Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2015-06-01 (C)

 

 

DATE :

21 septembre 2016

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme Chantal Yelle, courtier en assurance

de dommages

Membre

M. Brian Brochet, C. d’A.Ass., courtier en assurance

de dommages

Membre

 

 

 

Me KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

 

c.

 

MICHEL PAQUIN, courtier en assurance de dommages (4A)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le 29 juin 2016, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (« le Comité ») est réuni pour instruire la plainte logée contre l’intimé Michel Paquin dans le présent dossier.

 

[2]       Me Julien Poirier-Falardeau représente le syndic adjoint et l’intimé, Michel Paquin, est représenté par Me Sonia Paradis.

 

[3]       Dès le début de l’audition, Me Poirier-Falardeau nous avise qu’une entente est intervenue entre les parties et que l’intimé entend plaider coupable à la plainte réamendée du 4 février 2016, laquelle ne comporte que 2 chefs d’accusation, soit les chefs nos 8 et 9, qui sont chacun divisés en deux sous-chefs.

 

[4]       Me Paradis confirme qu’effectivement un accord a été conclu.

 

 

I.          Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé

 

 

[5]       L’intimé plaide donc coupable aux chefs suivants de la plainte réamendée, à savoir :

 

«(…) 

8. Entre le ou vers le mois d’octobre 2011 et le ou vers le 8 novembre 2012, (l’intimé) a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en n’exécutant pas le mandat que lui avait confié l’assurée xxxx-4315 Québec inc :

a. de lui procurer une protection d’assurance pour les pertes d’exploitation et/ou ;

b. de lui procurer un montant de couverture suffisant ;

créant ainsi un découvert sur le risque, et ne prévenant pas l’assurée que de telles protections n’avaient pas été émises, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 26, 37(1o), 37(4o) et 37(6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

9. Entre le ou vers le mois d’octobre 2012 et le ou vers le 18 janvier 2013, (l’intimé) a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en n’exécutant pas le mandat que lui avait confié l’assurée xxxx-4315 Québec inc :

a. de lui procurer une protection d’assurance pour les pertes d’exploitation et/ou ;

b. de lui procurer un montant de couverture suffisant ;

créant ainsi un découvert sur le risque, et ne prévenant pas l’assurée que de telles protections n’avaient pas été émises, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et les articles 9, 26, 37(1o), 37(4o) et 37(6o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. »

 

[6]       Questionné par le président du Comité, l’intimé a reconnu les faits mentionnés aux chefs susdits et a plaidé coupable à chacun de ceux-ci.  

 

[7]       Séance tenante, le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et a déclaré celui-ci coupable des infractions reprochées.

 

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[8]       Les parties déposent de consentement les pièces documentaires P-1 à P-10.

 

[9]       Elles déposent également la pièce P-11, soit l’entente intervenue entre les procureurs des parties quant à la sanction que le Comité devrait lui imposer.

 

[10]    L’intimé témoigne en défense.

 

[11]    Il nous explique qu’il pratique la profession depuis 46 ans à Mont-Laurier et qu’il œuvre principalement en assurance des entreprises.

 

[12]    Le cabinet existe de père en fils depuis trois générations. On y compte 9 employés.

 

[13]    Le volume annuel du cabinet est important. Il s’agit toutefois d’une première plainte contre lui.

 

[14]    Il croyait sincèrement que l’assurée avait la couverture « interruption d’affaires ». Il avait demandé à son client de lui remettre le bilan de l’entreprise. Le client a omis de la faire et l’intimé n’a pas fait de suivi.

 

[15]    Il reconnaît sans détour avoir été négligent dans les circonstances.  

 

[16]    En conséquence, et sur chacun de ces chefs, l’intimé est trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 37 (1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

[17]    Considérant la règle interdisant les condamnations multiples[1], un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions législatives et règlementaires invoquées au soutien desdits chefs d’accusation.

 

[18]    Le Comité tient à préciser immédiatement que la preuve ne laisse place à aucun doute. L’intimé est de bonne foi, il s’agit d’une simple erreur de parcours et l’honnêteté de M. Paquin n’est pas du tout en cause dans cette affaire.

 

 

III.        Recommandations communes sur sanction

 

 

[19]    Me Poirier-Falardeau nous expose les faits saillants de la preuve.

 

[20]    Il précise que les erreurs commises par l’intimé se situent au cœur de la profession de courtier en assurance de dommages.

 

[21]    Selon la partie plaignante, il s’agit d’infractions graves qui mettent en péril la protection du public.

 

[22]    Ces infractions portent aussi atteinte à l’image et à l’intégrité de la profession.

 

[23]    Quant aux facteurs atténuants dont doit bénéficier l’intimé, Me Poirier-Falardeau souligne :

 

       l’absence d’antécédent disciplinaire;

 

       son plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

 

       46 ans de pratique sans aucune tache.

 

[24]    Me Poirier-Falardeau déclare au Comité que les parties suggèrent donc au Comité d’imposer les sanctions suivantes à l’intimé, à savoir :

 

       Chef no 8a. : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 8b. : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 9a. : une amende de 2 000 $;

 

       Chef no 9b. : une amende de 2 000 $.

 

 

[25]    En plus, l’intimé devra assumer les frais et déboursés de l’instance.

 

[26]     Me Paradis confirme que son client est en accord avec cette sanction.

 

[27]    Selon l’avocate, malheureusement, M. Paquin a commis une erreur de parcours. Une erreur en 46 ans de pratique.

 

[28]    À titre de facteurs atténuants additionnels, Me Paradis rajoute que :

 

       l’intimé a bien collaboré au processus disciplinaire;

 

       l’intimé est de bonne foi;

 

       l’intimé a clairement l’intention de s’amender;

 

       le risque de récidive est quasi-nul.

 

[29]    Me Paradis termine en nous demandant de permettre à M. Paquin de payer les amendes et frais et déboursés du dossier en 6 versements mensuels, égaux et consécutifs.

 

[30]    Sur cette modalité de paiement, la partie plaignante n’a pas d’objection. Toutefois, si l’intimé est en défaut, il devrait perdre le bénéfice du terme.

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        Les recommandations communes

 

[31]    Lors de son témoignage, le Comité a été à même de constater que l’intimé regrette profondément d’avoir été négligent dans ce dossier.

 

[32]    Me Paradis a raison. Il s’agit d’une erreur de parcours après environ 46 ans de pratique.

 

[33]    Le Comité est par ailleurs convaincu que l’intimé a fermement l’intention d’amender ses activités et procédés afin de s’assurer qu’une telle problématique ne se reproduise plus.

 

[34]    Dans un tel contexte, le Comité est d’opinion que la suggestion commune des parties est juste et raisonnable.

 

[35]    Cette sanction tient compte également de sanctions similaires que le Comité a imposées dans les affaires ChAD c. Plante, ChAD c. Boilard, ChAD c. Quici et ChAD c. Herskovits[2].

 

[36]    Qui plus est, la jurisprudence a établi à maintes reprises l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes[3].

 

[37]    Il en découle que seules les recommandations communes déraisonnables, qui seraient contraires à l'intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice peuvent être écartées par un comité de discipline.

 

[38]    Dans l’affaire Ungureanu[4], le Tribunal des professions décrit quelle est la fonction des recommandations communes en matière disciplinaire :

[21Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(Nos soulignements)

 

B)       Décision

 

[39]    Pour les motifs ci-haut énoncés, la recommandation commune formulée par les parties est entérinée par le Comité.

 

[40]    En effet, tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

[41]    Or, le Comité est d’avis que la suggestion commune des parties respecte les critères susdits.

 

[42]    Quant aux frais, l’intimé devra assumer les frais et déboursés de l’instance et pourra acquitter les amendes et déboursés en 6 versements mensuels, égaux et consécutifs débutant à compter du 1er jour du mois suivant la signification de la présente décision.

 

[43]    Il va sans dire que si l’intimé est en défaut, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors due deviendra immédiatement exigible.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé Michel Paquin sur les chefs nos 8a., 8b., 9a. et 9b. de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 8a., 8b., 9a. et 9b. de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 37(1o) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation nos 8 et 9;

Sur le chef n8a. :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n8b :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n9a. :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

Sur le chef n9b. :

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 000 $;

CONDAMNE l’intimé au paiement des frais et déboursés;

PERMET à l’intimé d’acquitter les amendes susdites ainsi que les frais et déboursés en 6 versements mensuels, égaux et consécutifs, lesquels seront payables à compter du premier jour du mois suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimé est en défaut de verser l’un ou l’autre des versements susdits, il perdra le bénéfice du terme et toute somme alors due deviendra immédiatement exigible.

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président suppléant du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Chantal Yelle, courtier en assurance de dommages 

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Brian Brochet, C. d’A.Ass., courtier en

assurance de dommages

Membre

 

Me Julien Poirier-Falardeau

Procureur de la partie plaignante

 

Me Sonia Paradis

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 29 juin 2016

 



[1] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC);

[2] 2014 CanLII24914, 2006 CanLII 63937, 2008 CanLII 50540 et 2007 CanLII 33235 (QC CDCHAD);

[3]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 82189 (QC TP) et Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII);

[4]  Infirmières et Infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

[5]  2003 CanLII 32934 (QC CA) aux paragraphes 38 et suivants;

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