Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

2017-03-02(C)

 

DATE :

30 octobre 2017

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Carl Hamel, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

M. François Vallerand, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me MARIE-JOSÉE BELHUMEUR, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

NATHALIE GAGNÉ

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

ORDONNANCE DE NON PUBLICATION, DE NON DIFFUSION ET DE NON DIVULGATION DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS MENTIONNÉS À LA PLAINTE, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

 

 

[1]       Le 13 septembre 2017, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2017-03-02(C) ;

 

[2]       Le syndic était alors représenté par Me François Montfils et, de son côté, l’intimée était absente et non représentée ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant cinq (5) chefs d’accusation, soit :

 

1.   À Dégelis, le ou vers le 6 juin 2016, s’est appropriée, ou a utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée, une somme de 112,55 $ en argent comptant remise par l’assuré A.R. en paiement de la prime pour le renouvellement du contrat d’assurance automobile E77‑6913 émis par Intact Compagnie d’assurance pour la période du 14 juin 2016 au 14 juin 2017, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 28, 37(1), 37(5) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5);

 

 

2.   À Dégelis, le ou vers le 20 juin 2016, s’est appropriée, ou a utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée, une somme de 446,90 $ en argent comptant remise par l’assuré R.B. en paiement de la prime pour le renouvellement du contrat d’assurance automobile A39‑0124 émis par Intact Compagnie d’assurance pour la période du 22 juin 2016 au 22 juin 2017, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 28, 37(1), 37(5) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages (RLRQ, c. D‑9.2, r.5);

 

3.   À Dégelis, le ou vers le 28 juillet 2016, s’est appropriée, ou a utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée, une somme de 572,55 $ en argent comptant remise par l’assuré A.D. en paiement de la prime pour le renouvellement du contrat d’assurance automobile 684-3923 émis par Intact Compagnie d’assurance pour la période du 1er août 2016 au 1er août 2017, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 28, 37(1), 37(5) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

 

4.   À Dégelis, le ou vers le 28 juillet 2016, s’est appropriée, ou a utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée, une somme de 611,50 $ en argent comptant remise par l’assuré R.B. en paiement de la prime pour le renouvellement du contrat d’assurance habitation R15-7942 émis par Intact Compagnie d’assurance pour la période du 29 juillet 2016 au 29 juillet 2017, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 28, 37(1), 37(5) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5) ;

 

5.   À Dégelis, le ou vers le 30 septembre ou 30 octobre 2016, s’est appropriée, ou a utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée, une somme de 893,80 $ en argent comptant remise par l’assuré G.B. en paiement de la prime pour le renouvellement du contrat d’assurance habitation 295-9804 émis par Intact Compagnie d’assurance pour la période du 1er octobre 2016 au 1er octobre 2017, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et les articles 28, 37(1), 37(5) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages (RLRQ, c. D-9.2, r.5).

 

 

[4]       Malgré le fait que l’intimée avait été dûment convoquée pour l’audition sur culpabilité, celle-ci a fait défaut de se présenter à l’audition ;

[5]       En conséquence, la partie poursuivante fut autorisée à procéder en l’absence de l’intimée, le tout conformément au 2e alinéa de l’article 144 du Code des professions ;

 

II.         La preuve

 

[6]       Conformément à la jurisprudence en semblable matière, vu l’absence de l’intimée, la poursuite a fait entendre un seul témoin[1], soit l’enquêteur, Me Nicolas Veilleux ;

[7]       Le témoignage de l’enquêteur Veilleux ainsi que la preuve documentaire[2] produite ont permis d’établir les faits suivants :

      L’intimée Gagné avait mis en place un stratagème qui consistait à percevoir les primes des clients en argent comptant en leur demandant de se présenter au cabinet d’assurances ;

      Elle remettait un reçu au client et demandait à la comptabilité de rembourser l’assureur, cependant, elle n’inscrivait pas les dépôts dans le livre des dépôts, ni physiquement à l’institution financière ;

      Ce stratagème fut découvert en septembre 2016 par son employeur, lequel a mis fin à son emploi suite à une enquête interne, le 31 octobre 2016;

[8]       Mais il y a plus, lors de l’enquête effectuée par son employeur, Mme Gagné a passé aux aveux[3] et a reconnu s’être appropriée plusieurs montants pour un total de 3 151,98$ ;

[9]       De façon plus précise, elle reconnaît dans ses réponses au questionnaire du syndic[4] s’être appropriée lesdits montants et les avoir utilisés à ses fins personnelles[5];

[10]    De plus, dans une lettre manuscrite[6] jointe à ses réponses au syndic, elle assume l’entière responsabilité de ses gestes[7] et attribue son comportement à un état dépressif et à de l’épuisement professionnel[8] ;

[11]    D’ailleurs, suite à son congédiement, elle fut hospitalisée[9] ;

[12]    Telle est la trame factuelle sur laquelle est fondée la plainte disciplinaire ;

 

III.        Argumentation

 

[13]    Après avoir souligné que la partie plaignante avait établi tous les éléments essentiels des accusations, Me Montfils a demandé un verdict de culpabilité fondé sur l’article 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c.  D-9.2, r.5) ;

 

 

IV.       Analyse et décision

 

[14]    Le fardeau de preuve requis en droit disciplinaire est celui de la prépondérance des probabilités, suivant les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Bisson c. Lapointe[10] :

 

[66]        Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le « sérieux » de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.

[67]        Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.

[68]        Comme le rappelle la Cour suprême, « [a]ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités ». (Nos soulignements)

 

[15]    Cela dit, le Comité est d’avis que la preuve documentaire et les aveux de l’intimée Gagné formulés lors de son entrevue avec son employeur[11] et dans une lettre manuscrite adressée au syndic[12] démontrent, de façon claire et convaincante, la commission de toutes et chacune des infractions reprochées ;

[16]    Pour ces motifs, l’intimée Gagné sera reconnue coupable des cinq (5) chefs d’accusation ;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 à 5 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chefs 1 à 5 :     pour avoir contrevenu à l’article 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (RLRQ, c.  D‑9.2, r.5)           

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation ;

PRONONCE une ordonnance de non publication, de non diffusion et de non divulgation de tout renseignement ou information permettant d’identifier les assurés mentionnés à la plainte, le tout suivant l’article 142 du Code des professions ;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour les représentations sur sanction ;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

____________________________________

M. Carl Hamel, C.d’A.Ass, courtier en assurance de dommages

Membre        

 

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M. François Vallerand, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

Me François Montfils

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Nathalie Gagné

Partie intimée (absente et non représentée)

 

Date d’audience : 13 septembre 2017

 

 

 



[1]    CHAD c. Lévesque, 2013 CanLII 4787 (QC CHAD);

     CHAD c. Patenaude, 2016 CanLII 60411 (QC CHAD);

     Alipoor c. Pinet, 2011 QCCQ 15421 (CanLII);

[2]    Pièces P-1 à P-5;

[3]    Pièce P-3, p. 3;

[4]    Pièce P-5;

[5]    Ibid., réponses nos. 2, 9a), 14a), 15, 19a), 24a) et 29a);

[6]    Pièce P-5, p. 7 à 10;

[7]    Ibid., p. 9;

[8]    Ibid., p. 8 à 10;

[9]    Ibid., p. 10

[10]   2016 QCCA 1078 (CanLII);

[11]   P-3, p. 3;

[12]   P-5, p. 7 à 10;

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