 58(6) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

4. À Québec, au mois d’octobre 2016, a exercé ses activités de manière malhonnête en s’appropriant sans droit la somme de 1 556 $, par l’encaissement d’un chèque pour cette somme émis par La Promutuel Rive-Sud, au nom du fournisseur de services A.J. dans le dossier de réclamation numéro 12244193-61, le tout en contravention avec les articles 58(1), 58(6) et 58(16) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

Cas client Les Immeubles P B

 

5. À Québec, au mois d’octobre 2016, a créé dans le dossier de réclamation numéro 12178140, un intervenant, soit le fournisseur de services A.J., estimateur en bâtiment, alors que ce dernier n’est pas intervenu au dossier, afin de justifier l’émission d’un chèque au montant de 725,55 $, au nom de A.J., le tout en contravention avec les articles 58(1) et 58(6) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

6. À Québec, au mois d’octobre 2016, a exercé ses activités de manière malhonnête en s’appropriant sans droit la somme de 725,55 $, par l’encaissement d’un chèque pour cette somme émis par La Promutuel Rive-Sud, au nom du fournisseur de services A.J., dans le dossier de réclamation numéro 12178140, le tout en contravention avec les articles 58(1), 58(6) et 58(16) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

Cas client Thaizone C

 

7. À Québec, au mois d’octobre 2016, a créé dans le dossier de réclamation numéro 12246897, un faux intervenant, soit le fournisseur de services G.G.R., concernant des travaux d’urgence, alors que ce dernier n’existe pas et n’est pas intervenu au dossier, afin de justifier l’émission d’un chèque au montant de 2 934,80 $, au nom de G.R., le tout en contravention avec les articles 58(1) et 58(6) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

8. À Québec, au mois d’octobre 2016, dans le dossier de réclamation numéro 12246897, a exercé ses activités de manière malhonnête :

 

a. En créant une fausse facture au nom de G.G.R. au montant de 2 934,80 $ pour les travaux d’urgence, alors que les travaux d’urgence ont été réalisés par Qualinet,

 

b. En inscrivant une note indiquant qu’elle est en attente d’une facture au montant de 2 934,80 $ pour les travaux d’urgence réalisés par G.G.R., afin de justifier l’émission d’un chèque au montant de 2 934,80 $;

 

le tout en contravention avec les articles 58(1) et 58(6) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

 

9. À Québec, au mois d’octobre 2016, a exercé ses activités de manière malhonnête en s’appropriant sans droit la somme de 2 934,80 $, par l’encaissement d’un chèque pour cette somme émis par La Promutuel Rive-Sud au nom du faux fournisseur de services G.R., dans le dossier de réclamation numéro 12246897, le tout en contravention avec les articles 58(1), 58(6) et 58(16) du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

Cas client M. L.

 

10. À Québec, le ou vers le 25 mai 2016, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, en se présentant sous le nom de C.T., adjointe administrative de C.L., lors d’une rencontre avec C.L. et l’expert en sinistre mandaté au dossier de sinistre de C.L., le tout en contravention avec les articles 16 et 58 du Code de déontologie des experts en sinistre. »

 

[5]          Le 18 septembre 2017, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint les dispositions suivantes du Code de déontologie des experts en sinistre :

« « Art. 16.   L’expert en sinistre ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

 

Art. 58.   Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour l’expert en sinistre d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

 d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;   

 

(…)

 

 6° de participer à la confection ou à la conservation d’une preuve qu’il sait être fausse;

 

(…)

 

  16° d'utiliser ou de s'approprier pour ses fins personnelles de l'argent ou des valeurs qui lui ont été confiés dans l'exercice de tout mandat, que les activités exercées par l’expert en sinistre soient dans la discipline de l'expertise en matière de règlement de sinistres ou dans une autre discipline visée par cette loi; »

 

 

 

I.          Représentations sur sanction de la partie plaignante

[ 9 ]        Me Piché informe le Comité qu’elle sollicite l’imposition des sanctions suivantes à l’intimée :

o        Chefs 1 à 9 : des périodes de radiation temporaire de 2 ans sur chacun des chefs à être purgées de façon concurrente entre elles;

o        Chef 10 : une amende de 2 000 $;

o        La publication d’un avis de radiation lors de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

o        Le paiement par l’intimée de tous les frais du dossier, incluant le cas échéant, les frais de publication d’un avis de radiation.

[ 10 ]     Bref, la radiation de l’intimée pour une période totale de 2 ans à la remise en vigueur de son certificat plus une amende de 2 000 $.

[ 11 ]     Au soutien de sa suggestion, l’avocate du syndic nous réfère notamment aux précédents jurisprudentiels suivants :

o        ChAD c. Darkaoui, 2012 CanLII 6492 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Ngankoy, 2013 CanLII 82450 (QC CDCHAD)

o        ChAD c. Jacob, 2017 CanLII 37480 (QC CDCHAD)

 

II.         Analyse et décision

[ 12 ]      Le Comité considère qu’il est juste et approprié d’imposer à l’intimée les sanctions suggérées par la partie plaignante.

[ 13 ]     En tenant compte des représentations du syndic, le Comité considère que la sanction susdite, dans sa globalité, constitue une sanction qui est juste et équitable dans les circonstances et ce, après avoir tenu compte et fait l’évaluation de tous les facteurs tant aggravants qu’atténuants[2].

[ 14 ]      À cet égard, nous tenons à souligner les circonstances aggravantes suivantes :

o         La gravité objective intense des infractions;

o        L’intention malveillante de l’intimée;

o        Le manque d’intégrité de l’intimée;

o        Le caractère prémédité des gestes;

o        La répétition des infractions;

o        L’atteinte à l’image de la profession.

 

[7]       Quant aux facteurs atténuants, nous considérons les faits suivants :

o        La reconnaissance par l’intimée des faits reprochés au moment de l’enquête du syndic;

o        Le remboursement à son employeur des sommes détournées;

o        Le fait que l’intimée ne veut plus faire de l’expertise en sinistre et qu’elle préfère réorienter sa carrière en gestion de projets.

[ 15 ]     Puisque l’intimée ne pratique pas actuellement, la radiation ne sera exécutoire qu’à compter de la remise en vigueur de son certificat[3].

[ 16 ]     L’intimée devra donc purger une période la période de radiation de 2 ans avant de pouvoir revenir à la profession.

[ 17 ]     La période de radiation de deux ans nous apparait tout à fait appropriée. En effet, si jamais l’intimée décidait de revenir à la profession, elle devra nécessairement réfléchir à l’importance de respecter ses obligations déontologiques avant d’obtenir de nouveau sa certification.

III.        Conclusion

[ 18 ]     Suite à l’évaluation de l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants, tant objectifs que subjectifs, le Comité considère que dans sa globalité, l’imposition d’une période de radiation temporaire de 2 ans plus le paiement d’une amende de 2 000 $ constitue une sanction qui satisfait chacun des objectifs établis par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[4].

[ 19 ]     En effet, selon le Comité, la présente sanction atteint chacun des objectifs suivants :  la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes sur chacun des chefs d’accusation            pour lesquels elle a été reconnue coupable, soit :

            Chefs nos 1 à 9 inclusivement :    une radiation temporaire de deux (2) ans;

            Chef no 10 :   une amende de 2 000 $;

DÉCLARE que les périodes de radiation temporaire imposées sur les chefs 1 à 9 inclusivement seront purgées de façon concurrente entre elles et qu’elles deviendront exécutoires à la date de remise en vigueur du certificat de l’intimée;

ORDONNE, la publication d’un avis de radiation temporaire, aux frais de l’intimée, à compter de la remise en vigueur de son certificat ;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de radiation, le cas échéant ;

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Élaine Savard, LL. B., FPAA, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Yvan Roy, FPAA, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

Procureur de la partie plaignante

 

 

Mme Mélanie Tremblay, absente et non représentée

Partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

25 octobre 2017

 



[1] ChAD c. Tremblay, 2017 CanLII 66283 (QC CDCHAD);

[2]     BERNARD, P. La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, dans « Développement récent en déontologie, droit professionnel et disciplinaire », S.F.P.B.Q., 2004, 2006, pp. 71 et ss.;

[3]    Lambert c. Agronomes, 2012 QCTP 39 (CanLII);

[4]   2003 CanLII 32934 (QC CA) aux paragraphes 38 et suivants;

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